AUDITION DE MME BRIGITTE GIRARDIN,
MINISTRE DE L'OUTRE-MER

Au cours d'une séance tenue le 27 octobre 2004, la commission a procédé à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin a indiqué que le budget de son ministère pour 2005 s'élevait à 1,71 milliard d'euros, ce qui représentait une progression de 52 % par rapport à la loi de finances pour 2004. Cependant elle a indiqué que cette progression très importante était due au transfert, sur le budget du ministère de l'outre-mer, de 678 millions d'euros de crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les départements d'outre mer, crédits qui étaient, jusqu'à présent, inscrits au budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. En conséquence, elle a montré qu'il ne s'agissait pas d'une dépense nouvelle, mais d'une anticipation de la mise en place de la loi organique du 1 er aôut 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Mme Brigitte Girardin a indiqué que le passage d'une logique de moyens à une logique de résultats présidait à la gestion des deux priorités de son action politique, qui était l'emploi et le logement, remarquant que les crédits destinés à ces deux politiques représentaient les trois quarts de son budget.

En ce qui concerne la politique pour l'emploi, elle a souligné que 67 % des crédits de son ministère y étaient consacrés, via notamment le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) et les exonérations de charges. Elle a rappelé que la fongibilité complète des crédits du FEDOM devrait permettre de donner plus de souplesse et d'efficacité à la politique de l'emploi. Par ailleurs, elle a indiqué que l'expérimentation de globalisation des crédits de l'emploi, lancée en 2004 en Martinique et mise en oeuvre par la préfecture, serait poursuivie en 2005 et permettait de préfigurer la mise en oeuvre de la LOLF en 2006. Elle a montré que des résultats positifs étaient déjà perceptibles en outre-mer avec une diminution du chômage, l'augmentation de l'emploi salarié et la création d'entreprises dynamiques locales.

En ce qui concerne la politique du logement, elle a souligné que cette dernière constituait une priorité essentielle de l'action du gouvernement et devait également faire l'objet d'adaptations dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF. Ainsi, elle a précisé que deux nouveaux chapitres budgétaires avaient été introduits en 2005, le premier destiné à la coopération régionale et le second aux moyens mis en oeuvre en faveur du logement, montrant que ce chapitre s'élevait à 270 millions d'euros en autorisations de programme et à 173 millions d'euros en crédits de paiement. De plus, elle a indiqué que son objectif était de construire 1.000 logements sociaux supplémentaires en 2005, cette mesure étant renforcée par la montée en puissance des dispositions fiscales de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003.

Enfin, Mme Brigitte Girardin a observé qu'en 2005 les moyens affectés au fonctionnement des préfectures en outre-mer avaient été globalisés, par le transfert des crédits correspondants, au profit du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés publiques.

En conclusion, elle a fait état de son souhait de préparer activement la mise en place de la LOLF, dans un souci de modernisation de l'Etat et dans le respect des engagements pris par le Président de la République en faveur du développement social et économique durable de l'outre-mer.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président , a remercié Mme la ministre pour la clarté et la concision de son exposé liminaire.

M. Henri Torre, rapporteur spécial des crédits de l'outre-mer, a fait état de plusieurs questions concernant le budget du ministère. Il s'est interrogé sur l'évolution des crédits à périmètre constant, du budget du ministère de l'outre-mer, sur le bilan de la globalisation des crédits en faveur de l'emploi en Martinique, et sur les modalités de financement de la dotation de continuité territoriale, d'un montant de 30 millions d'euros. Par ailleurs, il a relevé que des interrogations avaient été formulées sur le respect par l'Etat de ses engagements au titre des contrats de plan Etat-régions. Il a, de plus, relevé que les crédits en faveur de la couverture maladie universelle (CMU) étaient en baisse de 15,6 millions d'euros.

Enfin, il a rappelé les réserves émises par la commission des finances lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 concernant le système de la TVA « remboursée non acquittée », précisant que la seule base légale de ce mécanisme avantageux et d'un montant de 90 millions d'euros était une lettre ministérielle de 1953 que, d'ailleurs, les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie n'avaient pas été en mesure de retrouver.

En réponse à M. Henri Torre, rapporteur spécial des crédits de l'outre-mer , Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , a précisé que le budget du ministère faisait l'objet, depuis plusieurs années, de changements de périmètre qui rendaient difficile tout exercice de comparaison d'une année sur l'autre. De plus, elle a relevé que la mise en place de la LOLF incitait à une prise en compte, non pas des moyens, mais de l'efficacité de la dépense.

S'agissant de l'expérimentation des crédits de l'emploi en Martinique, elle a indiqué que leur gestion faisait l'objet d'un protocole entre le ministère des finances et le ministère de l'outre-mer, ainsi que d'une programmation établie par les préfets, en concertation avec les ministères de l'économie, de l'outre-mer et de l'emploi. Elle a noté que les premiers résultats disponibles montraient la pertinence du dispositif adopté.

S'agissant de la continuité territoriale, elle a reconnu que le système n'était pas satisfaisant en 2004 mais qu'en 2005, les 30 millions d'euros de la dotation de continuité territoriale constitueraient une dotation budgétaire. Elle a relevé que 7 collectivités d'outre-mer sur 9 avaient pris les délibérations nécessaires à la mise en oeuvre de la continuité territoriale. Elle a indiqué son souhait de parvenir, à terme, à un financement associant l'Etat, les régions et l'Union européenne.

S'agissant des contrats de plan, elle a rappelé que des retards avaient été pris la première année, ce qui expliquait un taux de consommation des crédits faible dans le passé, mais que la situation s'améliorait de manière significative, faisant état d'un taux de consommation de 45 % pour la Réunion, 38 % pour la Guyane et 35 % pour la Guadeloupe en 2003, contre 51 % en moyenne prévus pour 2004.

S'agissant de la question relative à la TVA soulevée par le rapporteur spécial, Mme Brigitte Girardin a indiqué que ce dossier avait fait l'objet d'études avec les entreprises concernées et qu'il pouvait se comprendre comme une forme d'aide à l'investissement. Elle a cependant indiqué qu'elle serait prête à étudier une suppression de ce système, susceptible de susciter d'importants effets d'aubaine, sous la réserve que les économies dégagées, de l'ordre de 90 millions d'euros par an, soient réinvesties au bénéfice des actions prioritaires de l'outre-mer.

M. Henri Torre, rapporteur spécial des crédits de l'outre-mer , s'est interrogé sur la possibilité de ne compenser que la fraction de l'aide qui ne pouvait être qualifiée « d'effet d'aubaine ».

M. Jean Arthuis, président , a indiqué qu'il convenait d'étudier l'idée de remplacer le système de la TVA « remboursée non acquittée » par des dotations budgétaires en faveur de l'outre-mer, ce qui rendrait le système plus lisible, et il a souligné que cette proposition pourrait éventuellement faire l'objet d'amendements.

M. André Balarello, rapporteur pour avis du budget des départements d'outre-mer au nom de la commission des lois , s'est interrogé sur la création de logements sociaux en outre-mer, sur les opérateurs locaux qui procédaient à ces travaux, ainsi que sur le point de savoir si les départements d'outre-mer avaient tiré les enseignements des constructions réalisées en métropole et qui s'étaient fortement dégradées.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis du budget des collectivités d'outre-mer au nom de la commission des lois , a relevé qu'il était nécessaire de mener des comparaisons d'une année sur l'autre, à périmètre constant, et d'évaluer avec précision l'impact des politiques menées en termes d'emploi. Il s'est inquiété de l'évolution du prix des billets d'avion, en raison notamment de la forte hausse des prix du pétrole. Il a rappelé que deux nouvelles collectivités devraient être créées à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, suite au référendum en Guadeloupe.

En réponse à M. André Balarello , rapporteur pour avis du budget des départements d'outre-mer au nom de la commission des lois, Mme Brigitte Girardin a rappelé que 1.000 logements sociaux seraient construits dans les DOM, précisant, en ce qui concerne les collectivités d'outre-mer, que cette compétence n'y était plus exercée par l'Etat. Elle a souligné la mise en oeuvre de nouveaux dispositifs en faveur du logement social, notamment l'extension du prêt au logement social (PLS) qui devrait permettre à 400 locataires de quitter le parc de logement social et à 600 ménages d'accéder à la propriété. Elle a rappelé qu'en 2004, 10.900 logements sociaux avaient été financés dans les DOM et à Mayotte. Elle a précisé que les opérateurs étaient des sociétés d'HLM et des sociétés immobilières qui avaient la forme de sociétés d'économie mixte (SEM).

Elle a montré que la question des grands ensembles urbains ne se posait pas en outre-mer, et que la véritable question était plutôt la résorption de l'habitat insalubre.

En réponse à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis du budget des collectivités d'outre-mer au nom de la commission des lois , elle a souligné que les instruments utilisés pour le développement économique étaient de deux ordres : la défiscalisation et les exonérations de charges, et que les résultats montraient l'efficacité de ces mécanismes, citant en exemple, pour 2004, une baisse du chômage de 5,6 % pour les quatre DOM, une baisse du chômage de longue durée de 13,5 % et une baisse du chômage des jeunes de 1,9 %.

Elle a relevé qu'au 30 septembre 2004, 259 dossiers de défiscalisation avaient été présentés, soit un montant de 1,3 milliard d'euros, qui représentait le niveau atteint pour l'année 2003. Elle a fait état de son souhait, partagé par les professionnels, de parvenir à la signature d'une charte de qualité, qui permettrait de donner un « label » sur les montages financiers, afin de rassurer les investisseurs.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur le montant des commissions perçues par les cabinets spécialisés, relevant que des sommes importantes pouvaient, ainsi, être détournées des territoires.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , a précisé que les dossiers retenus faisaient l'objet d'une procédure d'agrément gérée de manière très rigoureuse par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministère de l'outre-mer.

M. Henri Torre, rapporteur spécial de crédits de l'outre-mer , a estimé qu'il pouvait exister des abus, et que le système actuel pouvait permettre à de gros contribuables de bénéficier d'importantes réductions d'impôts, sans réelle retombée pour l'outre-mer. Il est convenu, avec M. Jean Arthuis, président , qu'il pouvait être opportun de procéder, en application de l'article 57 de la LOLF, à un contrôle de la manière dont était réalisée l'instruction de ces dossiers.

Mme Brigitte Girardin a approuvé les propos de M. Christian Cointat, rapporteur pour avis du budget des collectivités d'outre-mer au nom de la commission des lois , sur la desserte de l'outre-mer et le prix des billets d'avion, indiquant que la disposition qui consistait à exonérer de charges sociales les personnels des compagnies aériennes en poste outre-mer avait permis de créer une attractivité pour le territoire, relevant, à titre d'exemple, que deux nouvelles compagnies desservaient la Réunion. Elle a indiqué son souhait de renforcer les obligations de service public des compagnies aériennes.

En ce qui concerne le changement de statut de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, elle a précisé qu'il devrait se faire à budget constant, par redéploiement des crédits de la région Guadeloupe.

M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur l'évaluation de l'impact, en termes d'emplois, des exonérations de charges et de défiscalisation, ainsi que sur le développement du potentiel touristique des DOM.

M. François Trucy s'est interrogé sur l'efficacité du service militaire adapté (SMA) en outre-mer.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2004, un article 125 avait été voté qui prescrivait la publication d'un rapport, au 1 er avril 2004, concernant la question de l'indemnité temporaire dans certains territoires d'outre-mer, s'étonnant de n'avoir été, à ce jour, destinataire d'aucun document. Il s'est interrogé sur la réforme, qui lui paraissait nécessaire, des compléments de rémunérations dans les DOM, rappelant que ce complément était d'un montant supérieur à la différence des prix constatée avec la métropole. Enfin, il a demandé des précisions sur les contrôles mis en place sur la dotation globale de développement économique versée à la Polynésie française en compensation de la fin des essais nucléaires.

M. Auguste Cazalet s'est étonné du système de TVA « remboursée mais non acquittée » que le rapporteur spécial avait présenté.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou , Mme Brigitte Girardin a indiqué que la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 prévoyait une évaluation, tous les trois ans, de l'impact de ces mesures, ce qui lui paraissait être une durée suffisante pour avoir le recul nécessaire.

S'agissant du tourisme, elle a relevé que les équipements hôteliers dans les DOM devaient être rénovés, afin de renforcer l'attractivité du territoire, et que la loi de programme pour l'outre-mer précitée contenait des dispositions en faveur de la réhabilitation des constructions hôtelières.

En réponse à M. François Trucy , elle a indiqué que le service militaire adapté (SMA) était un outil qu'elle trouvait « exemplaire » car il avait fait ses preuves et qu'il convenait de développer, indiquant que, sur 2.000 jeunes, en 2004, le taux d'insertion professionnelle, à l'issue du SMA, s'élevait à 71 %. Elle a rappelé l'existence d'un centre à Périgueux qui lui paraissait d'une importance toute particulière, puisqu'il permettait aux jeunes ultramarins de suivre des formations qui n'étaient pas dispensées en outre-mer.

En réponse à M. Jean Arthuis, président , elle a souligné que le rapport prévu par l'article 125 de la loi de finances pour 2004 avait été pris en charge par le ministère des finances, qui avait chargé l'INSEE d'une étude, relevant qu'elle n'avait pas, elle non plus, été rendue destinataire de ses conclusions.

De manière plus générale, elle a indiqué que l'outre-mer n'était pas réticente aux réformes, mais que celles-ci devaient répondre à trois conditions : faire l'objet d'une concertation avec les acteurs locaux, reposer sur une analyse économique étayée, et que les économies dégagées devaient être redéployées en faveur de l'outre-mer. Elle a indiqué, à ce propos, que les conseillers économiques et sociaux avaient la faculté de mener ce type d'étude et d'y associer l'ensemble des acteurs.

Elle a relevé que le système des congés bonifiés, qui permettait aux personnes originaires de l'outre-mer travaillant en métropole de bénéficier, tous les trois ans, de billets d'avion et de deux mois de congé bonifié en outre-mer, pourrait être rapidement remplacé par un autre système, plus soucieux de l'équilibre budgétaire et des attentes exprimées par les bénéficiaires. Elle a déclaré vouloir aboutir rapidement sur ce dossier et a indiqué vouloir y associer les conseillers économiques et sociaux.

Enfin, en ce qui concerne la Polynésie, elle a rappelé que la chambre régionale des comptes avait la faculté de contrôler ces crédits, et que le comité de suivi serait réuni en 2005. A la demande de M. Jean Arthuis, président , elle a indiqué que le règlement de ce comité serait transmis à la commission des finances, de même que les résultats de ses travaux.

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