V. LE FINANCEMENT DU RETRAIT D'ACTIVITÉ ET LA PARTICIPATION DE L'ÉTAT AUX DÉPENSES DE CHÔMAGE
Le cinquième agrégat regroupe les dépenses d'indemnisation accordées dans le cadre des mesures de cessation anticipée d'activité, de la participation au financement de l'indemnisation chômage et de certains régimes de retraite. Ces dépenses dites « passives », qui financent des revenus de remplacement, s'opposent aux dépenses dites « actives », qui visent à soutenir le marché de l'emploi et à développer les formations professionnelles.
Les crédits s'élèvent à 1,737 milliard d'euros en 2004, contre 1,727 milliard d'euros en 2003, soit une hausse de 0,6 % . Ils représentent 5,4 % de l'ensemble des dépenses du budget du travail .
A. LES DÉPENSES DE PRÉRETRAITE
Le tableau suivant montre l'évolution des crédits destinés aux dépenses de préretraite.
Évolution des crédits des dépenses de pré-retraite
(en millions d'euros)
|
LFI 2003 |
PLF 2004 |
2004 / 2003 |
Les « préretraites » du FNE (ASFNE) |
79,95 |
15 |
- 44,8 % |
La cessation d'activité de certains travailleurs salariés (CATS) |
143,60 |
176,80 |
+ 36,5 % |
Les « préretraites » progressives |
190,71 |
118,83 |
- 0,7 % |
Mesures particulières |
10,68 |
6,12 |
- 35 % |
TOTAL |
424,94 |
316,75 |
- 7,3 % |
La contribution de l'Etat au financement des préretraites passe de 424,94 millions d'euros en 2003 à 316,75 millions d'euros pour 2004, en diminution de plus de 25 % , après une hausse de 9,4 % en 2003, qui succédait elle-même à deux fortes baisses en 2002 et en 2001 de 22 % et 30 % respectivement.
Ce mouvement est à rapprocher des engagements européens pris par la France, au terme desquels la France doit privilégier l'emploi des salariés les plus âgés.
Il est à noter qu'en raison du renforcement de la responsabilité financière des entreprises, cette diminution des crédits se traduit néanmoins par une baisse en proportion plus faible du nombre des entrées prévues dans les dispositifs de préretraite : il est fixé à 24.000 pour 2004, contre 27.225 dans la loi de finances initiale pour 2003, soit une diminution de 8,2 %. L'exécution du budget 2003 devrait finalement faire apparaître 27.000 entrées.
• Les préretraites FNE (ASFNE) sont octroyées essentiellement dans le cadre de plans sociaux, et permettent à leurs bénéficiaires de percevoir environ 65 % de leur salaire brut antérieur. Elles sont ouvertes aux salariés de plus de 57 ans (56 ans à titre dérogatoire), et sont cofinancées par l'Etat, l'UNEDIC (qui reverse notamment la moitié de la contribution « Delalande » 25 ( * ) ), et les entreprises. La diminution des crédits s'explique par le resserrement des conditions d'accès aux ASFNE menée par l'Etat depuis plusieurs années, et qui s'est poursuivi en 2003 avec un nouvel accroissement 26 ( * ) de la responsabilité financière des entreprises. Si pour 2004, il a néanmoins été prévu, comme en 2003, 7.000 d'entrées, le stock annuel moyen de préretraites FNE devrait passer de 34.890 en 2003 à 26.326 en 2004. Cette diminution, la hausse des recettes perçues au titre de la contribution « Delalande », ainsi que l'intervention de fonds de concours, expliquent la forte baisse des crédits alloués à ces préretraites.
• Les cessations d'activité de certains travailleurs salariés (CATS) ont été mises en place par le décret du 9 février 2000 : il s'agit d'un dispositif de préretraite réservé à des salariés âgés ayant effectué pendant plus de 15 ans des travaux pénibles ou ayant été reconnus travailleurs handicapés. Pour ouvrir droit à l'aide de l'Etat, cette cessation d'activité doit être organisée par un accord de branche et un accord d'entreprise, avec des engagements sur la fixation de la durée du travail à 35 heures et sur des dispositions relatives à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. L'augmentation des crédits s'explique par la progression du stock annuel moyen de CATS (19.580 en 2004 contre 15.454 en 2003).
• Les préretraites progressives concernent les personnes de plus de 55 ans acceptant la transformation de leur emploi à temps plein en emploi à temps partiel. Elles perçoivent alors, outre leur rémunération au titre de ce temps partiel, une allocation de l'Etat représentant au plus 30 % de leur salaire brut antérieur. L'entreprise verse une participation modulée en fonction des ses effectifs et sa politique de recrutement. En 2004, compte tenu du doublement du taux de participation employeur à compter du 1 er septembre 2003, le nombre d'entrées prévues baisse de 10.000 à 7.000, et les crédits dans un bien plus forte proportion encore, compte tenu de l'augmentation de la participation des entreprises 27 ( * ) .
Les mesures particulières : elles ne concernent plus que les préretraites de la sidérurgie -dispositif en extinction-, pour 6,12 millions d'euros.
B. LES DÉPENSES D'INDEMNISATION
1. Indemnisation du chômage
a) Les trois allocations versées par le Fonds de solidarité
L'indemnisation du chômage « de solidarité » est assurée par le Fonds de solidarité . Ses recettes sont constituées par le produit de la contribution de solidarité des fonctionnaires, soit 1 % de leur traitement brut, et par une subvention de l'Etat. L'indemnisation prend la forme de trois allocations fortement différenciées.
En premier lieu, toute personne justifiant de 5 ans d'activité salariée durant les 10 dernières années, et ayant épuisé ses droits à indemnisation dans le cadre du régime d'assurance chômage, peut percevoir, sous condition de ressources, l' allocation de solidarité spécifique (ASS).
Par ailleurs, le Fonds de solidarité attribue l' allocation d'insertion (AI) à certaines catégories de demandeurs d'emplois qui n'ont pu acquérir des droits d'indemnisation supérieurs à 3 mois au titre du régime d'assurance chômage (détenus, réfugiés, apatrides).
Enfin, le Fonds de solidarité finance l' allocation équivalent retraite (AER) instituée par la loi de finances initiale pour 2002. L'objet de l'AER est d'assurer à des chômeurs âgés qui ont commencé à travailler jeunes et se trouvent en fin de droit ainsi qu'à ceux trop faiblement indemnisés par le régime d'assurance chômage un revenu de remplacement jusqu'à l'âge de leur retraite. Ainsi, cette allocation est attribuée, sous condition de ressources, aux personnes âgées de moins de 60 ans justifiant d'au moins 160 trimestres de cotisations validés dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse, qu'ils perçoivent une allocation chômage (« AER de complément ») ou qu'ils soient en fin de droit et perçoivent alors l'ASS ou le RMI (« AER de remplacement »). Ce dispositif succède à l'allocation spécifique d'attente (ASA).
Le principe de l'indexation annuelle de ces allocations sur l'évolution des prix est posé par l'article 131 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
b) Les modifications devant être apportées à l'ASS pour 2004
Pour 2004, les conditions de versement de l'ASS doivent être sensiblement modifiées. Il est en effet prévu :
• de limiter de la durée de versement de l'allocation à 3 ans pour les bénéficiaires de l'ASS âgés de moins de 55 ans (mise en oeuvre à partir du second semestre 2004), à 2 ans pour les nouveaux allocataires âgés de moins de 55 ans à compter du 1 er janvier 2004. Cette limitation de la durée de versement ne s'appliquera pas aux allocataires de plus de 55 ans ;
• de supprimer l'accès à la majoration de l'ASS à compter du 1 er janvier 2004 pour les nouveaux entrants ;
• de modifier le barème de l'ASS pour les bénéficiaires vivant en couple et entrés dans le dispositif avant le 1 er janvier 1997.
D'une part, ces modifications visent à inciter au retour à l'emploi, en cohérence avec la relance simultanée des CIE ( supra ), qui bénéficient à l'embauche de tout allocataire de l'ASS, avec l'extension des règles d'intéressement 28 ( * ) , et avec la récente annonce gouvernementale d'un accès direct, pour les ASS arrivant à leur terme, au futur RMA.
D'autre part, plus prosaïquement, ce resserrement du dispositif arrive à point nommé pour contrebalancer, dans une certaine mesure, l'effet de la diminution de la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi par l'assurance chômage décidée par la convention UNEDIC du 20 décembre 2002, qui doit entrer dans sa seconde phase d'application à compter de 1 er janvier 2004 29 ( * ) . Il est attendu, en conséquence de cet accord, la sortie de l'assurance chômage de quelques 180.000 allocataires dès le 1 er janvier 2004 (et déjà 400.000 au 1 er mai 2004 sur 600.000 allocataires concernés), dont il est observé, en général, qu'environ un tiers bascule vers l'ASS, et un autre tiers directement vers le RMI.
Les enjeux financiers du passage de l'assurance
chômage à l'ASS et au RMI
1°) Les enjeux individuels
Le plancher de rémunération versé par l'assurance chômage s'élève à 24,76 euros par jour (allocation minimum de l'ARE 30 ( * ) au 1 er juillet 2003), tandis que l'allocation de solidarité spécifique (ASS) s'élève à 13,56 euros par jour au 1 er janvier 2003. La majoration de l'ASS (5,91 euros par jour) devant être supprimée, l'abattement que connaîtront un grand nombre de chômeurs en raison de leur exclusion du régime de l'assurance chômage est donc conséquent. En revanche, les périodes de versement de l'ASS, comme celles de l'ARE, sont également validées au titre de l'assurance vieillesse.
Le montant du RMI (411,7 euros mensuels au 1 er janvier 2003 pour une personne seule) est quasiment égal, pour une personne seule, à celui de l'ASS. Cependant, les règles de cumul sont beaucoup moins sévères pour l'ASS que pour le RMI. En outre, les périodes de versement du RMI ne sont pas validées au titre de l'assurance vieillesse.
2°) Les enjeux collectifs
a) Pour l'UNEDIC
Il devait résulter de l'ensemble des mesures prises par l'UNEDIC en décembre 2002 (hausse des cotisation et réforme des filières d'indemnisation notamment) un retour à l'équilibre fin 2005 en raison d'une économie cumulée de 15 milliards d'euros représentant alors la prévision du déficit cumulé de l'UNEDIC à cet horizon.
b) Pour l'Etat
Compte tenu du « déversement » attendu de l'ARE vers l'ASS en 2004, il est attendu des restrictions apportées une économie de 170 millions d'euros en 2004, et 500 millions d'euros en 2005.
c) Pour les collectivités territoriales
Le RMI étant appelé à être
versé par les départements à compter du
1
er
janvier 2004 (projet de loi projet de loi portant
décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et
créant un revenu minimum d'activité) le
« déversement » de l'ASS sur le RMI ne sera
évidemment pas neutre pour ces derniers. Les clauses financières
liées à ce transfert doivent logiquement faire l'objet d'une
réévaluation.
c) La résultante budgétaire
Somme toute, le nombre d'ASS servies devrait progresser de 255.500 en 2003 à 392.500 pour 2004, la modification des conditions de versement de l'ASS permettrant toutefois un amoindrissement de la dépense de 170 millions d'euros en 2004 , et de 500 millions en 2005.
Pour 2004, la subvention de l'Etat au fonds de solidarité s'élève à 1,417 milliard d'euros , connaissant une augmentation de 9,1 %, naturellement en raison de la montée en charge de l'ASS, mais aussi à cause d'un effet de « loupe » inhérent à la structure des ressources du Fonds de solidarité.
En effet, la contribution des fonctionnaires est relativement stable, alors qu'elle participe pour plus de 55 % au financement du fonds. La subvention de l'Etat constitue donc la variable d'ajustement lorsque les dépenses du fonds pour 2004, évaluées à 2,572 milliards d'euros, connaissent une progression, plus mesurée, de 4,38 %.
Cette augmentation est donc principalement imputable à la montée en charge de l'ASS , qui représente 80 % des dépenses de chômage de solidarité en 2003, mais aussi de l'augmentation du nombre d' AI 31 ( * ) (47.500 en 2004 contre 38.000 en 2003), dont le coût représente 8 % de ces dépenses en 2003, et de la montée en puissance des AER (41.000 en 2004 contre 39.400 en 2003), qui absorbent 12 % des mêmes dépenses en 2003.
2. Régimes de retraite
L' allocation complémentaire (ACO) est versée aux demandeurs d'emploi âgés de plus de 60 ans qui ne peuvent percevoir l'intégralité de leur pension de retraite parce qu'ils ont effectué une partie de leur carrière dans une profession pour laquelle le régime de retraite de base ne prévoit le versement des retraites qu'à 65 ans. L'Etat prend alors en charge cette allocation, pour laquelle un crédit de 3,05 millions d'euros est inscrit pour 2004, ce qui correspond à la reconduction des crédits de 2003.
*
Les indicateurs de coût du cinquième agrégat ont évolué de la manière suivante depuis 2001 :
Indicateur de coûts : dépenses budgétaires |
||||||
(en millions d'euros) |
||||||
Composantes de l'agrégat |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
||
LFI |
PLF |
Prévision de
|
||||
Retrait d'activité |
895 |
458 |
726 |
317 |
||
Dont rattachement de fonds de concours |
295 |
301 |
||||
Indemnisation du chômage |
1 358 |
1 117 |
1 299 |
1 417 |
||
Régimes de retraites |
3 |
3 |
3 |
3 |
||
Total |
2 256 |
1 578 |
2 028 |
1 737 |
||
Dont rattachement de fonds de concours |
260 |
301 |
||||
Source : "bleu" travail PLF 2004 |
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* 25 Cette contribution est due par les employeurs en cas de licenciement de salariés de plus de 50 ans.
* 26 Un taux moyen d'augmentation de 20 % a été fixé par la circulaire du 21 janvier 2003.
* 27 Plus généralement, la diminution du nombre des préretraites progressives depuis 1996 s'explique par la mise en place de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE). Ce dispositif ne donne pas lieu à inscription budgétaire car il résulte d'accords entre partenaires sociaux. Le dernier accord arrivant à expiration le 1 er janvier 2003, il n'y a plus ne nouveaux bénéficiaire en 2003. Les conditions d'accès, déjà particulièrement resserrées en 2002, ont justifié la mise en place de l'AER -l'allocation équivalent retraite (infra).
* 28 Règles permettant le cumul de l'allocation avec un revenu tiré d'une activité.
* 29 Pour les nouveaux entrants, les règles nouvelles se sont appliquées à compter du 1 er janvier 2003.
* 30 Allocation de retour à l'emploi.
* 31 Compte tenu d'une prochaine modification de la réglementation visant à transposer une directive européenne dont il résultera, en faveur des demandeurs d'asile, le versement de l'AI jusqu'à l'intervention de la décision les concernant.