B. OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES OBJECTIFS ET LES INDICATEURS
A titre liminaire, votre rapporteur spécial salue la qualité de l'avant-projet annuel de performance pour la mission interministérielle « Enseignement scolaire ».
En effet, ce document de présentation des six programmes de la mission interministérielle, notamment des cinq programmes relevant du ministère de l'éducation nationale, ainsi que des 31 objectifs et des 105 indicateurs qui leurs sont associés, est aussi dense que clair .
Et votre rapporteur spécial se félicite de l'avancée que constitue l'exposition, dans un même document, des finalités générales assignées à l'enseignement scolaire . Par exemple, les finalités générales assignées à l'école dans le programme « Enseignement scolaire public du premier degré », sont de fournir les instruments et les éléments fondamentaux du savoir, de conduire tous les élèves à exercer et développer leurs qualités, de prévenir les difficultés scolaires, à dépister les handicaps et à compenser les inégalités.
En outre, votre rapporteur spécial se félicite de l'effort de hiérarchisation des objectifs assignés à l'enseignement scolaire entrepris au travers de la présentation de cet avant-PAP et de l'accent mis sur des objectifs exprimés en termes de niveau scolaire.
En effet, comme le soulignait l'IGAENR dans son rapport général pour 2002 : « la France ne peut plus se contenter de politiques éducatives fixant des objectifs d'accueil de telle classe d'âge à un niveau donné de la scolarisation. Elle doit se donner les moyens, maintenant, de mesurer les acquis des élèves à l'issue de tous les cycles de scolarisation et intégrer la mesure des acquis comme un mode de fonctionnement habituel ».
Votre rapporteur spécial salue également la démarche consistant, conformément à l'esprit de la LOLF, à retenir les indicateurs les plus représentatifs des objectifs fixés, et non pas à choisir les indicateurs, voire les objectifs, en fonction des statistiques disponibles.
Cette démarche s'inscrit en effet en rupture par rapport aux travers dénoncés l'an passé par votre commission des finances, qui soulignait, dans son commentaire des objectifs et des indicateurs assignés aux agrégats que « [les] indicateurs ont été construits à partir de la profusion de statistiques produites par l'éducation nationale sur l'enseignement scolaire public et ne résultent presque jamais de données élaborées en réponse aux questions nouvelles que devrait poser la réforme budgétaire ».
De même, cette démarche répond à la préconisation de l'IGAENR selon laquelle « il [conviendrait] de reconfigurer les systèmes d'information et d'évaluation du ministère en fonction des besoins du pilotage et de les asservir plus clairement à l'arborescence des programmes » 34 ( * ) .
De ce fait, 44 % des indicateurs sont à construire ou en cours de construction . Et le nombre d'indicateurs à construire est particulièrement élevé pour le programme « Enseignement privé du premier et du second degrés » (15 indicateurs sur 26), du fait de l'absence d'indicateurs afférent à l'enseignement privé les années précédentes, ce qu'avait regretté votre commission des finances.
Enfin, votre rapporteur se félicite des efforts de mise en cohérence des objectifs et des indicateurs des différents programmes relevant du ministère de l'éducation nationale , notamment à travers la reprise systématique de certains objectifs et indicateurs dans plusieurs programmes, comme l'objectif de promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif, qui est inscrit aussi bien dans le programme « Enseignement scolaire public du premier degré » que dans le programme « Enseignement scolaire public du second degré ».
En particulier, on peut souligner que les objectifs et les indicateurs retenus pour l'enseignement privé sont pour une large part identiques à ceux retenus pour l'enseignement public.
On peut d'ailleurs regretter que cet effort de mise en cohérence n'ait pas concerné le programme « Enseignement technique agricole », qui relève du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
L'avant-PAP appelle d'ailleurs plusieurs autres observations critiques.
Tout d'abord, on peut s'étonner de la faible articulation entre l'avant-PAP et la stratégie ministérielle de réforme (SMR) du ministère de l'éducation nationale. En effet, seules deux des huit mesures prioritaires retenues dans le cadre de la nouvelle SMR décidée par M. François Fillon trouvent un écho dans les objectifs ou les indicateurs de l'avant-projet annuel de performances. Cela suggère en effet ou bien que la SMR ne porte que sur des points marginaux de l'action du ministère, ou bien que l'avant-PAP n'en présente pas réellement des priorités.
Cette situation doit bien évidemment être corrigée dans le cadre du projet annuel de performances pour 2006.
De même, il conviendra que le PAP pour 2006 soit étroitement coordonné avec les objectifs qui seront retenus dans la future loi d'orientation sur l'école, et notamment que les « cibles » quantitatives assignées aux indicateurs du PAP pour 2006 soient cohérentes avec celles fixées par la loi d'orientation précitée.
Par ailleurs, votre rapporteur spécial déplore certains silences ou omissions de l'avant-PAP. En particulier, celui-ci ne comporte aucun objectif ou indicateur relatif :
- aux classes préparatoires aux grandes écoles ;
- à l'évaluation des enseignants ;
- à la maîtrise de l'offre d'enseignement ;
- à l'école maternelle.
De même, on peut regretter que l'avant-PAP n'accorde pas assez d'importance à l'orientation des élèves.
Les résultats incertains de l'orientation selon la Cour des Comptes
« Alors que l'orientation constitue une opération décisive pour le fonctionnement et les résultats du système scolaire, aucune analyse globale n'en a été faite depuis 1988. Certes de nombreuses études de la DPD, du centre d'études et de recherche sur les emplois et les qualifications (CEREQ) ou de l'institut national d'études du travail et l'orientation professionnelle (INETOP) traitent des parcours scolaires et de l'insertion professionnelle des jeunes, mais ces travaux diversifiés constituent davantage des observations de cohortes d'élèves que de véritables évaluations.
A l'échelle des académies, l'efficacité de l'orientation n'est évaluée que de façon ponctuelle et selon des méthodologies diverses qui empêchent d'en dégager une appréciation générale. A leur niveau, les chefs du service académique d'information et d'orientation (CSAIO), les inspecteurs d'académie, les IEN-IO ou encore les chefs d'établissement d'un même bassin ou district ressentent le besoin de définir de nombreux indicateurs statistiques : taux de redoublement, orientations par grandes voies, développement des sections des filières professionnelles, actions de réinsertion, etc. Mais ces indicateurs sont hétérogènes, si bien que les résultats en matière d'orientation demeurent difficiles à interpréter et rendent aléatoire toute comparaison entre académies.
L'étape majeure de l'orientation, qui se situe aujourd'hui à la fin de la classe de troisième, illustre les défauts de cette procédure dont l'efficacité apparaît limitée et les effets insuffisamment évalués.
Si celle-ci rencontre globalement l'adhésion des familles, les taux d'appel des décisions d'affectation à l'issue du collège varient tout d'abord sensiblement selon les régions. Ces différences reflètent les caractéristiques régionales des académies et notamment la composition socioprofessionnelle de leur population. Alors qu'en 2001, le taux d'appel atteint 5,4 % à Paris et 3,5 % à Versailles, il n'est que de 0,7 % à Amiens, 0,8 % à Lille et 0,9 % à Reims. Dans ces académies, qui présentent une population active peu qualifiée ou confrontée à des difficultés sociales, les familles se montrent comparativement plus soumises aux décisions de l'institution scolaire.
L'ambiguïté des politiques académiques en matière d'orientation tient également au fait que les décisions d'affectation apparaissent parfois moins liées aux intérêts des élèves que conditionnées par les formations disponibles dans l'académie, et notamment par la volonté de mieux utiliser les structures existantes dans l'enseignement professionnel et dans les formations technologiques des lycées. Le taux d'orientation vers les filières professionnelles varie ainsi, selon les académies, de 18 % à 38 % des effectifs. Les taux les plus élevés concernent les académies qui présentent une forte proportion de lycées professionnels (Lille, Amiens, Besançon, Caen et Reims) et ce constat laisse supposer que la structure de l'offre de formation conditionne, au moins pour partie, l'orientation des élèves.
Si le souci d'une utilisation optimale et d'un meilleur remplissage des différentes structures et filières d'enseignement n'est pas en soi critiquable, il ne saurait toutefois remplacer l'indispensable réflexion sur l'adéquation de l'offre, non seulement à la demande des jeunes et des familles, mais également aux besoins des employeurs et à l'évolution technologique. L'absence d'une véritable politique d'orientation conduit ainsi nombre d'académies à ouvrir des formations nouvelles sans pour autant en fermer d'autres devenues obsolètes par rapport aux besoins de l'économie. Il en résulte une offre de formation qui est à la fois, surdimensionnée par rapport à la demande des élèves dans les secteurs porteurs et inadaptée dans ceux qui ne le sont pas.
Au-delà de la fin du collège, la classe de seconde constitue une phase ultérieure d'ajustement des choix opérés en classe de troisième. Elle doit en particulier offrir la possibilité d'une réorientation, notamment en fonction des options choisies par l'élève durant cette année. Dans cette perspective, le code de l'éducation prévoit la mise en oeuvre de « passerelles » qui permettent, par des structures pédagogiques appropriées, le passage d'un type de lycée vers un autre. On ne peut, dans la pratique, que nourrir des doutes sur l'efficacité de ces mesures : les classes de première d'adaptation sont le principal dispositif qui permet ces passages mais leurs effectifs demeurent stagnants et peu d'élèves des filières professionnelles rejoignent aujourd'hui les classes des lycées généraux et technologiques.
Les interrogations qui demeurent quant à l'efficacité de l'orientation doivent être mises en regard des crédits consacrés à ces procédures. Les emplois concernés représentent ainsi, sur le chapitre 31-93, un effectif de 4 360 personnes, auxquels s'ajoutent une centaine d'IEN-IO, ainsi que les 510 emplois du réseau de l'ONISEP. Ce dernier bénéficie, en outre, d'une subvention annuelle de 25,5 M€ à laquelle s'ajoutent les crédits alloués aux CIO par les académies ou les collectivités territoriales. Enfin les dotations inscrites au budget de l'éducation nationale, au titre de l'ISOE, s'élèvent, en 2001, à près de 650 M€. ».
Source : rapport public particulier de la Cour des comptes d'avril 2003 sur la gestion du système éducatif
Enfin, votre rapporteur regrette la confusion pouvant résulter de ce que le résultat de certains indicateurs dépend parfois très largement des actions conduites dans le cadre d'un autre programme : ainsi l'intégration des élèves handicapés, que ce soit dans le programme « Enseignement scolaire public du premier degré » ou le programme « Enseignement scolaire public du second degré », dépend étroitement du nombre d'auxiliaires de vie scolaire qui relève du programme « Vie de l'élève ».
* 34 Cf. le rapport général de l'IGAENR pour 2002, page 57.