PREMIERE PARTIE : ANALYSE GÉNÉRALE DE L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE

I. EVOLUTION DE L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE DEPUIS 1996

A. DEPUIS 2002, LES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE SONT RESPECTÉS

1. Mise en perspective de l'aide française depuis dix ans

a) La chute de la fin de la décennie 90 a été enrayée

L'aide française au développement inclut trois composantes : l'aide publique au développement (APD) au sens du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, les apports du secteur privé à des conditions de marché et les apports des ONG aux pays tiers. Les apports du secteur privé, qui s'entendent en solde net (ce qui limite la portée de l'évolution des données), comprennent les investissements directs, les crédits à l'exportation et les investissements de portefeuille.

Sur une perspective de plus long terme, de 1982 à 2000, le total des apports financiers nets de la France aux pays en développement et aux organismes multilatéraux a diminué en volume de 47,7 % (soit une baisse de plus de six milliards de dollars). Cette évolution est cependant loin d'être linéaire puisque l'aide française a en réalité progressé jusqu'en 1996, pour diminuer ensuite de plus de moitié en quatre années. Cette chute est d'abord due à la forte baisse des apports nets de capitaux privés (- 81 %), mais également à la régression de l'aide publique, en particulier bilatérale.

La décennie 90 a été peu propice à l'APD : l'effort français en la matière est passé de 5,09 milliards d'euros en 1996 - hors TOM 16 ( * ) - à 4,5 milliards d'euros en 2000, soit un e baisse de plus de 10 %. Le ratio APD/RNB 17 ( * ) hors TOM, plus éclairant en termes d'effort réel, est également tombé de 0,42 % en 1996 à 0,32 % en 2000.

Entre 2000 et 2004 (selon les prévisions d'exécution à fin septembre) , l'aide aux Etats étrangers au sens du CAD a en revanche progressé de 52 % pour s'établir à 6,77 milliards d'euros, soit 0,42 % du RNB.

b) Les ambiguïtés de la comptabilisation de l'APD

La comptabilisation de l'APD au sens budgétaire français et selon l'OCDE présente de nombreuses différences , essentiellement imputables aux prêts de l'AFD et aux annulations de dettes (cf. encadré ci-après). Il est précisé dans le « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2005 que le chiffrage que retient ce document pour l'effort d'APD est effectué d'après la méthodologie retenue par le CAD ; en revanche la présentation des crédits budgétaires correspond toujours aux règles de comptabilisation françaises.

Dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie indique comme l'année précédente qu' « il n'apparaît pas envisageable d'harmoniser ces données à moyen terme » , sans d'autres explications. La perspective de cette harmonisation semble donc bel et bien abandonnée, au moins à moyen terme. Votre rapporteur spécial considère que s'il demeure possible de justifier ces différences de comptabilisation, il importe néanmoins qu'elles soient transparentes pour le citoyen et que la correspondance entre données soit claire et détaillée dans les documents budgétaires. Certains documents disponibles sur le site Internet du ministère des finances témoignent de la volonté des corps de contrôle d'obtenir des gestionnaires des informations exhaustives sur la transition entre crédits budgétaires et APD selon le CAD. Mais ces travaux de comptabilisation ne se sont guère traduits dans les informations transmises au Parlement. En outre, la transmission tardive, cette année, du « jaune » budgétaire, document indispensable à l'étude des crédits de coopération, ne facilite pas l'analyse de la ventilation des crédits d'APD entre les différents ministères.

Les différences de comptabilisation de l'APD selon l'OCDE et selon les données budgétaires

Une des grandes difficultés de l'évaluation de l'APD française est liée au référentiel utilisé et à l'absence d'homogénéité entre la comptabilisation de l'APD par le CAD et de l'OCDE et celle présentée dans les documents budgétaire s. Cette lacune est connue, mais semble particulièrement prononcée dans le cas de la France.

Ce document rappelle en note préliminaire que la comptabilisation de l'effort d'APD au sens du CAD diffère des inscriptions budgétaires, mais fournit des explications encore trop synthétiques. Le « jaune » souffre en outre de l'absence d'une grille de lecture et d'une table de passage entre les deux modes de comptabilisation . Ainsi, un montant important de crédits comptabilisés par le CAD ne l'est pas dans les documents budgétaires, et inversement certains crédits inscrits dans les budgets des ministères ne sont pas retenus par le CAD. La première catégorie d'écarts repose sur les principaux éléments suivants :

- les directives du CAD préconisent la prise en compte des décaissements annuels nets des remboursements effectués par les bénéficiaires, que l'origine des dépenses soit budgétaire ou non, alors que l'impact budgétaire ne porte que sur la bonification . L'APD au sens du CAD intègre donc notamment des prêts financés sur ressources extra-budgétaires et peut présenter un écart significatif avec les données budgétaires de la loi de finances initiale et relatives à l'exécution, dans la mesure où la majeure partie des prêts transitent par des comptes spéciaux du Trésor. De même les annulations de créances commerciales gérées par la COFACE n'affectent pas directement le budget de l'Etat, mais ont un impact budgétaire indirect en affectant le besoin de dotation ou la capacité de prélèvement de l'Etat sur la trésorerie de l'assurance-crédit ;

- les périodes de référence des annulations de dette et de la contribution au FED sont différentes : la comptabilisation de l'effort d'APD se fonde sur l'année civile, tandis que la gestion budgétaire prend en compte l'année civile et la période complémentaire ;

- la valorisation du coût induit en France par les étudiants de deuxième et troisième cycle provenant des pays éligibles à l'APD (écolage) ne figure pas dans les dotations budgétaires, et peut être évaluée à environ 450 millions d'euros par an ;

- la participation au budget général de l'Union européenne au titre de l'aide extérieure et de la coopération , distincte de la contribution au FED (qui est comptabilisée dans les crédits budgétaires concourant à la coopération) est prise en compte par le CAD. Cette participation ne donne pas lieu à inscription budgétaire, dans la mesure où la contribution de la France au budget européen fait l'objet d'un prélèvement sur recettes et n'est pas ventilée par affectation sur les différentes rubriques du budget communautaire 18 ( * ) ;

- les données du CAD incluent les coûts administratifs , qui s'élèvent à plus de 200 millions d'euros par an, ainsi que les coûts d'assistance aux réfugiés , d'un montant proche, qui ne sont l'un et l'autre pas retenus dans les données budgétaires ;

- des écarts peuvent affecter les dépenses de recherche , celles notifiées au CAD étant supérieures aux crédits figurant dans le budget du ministère de la recherche au titre de la coopération.

Inversement, les dotations budgétaires non comptabilisées par le CAD sont les suivantes :

- le périmètre géographique retenu par le CAD comprend certains TOM, mais les dépenses dans les TOM non retenus par le CAD ne peuvent être entièrement déduites des inscriptions budgétaires (tel est le cas de certains prêts concessionnels de l'AFD) ;

- lorsqu'ils sont annulés, les prêts déjà accordés dans le cadre de l'APD, et qui ont donc créé un coût budgétaire lors de leur octroi, ne comptent que pour la valeur des intérêts annulés dans les données du CAD, alors que l'effort budgétaire porte sur la totalité des échéances dues (capital et intérêt), en particulier dans le chapitre relatif aux contrats de désendettement-développement, qui portent sur des annulations de créances APD après le point

d'achèvement de l'initiative PPTE. Cet écart pourrait atteindre 300 millions d'euros en 2006-2007, lorsque les C2D auront atteint leur régime de croisière. De même, les annulations de créances au titre des mesures de l'accord de Dakar font l'objet d'une imputation budgétaire supérieure portant sur l'annulation du principal, tandis que seule l'annulation des intérêts est comptabilisée en APD par le CAD ;

- certaines dépenses, comme l'assistance militaire ou une partie des bonifications d'intérêts , sont exclues par le CAD et comptabilisées dans les crédits budgétaires concourrant à la coopération. Dans le cadre de la réflexion sur les relations entre sécurité et développement, les dépenses liées au maintien de la paix pourraient être mieux prises en compte dans l'APD ;

- les dons aux organismes multilatéraux sont une autre source d'écarts, les directives du CAD ne retenant, pour certains de ces organismes, qu'une partie des dons comme éligibles à l'APD, lorsque ces organismes interviennent pour partie dans des pays ne relevant pas de l'APD (comme c'est le cas pour le Fonds pour l'Environnement Mondial ou l'UNESCO).

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

* 16 Le Comité d'Aide au Développement de l'OCDE, dans le cadre de sa révision triennale de la liste des pays bénéficiaires de l'APD, a en 2000 induit un changement de périmètre de l'APD globale de la France, puisque la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ont été exclues du groupe des TOM bénéficiaires, ce qui a contribué à diminuer le montant de l'APD globale de près de 580 millions d'euros. Aujourd'hui seuls Wallis-et-Futuna et Mayotte sont éligibles à l'APD au sens du CAD.

* 17 Le revenu national brut constitue la nouvelle unité de mesure du CAD et demeure proche du PNB.

* 18 Les données correspondantes pour chaque rubrique sont donc extrapolées à partir de la clef de contribution annuelle de la France (16,4 % en 2005).

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