I. LA NÉCESSAIRE SIMPLIFICATION DU DROIT
La simplification de la législation française doit être aujourd'hui une priorité. Elle impose des mesures de simplification administrative et de codification des textes.
A. L'URGENCE DE LA SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE
L'urgence de la simplification administrative découle de la complexité croissante de notre réglementation juridique que les réformes ponctuelles antérieures n'ont pas réussi à entamer véritablement.
1. La complexité croissante de la réglementation juridique
Dans son
rapport 2001, le médiateur de la République relevait que
«
l'inflation et l'instabilité des normes juridiques
provoquent parfois, chez nos concitoyens, un grand désarroi. Se sentant
isolé dans un maquis de procédures contraignantes et souvent
incomprises, le citoyen ressent avec amertume la distance qui le sépare
des centres de décision
»
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*
)
.
Le citoyen est
, en effet,
la
première victime de la complexité administrative
. En vertu de
l'adage « nul n'est censé ignorer la loi », il est
présumé connaître et se voir opposer l'ensemble de la
production normative de l'Etat et de l'Union européenne. Or, cette
dernière est en constante augmentation.
En 1991, le Conseil d'Etat relevait l'existence de 7.500 lois et 100.000
décrets.
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*
)
Douze
années après, le nombre des normes juridiques dont les citoyens
sont censés connaître l'existence et le contenu n'a pas
décru. Au contraire, le nombre de textes, dont le recensement
s'avère extrêmement difficile, pourrait aujourd'hui avoisiner
8.000 lois et 400.000 décrets. Le nombre annuel de nouvelles
circulaires émises par l'administration avoisine plusieurs milliers. Le
droit communautaire, qu'il soit ou non directement applicable dans les Etats
membres, suit une progression similaire.
En outre, la durée de vie des textes est en constant raccourcissement,
comme le notait, en 1997, le Premier ministre.
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*
)
Les textes sont sans cesse
modifiés, renforçant encore l'insécurité juridique
des citoyens. Les modifications se font de plus en plus précises, elles
restent souvent partielles, n'abrogent pas toujours expressément des
dispositions obsolètes. Quel usager n'a pas appelé de ces voeux
la simplification de la législation fiscale ou sociale devant laquelle
le citoyen, à l'exception du professionnel du droit, se trouve
totalement désarmé, enfermé dans un univers
kafkaïen ?
A cette profusion des normes s'ajoute, par ailleurs, leur complexité. La
simplicité, la clarté et la qualité technique ne sont plus
les caractéristiques premières du droit contemporain, qu'il soit
d'origine législative ou réglementaire. La vie des citoyens est
de plus en plus réglementée - partiellement, d'ailleurs, en
raison de la recherche, par les citoyens, de ce qu'il est convenu d'appeler le
« risque zéro ». Les règles
générales sont souvent délaissées au profit de
normes détaillées. Les réglementations relatives à
la protection et à la sécurité des consommateurs, toujours
plus nombreuses, en sont les exemples topiques. Cependant, si cette
complexité peut sembler légitime dans un tel cadre, il ne saurait
en aller de même dans les relations que le citoyen entretient avec
l'administration.
La complexité administrative résulte, pour l'essentiel, de
l'empilement des textes. Elle est parfois née du souci louable de
satisfaire certaines demandes des administrés. Mais la création
de nouvelles structures juridiques n'a pas toujours entraîné la
suppression ou le regroupement des structures existantes. Les échelons
administratifs et les procédures se sont superposés,
jusqu'à
l'édification d'un véritable labyrinthe
administratif
.
Or, comme le relevait le groupe de travail interministériel
institué par le Comité interministériel à la
réforme de l'Etat lors de sa réunion du 12 octobre
2000,
7(
*
)
la complexité
administrative a un coût. En suscitant l'incompréhension, elle
conduit à développer, chez le citoyen, un sentiment de
dénigrement de l'administration et contribue, dans une certaine mesure,
à décrédibiliser les instances démocratiques qui
génèrent et gèrent cette complexité.
Une telle situation est également dommageable à l'entrepreneur
dont l'activité économique peut se trouver bridée par les
contraintes et les formalités qui pèsent sur lui, notamment en
matière fiscale ou sociale.
Le coût de la complexité
administrative a ainsi été évalué entre trois et
quatre points du produit intérieur brut dans les Etats membres de
l'Organisation de coopération et de développement
économique
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*
)
.
Toutefois, si la complexité administrative peut s'expliquer, et peut
même, dans certains cas, être difficilement évitée,
il n'en demeure pas moins qu'il doit revenir à l'administration la
tâche de gérer la complexité des procédures qui sont
imposées aux citoyens. Comme l'indiquait M. Pierre-Rémy Houssin,
dans son rapport sur la simplification de l'Etat dans ses relations avec le
public et les collectivités locales, «
il faut une
administration humaine et responsable et non ce que ressent le plus souvent le
citoyen : une sorte d'édredon que l'on peut boxer et qui,
indéfiniment, reprend forme
»
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*
)
.