EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
La critique de la complexité administrative n'est pas nouvelle.
Déjà, au sortir de la Révolution, Saint-Just pouvait
s'écrier : «
Le Ministère est un monde de
papier... Les bureaux ont remplacé le monarchisme : le démon
d'écrire nous fait la guerre et l'on ne gouverne pas
».
Aussi n'est-il pas étonnant de constater que le thème de la
simplification administrative est, depuis près d'une trentaine
d'années, un
thème récurrent de l'action des pouvoirs
publics
. La volonté de simplification des règles
administratives, destinée à renforcer l'adhésion des
citoyens aux affaires publiques, a des racines anciennes. Les pouvoirs publics
ont en effet depuis longtemps pris conscience que l'abondance et la
complexité des règles juridiques ne pouvaient que nuire à
l'efficacité de l'action administrative tout en mécontentant le
citoyen. Pourtant, la politique de simplification de l'Etat est souvent
décrite comme un « serpent de mer » : si elle
est toujours annoncée, elle n'est, en pratique, guère voire
jamais réalisée.
Or, aujourd'hui,
le Gouvernement a décidé de se donner
véritablement les moyens d'agir en la matière. La simplification
administrative constitue un axe majeur de sa politique,
comme l'a
annoncé le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique
générale prononcée le 3 juillet 2002.
Il est vrai que la notion même de simplification ne se définit pas
aisément.
D'un point de vue formel, la simplification peut être définie
comme consistant à
assurer que les règles et dispositifs
juridiques seront compris par tous les citoyens
. L'objectif de toute
entreprise de simplification du droit est donc de garantir
l'intelligibilité de la règle de droit. La simplification de la
législation vise, dans cette perspective, à
satisfaire
au
principe de clarté de la loi
et à
l'objectif de
valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi
qui, selon la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, découlent tant de l'article 34
de la Constitution que de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen
1(
*
)
. A cette fin, la
simplification du droit doit emprunter deux voies différentes et
complémentaires.
Tout d'abord la forme même de la règle de droit peut
empêcher le citoyen d'en avoir une intelligibilité réelle.
La mauvaise qualité rédactionnelle de la loi, l'abondance de
dispositifs législatifs aux champs d'application distincts, le luxe de
détails de certaines réglementations constituent autant de
facteurs qui obscurcissent le sens des lois et leur correcte application. Il
convient donc de simplifier la rédaction des textes, d'alléger
les dispositifs, de revenir à l'énoncé de principes
généraux, le cas échéant, assortis d'exceptions.
C'est cette tâche que s'assigne la démarche de simplification
stricto sensu
.
Toutefois, la loi peut, par ailleurs, être difficilement accessible en
raison de l'inflation des textes et de leur modification successive par le
législateur. La clarté de la loi exige aussi la cohérence
des textes les uns avec les autres. A ce titre, la présentation de la
législation en un ensemble organisé, construit selon un plan
d'ensemble systématique, est indispensable. L'entreprise de
codification du droit
vise ainsi à ordonner, en un ensemble
cohérent, des pans entiers de la législation applicable à
une activité déterminée.
Comme il ressort du présent projet de loi, le
Gouvernement n'a
cependant pas entendu limiter son action à une simplification purement
formelle de notre droit.
Il a décidé de s'attaquer à
l'autre source de la complexité du droit, à savoir la
complexité intrinsèque des règles
posées
tant au niveau législatif qu'au niveau réglementaire.
L'administration ne saurait apparaître comme une source de
tracasseries insurmontables pour les usagers, alors que, comme le rappelait en
1994 le « rapport Picq », l'administration doit être
au service du citoyen
2(
*
)
. Or,
dans bien des cas, le législateur ou le pouvoir exécutif semble
avoir pris un certain plaisir à multiplier les régimes juridiques
applicables à certaines situations. Quel citoyen n'a pas frémi
lors de l'envoi de sa déclaration de revenus, craignant à chaque
fois d'avoir omis de présenter la quantité impressionnante de
justificatifs demandés par l'administration ? Quel citoyen, et plus
largement, quel usager de l'administration est en mesure de connaître
l'ensemble des règles qui s'appliquent à lui lorsqu'il est
bénéficiaire de prestations sociales ou lorsqu'il emploie un
salarié à domicile ?
Cette complexité peut faire la joie de certaines professions qui en
vivent. Mais elle est incontestablement un handicap quotidien pour nombre de
citoyens. De plus, comment ne pas voir que la complexité du droit a un
coût ? Il faut ainsi des structures et des personnels nombreux
à l'administration pour gérer l'afflux dans ses bureaux des
demandes d'autorisations préalables exigées par la loi. Ces
tâches souvent inutiles accaparent le temps des fonctionnaires qui, en
leur absence, pourraient accomplir d'autres missions.
La simplification du droit bénéficiera donc à l'ensemble
de la société.
Le présent projet de loi constitue une
première étape en ce domaine qu'il conviendra de poursuivre
à l'avenir
. Déjà, un nouveau train d'ordonnances en
matière de simplification est annoncé pour l'automne. Il n'est
que temps d'agir.
Outre votre commission des Lois, saisie au fond, trois commissions ont
souhaité se saisir pour avis témoignant de l'ampleur du chantier
proposé. Votre commission leur a délégué l'examen
de certaines parties du texte relevant intégralement de leur
compétence
3(
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)
.