2. Les délais d'habilitation et de ratification
Conformément aux dispositions du premier alinéa
de
l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement ne peut être
habilité à prendre des ordonnances que pendant un
« délai limité ». Le projet de loi fixe le
délai d'habilitation
à neuf, douze ou dix-huit mois, selon
le domaine concerné.
Le dernier alinéa de l'article 38 de la Constitution précise qu'
«
à l'expiration du délai mentionné au
premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent
plus être modifiées que par la loi dans les matières qui
sont du domaine législatif.
»
Le projet de loi doit en outre prévoir
un second délai
,
de ratification
, pendant lequel les projets de loi de ratification
doivent être déposés, sous peine de rendre caduques les
ordonnances prises par le Gouvernement. Ainsi, l'article 26 du présent
projet de loi dispose qu' «
un projet de loi de ratification devra
être déposé devant le Parlement dans un délai de
trois mois à compter de sa publication
».
Concernant la
valeur juridique des règles édictées par
voie d'ordonnances
, elles demeurent à
caractère
réglementaire
et peuvent être contestées devant le juge
administratif tant
qu'elles n'ont pas été
ratifiées
39(
*
)
.
Une
fois ratifiées, elles obtiennent rétroactivement valeur
législative
.
En principe, une ratification explicite doit avoir lieu. Toutefois, le Conseil
constitutionnel, dans sa décision n° 72-73 L du 29 février
1972, a rendu possible une ratification implicite des ordonnances :
«
ledit article 38, non plus qu'aucune autre disposition de
la Constitution, ne fait obstacle à ce qu'une ratification intervienne
selon d'autres modalités que celles de l'adoption du projet de loi
susmentionné ; que, par suite, cette ratification peut
résulter d'une manifestation de volonté implicitement mais
clairement exprimée par le Parlement
». Confirmant cette
possibilité dans sa jurisprudence postérieure, il a
également consacré l'usage des « ratifications
impliquées » comme catégorie de
« ratifications implicites »
40(
*
)
.
La pratique met malheureusement en évidence la
faiblesse des
ratifications
ayant été effectuées par le Parlement.
Cinquante-quatre ordonnances adoptées sous la XIème
législature seraient toujours en attente de ratification par le
Parlement
41(
*
)
.
Les retards de ratification des ordonnances relatives aux parties
législatives de certains codes sont mis en évidence dans le
douzième rapport annuel de la Commission supérieure de
codification : «
Les neufs ordonnances adoptées en
2000 auraient dû être ratifiées avant la fin de
l'année 2001. Le respect des engagements pris à l'égard du
Parlement, la nécessité de stabiliser les situations juridiques
ainsi créées et d'assurer une pleine sécurité
juridique imposait une rapide ratification. Or, l'encombrement du calendrier
parlementaire, la multiplicité des textes que le Parlement a dû
examiner et voter en priorité n'ont pas permis l'examen d'un texte
portant ratification globale de l'ensemble de ces ordonnances
. »
Parmi les dix-neuf ordonnances prises en vertu de la loi du
3 janvier 2001 précitée, portant habilitation du
gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives
communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit
communautaire, seules deux d'entre elles ont d'ores et déjà
été ratifiées, une troisième devant l'être
par le présent projet de loi
42(
*
)
.
En l'occurrence, la ratification des ordonnances prises en vertu de
l'habilitation conférée par le présent projet de loi sera
essentielle. En effet, alors que de nombreuses dispositions législatives
vont se trouver modifiées, et que le Gouvernement sera autorisé
à codifier à droit non constant,
le risque est grand de voir
les règles édictées demeurer de nature
réglementaire,
créant ainsi
une grande
insécurité juridique
. En effet un certain nombre
d'ordonnances prises par les gouvernements précédents n'ont
jamais été ratifiées, explicitement ou implicitement par
le Parlement.
Il s'agit enfin de mesurer les conséquences d'une habilitation d'une si
grande ampleur. Pendant la durée de l'habilitation, le Parlement peut se
retrouver privé de l'exercice de son pouvoir législatif pour les
domaines dans lesquels il a habilité le Gouvernement à prendre
des ordonnances. Le premier alinéa de l'article 41 de la Constitution
dispose en effet que «
s'il apparaît au cours de la
procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est
pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation
accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement peut opposer
l'irrecevabilité
. » Par conséquent, il convient
pour le Parlement d'être parfaitement éclairé sur
l'étendue de la délégation autorisée avant d'y
consentir le cas échéant.
Tel est bien l'objet de l'examen auquel se sont livrées votre commission
des Lois et les trois commissions saisies pour avis.