B. UN PLAN DE COHÉSION SOCIALE CIBLÉ SUR LE RETOUR DES CHOMEURS À L'EMPLOI
Le projet de loi de programmation entend remédier à trois défauts du fonctionnement du marché du travail français : la présence d'un nombre important d'emplois non satisfaits, le taux de chômage particulièrement élevé des jeunes et la proportion importante de chômeurs de longue durée.
Pour traiter ces problèmes, le Gouvernement propose une réforme du service public de l'emploi, destinée à faciliter le rapprochement entre offres et demandes d'emploi, mais aussi une réforme de l'apprentissage afin de revaloriser certaines filières professionnelles délaissées par les jeunes, alors qu'elles sont pourvoyeuses d'emplois stables et bien rémunérés. La création d'un droit à l'accompagnement personnalisé et la réforme du CIVIS viennent compléter cet effort en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes, en l'axant sur les publics les plus éloignés de l'emploi.
La réforme des contrats aidés, quant à elle, facilitera le retour vers l'emploi des chômeurs de longue durée, en les orientant tant vers le secteur marchand que vers le secteur non marchand, et en leur donnant accès à une véritable formation.
1. La réforme du service public de l'emploi
Pour réformer le service public de l'emploi, le Gouvernement propose la création d'outils nouveaux de coordination, au niveau national et au niveau local. La réglementation de l'activité de placement est également modernisée, afin de mettre fin au monopole, devenu théorique, de l'ANPE et de favoriser, de manière encadrée, l'arrivée de nouveaux acteurs privés.
a) Institutionnaliser la coordination entre les acteurs
Dans plusieurs pays européens, les missions d'indemnisation et de placement relèvent d'un organisme unique (Agence fédérale du travail en Allemagne, Institut national pour l'emploi en Espagne, Job Centre Plus en Grande-Bretagne). La formule d'une unification des régimes n'a pas été retenue par le Gouvernement, qui souhaite respecter l'autonomie des partenaires sociaux, gestionnaires de l'assurance chômage.
En revanche, l'article premier du projet de loi rend obligatoire la conclusion d'une convention pluriannuelle tripartite entre l'État, l'ANPE et l'UNEDIC.
A partir d'une analyse de l'état du marché du travail, cette convention précisera les modalités de coordination des actions menées par les différents partenaires et organisera la transmission d'informations entre organismes.
La coopération entre l'ANPE et l'UNEDIC, à laquelle s'associera l'État, qui repose actuellement sur une base purement volontaire, sera ainsi stabilisée.
Cette coordination au niveau national est complétée par la création de nouvelles structures au plus près des réalités du terrain , sous la forme des maisons de l'emploi .
Ces maisons s'inspirent d'une logique de « guichet unique », en ce qu'elles permettent aux demandeurs d'emploi de trouver de multiples services rassemblés en un même lieu : évaluation de compétences, orientation professionnelle, actions de formation, placement... Elles procèdent aussi d'une logique de mutualisation des moyens et de recherche de synergies : les différents organismes participant mettront en commun leurs compétences et un certain nombre de personnels.
L'État s'engage à réaliser un effort financier important en faveur des maisons de l'emploi : 1,75 milliard d'euros devrait leur être consacré sur la période 2005-2009. Ces sommes financeront les investissements immobiliers et les achats de matériel nécessaires à leur création, mais permettront aussi de faire face aux dépenses de fonctionnement occasionnées par l'embauche de 7.500 agents supplémentaires qui viendront étoffer les équipes d'accueil des demandeurs d'emploi. Un réseau de 300 maisons de l'emploi doit être constitué (une maison pour trois agences ANPE).
D'un statut juridique souple, les maisons de l'emploi ont vocation à rassembler, au premier chef, l'État, l'ANPE, l'ASSEDIC et les collectivités territoriales, auxquels viendront s'associer, selon les formules retenues localement, les autres acteurs du service public de l'emploi.
La formule des maisons de l'emploi s'inspire d'exemples étrangers, notamment les Job Centres au Royaume-Uni, mais aussi d'expériences menées avec succès dans notre pays, à l'initiative d'acteurs locaux. D'ailleurs, si certaines maisons de l'emploi seront créées ex nihilo , d'autres le seront par simple labellisation de structures existantes, éventuellement après un renforcement des moyens.
Des exemples à suivre
Les Job Centres britanniques : les Job Centres existent de longue date mais ont été profondément remaniés depuis l'arrivée au pouvoir du Gouvernement Blair. Alors que leur activité se résumait souvent à l'affichage d'offres d'emploi, ils se sont engagés, depuis 1997, dans une politique d'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi. Un conseiller unique suit le demandeur tout au long de sa démarche de recherche d'emploi et lui propose une palette variée de services : aide à la recherche d'emploi, orientation professionnelle, offre de formation, etc.
Le Job Centre est également chargé du versement des indemnités de chômage, la fusion des fonctions de placement et d'indemnisation ayant été décidée en 2002 (elle se met en place progressivement jusqu'en 2006). Il est également chargé du contrôle de la recherche d'emploi, condition nécessaire pour continuer d'être indemnisé.
Sur le territoire national , les opérations de Rueil-Malmaison, de Chanteloup-les-vignes, de Bonneville, de Dunkerque, de Terrasson, pour ne citer que celles-ci, constituent des expériences singulières qui, même si elles ne peuvent sans doute être reproduites à l'identique, peuvent inspirer les futures maisons de l'emploi. Elles reposent toujours sur une forte implication des acteurs de terrain et s'adaptent aux réalités locales.
Les schémas d'organisation fonctionnelle retenus peuvent être sensiblement différents. Ainsi, Dunkerque a opté pour une maison de l'emploi comme lieu stratégique s'appuyant sur des points relais existants - centre communal d'action sociale (CCAS), antennes de la mission locale, points d'accueil mairie, etc. - pour mettre en oeuvre les actions de proximité. La maison de l'emploi de Bonneville s'est constituée comme un lieu d'expérimentations et de lancement de projets dont les acteurs portent une attention particulière aux mutations économiques, mais également comme un point d'ancrage des partenaires afin d'apporter sur place les réponses aux besoins du public.
Mais aucune de ces réalisations ne regroupe à la fois les services de l'État, ceux de l'ANPE et des ASSEDIC dont la synergie apparaît pourtant souhaitable pour le suivi le plus efficace du demandeur d'emploi.
Ces initiatives réussies reposent sur la définition d'un champ d'action territorial pertinent au plan économique, dans lequel les partenaires peuvent travailler à l'élaboration d'un projet, dans le cadre d'une démarche concertée et d'un diagnostic partagé. Le partenariat a pour objectif la mobilisation des acteurs locaux, publics ou privés, la mise en cohérence des dispositifs existants et le rapprochement des capacités de financement avec la demande locale de crédit. La construction de liens étroits avec le monde économique et les employeurs favorise l'anticipation des évolutions du marché du travail et permet de répondre de manière qualitative aux problèmes de recrutement.
b) Libéraliser de l'activité de placement
Outre la création de ces nouveaux instruments de coordination, le projet de loi libéralise l'exercice de l'activité de placement par le recours à des organismes privés. Le renforcement de la concurrence doit favoriser l'émergence des bonnes pratiques et dynamiser le service public de l'emploi.
Pour permettre à l'ANPE de s'adapter à cette nouvelle donne concurrentielle, l'article 5 du projet de loi modifie son statut, pour lui laisser la possibilité de créer des filiales qui pourront facturer leurs prestations aux entreprises.
Le rapprochement des services en charge de l'emploi, combiné à la libéralisation de l'activité de placement, doit permettre de réduire le nombre d'offres d'emploi non satisfaites, tout en offrant un suivi de meilleure qualité aux demandeurs d'emploi.
c) Aménager les obligations des chômeurs en matière de recherche d'emploi et renforcer l'effectivité des contrôles
Pour percevoir leur indemnisation, les demandeurs d'emploi ont l'obligation de rechercher activement un emploi. Les Assedic et les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) contrôlent le respect de cette obligation et peuvent décider la suppression du revenu de remplacement en cas d'infraction.
L'article L. 351-17 du code du travail, dans sa rédaction actuelle, précise que le droit au revenu de remplacement s'éteint lorsque le demandeur d'emploi refuse, sans motif légitime, un emploi correspondant à sa formation ou spécialité antérieures, normalement rémunéré, et qui ne lui impose pas des obligations de mobilité géographique incompatibles avec sa situation personnelle et familiale.
L'article 7 du projet de loi apporte deux modifications à ce régime juridique :
- la référence à la formation ou à la spécialité antérieures est supprimée ;
- l'appréciation portée sur le critère de mobilité devra désormais tenir compte des aides à la mobilité dont le demandeur d'emploi peut bénéficier.
L'UNEDIC a en effet développé, depuis 2001, une politique « d'activation » des dépenses d'assurance chômage. Elle verse, à ce titre, des aides à la mobilité aux demandeurs d'emploi afin de couvrir, dans la limite d'un plafond, tout ou partie des frais de transport, de logement, de déménagement, occasionnés par l'acceptation d'un emploi dans une zone éloignée de leur résidence habituelle.
En dépit du pouvoir de contrôle et de sanction reconnu aux ASSEDIC et aux DDTEFP, peu de sanctions sont cependant réellement appliquées. Cette situation tient, pour partie, à un manque de personnel affecté à cette tâche de contrôle, mais aussi à une réticence des agents du service public de l'emploi à utiliser la sanction qui est à leur disposition, à savoir l'interruption, temporaire ou définitive, du revenu de remplacement, qui est le plus souvent la source de revenu unique du demandeur d'emploi. Entre le simple avertissement, sans conséquence, et la suppression des indemnités, il n'existe pas de possibilité de graduer la sanction pour la proportionner à la gravité des manquements reprochés au demandeur d'emploi.
L'article 8 apporte une solution à cette faiblesse du système de contrôle en permettant aux ASSEDIC et à la DDTEFP de réduire le revenu de remplacement.