II. LES ENSEIGNEMENTS DE LA MISSION DE CONTRÔLE DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL EN AFRIQUE DE L'OUEST

Lors de la mission de contrôle sur pièces et sur place qu'il a réalisée en février 2004 dans quatre pays de l'Afrique de l'ouest ( Mauritanie, Sénégal, Mali et Côte d'Ivoire ), votre rapporteur spécial a constaté des situations budgétaires parfois difficiles dans les postes, particulièrement sur les projets du Fonds de solidarité prioritaire (FSP), et des erreurs et imprécisions, mais aucun manquement majeur à la législation comptable et financière. Ses observations ont fait l'objet d'un rapport confidentiel adressé aux autorités compétentes, auquel le ministère des affaires étrangères a apporté une série de réponses argumentées 9 ( * ) . Le présent rapport reprend les principales observations de votre rapporteur spécial sur certains thèmes de contrôle, en particulier la gestion du FSP et la coopération avec les ONG ; les éléments ci-après en constituent la synthèse et restituent les réponses des services du ministère.

A. LA GESTION DES PROJETS DU FSP ET DE L'AFD

1. Le FSP, symbole des limites de la rhétorique diplomatique

Votre rapporteur spécial a mesuré l'ampleur de la crise de paiements du FSP dans certains postes (particulièrement au Sénégal et au Mali) et a constaté une discordance croissante entre les engagements politiques tendant à faire de l'APD une priorité au service du développement des pays pauvres et du rayonnement de la France, et la réalité de l'exécution budgétaire , suscitant l'incompréhension et l'amertume chez nos partenaires. De façon concrète, la pénurie de crédits de paiement 10 ( * ) et l'« étranglement » du FSP se sont traduits dans certains cas par l'arrêt des projets dès la fin du premier semestre et le non paiement de factures antérieures au 1 er janvier 2004, qui ont dès lors été reportées sur 2004. Une fois assurés le paiement de ces factures et les engagements minimaux au titre des projets vivants, plusieurs SCAC ne disposaient que de peu ou pas de moyens pour initier de nouvelles actions en 2004.

Votre rapporteur spécial s'est ému de cette situation auprès du président de la République au cours même de sa mission. La situation budgétaire a toutefois été redressée en cours de gestion sur l'exercice 2004, avec un abondement supplémentaire des crédits de paiement du FSP de 50 millions d'euros, décidé le 10 mars 2004 et prélevé sur les résultats de l'AFD. Dans le projet de loi de finances pour 2005, l'écart cumulé entre autorisations de programme (AP) et crédits de paiement (CP), qui avait crû dans des proportions confinant à l'absurde au cours des trois derniers exercices, connaît enfin une inversion de tendance et les CP 11 ( * ) deviennent largement supérieurs aux AP (cf. la sous-partie du présent rapport relative au FSP). La répartition des CP disponibles en 2004 a été réalisée entre les projets mis en oeuvre par l'administration centrale (FSP mobilisateurs) et les projets-pays selon un ratio 40/60, stable depuis plusieurs années. Le partage des CP entre les différents pays a ensuite été effectué en tenant compte de la demande de chaque poste modulée par l'encours des projets opérationnels, le montant des engagements non soldés, le taux de décaissement de l'exercice précédent et le nombre de projets nouveaux susceptibles de voir le jour dans l'année. Votre rapporteur spécial considère que ces clefs de répartition sont pertinentes et respectent l'impératif d'incitation des postes à une meilleure gestion de leurs crédits.

Votre rapporteur spécial a formulé plusieurs recommandations tendant à un meilleur fonctionnement structurel du FSP et à la nécessité d'un effort de rigueur partagé , évitant de donner l'impression que le MAE navigue à vue au gré des succès furtifs remportés lors des négociations budgétaires. Le MAE s'est montré en accord avec ces observations :

- acquitter en priorité et avant tout autre engagement de dépenses les impayés de 2003 . La DGCID a effectivement donné la priorité à l'apurement du passé dans ses instructions de début 2004 ;

- mettre fin à l' « acharnement thérapeutique » sur des projets qui fonctionnent mal ou qui pâtissent d'une absence de motivation réelle du partenaire. Votre rapporteur spécial a ainsi suggéré que l'inspection générale du MAE puisse par exemple pouvoir suspendre ou annuler d'office les projets engagés depuis plus de cinq ans et dont le taux de décaissement est inférieur à 25 %. Cela suppose que les évaluations - qui ne manquent pas - soient objectives et suivies d'effets, et que la gestion du FSP soit assortie d'indicateurs et d'objectifs précis. Le MAE a précisé à votre rapporteur spécial qu'entre février et avril 2004, le comité d'examen des projets, sous la présidence du directeur général de la DGCID, avait procédé à une revue des 536 projets vivants du Fonds. A l'issue de cet examen, tous les projets de plus de cinq ans ont été systématiquement clôturés, ce qui va au-delà des recommandations de votre rapporteur spécial . Il s'attachera néanmoins, lors de ses prochaines missions de contrôle, à vérifier que ces instructions ont bien été mises en oeuvre. Le MAE rappelle également que tous les évaluations finales de projets sont désormais réalisées par des consultants extérieurs ;

- resserrer de manière effective les priorités des SCAC , plutôt que de camoufler dans la rhétorique le maintien d'axes d'intervention multiples et dispersés. Le MAE reconnaît que les documents de stratégie pays (DSP) ont montré leurs limites, manquent de précisions et ne procèdent pas à une concentration suffisante de l'aide sur un nombre réduit de secteurs. Les documents cadre de partenariat , annoncés par le CICID du 20 juillet 2004, répondent à cet impératif de hiérarchisation et de synthèse. Ils devraient dans un premier temps comporter un maximum de cinq pages, qui seront ensuite ramenées à deux ou trois dans les cinq prochaines années, et s'imposeront à l'ensemble des acteurs publics du développement, ce qui n'est pas le cas des DSP actuels ;

- la réforme comptable du FSP , prévue par le décret n° 2000-880 du 11 septembre 2000 relatif au Fonds de solidarité prioritaire, se traduit par un processus de transition lent, complexe, rigide et source de coûts fixes (du fait des nombreux mandats de faible montant) pour l'AFD en tant que payeur. L'absence de fongibilité, entre les paiements réalisés par l'AFD au titre de l'ancien Fonds d'aide et de coopération (FAC) et ceux effectués par le réseau du Trésor public, peut conduire à des contradictions, comme en Côte d'Ivoire. Lorsque l'Agence dispose d'une abondante trésorerie en crédits de paiement sur le FAC non utilisée, et que le FSP manque de crédits au point de ne plus pouvoir payer, ou inversement, un système d'avances de courte durée entre l'AFD et le FSP permettrait d'éviter à la France d'être humiliée en tant que mauvais payeur. Le MAE reconnaît que le maintien parallèle des deux systèmes est une source de complications inutiles , mais ne retient pas une telle fongibilité purement pratique et indique que l'ensemble des projets devrait être basculé dans la réforme au 31 décembre 2005.

Le ministère a également indiqué à votre rapporteur spécial que la DGCID avait lancé en septembre 2003 un processus de mise en place du contrôle de gestion . Le consultant KPMG a ainsi été sélectionné après appel d'offres. Votre rapporteur spécial rappelle que cette démarche, présentée comme volontariste, constitue avant tout une conséquence de l'application de la LOLF, et traduit plus probablement le retard pris par le MAE en ce domaine.

* 9 Le ministère a notamment relevé certaines erreurs portant sur les moyens financiers attribués aux postes visités. Votre rapporteur spécial rappelle qu'il s'est fondé sur les données fournies par les postes eux-mêmes, qui étaient de fait parfois entachées d'incohérences.

* 10 Cette insuffisance de crédits n'a pas été interrompue en 2004. Dans une note adressée le 10 février aux ambassadeurs et conseillers de coopération et d'action culturelle de la ZSP, le directeur général de la DGCID constatait que « les CP mis à notre disposition ne permettront pas de financer en 2004 la mise en oeuvre de l'ensemble de nos projets de coopération. Les demandes des postes et des services centraux sont en effet trois fois supérieures aux CP ouverts ».

* 11 Lors de la conférence budgétaire de première phase de juin 2004, le MAE a proposé au ministère délégué au budget de fixer durant plusieurs exercices les CP du FSP à 235 millions d'euros , soit une croissance de 67,9 % par rapport à la dotation de 2003. Cette demande pour le moins ambitieuse n'a logiquement pas été retenue, et si la dotation finalement retenue n'est sans doute pas conforme à ce qu'une couverture intégrale des AP cumulées aurait exigé, elle est néanmoins cohérente avec la contrainte budgétaire sur l'ensemble des crédits de l'Etat comme avec le recentrage des secteurs d'affectation du FSP, suite aux conclusions du CICID du 20 juillet 2004.

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