IV. LES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES DE LA COUR DES COMPTES
A l'issue de son rapport public particulier d'avril 2003 relatif à la gestion du système éducatif, la Cour des Comptes a adopté la conclusion et les recommandations générales suivantes :
« Au terme d'une enquête qui aura mobilisé l'ensemble des juridictions financières, la Cour constate que le système éducatif français a réussi à relever le double défi que constituaient pour lui l'exigence d'une amélioration des niveaux de qualification et le développement d'un enseignement de masse. Mais il n'y est parvenu que dans une relative ignorance de ses coûts et au prix de la mise en oeuvre de procédures dont la complexité même a contribué à multiplier les contraintes et à diluer les responsabilités.
Une telle situation ne lui permet pas de répondre de la façon la plus efficace à la demande aujourd'hui générale d'une adaptation la plus fine possible aux caractéristiques et aux besoins des élèves et des étudiants.
A l'avenir, l'organisation du système éducatif devra s'adapter aux exigences actuelles de la gestion publique : préciser ses objectifs, mieux maîtriser l'emploi de ses moyens, compléter l'évaluation de ses résultats. Pour répondre aux évolutions démographiques prévues et aux besoins de la société, le système devra en outre améliorer considérablement sa capacité d'adaptation et sa rapidité de réaction...
... Deux changements significatifs, à réaliser simultanément, peuvent contribuer à améliorer l'efficacité de l'enseignement supérieur. D'une part, l'Etat doit assumer plus efficacement son rôle de pilote, à travers des procédures rénovées dans lesquelles la contractualisation des relations avec les établissements sera renforcée. D'autre part, l'autonomie des universités devra être réelle, ce qui implique qu'elles se montrent plus attentives à la qualité et aux coûts de leur gestion, développent l'évaluation sous ses divers aspects et s'ouvrent résolument au contexte européen...
... Certains de ces choix s'esquissent mais aucun n'a encore été officiellement arrêté. Certaines de ces solutions s'ébauchent mais aucune n'est encore aboutie. Dans l'espoir de faciliter leur mise en oeuvre, la Cour, au fil des développements du présent rapport, a énoncé quelques recommandations qu'elle croit devoir rappeler.
L'une des principales faiblesses de l'enseignement supérieur réside dans l'organisation de son offre de formation, dont les caractéristiques sont d'être à la fois dispendieuse et peu lisible. Pour assurer son indispensable rationalisation, les règles et les procédures qui concernent les diplômes et l'orientation doivent être révisées, notamment à partir des mesures suivantes :
- fixer l'échéance de mise en oeuvre par toutes les universités du système européen « L/M/D » ;
- obliger les universités à rationaliser leur offre, en limitant le nombre d'habilitations dont elles peuvent bénéficier ;
- préciser les objectifs, le contenu, la périodicité et les conditions de mise en oeuvre de l'habilitation ;
- faire une priorité de la politique d'orientation des élèves à la sortie de l'enseignement secondaire et des nouveaux étudiants ;
- introduire des indicateurs permettant de mesurer et comparer les résultats des établissements et mettre ces derniers à la disposition du public ;
- préciser les objectifs poursuivis par les différentes formations pour faciliter l'information et l'orientation des étudiants dans le maquis des très nombreuses formations offertes dans l'enseignement supérieur.
Pour exercer la fonction régulatrice qui est la sienne dans le système public, le ministère doit disposer d'instruments efficaces tout en dotant les établissements des éléments nécessaires à l'élaboration de leur stratégie. Dans ce but, il devra :
- engager des démarches prospectives sur les choix des étudiants, ainsi que sur le contenu et la localisation des formations, afin de mettre à la disposition des établissements les repères indispensables à l'élaboration des projets d'établissement et d'éviter les coûteuses redondances de formations ;
- mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois ;
- renforcer les relations contractuelles entre l'Etat et les établissements en faisant évoluer les contrats d'établissement vers des contrats d'objectifs et de moyens incluant leur évaluation, et revoir en conséquence leur durée ;
- reconsidérer le système SAN REMO afin, à partir de critères mieux adaptés, de le faire servir à une répartition plus équitable des crédits de l'enseignement supérieur ;
- restaurer une structure d'observation et d'analyse des coûts.
Les établissements d'enseignement supérieur doivent disposer d'une vraie autonomie, mais, en contrepartie, assumer pleinement leurs responsabilités.
A cette fin, il faut :
- accroître l'autonomie des universités par une allocation de leurs moyens sous la forme d'un budget global incluant la masse salariale ;
- pour conforter cette autonomie, donner à la fonction administrative et financière la place qui lui revient dans la gestion des universités ;
- renforcer le pouvoir des présidents sur les composantes ;
- confier aux universités la gestion de l'ensemble de leurs personnels et de leurs investissements ;
- donner aux établissements le pouvoir d'organiser de façon plus souple, dans un cadre précis et contrôlable, en fonction de leurs besoins propres et des aspirations et compétences des enseignants-chercheurs, la répartition des activités de ces derniers entre recherche et enseignement ;
- s'assurer que les universités respectent la réglementation qui encadre leur fonctionnement ;
- veiller à la mise en oeuvre des textes relatifs à la rénovation pédagogique dans les établissements ;
- rendre obligatoires les différentes formes d'évaluation, qu'elles concernent les établissements, les formations, les enseignements ou le personnel enseignant, et créer les instances appropriées d'évaluation, notamment dans les établissements ;
- s'intégrer résolument dans les processus européens d'évaluation ».