2. Santé au travail et santé environnementale : un rapprochement inabouti
a) Une avancée importante : l'amélioration de la collecte des données relatives à la santé au travail par l'InVS
Parmi l'ensemble des milieux de vie qui composent notre environnement quotidien, le milieu de travail a fait l'objet d'une attention particulière.
Il est vrai que le dispositif actuel de connaissance des risques sanitaires professionnels est notoirement insuffisant : les données disponibles en matière d'épidémiologie au travail sont lacunaires, leur absence de centralisation et de consolidation empêche la définition d'actions prioritaires, les instruments de veille sanitaire restent embryonnaires, comme en témoigne, d'ailleurs, la création très récente de la cellule « santé au travail » de l'InVS.
D'une façon générale, la santé au travail demeure largement du domaine de l'entreprise, alors qu'elle devrait s'intégrer dans le cadre plus large de la politique de santé publique : l'État ne saurait en effet se désintéresser d'un milieu de vie dans lequel nos concitoyens passent une grande partie de leur vie.
Or, sur la question spécifique de la santé au travail, l'InVS, qui est et doit demeurer l'organisme qui centralise l'ensemble des données sanitaires, ne dispose actuellement que des informations transmises par les services de santé au travail. Pour indispensable qu'elles soient, ces informations n'en sont pas moins partielles : elles laissent en effet de côté une partie des données relatives aux facteurs de risque et ne permettent pas de retracer l'historique des expositions des salariés à ces facteurs.
C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit de confier à l'Institut une mission générale de statistiques en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles et de lui donner un accès direct aux informations détenues par les entreprises, afin d'améliorer la connaissance et la prévention des risques sanitaires au travail. En contrepartie de la transmission par les entreprises des informations nécessaires à l'Institut pour l'exercice de ses missions, celui-ci contribuera à la mise en place de surveillances épidémiologiques en milieu de travail.
Votre commission ne peut que se féliciter de ce progrès qui devrait contribuer à abattre le « mur » entre santé au travail et santé publique évoqué par l'IGAS dans son rapport annuel pour 2003.
b) De nouvelles pistes à explorer ?
On peut regretter que le rapprochement entre santé au travail et santé environnementale, dont témoigne l'élargissement du rôle de l'InVS en matière de collecte et d'analyse des données relatives à la santé au travail, reste, en l'état actuel du texte, inachevé.
Compte tenu du caractère multifactoriel des pathologies liées au travail, il paraît en effet difficile d'isoler cet aspect de l'analyse globale des déterminants environnementaux de la santé publique. C'est la raison pour laquelle, à rebours des propositions parfois avancées de création d'une agence spécifiquement chargée de la santé au travail, il pourrait être constructif d'envisager :
- d'intégrer explicitement la santé au travail dans le champ du plan national « santé-environnement » : c'est d'ailleurs la position adoptée par la commission d'orientation qui, à maintes reprises, propose des actions de prévention en direction des personnes professionnellement exposées à des risques environnementaux ;
- de reconnaître la participation des partenaires sociaux aux conférences régionales de santé, à travers une représentation des organismes paritaires que sont les observatoires régionaux de santé au travail : il paraît en effet important d'impliquer les entreprises dans la définition des grandes orientations de santé publique ;
- d'adosser le travail statistique de l'InVS aux informations d'ores et déjà collectées par les caisses régionales d'assurance maladies, auprès desquelles sont déclarés les accidents du travail et maladies professionnelles ;
- d'améliorer encore la collecte des informations relatives à la santé au travail par l'InVS, en organisant la confidentialité des informations transmises par les services de santé au travail, principal obstacle à l'effectivité de cette transmission ;
- de limiter les informations fournies par les entreprises à l'InVS aux renseignements qui lui sont réellement utiles : il paraît en effet dangereux de « noyer » l'Institut sous une transmission systématique d'informations.