EXAMEN DES ARTICLES
Article
1er
(article L. 785-1 du code du
travail)
Rémunération du droit à l'image collective
des sportifs professionnels
Cet article propose de créer dans le titre VIII du livre septième du code du travail, consacré aux « Dispositions relatives à certaines catégories de travailleurs et d'entreprises », un chapitre V nouveau portant sur les sportifs professionnels.
Dans une rédaction qui s'apparente à celle de l'article L. 762-2 du même code qui régit le mode de rémunération des artistes de spectacles, le premier alinéa opère une distinction au sein de la rémunération versée à un sportif professionnel entre une part salariale et une part, qui sera versée sous forme forfaitaire, correspondant à la commercialisation par son club employeur de l'image collective de l'équipe à laquelle il appartient.
Le deuxième alinéa définit les personnes éligibles à ce dispositif , -les sportifs professionnels-, comme les personnes ayant passé avec une société relevant des catégories mentionnées à l'article 11 de la loi n° 84-610 précitée, un contrat de travail dont l'objet principal est la participation à des épreuves sportives.
Le troisième alinéa du texte transmis au Sénat dispose que les modalités de fixation de la part de rémunération afférente à l'image collective sont fixées conventionnellement . La détermination de ce quantum tient notamment compte des recettes de parrainage, de publicité et de marchandisage ainsi que de celles provenant de la cession des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions, ces dernières devant logiquement se limiter aux droits hors direct. Le pourcentage maximal correspondant à la part de rémunération de l'image collective est fixé à 30 % de la rémunération brute totale versée par la société au sportif.
L'avant-dernier alinéa fixe un seuil de rémunération en deçà duquel il n'est pas possible de distinguer une part de rémunération au titre de l'image collective. Ce seuil ne peut être inférieur à deux fois le plafond de la sécurité sociale, soit 4 952 euros pour l'année 2004. Il est en effet considéré que ce niveau assez faible de rémunération ne peut en aucune façon correspondre à une part de rétribution de l'image collective et est exclusivement de nature salariale.
Le dernier alinéa dispose que, à défaut d'accord collectif, un décret peut déterminer les modalités de calcul de cette part de rémunération correspondant à la rétribution de l'image collective.
Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements rédactionnels à cet article, notamment afin de supprimer la référence à des accords spécifiques concernant la fixation de la part de rémunération du sportif correspondant à la commercialisation de l'image collective de l'équipe à laquelle il appartient.
Elle a, en effet, considéré que la notion de convention collective suffisait pour permettre de tenir compte des accords reconnus par la jurisprudence comme en tenant lieu en son absence.
Position de votre commission
Votre commission estime que le dispositif proposé, qui doit permettre à la fois la mutualisation des retombées financières issues de l'exploitation de l'image d'une équipe sportive et l'amélioration de la compétitivité des clubs, répond aux préoccupations du monde sportif.
Sous la double impulsion de la forte progression des produits de commercialisation des droits télé -qui atteignent pour certains clubs plus de 50 % de leurs ressources-, et de la volonté des clubs de diversifier leurs recettes, la prise en compte du droit à l'image s'est développée , mais à titre individuel et dans des conditions qui ne semblent pas satisfaisantes.
Dans les conditions actuelles, les clubs y voient un moyen de profiter de la notoriété de certains de leurs joueurs pour soustraire une fraction de leurs rémunérations aux charges sociales, tandis que les joueurs sont tentés de ne pas déclarer les revenus qu'ils perçoivent par ce biais.
Concrètement, actuellement, la seule façon de soustraire la valorisation de l'image d'un joueur au régime social de droit commun consiste à isoler la gestion de ses droits d'image dans une structure ad hoc.
En pratique, les clubs fournissent une partie de la rémunération de leurs joueurs sous forme d'honoraires versés à des sociétés chargées d'exploiter leur image ou constituent directement une société dont la vocation est de gérer l'image de ces joueurs et dont le chiffre d'affaires est essentiellement constitué des versements des sponsors.
Ce montage est toléré par l'administration sociale et fiscale, puisqu'il est envisagé par la circulaire du 28 juillet 1994 précitée dans les termes suivants : « En outre, certains clubs peuvent assurer une partie de la rémunération au joueur, sous forme d'un versement à une société domiciliée en France ou à l'étranger, chargée d'exploiter le droit à l'image de celui-ci ».
Mais cette tolérance ne se justifie que par l'assujettissement des sommes versées aux cotisations de sécurité sociale, le texte de la circulaire étant clair sur ce point : « Ces rémunérations ne sont versées que parce que le club exploite l'image de son salarié dans le cadre courant de ses activités (...) et doivent donc être assujetties à cotisations et à contribution ».
Même si le texte de la circulaire tente d'anticiper les possibilités de détournement de la procédure, en stipulant que « l'existence d'une société écran ne peut faire échec à ce principe », en réalité, les clubs utilisent le plus souvent l'externalisation du versement de la rémunération correspondant au droit à l'image comme un moyen d'échapper au paiement des charges sociales (pour un exemple jurisprudentiel cf. : T.A.S.S de Nantes, 14 janvier 1993, Ass. Football club de Nantes c/URSAFF de Loire Atlantique).
C'est pourquoi l'approche du droit à l'image par le canal d'une société chargée de son exploitation présente aujourd'hui de nombreux inconvénients :
- d'une part, comme le soulignait M. Jean-Pierre Denis dans son rapport, « une parfaite connivence entre les clubs et leurs sponsors pourrait aboutir à un niveau de salaire réduit au minimum, au détriment de la couverture sociale des sportifs » ;
- d'autre part, elle conduit à réserver de fait l'avantage de la formule aux seuls sportifs salariés qui intéressent personnellement les sponsors, c'est-à-dire en France à quelques dizaines de professionnels à très forte notoriété , alors même que la fabrication de l'image est, par construction, collective.
Dans le dispositif proposé, les redevances du droit à l'image seraient clairement identifiées au sein de la rémunération globale des joueurs, permettant de les considérer comme la contrepartie directe d'une prestation d'image autonome.
Cette solution semble plus satisfaisante à la fois pour les clubs, -la part de rémunération correspondante n'étant pas soumise aux prélèvements sociaux-, et pour les sportifs, qui bénéficient, par la fixation d'un seuil à négocier conventionnellement, d'une garantie de couverture sociale minimale.
La proximité de la situation des sportifs professionnels et de celle des artistes-interprètes -tous les deux se donnent en spectacle grâce à leur talent et une exploitation commerciale se développe dans le prolongement de leur prestation, sous la forme de diffusion d'images enregistrées-, explique la rédaction choisie, qui s'apparente à celle de l'article L. 762-2 du code du travail.
L'article L. 762-2 du code du travail dispose en effet que « N'est pas considéré comme salaire la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation (...) :
- dès que la présence de l'artiste n'est plus requise pour exploiter ledit enregistrement ;
- et que cette rémunération n'est en rien fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais au contraire fonction du produit de la vente ou l'exploitation dudit enregistrement ».
Il en découle que cette rémunération :
- ne constitue pas un salaire soumis à charges sociales ;
- est imposée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Il est donc proposé d'aligner la situation du sportif professionnel sur celle des artistes-interprètes.
Votre commission se félicite que les trois préoccupations exprimées par le monde sportif aient été prises en compte.
En premier lieu, le dispositif ne crée pas de régime dérogatoire, mais aligne la situation des sportifs professionnels sur celle d'une catégorie existante, les artistes-interprètes . Ainsi, sur le plan fiscal, la part de rémunération correspondant au salaire continuera à être soumis à l'ensemble des charges sociales et à l'impôt sur le revenu, tandis que la partie forfaitaire sera imposée au titre des bénéfices non commerciaux.
En second lieu, l'ensemble des sommes versées au sportif qui bénéficiera du dispositif apparaîtront sur sa feuille de salaire : une part salaire et une part forfaitaire, permettant aux différentes instances de contrôle un suivi transparent de l'évolution des rémunérations.
Enfin, les syndicats des joueurs ont été associés à l'élaboration du texte, leur adhésion ayant été acquise grâce à la garantie qui a été donnée que l'intégralité du versement des droits sociaux serait préservée .
Lors de la réunion d'étape du comité de suivi, à laquelle votre rapporteur a pu assister, certains représentants du sport professionnel ont fait part de leurs préoccupations s'agissant de la nature de la rémunération représentative du droit à l'image : n'ayant ni la nature d'un salaire, ni le caractère d'un revenu de l'exercice d'une profession non salariée, elle ne relèvera donc d'aucun régime de sécurité sociale.
Sur le plan fiscal , il semble que, ne provenant pas de l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération de l'exploitation de l'image collective de l'équipe aura pour ses bénéficiaires le caractère d'un revenu non salarial perçu passivement, imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts.
Cela nécessitera une mise à jour de la circulaire interministérielle DSS/AAF/A1/94 n° 60 du 28 juillet 1994 relative à la situation des sportifs au regard de la sécurité sociale et du droit du travail, qu'impliquera l'adoption de cet article.
Il ressort en effet du texte de cette circulaire que « dès lors que les sportifs concernés sont affiliés au régime général de sécurité sociale, l'assiette des cotisations et de la contribution sociale généralisée qui sont dues est constituée (...) par toutes les sommes qui leur sont versées en contrepartie ou à l'occasion de leur activité, notamment les salaires ou gains, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature... ».
Votre commission souhaite dès à présent appeler l'attention du Gouvernement sur ce point, dans la perspective de l'élaboration des décrets d'application.
Enfin, eu égard à la jeunesse des joueurs qui sont concernés par le dispositif et à leur relative inexpérience face à la complexité des procédures administratives et fiscales, l'applicabilité du dispositif est conditionnée par la simplicité de sa mise en oeuvre .
Ceci implique, d'une part, que l'ensemble des sommes versées au joueur soient portées sur un seul document et, d'autre part, que la rémunération forfaitaire versée au titre du droit à l'image collectif ne soit pas soumise à des assujettissements divers, au premier rang desquels celui de la taxe professionnelle.
Sur le premier point, il serait souhaitable , pour simplifier les obligations déclaratives des sportifs, de leur permettre de porter le montant de la rémunération de l'exploitation de l'image collective de leur équipe directement dans leur déclaration de revenu global , sauf option pour l'établissement d'une déclaration catégorielle.
S'agissant de l'assujettissement à la taxe professionnelle, la jurisprudence 2 ( * ) a reconnu que les sommes versées pour la reproduction de l'image constituaient un « accessoire indissociable de sa rémunération salariée » et n'étaient, par conséquent, pas susceptibles d'être qualifiées de contrepartie à une activité professionnelle non salariée.
La situation des sportifs étant en tous points similaires, le même traitement fiscal doit leur être appliqué.
*
* *
Votre commission ne peut que souscrire à la réforme proposée, qui participe à l' allègement des charges pesant sur les clubs sportifs français , sans toutefois faire peser un poids trop lourd sur les plus « petits » d'entre eux, le dispositif excluant en effet les sportifs dont la rémunération est inférieure à deux fois le plafond de la sécurité sociale.
Elle se félicite de la part laissée à la négociation, puisque le taux de 30 % inscrit dans la proposition de loi constitue un plafond, lequel pourra donc être réduit par des accords spécifiques.
Elle s'interroge cependant sur les bénéficiaires du dispositif. Au cours des auditions auxquelles le rapporteur a procédé, il est apparu que l'ambiguïté rédactionnelle permettait aux entraîneurs des équipes sportives de se considérer comme bénéficiaires du dispositif. Or, telle n'était pas, semble-t-il, l'intention des participants aux différents groupes de travail, ni celle des auteurs de la proposition de loi.
Cette situation nécessite une clarification. Votre commission vous propose donc un amendement tendant à lever cette ambiguïté, en restreignant son application aux seuls joueurs employés par les clubs.
Elle vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article
2
(Article L. 125-3 du code du travail)
Mise à
disposition des sportifs professionnels en sélection nationale
Cet article propose d'insérer un nouvel article L. 785-2 dans le nouveau chapitre V portant sur les sportifs professionnels, créé par l'article 1 er de la présente proposition de loi au sein du titre VIII du livre septième du code du travail. Il prévoit une dérogation aux dispositions de l'article L. 125-3 du même code, qui prohibe les opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre, en cas de mise à disposition d'un sportif professionnel par son club employeur , association ou société sportive, auprès de sa fédération délégataire habilitée par l'article 17 de la loi n° 84-610 précitée à procéder aux sélections nationales.
L'article 17-I de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives prévoit en effet que chaque fédération sportive délégataire procède aux sélections des équipes participant aux compétitions internationales.
Le texte de cet article dispose, par ailleurs, que, durant le temps de cette mise à disposition, le joueur demeure salarié de son club, association ou société sportive, et conserve à ce titre ses droits sociaux.
Il s'agit, notamment, d'assurer à ces sportifs la garantie d'être indemnisés au titre des accidents du travail, en cas de blessure pendant le match.
Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de codification, afin d'insérer le présent article dans le nouveau chapitre V portant sur les sportifs professionnels, créé par l'article 1 er de la présente proposition de loi au sein du titre VIII du livre septième du code du travail, consacré aux « Dispositions relatives à certaines catégories de travailleurs et d'entreprises ».
L'ensemble des dispositions qui modifient le code du travail et qui sont relatives au sport professionnel seraient ainsi rassemblées dans ce chapitre du code du travail.
Position de votre commission
La situation des sportifs mis à disposition par leur employeur au bénéfice des sélections internationales illustre le décalage existant entre les règles de droit commun et la pratique sportive professionnelle.
Si les clubs considèrent, pour leur part, que la pratique de mise à disposition constitue un manque à gagner, revendiquant même, pour certains, l'ouverture d'un droit à indemnisation, cette pratique est néanmoins prévue dans certaines des conventions qui lient les sociétés sportives à leurs fédérations, comme dans le football.
La convention entre la fédération française de football (FFF) et la Ligue de football professionnel (LFP) dispose ainsi dans son article 13 que : « Les groupements sportifs membres de la LFP sont tenus de mettre leurs joueurs à la disposition de la FFF dans les conditions prévues par les règlements de la FIFA (fédération internationale de Football) et les dispositions des règlements généraux de la FFF pour les rencontres disputées par toutes les sélections nationales dans le cadre du calendrier international fixé par la FIFA . »
Mais, aucune disposition n'aborde la question du statut du sportif mis à disposition, ce qui a pu susciter des interrogations quant à la légalité de cette pratique au regard des dispositions du code du travail précitées, ainsi qu'au regard de la couverture du risque accident du travail.
Le dispositif proposé au présent article vise précisément à sécuriser définitivement la situation du travail spécifique en équipe de France d'un joueur sélectionné et surtout de lui assurer la protection sociale et l'accès au régime d'accident du travail.
Restera toutefois le problème des joueurs étrangers évoluant dans le championnat français et mis à la disposition de leur équipe nationale, relevant des fédérations de pays émergeants.
Votre commission, sensibilisée par les conséquences discriminatoires engendrées par l'absence d'harmonisation des législations, s'accorde néanmoins avec les services du ministère pour considérer qu'il n'appartient pas au législateur français de s'immiscer dans la vie de ces fédérations.
Elle vous propose d'adopter cet article sans modification .
Article
3
(Article L. 931-20 du code du travail)
Exonération de
la taxe de 1 % sur les contrats à durée
déterminée
Cet article vise à créer un article L. 785-3 dans le nouveau chapitre V portant sur les sportifs professionnels, créé par l'article 1 er de la présente proposition de loi au sein du titre VIII du livre septième du code du travail, afin d'exonérer le secteur d'activité du sport professionnel du paiement de la taxe spécifique de 1 % sur les contrats à durée déterminée, prévue à l'article L. 931-20 du code du travail.
Cette taxe, instituée par la loi n° 90-613 du 12 juillet 1990 pour financer le congé individuel de formation (CIF), a en effet perdu sa raison d'être dans le domaine sportif, secteur d'activité dans lequel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée (CDI).
La loi du 12 juillet 1990, qui est à l'origine de la taxe, avait pour objet de favoriser la stabilité de l'emploi par l'adaptation du régime des contrats précaires.
Ses dispositions tendaient à faire reculer la proportion d'emplois précaires en facilitant leur transformation en emplois stables et à instituer des mesures protectrices au profit des salariés concernés par ces formes d'emplois à caractère subsidiaire.
Elle vise donc les contrats à durée déterminée (CDD) conclus pour des emplois précaires alors que l'entreprise aurait pu créer un emploi stable donnant lieu à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée.
Or, l'article L. 122-1-1 du code du travail autorise la qualification de contrats d'usage pour certains CDD pour les emplois « pour lesquels, dans certains secteurs d'activité, définis par décret (...), il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».
L'article D. 121-1 du code du travail classe le sport professionnel parmi cette catégorie d'activité.
Les contrats à durée déterminée représentent, par conséquent, aujourd'hui , la norme du sport professionnel qui fait partie des secteurs d'activité visés aux articles L. 122-1-1 et D. 121-2 du code du travail susvisés, pour lesquels la dérogation au droit commun du recours au CDI est admise.
Ainsi, un club qui n'aurait pas conclu un CDD conformément aux conditions prévues par la Charte du Football avec un joueur professionnel ne pourrait faire homologuer ce contrat par la Ligue.
La question de savoir si les joueurs des équipes professionnelles de football, de rugby, de basket ou de tout autre sport collectif occupent des emplois permanents ou des emplois ayant par nature un caractère temporaire au sens de l'article L. 122-1-1 du code du travail est donc définitivement tranchée :
- les joueurs et les entraîneurs sont engagés pour des durées nécessairement limitées et le CDD dit « d'usage » constitue le droit commun des sportifs ;
- la conclusion de plusieurs CDD successifs avec le même club employeur, sans contrainte, notamment de délai minimum entre deux contrats est possible ;
- la durée maximale de 18 mois pour les CDD ne s'applique pas aux CDD « d'usage » aux termes d'une jurisprudence constante.
Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de forme, tendant à déplacer le dispositif examiné pour créer un nouvel article L. 785-3 dans le nouveau chapitre V portant sur les sportifs professionnels, créé par l'article 1 er de la présente proposition de loi au sein du titre VIII du livre septième du code du travail.
Position de votre commission
Tout en étant favorable au dispositif proposé, votre rapporteur souhaite cependant soulever la question du remplacement de la taxe dont le présent article propose la suppression, dont il est utile de rappeler qu'en finançant un dispositif de formation professionnelle, elle participe à l'effort de reconversion des sportifs professionnels au terme de leur carrière sportive .
Le renvoi aux règles de droit commun, selon lesquelles tout employeur doit cotiser en faveur de la formation professionnelle continue des salariés à hauteur de 0,2 % (FONGECIF), ne semble pas être une solution satisfaisante, puisqu'elle revient à remplacer une taxe par une autre taxe.
Interrogés par votre rapporteur, les représentants des principaux syndicats signataires de la Convention nationale du sport ont fait savoir que, dans le cadre des réflexions menées sur le chapitre 12 de la Convention (relatif au sport professionnel), un certain nombre de dispositifs conventionnels élaborés discipline par discipline, tendant à mettre en place des mécanismes de formation permettant au joueur d'envisager une reconversion professionnelle, étaient en phase finale de négociation, comme c'est le cas pour le rugby, par exemple.
C'est également le cas dans le secteur du football professionnel : il s'agit d' « Eurosport Reconversion », qui est un organisme financé par les cotisations des joueurs, les abondements de la Fédération et de la Ligue ainsi que par un reversement des droits de retransmission télévisée des matchs. Il existe depuis 10 ans et présente des résultats satisfaisants.
Il semble donc à votre rapporteur indispensable de laisser aux partenaires sociaux représentatifs au sein de chaque discipline le soin de s'accorder conventionnellement sur le remplacement du dispositif .
Ceci ne semble pas incompatible avec la proposition faite par M. Jean-Pierre Denis, dans son rapport sur certains aspects du sport professionnel, de mettre en place un plan d'épargne pour les sportifs professionnels sur le même modèle que le plan d'épargne interentreprises (PEI) mais en l'adaptant aux problématiques sportives.
Actuellement, le PEI permet au salarié qui désire préparer son avenir de placer l'épargne de son choix dans un fonds, que l'entreprise peut abonder à hauteur de trois fois l'épargne du salarié dans une limite de 2 300 euros annuellement. Cet abondement est versé en franchise de charges sociales.
L'adaptation de ce dispositif au milieu sportif concernerait uniquement les sportifs professionnels de l'entreprise et non les autres catégories de salariés qui ne sont pas confrontées à la même problématique de reconversion.
Elle supposerait une hausse du plafond d'abondement de l'employeur, afin de prendre en compte la spécificité de la brièveté de la carrière d'un sportif professionnel, sachant que les critères de déblocage de l'épargne resteraient ceux du droit commun.
Ainsi, chaque sportif professionnel pourrait bénéficier d'un dispositif commun, libre à chacun de consacrer une part supplémentaire de son salaire dans la perspective de préparer sa reconversion.
Sous réserve des observations qui précèdent, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .
Article
4
(Article L. 15-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet
1984 relative
à l'organisation et à la promotion des
activités physiques et sportives)
Assouplissement de la
règle d'interdiction de la multipropriété
des
sociétés sportives au sein d'une même discipline
Cet article propose de modifier la rédaction du premier alinéa de l'article 15-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée, afin de rendre possible l'acquisition par une même personne privée d'une participation minoritaire dans le capital de plusieurs sociétés sportives évoluant au sein de la même compétition, tout en prohibant la détention du contrôle au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce de plus d'une de ces sociétés.
L'interdiction, très générale, faite à « toute personne privée, directement ou indirectement, d'être porteur de titres donnant accès au capital ou conférant un droit de vote dans plus d'une société (...) dont l'objet social porte sur une même discipline sportive » -rédaction actuelle du premier alinéa de l'article 15-1- serait ainsi assouplie au profit de celle de la détention du contrôle de plus d'une société sportive au sein d'une même pratique sportive.
Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à modifier la référence à l'article du code de commerce qui définit la notion de contrôle d'une entreprise, afin de substituer l'article L. 233-16 à l'article L. 233-3, le premier incluant, outre la détention directe ou indirecte de la majorité des parts, l'exercice d'une influence dominante, le contrôle commun et l'influence notable sur la gestion et la politique financière, conformément aux modifications introduites par la loi de sécurité financière adoptée en août 2003.
Cette substitution n'est, par conséquent, pas de pure forme, puisqu'elle renforce les contraintes pesant sur un investisseur qui souhaiterait acquérir des parts dans deux sociétés sportives relevant de la même discipline.
Position de votre commission
Comme le soulignait M. Jean-Pierre Denis dans son rapport, la France a toujours considéré que la propriété, par un même investisseur, de plusieurs clubs sportifs engagés dans des compétitions relevant d'une même discipline, portait préjudice à l'équité sportive. La tentation d'influer sur les résultats des rencontres s'en trouve, en effet, démultipliée.
Si l'interdiction de la multipropriété des clubs sportifs français -qui se rapproche, d'ailleurs, des interdictions en vigueur aux Etats-Unis dans des disciplines où la professionnalisation est très poussée, comme la NBA, la NFL ou NHL-, ne semble pas constituer un obstacle aux performances sportives, son caractère général et absolu suscite pourtant des interrogations quant à, d'une part, sa compatibilité avec le droit communautaire, d'autre part, son effet sur la compétitivité des clubs sportifs.
En ce qui concerne le droit communautaire, l'article 56 du Traité prohibe les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres. L'interdiction de multipropriété constitue, par conséquent, une exception à la règle de liberté d'investissement.
Votre rapporteur tient à souligner que l'assouplissement proposé ne cherche en aucune façon à soumettre intégralement les activités sportives aux règles de la concurrence qui régissent le droit commun des sociétés en Europe. Ce serait, en tout état de cause, se montrer plus exigeant que les institutions communautaires elles-mêmes, dont la position a évolué dans le sens d'une reconnaissance de la spécificité des compétitions sportives.
Il s'agit, en revanche, de se rapprocher de la position européenne qui recherche une stricte adéquation entre le but poursuivi et les restrictions au droit commun de la concurrence.
Or, à l'instar de M. Jean-Pierre Denis, votre commission considère que la législation actuelle excède les normes indispensables pour préserver l'indépendance des clubs et l'intégrité des résultats sportifs .
Cette conviction rejoint la position de la Commission européenne, selon laquelle si, « a priori, l'imposition d'une restriction à la prise de participation dans le capital d'entreprises pratiquant une même discipline sportive pourrait se justifier par une raison impérieuse d'intérêt général (...) » néanmoins « l'interdiction absolue instaurée par l'article 15-1 de [ladite] loi est excessive et disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ».
L'assouplissement proposé paraît d'autant plus approprié qu'il encourage les prises de participation dans le capital des sociétés sportives, à un moment où, comme le soulignait notre collègue M. Yvon Collin dans son rapport sur le football professionnel 3 ( * ) , certains clubs souffrent d'une structure financière fragile.
Certains investisseurs, notamment des groupes de médias, seraient désireux d'accroître leurs possibilités d'engagement dans les clubs professionnels, et n'en sont empêchés que par la règle qu'il s'agit ici d'atténuer.
Il convient, en outre, de rappeler qu'est maintenue l'interdiction faite à un actionnaire privé d'une société sportive de consentir un prêt ou de se porter caution d'une autre société pratiquant le même sport, posée au second alinéa de l'article 15-1.
Il faut, enfin, relever les difficultés tenant au contrôle du respect de la règle d'interdiction, dont l'application semble, par conséquent, problématique.
Un rapport remis au ministre des sports en 2001 à propos de la notion de participation indirecte soulèverait la question de la détention de 56,7 % du capital du Paris Saint Germain (PSG) et de 34 % de celui de l'Olympique Lyonnais (OL) par respectivement les sociétés Canal Plus, filiale de Vivendi et Pathé. Les sociétés Vivendi et Pathé ayant opéré un rapprochement par acquisition de parts, le rapport posait la question de savoir si Vivendi pouvait être considéré comme étant indirectement présent dans le capital de deux clubs professionnels français -question qui n'a pas trouvé de réponse claire depuis.
Votre rapporteur considère, par conséquent, que l'assouplissement de la règle d'interdiction de la multipropriété des clubs sportifs français va dans le sens de la modernisation du droit applicable aux activités sportives, permettant, en outre, au droit français de se rapprocher des règles adoptées par l'Union européenne des associations de football (UEFA).
Le règlement intérieur de cette dernière ne prohibe en effet pas systématiquement la détention de titres de plusieurs sociétés sportives ayant la même activité, mais permet d'exercer un contrôle sur la façon dont est utilisé le pouvoir au sein des structures sociales.
Visant à protéger l'intégrité des compétitions interclubs et l'indépendance des clubs, l'objet des dispositions insérées dans le règlement tend à permettre à l'UEFA de prendre toute mesure, -y compris l'exclusion du club de la compétition-, dans les situations où une même personne serait en mesure d'exercer une influence sur la gestion, l'administration et/ou les activités sportives de plus d'une équipe participant à la même compétition et d'interdire, en particulier aux clubs, de posséder des titres d'un autre club ou d'intervenir plus généralement dans son fonctionnement.
Sa validité a été reconnue par la Commission européenne.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article
5
(Article 16 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984
relative à l'organisation
et à la promotion des
activités physiques et sportives)
Possibilité pour les
fédérations de conférer la qualité de membre
aux
sociétés sportives constituées
dans la ou les
disciplines qu'elles encadrent
Cet article vise à compléter la liste des entités qui peuvent se voir conférer la qualité de membre d'une fédération, afin d'y réintégrer les sociétés sportives créées en vertu de l'article 11 de la loi n° 84-610 précitée.
En l'état actuel du droit, tel que modifié en dernier lieu par la loi n° 2003-708 du 1 er août 2003, les fédérations sportives peuvent regrouper, outre les associations sportives -qui en forment la base la plus large- les personnes physiques auxquelles elles délivrent directement des licences, les organismes à but lucratif dont l'objet est la pratique d'une ou plusieurs de leurs disciplines et qu'elles autorisent à délivrer des licences ainsi que les organismes qui , sans avoir pour objet la pratique d'une ou plusieurs de leurs disciplines, contribuent au développement d'une ou plusieurs de celles-ci .
La possibilité d'associer des organismes à but lucratif traduit la volonté du ministère d'ouvrir les instances fédérales à l'ensemble des acteurs intéressés par la pratique sportive concernée.
Cet élargissement a été rendu nécessaire par l'adoption de la loi du 8 juillet 2000 dite loi Buffet, dont les dispositions ont exclu de la liste des membres de la fédération les sociétés commerciales qui ont pour objet la pratique d'activités physiques et sportives, au motif que « leurs nouveaux statuts issus de la loi portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives du 28 décembre 1999, présentant des caractéristiques trop commerciales pour être considérées comme entrant directement dans le cadre de l'objet de ces fédérations » .
L'article 11 de la loi du 16 juillet 1984 prévoit que « toute association sportive affiliée à une fédération sportive régie par le chapitre III du titre 1 er de la présente loi qui participe habituellement à l'organisation de manifestations sportives procurant des recettes d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat [1,2 million d'euros] ou qui emploie des sportifs dont le montant total des rémunérations excède un chiffre fixé par décret en Conseil d'Etat [800 000 euros] constitue pour la gestion de ces activités une société commerciale régie par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et par les dispositions de la présente loi ».
La forme que la société peut prendre est très encadrée : elle peut se constituer sous forme soit « d'une société à responsabilité limitée en ne comprenant qu'un associé, dénommée entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée ; soit d'une société anonyme à objet sportif ; soit d'une société anonyme sportive professionnelle. (...) ».
L'exclusion des sociétés sportives de la vie de la fédération traduit, par conséquent, une attitude de méfiance à l'égard d'organismes fonctionnant sous contrainte financière, qui va à l'encontre des dispositions de la loi du 1 er août 2003, précitée.
Il est, par conséquent, proposé de réintégrer les sociétés sportives créées en vertu de l'article 11 précité dans la liste des membres des fédérations.
Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Position de votre commission
Relevant que cette disposition ne fait que conférer aux fédérations une faculté nouvelle et non pas leur imposer une obligation, votre commission considère que la réintégration des sociétés sportives au sein des instances fédératives traduit l'interdépendance effective du sport professionnel et du sport amateur .
Il convient de rappeler, à titre d'exemple, qu'en vertu, d'une part, de la taxe dite « Buffet », qui institue un reversement de 5 % des droits de retransmission télévisée perçus par les clubs professionnels et, d'autre part, du protocole financier conclu par la Ligue de football professionnel, les clubs de football évoluant en ligue 1 et 2 reversent actuellement 30 millions d'euros par an au secteur associatif amateur.
La collaboration des sociétés sportives constitutives des clubs et des associations représentatives du mouvement amateur au sein des structures de décision fédérales semble n'être que la traduction institutionnelle de cette solidarité financière.
Votre commission tient enfin à rappeler qu'il reviendra aux statuts de définir les modalités de cette participation, laissant à chaque instance fédérale le soin d'arbitrer entre les différentes personnes associées et éventuellement, de fixer un seuil de participation permettant de limiter le nombre de voix dont disposeront les sociétés commerciales au sein du comité directeur.
Par conséquent, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article
6
Gage de la proposition de loi
Cet article, introduit à l'Assemblée nationale par amendement du Gouvernement, vise à assurer la recevabilité financière de cette proposition de loi en gageant, par l'augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts (droits sur les tabacs), les pertes de recettes pour l'Etat et les régimes sociaux qui résulteraient de l'application de ses dispositions.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 2 Arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2000 C.E. - ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ Melle Claire Dhelens.
* 3 Rapport d'information n° 336 (2003-2004) de M. Yvon Collin , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 8 juin 2004.