B. LE DOCUMENT SOUMIS À LA CONSULTATION
Composé d'un préambule et de cinq chapitres, le projet de statut soumis à la consultation des électeurs de Corse a pour objet de substituer une collectivité unique à l'actuelle collectivité territoriale de Corse et aux deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud. Il s'inspire, dans ses mécanismes, de celui de Paris, Marseille et Lyon, même si l'on ne peut évidemment comparer des départements au vaste territoire et aux compétences étendues à des arrondissements urbains.
1. Un statut inspiré de celui de Paris, Marseille et Lyon
• Une collectivité unique
La collectivité unique disposerait d'une compétence générale pour les affaires de la Corse. Son siège serait fixé à Ajaccio . Elle serait administrée par une assemblée délibérante, appelée Assemblée de Corse , et par un conseil exécutif , responsable devant elle. Elle exercerait les compétences actuellement dévolues à la collectivité territoriale de Corse et aux deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud, complétées le cas échéant par les futures lois générales de décentralisation. Les services de ces trois collectivités lui seraient transférés. L'existence des communes ne serait pas remise en cause .
• Une collectivité déconcentrée
La collectivité unique serait subdivisée en deux conseils territoriaux dont les limites territoriales seraient celles de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud. Chaque conseil territorial serait doté d'une assemblée délibérante, l'une dénommée conseil territorial de Haute-Corse, l'autre conseil territorial de Corse-du-Sud, et d'un président. Les mêmes élus siègeraient à la fois à l'Assemblée de Corse et, selon le lieu de leur élection, dans l'un ou l'autre des deux conseils territoriaux.
Aux côtés des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, la collectivité unique aurait seule la personnalité morale et serait seule habilitée à recevoir le produit des impositions de toutes natures, à en fixer l'assiette et le taux, et à recruter du personnel .
Les conseils territoriaux seraient chargés de mettre en oeuvre les politiques de la collectivité unique . Ils agiraient toujours pour son compte et selon les règles qu'elle aurait fixées. A cette fin, la collectivité unique leur accorderait des dotations, dans le cadre de son budget, et mettrait en tant que de besoin ses services à leur disposition. Le conseil territorial de Haute-Corse siègerait à Bastia, celui de Corse-du-Sud à Ajaccio.
• Un mode d'élection permettant d'assurer à la fois la représentation des territoires et des populations
Les membres de l'Assemblée de Corse et des deux conseils territoriaux seraient élus dans le cadre d' une seule circonscription électorale correspondant à l'ensemble de la Corse.
L'élection aurait lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle , avec attribution d'une prime majoritaire , dans le cadre de secteurs géographiques . Le mode de scrutin devrait permettre d'assurer à la fois la représentation des territoires et des populations. Il respecterait les principes constitutionnel imposant qu'une élection, d'une part, soit organisée sur une base essentiellement démographique, d'autre part, favorise la parité entre hommes et femmes. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 3 avril 2003, il conviendrait de prévoir une alternance stricte des candidats de chaque sexe sur les listes électorales, comme pour les élections régionales.
L'Assemblée de Corse élirait le président et les membres du conseil exécutif. Chaque conseil territorial procèderait à l'élection de son président.
• Des compétences exercées au plus près des réalités
L'Assemblée de Corse arrêterait les politiques de la collectivité unique, assurerait leur planification et fixerait les règles de leur mise en oeuvre.
Pour des raisons de bonne gestion et de proximité, elle pourrait confier cette mise en oeuvre aux deux conseils territoriaux, en leur allouant les crédits et en mettant à leur disposition les services nécessaires.
Il reviendrait cependant à la loi, conformément au voeu de l'Assemblée de Corse, de définir les compétences de la collectivité unique dont la mise en oeuvre ne pourrait être confiée aux conseils territoriaux , parce qu'elles engagent l'unité des politiques publiques et la cohérence des décisions prises au niveau de l'île. Figureraient parmi ces compétences la détermination du régime des aides aux entreprises et l'élaboration du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.
Réciproquement, la loi réserverait aux deux conseils territoriaux la mise en oeuvre de certaines compétences de proximité , actuellement dévolues aux départements, telles que la gestion de l'aide sociale, l'entretien des routes ou les aides aux communes. L'Assemblée de Corse déterminerait les conditions d'exercice de ces compétences, allouerait aux conseils territoriaux un budget et mettrait à leur disposition des services.
Par ailleurs, la collectivité unique pourrait , dans des conditions déterminées par la loi, confier la mise en oeuvre de certaines de ses compétences aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale .
• Une organisation des services de l'Etat adaptée
L'organisation des services de l'Etat serait modifiée pour tenir compte de la création d'une collectivité territoriale unique. Conformément à l'objectif d'aménagement du territoire qui avait présidé à la bi-départementalisation en 1975, elle devrait assurer un équilibre entre toutes les parties du territoire de l'île.
Le représentant de l'Etat dans la collectivité unique serait installé à Ajaccio. Il bénéficierait, pour la circonscription administrative de Haute-Corse, du concours d'un préfet installé à Bastia .
2. Un avis favorable de l'Assemblée de Corse
En application de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, le projet de loi a été soumis pour avis à l'Assemblée de Corse le 8 avril dernier.
Le 18 avril, celle-ci a donné un avis favorable au projet de loi, approuvant en particulier l'organisation d'une consultation des électeurs insulaires, tout en formulant diverses recommandations .
L'Assemblée de Corse a notamment estimé que les attributions des futurs conseils territoriaux devraient relever du pouvoir d'organisation de la nouvelle collectivité régionale. Aussi a-t-elle proposé la suppression de la mention selon laquelle leurs compétences pourraient être définies par la loi, proposant au contraire que cette dernière fixe les compétences de la collectivité unique qui ne pourraient leur être déléguées. Elle a également souhaité que l'assemblée délibérante de la collectivité unique puisse choisir elle-même son siège .
S'agissant du mode de scrutin applicable à l'élection des membres de la collectivité unique et des conseils territoriaux, l'Assemblée de Corse a souhaité que les électeurs en aient une « connaissance complète » avant la consultation. Elle a demandé que ce scrutin garantisse la plus large représentation des différentes sensibilités politiques, confirmant son attachement à une seule circonscription électorale à l'échelle de la Corse, ainsi qu'à la représentation proportionnelle avec un seuil d'admission à la répartition des sièges de 5 % des suffrages exprimés. Elle a approuvé l'application du principe de parité entre hommes et femmes.
En revanche, l'Assemblée de Corse a souhaité la suppression de la référence, dans l'annexe, aux notions de prime majoritaire et de secteur électoral ainsi qu'aux modalités de répartition des élus entre l'Assemblée de Corse et les deux conseils territoriaux, ces questions devant encore, selon elle, faire l'objet d'une réflexion.
3. Des réflexions qui se poursuivent
De fait, lors de sa dernière visite en Corse, le 25 avril dernier, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a installé deux groupes de travail , composés de parlementaires et d'élus locaux, chargés de réfléchir, l'un sur les conditions de mise en oeuvre des compétences de la collectivité unique, en particulier la répartition des tâches entre la collectivité et les conseils territoriaux, l'autre sur le mode d'élection de leurs membres.
Ces réflexions devront bien entendu s'inscrire dans le cadre tracé par l'annexe au présent projet de loi. Ainsi, le groupe de travail sur le mode de scrutin devra-t-il se pencher sur le nombre d'élus à l'Assemblée de Corse et dans les conseils territoriaux, les différents seuils électoraux, le nombre de tours, le niveau de la prime majoritaire ou encore le découpage de la circonscription unique en secteurs.
Elles permettront d'éclairer les électeurs le jour de la consultation, qui devrait être fixé au 6 juillet 2003 .