B. LA SPÉCIFICITÉ DU DROIT APPLICABLE AU SPORT, GARANTIE DE L'ÉQUITÉ SPORTIVE

Comme le soulignait M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, lors du colloque « Sports, argent, médias », « même si ces évolutions touchent au premier chef le sport professionnel, nous devons prendre garde que les aménagements législatifs qui nous incombent ne remettent pas en cause l'unité du monde sportif et la nécessaire solidarité entre sport professionnel et sport amateur, entre sport de haut niveau et sport de masse . »

1. Une spécificité aujourd'hui reconnue au niveau européen...

Dès décembre 1999, la Commission européenne a reconnu le principe d'« égalité des chances » comme une règle inhérente au sport et un objectif légitime mis en oeuvre par l'UEFA par des moyens considérés proportionnés.

Elle s'était prononcée à propos d'une affaire dans laquelle la Communauté urbaine de Lille s'était vue interdire l'accueil d'un match de Coupe de l'UEFA entre le club de football belge l'Excelsior de Mouscron (qui jouait à domicile) et le FC Metz, sur le fondement du règlement qui disposait que, pour des raisons d'équité sportive, tout club devait jouer les matches à domicile sur son propre terrain (règle dite « at home and away from home »), sauf incompatibilité dûment prouvée.

Considérant qu'il s'agissait en l'espèce d'une question relative à une règle purement sportive -dont l'objet est d'assurer l'égalité des chances (équité) entre clubs-, la Commission avait considéré qu'elle échappait à l'application des règles de concurrence du traité (art. 81 et 82), et avait donc donné raison à l'UEFA.

En indiquant, le 3 juin 2002, qu'elle entendait adopter une position favorable à l'égard des nouvelles règles proposées par l'UEFA concernant la vente centralisée des droits de radiodiffusion et autres droits médiatiques de la Ligue des Champions, la Commission européenne a considéré que le maintien d'une solidarité financière entre les clubs apparaissait également comme un objectif légitime dont la mise en oeuvre par des moyens proportionnés permettait de déroger à l'application des règles de concurrence.

Plus récemment, le décret du 15 juillet 2004 a permis aux ligues professionnelles de commercialiser « à titre exclusif » les droits d'exploitation audiovisuelle et de retransmission en direct ou en léger différé des compétitions ou manifestations sportives.

Cela signifie qu'une même société de programme pourra se voir conférer l'exclusivité de la retransmission d'un match, au terme d'une procédure d'appel à candidature publique et non discriminatoire ouverte à tous les éditeurs ou distributeurs de services intéressés.

Le Conseil de la concurrence a validé ces principes, considérant qu'ils n'étaient ni contraires au principe de libre concurrence ni ne tombaient sous le coup de l'interdiction d'abus de position dominante, réprimé par les traités européens.

Le texte qui est aujourd'hui soumis à l'examen du Sénat s'inscrit dans la logique de reconnaissance de la spécificité des activités physiques et sportives.

En proposant, d'une part, d'exonérer les clubs sportifs du paiement de la taxe de 1 % sur les CDD, le dispositif tire les conséquences de l'usage constant du recours au CDD dans le domaine sportif, secteur dans lequel l'exception est devenue la norme, dans un souci de fidélisation du joueur professionnel.

En créant dans le code du travail une deuxième dérogation relative à l'interdiction du prêt de main d'oeuvre à but lucratif pour les sportifs mis à disposition des sélections internationales, par leur employeur, l'article 2 de la présente proposition de loi consolide une pratique qui ressort des nécessités de la compétition.

2. ... mais qui ne doit pas excéder ce qui est nécessaire à la préservation de l'équité sportive

Les communications de la Commission européenne précitées posent les limites de la reconnaissante de la spécificité sportive, en conditionnant les dérogations à l'application des règles de la concurrence à  leur « mise en oeuvre par des moyens proportionnés ».

Il s'agit de rechercher, en tout état de cause, une stricte adéquation entre le but recherché et les restrictions au droit commun de la concurrence.

La spécificité des règles applicables aux activités physiques et sportives est motivée en France par le double souci de préserver, d'une part, la solidarité entre le sport amateur et le sport professionnel et, d'autre part, l'équité sportive, fondement du bon déroulement des rencontres sportives et des compétitions.

Or, à l'instar de M. Jean-Pierre Denis, il semble à votre rapporteur que l'interdiction faite à « toute personne privée, directement ou indirectement, d'être porteur de titres donnant accès au capital ou conférant un droit de vote dans plus d'une société (...) dont l'objet social porte sur une même discipline sportive » -rédaction actuelle du premier alinéa de l'article 15-1 de la loi du 16 juillet 1984- outrepasse, par son caractère trop général et absolu, l'objectif qui la fonde, à savoir, préserver l'équité sportive.

C'est la raison pour laquelle l'article 4 du texte transmis au Sénat et soumis à votre examen propose de l'assouplir au profit de la prohibition du contrôle par une même personne de plus d'une société sportive dans une même discipline.

Soucieuse de donner la plus large portée à cette interdiction, l'Assemblée nationale a étendu la notion de contrôle d'une entreprise, -défini comme la détention directe ou indirecte de la majorité des parts-, à l'exercice d'une influence dominante, le contrôle commun et l'influence notable sur la gestion et la politique financière.

Ainsi, l'assouplissement d'une règle excédant manifestement le but qu'elle se propose d'atteindre permet la meilleure adéquation entre le respect des principes de droit commun de la concurrence et la préservation de l'équité sportive, règle fondamentale au bon déroulement des compétitions.

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