2. Inciter à la poursuite ou à la reprise d'activité des travailleurs
Au-delà du seul encadrement des mesures d'âge, le projet de loi cherche parallèlement à inciter les travailleurs et les employeurs à favoriser l'accès ou le maintien dans l'activité.
A ce titre, il prévoit la mise en place d'un système décote-surcote ambitieux.
En effet, dans les régimes de base du secteur privé comme de la fonction publique, les durées de cotisations ne sont, aujourd'hui, prises en compte qu'à concurrence d'un plafond. Ce plafond est de 160 trimestres 22 ( * ) dans le régime général, soit 40 annuités, et de 37,5 annuités dans la fonction publique. Au-delà, et à la différence des régimes complémentaires de salariés qui attribuent des points pour toute période cotisée, les régimes de base n'offrent pas d'avantages supplémentaires à leurs ressortissants.
En revanche, il existe, dans les régimes de salariés du secteur privé, un mécanisme de minoration du taux de pension dès lors que l'assuré ne justifie pas de la durée d'assurance nécessaire pour ouvrir droit à une pension de retraite à taux plein (160 trimestres). Ce système est injuste pour les salariés car, malgré l'absence d'un mécanisme parallèle de majoration, il réduit de 2,5 % par trimestre manquant le montant de la pension. Ce coefficient de minoration n'existait en outre pas dans les régimes du secteur public.
Le présent projet de loi propose, à l'article 17, de corriger les défauts de ce dispositif pour prévoir un mécanisme de bonification en faveur de tous les salariés, s'élevant à 3 % supplémentaires par année demeurée en activité au-delà de la date à laquelle ils auraient pu faire liquider leur pension. L'article 32 introduit pour sa part un système équivalent dans les régimes de fonctionnaires.
Le coefficient de minoration, ou décote, est maintenu. A terme 23 ( * ) , celui-ci sera réduit pour qu'un même taux soit appliqué aux salariés du secteur public et du secteur privé (5 % par an).
En conséquence de l'introduction de la surcote, le projet de loi prévoit le report à 65 ans de l'âge du salarié à partir duquel l'employeur peut le mettre à la retraite d'office (article 10).
Il prévoit également un assouplissement de la « contribution Delalande » , taxe pesant sur les employeurs se séparant d'un salarié de plus de 50 ans. Il apparaît en effet que cette contribution, en dépit de son durcissement progressif, n'a pas réellement permis de limiter le nombre de licenciements des salariés âgés, mais constitue en revanche un obstacle très dissuasif à leur embauche. Aussi est-il prévu d'exonérer de cette contribution les employeurs se séparant d'un salarié de plus de 50 ans qu'ils auraient embauché à l'âge de 45 ans (et non plus de 50 ans) (article 13).
Si d'autres initiatives ont pu être prises par ailleurs 24 ( * ) , votre commission considère que le présent projet de loi ne constitue sans doute qu'une première étape dans l'aménagement de notre politique de l'emploi en faveur de l'accès et du maintien dans l'emploi des salariés âgés.
A ce titre, deux autres pistes lui semblent devoir être explorées dans les meilleurs délais.
La première concerne la « contribution Delalande ». Si le projet de loi lui apporte un premier assouplissement non négligeable, il conviendrait sans doute, au vu d'une évaluation sérieuse, d'envisager sa modification en profondeur, voire sa suppression, tant elle constitue un obstacle à l'embauche des salariés en seconde partie de carrière.
La seconde, d'ordre réglementaire, a trait à la « dispense de recherche d'emploi » dont peuvent se prévaloir les salariés ayant atteint un certain âge.
En mars 2003, ce sont ainsi 379.000 chômeurs de plus de 55 ans qui étaient dispensés de recherche d'emploi. Cela représente près du double du nombre de bénéficiaires de préretraites financées sur fonds public.
La dispense de recherche d'emploi (DRE) est une situation particulière de certains demandeurs d'emploi au regard de la condition de recherche d'emploi prévue aux articles L. 351-16, R. 351-26 et D. 311-6 du code du travail. Peuvent se trouver admis à la DRE : - à partir de 55 ans, les demandeurs d'emploi qui perçoivent une allocation d'assurance chômage et qui justifient de 160 trimestres de cotisations au titre du régime de base de l'assurance vieillesse, ceux qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique ainsi que ceux qui ne perçoivent aucune allocation chômage ; - à partir de 57 ans et demi, les allocataires du régime d'assurance chômage. L'ASSEDIC adresse aux personnes susceptibles d'entrer en dispense de recherche d'emploi une lettre d'information, accompagnée d'un formulaire de demande de dispense que le demandeur d'emploi souhaitant entrer dans la dispense doit renvoyer à son agence locale pour l'emploi. Après réception de la demande de dispense, l'agence locale pour l'emploi procède à la suppression du demandeur d'emploi de son fichier de gestion. Le ministère de l'emploi et de la solidarité et l'ANPE publient chaque mois des informations sur le flux d'entrées en DRE, et l'Unedic publie des données concernant le stock des dispensés de recherche d'emploi indemnisés, ainsi que sur leur répartition par type d'indemnisation. Aucune information statistique n'est disponible en ce qui concerne le stock des dispensés de recherche d'emploi non indemnisés.
Source : DARES
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Le COR n'a pas manqué de souligner les effets pervers de ce dispositif : « ce dispositif stigmatise un âge à partir duquel des personnes ne seraient plus employables. Il empêche, en pratique, les travailleurs âgés de retrouver un emploi et de bénéficier des services de l'ANPE. Par ailleurs, il peut présenter une alternative à la mise à la retraite financièrement intéressante pour le salarié s'il bénéficie d'une prime de licenciement... Les règles concernant la dispense de recherche d'emploi ont une importance non négligeable sur les finances sociales et leur cohérence avec la réglementation sociale doit être examinée » . 25 ( * )
La logique même de la dispense d'emploi apparaît en effet contradictoire avec le souci d'augmenter le taux d'emploi des salariés âgés : on ne peut dans le même temps inciter les salariés âgés au retour à l'activité et les dispenser de toute recherche d'emploi.
Certes, votre commission conçoit volontiers les difficultés liées à la réforme de ce dispositif car elle aurait pour conséquence une augmentation mécanique du nombre de demandeurs d'emploi du fait de leur inscription à l'ANPE.
Mais elle considère néanmoins qu'il reste possible d'augmenter, de manière progressive, l'âge à partir duquel un chômeur âgé est dispensé de recherche d'emploi, cette réforme n'ayant d'ailleurs aucune incidence sur ses droits à indemnisation.
* 22 Aujourd'hui il s'agit en réalité de 150 trimestres pris en compte mais 160 trimestres de cotisations sont exigés pour bénéficier d'une retraite à taux plein. L'article 15 harmonisera ces deux durées.
* 23 L'entrée en vigueur de la décote dans le secteur public est très progressive (cf. article 45).
* 24 On pense notamment à la récente décision des partenaires sociaux, dans leur accord du 20 décembre 2002 sur le retour à l'équilibre de l'assurance chômage, d'étendre le mécanisme de l'aide dégressive à l'employeur en cas d'embauche aux allocataires de l'assurance chômage, âgés de 50 ans et plus ou à la récente réforme du contrat initiative emploi (CIE) visant à majorer l'aide à l'employeur pour toute embauche en CIE d'un chômeur de plus de 50 ans (décret du 27 juin 2003).
* 25 Fiche remise lors de la réunion du COR du 11 juin 2002.