CHAPITRE II :
LA STABILISATION DE LA DÉPENSE DE L'ETAT,
PREMIÈRE ETAPE D'UNE MAÎTRISE
DES DÉPENSES
PUBLIQUES
Pour la troisième année consécutive, le gouvernement prévoit une stabilisation en volume des dépenses de l'Etat . Cet objectif est rendu crédible par les deux exercices précédents au cours desquels la norme de dépense fixée par le Parlement a été respectée. Pour autant, des tensions inflationnistes subsistent dans certains ministères, comme celui du ministère de la défense, avec la question, toujours non réglée, de la prise en charge budgétaire des OPEX : elles rendront l'exercice de régulation des crédits en cours d'exécution aussi difficile que les années précédentes.
Si la stabilisation en 2005 des dépenses de l'Etat peut raisonnablement être atteinte, son corollaire, la modernisation de la gestion publique, reste au milieu du gué . Le principe fixé par le Premier Ministre du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux n'est pas respecté , malgré la poursuite d'un réel effort de réduction des effectifs publics. Une réduction d'effectifs substantielle ne sera rendue possible que par la réalisation d'importants gains de productivité . Or les coupes claires dans certains crédits, notamment ceux d'intervention, mais aussi d'informatique, s'ils suppléent les gains de productivité lorsqu'il s'agit de satisfaire à l'objectif quantitatif de maîtrise des dépenses, ne peuvent tenir lieu d'une réforme de l'Etat, nécessairement plus qualitative.
De manière plus globale, la France ne s'écartera pas complètement en 2005 du sentier de croissance de la dépense publique emprunté depuis plus de 25 ans. Le poids des dépenses publiques dans le PIB atteindra 53,6 %, soit un retour au niveau de l'année 2002. La progression des dépenses autres que celles de l'Etat se poursuit en effet.
Néanmoins, il convient de mettre au crédit du présent gouvernement un réel succès : malgré le creux conjoncturel enregistré à compter de 2002, le niveau des dépenses publiques n'est jamais repassé au-dessus de la courbe de tendance ou « trend » de long terme . Si la discipline budgétaire se maintient, le retour de la croissance pourrait donner lieu au cours des prochaines années à une inflexion durable du niveau des dépenses publiques.
A. QUELLES PRIORITÉS BUDGÉTAIRES POUR L'ETAT EN 2005 ?
1. La poursuite d'un effort en faveur de l'investissement
Le projet de loi de finances pour 2005 est le dernier à être présenté selon les principes de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Compte tenu d'expérimentations nombreuses visant à globaliser certains chapitres de fonctionnement, d'intervention et d'investissement selon les principes définis par la LOLF, la lecture du projet de loi de finances pour 2005 est difficile. Sa lisibilité, compte tenu des habitudes héritées de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, s'en trouve perturbée. Il en est ainsi des crédits d'investissement dont l'évolution à structure courante n'est pas significative. Seule la présentation des crédits d'investissement selon la nouvelle nomenclature (titre 5) offre quelques éclaircissements.
Selon ce nouveau référentiel, qui n'est pas totalement stabilisé, les dépenses d'investissement passeraient de 13,99 milliards d'euros en 2004 à 14,6 milliards d'euros en 2005, soit une augmentation de 4,3 %. Au sein de ces crédits, les dépenses d'investissement militaire progresseraient de 6,7 %. Les dépenses d'investissement civils baisseraient en parallèle, à structure courante, de 4,16 %.
Dépenses d'investissement 2004 et 2005
(en milliards d'euros)
2. Le nécessaire mais difficile respect des lois d'orientation et de programme
Le projet de loi de finances pour 2005, comme c'était le cas de la loi de finances initiale pour 2004, comporte les crédits nécessaires au respect des lois d'orientation et de programmation pour la justice (loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002) et pour la sécurité intérieure (loi n° 2002-1094 du 29 août 2002) et à celui de la loi de programmation militaire (loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003).
Selon le dossier de presse réalisé à l'occasion de la présentation du budget, les crédits inscrits sur le budget de la défense permettent de se conformer à la loi de programmation et d'atteindre en cinq ans l'enveloppe de 15,2 milliards d'euros prévue pour les crédits d'équipement.
En ce qui concerne la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la loi de finances pour 2005 prévoit la création de 1.000 postes de policiers et de 700 postes de gendarmes.
Enfin, l'enveloppe budgétaire prévue par la loi d'orientation pour la justice pour cinq ans sera consommée en 2005, trois ans après l'intervention de la loi, à hauteur de 83 %. 1.100 emplois seraient créés.
Néanmoins, il conviendra de veiller, en 2005 comme en 2004, aux conditions d'exécution des crédits inscrits au titre de ces lois d'orientation et de programmation. Au ministre de la défense, le taux de consommation des crédits inscrits au titre III dans le cadre de la loi de programmation apparaît singulièrement élevé dès les premiers mois de l'année, ce qui pourrait être interprété comme le signe d'une sous-estimation initiale des besoins du ministère de la défense.
3. Quels sont les budgets prioritaires ?
La présentation des crédits par ministère pour 2005 rend l'analyse des évolutions de crédits difficile compte tenu des importants transferts entre fascicules. Les pourcentages d'évolution ne peuvent être considérés « tels quels » sans un retraitement budgétaire que la commission des finances ne peut pour l'heure pas encore réaliser compte tenu du manque d'informations disponibles.
Les grandes tendances, à la hausse ou à la baisse, paraissent néanmoins exactes hormis pour quelques budgets « mineurs » comme la jeunesse et les sports.
Aux priorités liées aux missions régaliennes de l'Etat - justice, intérieur et défense - qui connaissent en 2005 comme en 2004 et 2003 une progression sensible de leurs crédits, vient s'ajouter un nombre substantiel de priorités destinées à apaiser des tensions apparues ici ou là. Les budgets des affaires étrangères, de la culture, de la recherche et dans une moindre mesure de l'enseignement supérieur, connaissent une hausse très sensible de leurs crédits. L'évolution des dotations relative à ces priorités est récapitulée dans le tableau suivant :
Les principaux budgets prioritaires dans le projet de loi de finances pour 2005
(en millions d'euros en en %)
Dotation ou ministère Dépenses ordinaires + crédits de paiement |
LFI 2004 |
PLF 2005 |
Évolution |
Aide publique au développement |
2.585 |
2.681 |
+ 3,7 % |
Police (fonctionnement et équipement) |
1.057 |
1.185 |
+ 12,1 % |
Justice |
5.283 |
5.461 |
+ 3,4 % |
Gendarmerie (fonctionnement) |
779 |
858 |
+ 10,1 % |
Équipement militaire |
14.819 |
15.165 |
+ 2,3 % |
Budget civil de la recherche et du développement (BCRD) |
8.928 |
9.271 |
+ 3,8 % |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
A l'inverse, ce sont les mêmes ministères (hormis les affaires étrangères - vertueux en 2004 et moins en 2005) qui enregistrent les économies les plus substantielles : écologie, économie, finances et industrie, emploi, transports, logement enregistrent en valeur absolue une diminution de leurs crédits, compte non tenu d'éventuels changements de périmètre, sans doute mineurs en l'espèce.
Il convient d'observer en outre que, malgré l'intervention, dès 2005, du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, les fascicules budgétaire sous l'autorité du ministre de la cohésion sociale connaissent tous une diminution de leurs crédits à l'exception de celui de la ville, dont l'importance en masse budgétaire reste néanmoins modérée. Malgré un milliard d'euros prévu en 2005, le projet de loi de programmation susmentionné n'aurait pas d'effets inflationniste, même s'il convient d'en apprécier les effets également en termes de dépense fiscale .
Evolution des crédits des ministères entre 2004 et 2005
(en millions d'euros et en pourcentage)
Ministère |
LFI 2004 |
PLF 2005 à périmètre constant 2004 |
Evolution en % |
Affaires étrangères |
4.224 |
4.409 |
4,4 |
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales |
4.976 |
4.888 |
-1,8 |
Anciens combattants |
3.390 |
3.395 |
0,1 |
Charges communes |
53.457 |
55.158 |
3,2 |
Culture et communication |
2.639 |
2.794 |
5,9 |
Ecologie et développement durable |
856 |
825 |
-3,6 |
Economie, finances et industrie |
14.892 |
14.816 |
-1,1 |
Education nationale, enseignement supérieur et recherche : |
|||
I. Enseignement scolaire |
55.536 |
56.604 |
1,9 |
II. Enseignement supérieur |
9.087 |
9.362 |
3 |
III. Recherche |
6.242 |
6.535 |
4,7 |
Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer : |
|||
I. Services communs et urbanisme |
4.277 |
4.276 |
- |
II. Transports et sécurité routière |
9.208 |
9.090 |
-1,3 |
III. Aménagement du territoire |
273 |
265 |
-2,8 |
IV. Tourisme |
71 |
73 |
2,9 |
V. Mer |
1.094 |
1.142 |
4,4 |
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales |
13.204 |
13.498 |
2,2 |
Jeunesse, sports et vie associative |
399 |
527 |
32,1 |
Justice |
5.283 |
5.461 |
3,4 |
Outre-mer |
1.123 |
1.676 |
49,3 |
Services du Premier ministre |
|||
I. Services généraux |
1.157 |
830 |
-28,3 |
II. Secrétariat général de la défense nationale |
50 |
56 |
12,4 |
III. Conseil économique et social |
33 |
33 |
0,5 |
IV. Plan |
25 |
18 |
-25,1 |
Travail, santé et cohésion sociale : |
|||
I. Emploi |
32.332 |
32.225 |
-0,3 |
II. Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale |
1.1182 |
1.1441 |
2,3 |
III. Ville et rénovation urbaine |
344 |
423 |
22,7 |
IV. Logement |
6.681 |
6.603 |
-1,2 |
Total pour les budgets civils |
242.125 |
246.423 |
1,8 |
Défense |
41.564 |
42.424 |
2,1 |
Total pour le budget général |
283.690 |
288.847 |
1,8 |
Solde des comptes spéciaux |
-313 |
-571 |
n.s. |
Total des charges nettes |
283.377 |
288.276 |
1,7 |
La structuration du budget 2005 au sens de la LOLF, qui comporte encore des biais méthodologiques, permet de mettre en avant les priorités budgétaires suivantes :
Budget 2004 et 2005 par missions
(en millions d'euros)
LFI pour 2004 |
PLF pour 2005 |
% |
|
Crédits de paiements |
Crédits de paiement |
||
Missions |
|||
Action extérieure de l'Etat |
2.277 |
2.284 |
0,31% |
Administration générale et territoriale de l'Etat |
2.421 |
2.337 |
-3,47% |
Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales |
3.103 |
2.982 |
-3,90% |
Aide publique au développement |
2.769 |
2.874 |
3,79% |
Conseil économique et social |
33 |
33 |
0,00% |
Culture |
2.519 |
2.665 |
5,80% |
Défense |
35.019 |
35.640 |
1,77% |
Développement et régulation économiques |
3.578 |
3.494 |
-2,35% |
Direction de l'action du Gouvernement |
690 |
677 |
-1,88% |
Ecologie et développement durable |
607 |
574 |
-5,44% |
Engagements financiers de l'Etat |
44.365 |
46.351 |
4,48% |
Enseignement scolaire |
55.105 |
56.204 |
1,99% |
Gestion et contrôle des Finances Publiques |
8.930 |
9.045 |
1,29% |
Justice |
5.279 |
5.458 |
3,39% |
Médias |
564 |
249 |
-55,85% |
Mémoire et liens avec la nation |
3.694 |
3.712 |
0,49% |
Outre-mer |
2.001 |
1.915 |
-4,30% |
Politique des territoires |
1.892 |
1.899 |
0,37% |
Pouvoirs publics |
831 |
844 |
1,56% |
Provisions |
291 |
240 |
-17,53% |
Recherche et enseignement supérieur |
19.062 |
19.782 |
3,78% |
Régimes sociaux et de retraite |
4.198 |
4.271 |
1,74% |
Relations avec les collectivités territoriales |
2.722 |
2.792 |
2,57% |
Remboursements et dégrèvements |
64.214 |
68.325 |
6,40% |
Santé |
651 |
587 |
-9,83% |
Sécurité |
13.722 |
14.184 |
3,37% |
Sécurité civile |
385 |
456 |
18,44% |
Sécurité sanitaire |
585 |
619 |
5,81% |
Solidarité et intégration |
11.446 |
11.576 |
1,14% |
Sport, jeunesse et vie associative |
549 |
527 |
-4,01% |
Stratégie économique et pilotage des finances publiques |
769 |
755 |
-1,82% |
Transports |
9.246 |
8.787 |
-4,96% |
Travail |
30.305 |
30.745 |
1,45% |
Ville et logement |
7.402 |
7.451 |
0,66% |
Total dépenses brutes du budget général |
341.224 |
350.337 |
2,67% |
Charges de pensions financées hors budget général |
9.083 |
8.947 |
-1,50% |
Remboursements et dégrèvements d'impôts |
-64.214 |
-68.325 |
6,40% |
Recettes en atténuation des charges de la dette |
-2.404 |
-2.508 |
4,33% |
Dépenses nettes du budget général |
283.690 |
288.451 |
1,68% |