ANNEXE 3
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LES HOMICIDES COMMIS PAR LES AUTOMOBILISTES
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SERVICE DES ÉTUDES JURIDIQUES
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LES
DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SÉNAT
Série
LÉGISLATION COMPARÉE
LES HOMICIDES COMMIS
PAR LES AUTOMOBILISTES
Ce document constitue un instrument de travail élaboré à l'intention des Sénateurs par la Division des études de législation comparée du Service des Études juridiques. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.
n° LC 119 Février 2003
LES
HOMICIDES COMMIS PAR LES AUTOMOBILISTES
_______
En
France, le code pénal ne prévoit pas le cas particulier des
homicides commis par les automobilistes. Aux termes de l'article 221-6 du code
pénal, ils sont considérés comme des homicides
involontaires
, et leurs auteurs sont passibles de trois ans
d'emprisonnement ainsi que d'une amende de 45 000 €. En cas de
«
violation manifestement délibérée d'une
obligation particulière de sécurité ou de prudence
imposée par la loi ou le règlement
», les peines
sont alourdies et portées respectivement à cinq ans et à
75 000 €.
En vertu de l'article 221-8, le conducteur condamné pour homicide
involontaire encourt les
peines complémentaires
suivantes :
- suspension du permis de conduire pour une durée maximale de cinq
ans, cette sanction «
pouvant être limitée à
la conduite en dehors de l'activité
professionnelle
» ;
- annulation du permis de conduire, avec interdiction de solliciter la
délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus.
Par ailleurs, le code de la route prévoit que l'homicide involontaire
entraîne, de plein droit, la perte de six points du permis de conduire,
qui en totalise douze.
Le gouvernement a fait de la sécurité routière une
priorité nationale et un plan d'action a été défini
lors du comité interministériel du 18 décembre 2002
.
Les dispositions de nature législative de ce plan ont été
reprises par le
projet de loi renforçant la lutte contre la violence
routière
, qui a été présenté en conseil
des ministres le 26 février 2003. Ce projet prévoit
notamment le renforcement des sanctions encourues par les automobilistes et la
création d'un nouveau délit d'homicide involontaire commis
à l'occasion de la conduite d'un véhicule à moteur
.
Le nouveau délit serait assorti d'une peine de prison d'une durée
maximale de cinq ans et d'une amende pouvant aller jusqu'à
75 000 €. Ces peines seraient aggravées et portées
respectivement à sept ans et à 100 000 € en cas de
conduite sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants, de violation
délibérée d'une obligation de prudence ou de
sécurité, de défaut de permis de conduire, d'excès
de vitesse d'au moins 50 km/h ou de délit de fuite. De plus,
lorsque deux de ces circonstances aggravantes seraient réunies, la peine
d'emprisonnement pourrait atteindre dix ans et l'amende
150 000 €.
Le projet de loi prévoit également d'ajouter aux peines
complémentaires existantes l'obligation de suivre un stage de formation
à la sécurité routière, l'interdiction de conduire
certaines catégories de véhicules et la suppression de la
possibilité d'aménager la peine de suspension du permis de
conduire pour tenir compte des obligations professionnelles.
La réforme envisagée en France conduit à s'interroger sur
les dispositions en vigueur dans plusieurs pays européens
,
l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, la Belgique, le Danemark,
l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas, ainsi qu'aux États-Unis
.
Pour chacun des pays retenus, le présent document examine :
- la qualification pénale de l'homicide commis par un
automobiliste, en particulier pour mettre en évidence s'il est
considéré comme un homicide involontaire ou s'il constitue une
infraction spécifique ;
- la sanction encourue par l'automobiliste auteur d'un homicide.
L'analyse des règles étrangères fait apparaître
un clivage entre les pays anglo-saxons et les Pays-Bas, où l'homicide
commis par un automobiliste constitue une infraction spécifique, et les
autres, où il est considéré comme une forme d'homicide
involontaire.
1) En Angleterre et au Pays de Galles, dans presque tous les États des
États-Unis, ainsi qu'aux Pays-Bas, l'homicide commis par un
automobiliste constitue une infraction spécifique
En Angleterre et au Pays de Galles
, pour que cette infraction soit
constituée, il faut que la conduite de l'automobiliste à
l'origine de l'homicide puisse être qualifiée de
« dangereuse ». La
conduite dangereuse
est
définie par la loi comme étant soit d'un niveau très
inférieur à celle d'un conducteur compétent et prudent,
soit susceptible d'être considérée comme manifestement
dangereuse par n'importe quel conducteur compétent et prudent. En outre,
le mauvais état du véhicule peut également permettre de
qualifier la conduite de dangereuse.
Presque tous les États américains
ont fait de l'homicide
commis par un automobiliste une infraction spécifique,
l'« homicide lié à la conduite automobile ».
En règle générale, cette infraction est établie
lorsque le conducteur a fait preuve de
négligence
, le niveau de
négligence requis variant d'un État à l'autre. Toutefois,
plusieurs États appliquent la théorie de la
faute
présumée
, de sorte que l'infraction peut être
constituée indépendamment de toute négligence. Par
ailleurs, dans les cinq États qui n'ont pas créé
l'infraction particulière d'« homicide lié à la
conduite automobile », les règles pénales
générales relatives à l'homicide par imprudence sont
applicables.
Aux
Pays-Bas
, le code de la route interdit de se comporter d'une
façon qui puisse provoquer un accident dans lequel une personne pourrait
trouver la mort et prévoit les sanctions applicables aux automobilistes
qui enfreignent ce
devoir général de prudence
.
Dans les trois cas (Angleterre et Pays de Galles, États-Unis et
Pays-Bas), une distinction est établie selon que l'auteur de l'homicide
conduisait ou non sous l'emprise de l'alcool ou de produits stupéfiants.
2) Dans les autres pays, l'homicide commis par un automobiliste est le plus
souvent considéré comme une forme d'homicide involontaire
Bien qu'il ne constitue pas une infraction spécifique, l'homicide commis
par un automobiliste fait l'objet de dispositions pénales
particulières en Espagne et en Italie.
a) En Espagne et en Italie, le code pénal comporte des règles
spécifiques
En
Espagne
, selon que l'imprudence qui en est la cause est grave ou non,
l'homicide commis par un automobiliste n'est pas qualifié de la
même façon. Dans le premier cas, il appartient à la
catégorie des « délits » et constitue un
homicide par imprudence
. Dans le second, il fait partie des
« fautes » et est classé parmi les
«
infractions contre les personnes
».
En
Italie
, l'homicide commis par un automobiliste est
considéré comme un
homicide involontaire avec circonstances
aggravantes
.
b) En Allemagne, en Belgique et au Danemark, les règles
générales relatives à l'homicide involontaire sont
applicables
Dans ces trois pays, en l'absence de disposition spécifique, l'homicide
commis par un automobiliste constitue, comme en France, un homicide
involontaire.
*
* *
La sanction principale, emprisonnement ou amende, varie beaucoup d'un pays à l'autre et n'est pas liée à la qualification de l'infraction. Du reste, dans les pays qui ont érigé l'homicide commis par un automobiliste en infraction spécifique, les tribunaux recourent parfois aux règles pénales générales sur l'homicide pour sanctionner plus durement les coupables. C'est ainsi qu'aux Pays-Bas des voix s'élèvent pour considérer certains homicides commis par des automobilistes comme des homicides volontaires.
ALLEMAGNE
_____
1) La
qualification de l'infraction
Le code pénal ne prévoit pas le cas particulier des homicides
commis par des automobilistes. En l'absence de disposition spécifique,
ils sont considérés comme des
homicides par imprudence
.
2) La sanction de l'infraction
L'article 222 du code pénal, relatif à l'homicide par
imprudence, prévoit une
peine de prison d'une durée maximale
de cinq ans ou une amende
.
L'article 44 du même code dispose que le juge peut également
prononcer une
interdiction de conduire
pour une durée comprise
entre un et trois mois à l'encontre de l'automobiliste condamné
à une amende ou à une peine privative de liberté à
la suite d'une infraction relative à la conduite ou d'une violation de
ses obligations générales.
Les articles 69 et 69a énoncent que le juge peut également
infliger à l'automobiliste un
retrait du permis de conduire
pour
une durée comprise entre six mois et cinq ans. Le retrait peut
même être définitif si le conducteur représente un
grave danger pour la circulation, par exemple compte tenu de son état de
santé. Lorsque la durée du retrait est supérieure à
deux ans, l'épreuve complète du permis de conduire doit
être repassée. À la différence de l'interdiction de
conduire, le retrait du permis peut être prononcé à
l'encontre de personnes qui n'ont pas pu être condamnées, en
raison de leur irresponsabilité pénale.
Par ailleurs, en application de l'annexe 13 du règlement du
18 août 1998 sur le permis de conduire, l'homicide involontaire
lié à la conduite d'un véhicule entraîne
l'inscription de cinq
points de pénalité
. Or, lorsque le
conducteur totalise dix-huit points, son permis est annulé.
ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
_____
1) La
qualification de l'infraction
L'article premier de la loi de 1988 sur la circulation routière fait
de l'homicide commis par un automobiliste une infraction spécifique,
dans la mesure où l'automobiliste conduisait de façon
« dangereuse ».
La conduite dangereuse
, qui, indépendamment des conséquences
qu'elle peut avoir, constitue également une infraction à part
entière, est définie à l'article 2A de la même loi.
Elle répond à un double critère :
- son niveau est très inférieur à celle d'un
conducteur compétent et prudent ;
- elle serait considérée comme manifestement dangereuse par
n'importe quel conducteur compétent et prudent, l'adjectif
« dangereux » étant défini par la loi comme
relatif à des actes susceptibles de causer des blessures à des
individus ou des dommages à des biens.
L'état du véhicule
peut également permettre de
qualifier la conduite de dangereuse. C'est le cas si tout conducteur
compétent et prudent estime dangereux le fait de conduire avec un
véhicule dans un tel état. La qualification de
« conduite dangereuse » est notamment retenue lorsqu'un
grave accident a lieu après qu'un automobiliste a omis de
s'arrêter à un feu rouge, franchi une ligne continue,
doublé dans un virage ou roulé à contre-sens.
La rédaction de l'article premier de la loi de 1988 résulte d'une
modification adoptée en 1991. Auparavant, la réalisation de
l'infraction qu'il définit supposait une conduite
« imprudente », sans que ce terme fût défini.
Malgré l'existence d'une infraction spécifique, les tribunaux
peuvent choisir de qualifier l'homicide commis par un automobiliste
d'
homicide
par imprudence
, en application de la loi pénale
générale. Du reste, lorsque l'homicide ne résulte pas d'un
comportement dangereux, l'infraction ne peut pas être qualifiée
autrement que d'homicide par imprudence.
Par ailleurs, l'article 3A de la loi de 1988 prévoit le cas
particulier de l'homicide commis par un automobiliste qui a commis une
imprudence alors qu'il conduisait sous
l'emprise de l'alcool ou de produits
stupéfiants
.
Lorsque l'automobiliste auteur de l'homicide conduisait un
véhicule
volé
, l'infraction relève de l'article 12A de la loi de 1968
sur le vol, relatif au vol de véhicules avec circonstances aggravantes.
*
* *
D'une
manière générale, quelle que soit la qualification
retenue, les juges éprouvent des difficultés à
apprécier le degré de culpabilité de l'auteur de
l'infraction. C'est pourquoi le
Sentencing Advisory Panel
, qui est un
organisme public chargé de veiller à l'uniformité de la
jurisprudence, a publié en juillet 2002 un document intitulé
«
La condamnation dans les cas d'homicide dû à une
conduite dangereuse
».
2) La sanction de l'infraction
Les infractions et les sanctions ne sont pas définies par la même
loi : les premières font l'objet de la loi de 1988 sur la
circulation routière, tandis que les secondes sont
déterminées par la loi de 1988 sur les auteurs d'infractions
routières.
Lorsque
l'infraction tombe sous le coup de l'article premier de la loi de
1988 sur la circulation routière
, la loi de 1988 sur les auteurs
d'infractions routières prévoit :
- une peine de prison pouvant atteindre dix ans ;
- une suspension du permis de conduire pour une période d'au moins
deux ans, à l'issue de laquelle l'intéressé a l'obligation
de repasser un test d'aptitude à la conduite ;
- l'apposition sur le permis de conduire pendant quatre ans d'une mention
relative à l'infraction commise ;
- l'attribution de trois à onze points de pénalité.
Comme le conducteur qui totalise douze points de pénalité en
trois ans se voit infliger une suspension du permis de conduire d'au moins six
mois, cette sanction doit inciter l'auteur de l'infraction à la plus
grande prudence une fois qu'il a retrouvé le droit de conduire.
C'est la loi pénale de 1993 qui a modifié la loi de 1988 sur les
auteurs d'infractions routières pour fixer à dix ans la
durée maximale de la peine de prison. Auparavant, elle était de
cinq ans.
En l'an 2000, 185 conducteurs ont été condamnés pour
« homicide dû à une conduite dangereuse ».
Pour 158 d'entre eux, soit 85 %, la sanction a été une peine
de prison immédiate, la durée moyenne de la peine
d'emprisonnement étant d'un peu plus de trois ans.
Lorsque l'infraction est qualifiée
d'homicide par imprudence
, la
loi pénale générale dispose que la sanction maximale
encourue est l'emprisonnement à vie. Toutefois, les auteurs d'homicides
par imprudence sont généralement condamnés à
quelques années d'emprisonnement (alors que les auteurs d'homicides
volontaires sont automatiquement condamnés à une peine de prison
à perpétuité).
En outre, la loi de 1988 sur les auteurs d'infractions routières
prévoit les mêmes peines accessoires que pour l'homicide dû
à une conduite dangereuse (suspension du permis de conduire, mention sur
le permis de conduire et points de pénalité).
Lorsque
l'article 3A de la loi de 1988 sur la circulation
routière
s'applique (parce que l'automobiliste conduisait
sous
l'emprise de l'alcool ou de produits stupéfiants
), la loi de 1988
sur les auteurs d'infractions routières dispose que la sanction est la
même que lorsque l'infraction tombe sous le coup de l'article premier de
la loi de 1988 sur la circulation routière, à une
différence près : la peine principale peut ne pas être
une peine de prison, mais seulement une amende.
Lorsque l'homicide a été réalisé avec un
véhicule volé
, la loi de 1968 sur le vol prévoit
une peine de prison d'au plus cinq ans.
De plus, la loi de 1988 sur les auteurs d'infractions routières
prévoit les mêmes peines accessoires que lorsque l'infraction
tombe sous le coup de l'article premier de la loi de 1988 sur la circulation
routière (suspension du permis de conduire, mention sur le permis de
conduire et points de pénalité).
*
* *
En décembre 2000, le gouvernement a lancé une consultation sur la sanction des infractions routières. Il n'envisageait pas d'augmenter la durée maximale de la peine d'emprisonnement prévue en cas d'homicide dû à une conduite dangereuse, mais proposait une période de suspension du permis de conduire d'au moins trois ans. En cas de récidive, la suspension aurait été définitive. En juillet 2002, le gouvernement a publié la synthèse des réponses reçues. Celles-ci font apparaître un large soutien aux propositions précitées et suggèrent même une plus grande sévérité, de sorte que le gouvernement a indiqué qu'il envisageait de porter à quatorze ans la durée maximale de la peine d'emprisonnement encourue par les auteurs d'homicides dus à une conduite dangereuse.
BELGIQUE
_____
1) La
qualification de l'infraction
Le code pénal ne prévoit pas le cas particulier des homicides
commis par des automobilistes. En l'absence de disposition spécifique,
ils sont considérés comme des
homicides par imprudence
.
2) La sanction de l'infraction
L'article 419 du code pénal, relatif à l'homicide par
imprudence, prévoit une
peine de prison de trois mois à deux
ans et une amende de 250 à 5 000 €
.
Par ailleurs, la loi sur la circulation routière dispose que le juge
pénal peut condamner tout automobiliste condamné pour homicide
à la
déchéance du droit de conduire
. Cette
déchéance est prononcée pour une durée comprise
entre huit jours et cinq ans, le juge pouvant subordonner la restitution du
permis de conduire à l'obligation de subir un ou plusieurs examens,
théorique, pratique, médical ou psychologique.
Lorsque l'homicide est «
apparemment imputable à la faute
grave
du conducteur
», l'article 55 de la même loi
prévoit que le procureur peut ordonner le retrait immédiat du
permis de conduire.
DANEMARK
_____
1) La
qualification de l'infraction
Le code pénal ne prévoit pas le cas particulier des homicides
commis par des automobilistes. En l'absence de disposition spécifique,
ils sont considérés comme des
homicides par imprudence
.
2) La sanction de l'infraction
L'article 241 du code pénal, relatif à l'homicide par imprudence,
prévoit une
amende ou une peine de prison d'une durée maximale
de quatre mois
.
Toutefois, en présence de
circonstances aggravantes
, la
durée de la peine de prison peut être portée à
huit ans
. Cette disposition résulte d'une modification du code
pénal adoptée en juin 2002 : auparavant, la peine maximale
était de quatre ans de prison.
La notion de circonstances aggravantes n'est pas définie. En
règle générale, le juge estime qu'il n'y a pas de
circonstances aggravantes lorsqu'il s'agit d'une première infraction.
Ainsi, au début de l'année 2002, un chauffeur de bus qui, un an
plus tôt, avait tué deux personnes et blessé une vingtaine
d'autres a été condamné à une peine d'amende
(30 jours-amende) parce qu'il n'avait jamais commis d'infraction
routière auparavant. En revanche, la conduite en état
d'imprégnation alcoolique constitue une circonstance aggravante.
Par ailleurs, le code de la route prévoit que, lorsqu'un conducteur a,
par son imprudence, causé des dommages corporels, le permis de conduire
lui est retiré. Le
retrait
est en principe prononcé pour
une durée comprise entre six mois et dix ans, mais il
peut être
définitif
.
ESPAGNE
_____
1) La
qualification de l'infraction
Le code pénal prévoit le cas particulier de l'homicide commis
par un automobiliste
. Dans les cas les plus graves, il le considère
comme
un homicide par imprudence
.
Conformément à la classification bipartite des infractions
retenue par le code pénal, l'homicide commis par un automobiliste
constitue un délit ou une « faute », selon qu'il
résulte d'une imprudence grave ou légère, la nature de
l'imprudence étant appréciée par les tribunaux. Dans le
premier cas, il est classé parmi les homicides ; dans le second,
parmi les infractions contre les personnes.
2) La sanction de l'infraction
Lorsque l'homicide est dû à une
imprudence grave
,
l'article 142 du code pénal prévoit une
peine de prison
de un à cinq ans
, assortie d'une
suspension du permis de conduire
d'une durée de une à six années
. Lorsque l'infraction
a été réalisée dans le cadre professionnel, une
interdiction professionnelle de trois à six années s'ajoute aux
deux sanctions précédentes.
Lorsque l'homicide est dû à une
imprudence
légère
, l'article 621 du code pénal
prévoit une
amende
dont le montant est compris
entre 30 et 60
jours-amende
. Une suspension du permis de conduire pour une durée de
trois mois à un an peut également être infligée.
*
* *
L'ancien code pénal , en vigueur jusqu'en mai 1996, traitait déjà le cas particulier de l'homicide commis par un automobiliste . Il était également sanctionné différemment selon la nature de l'imprudence.
ITALIE
_____
1) La
qualification de l'infraction
L'article 589 du code pénal prévoit le cas particulier de
l'homicide commis par un automobiliste
, dans la mesure où ce dernier
a enfreint soit une disposition particulière du code de la route soit
les règles générales de prudence. Il le considère
comme
un homicide involontaire avec circonstances aggravantes
.
2) La sanction de l'infraction
En règle générale, l'homicide involontaire est puni d'une
peine de prison dont la durée est comprise entre six mois et cinq ans.
Dans le cas de l'homicide involontaire avec circonstances aggravantes, la
durée de la
peine de prison est comprise entre un et cinq ans
.
Elle peut atteindre dix années lorsque l'automobiliste a tué
plusieurs personnes, ou lorsqu'il en a tué une et qu'il y a eu
également des blessés.
En pratique, les peines sont souvent accordées avec sursis. Toutefois,
plusieurs propositions de lois ont été déposées
récemment pour modifier l'article 589 du code pénal et aggraver
les sanctions applicables aux automobilistes auteurs d'homicides.
Par ailleurs, en cas d'homicide commis par un automobiliste, le code de la
route prévoit, à titre de
sanction administrative
:
- le retrait du permis de conduire pour une durée comprise entre
deux mois et un an ;
- une amende, dont le montant varie en fonction de l'infraction
routière à l'origine de l'accident.
PAYS-BAS
_____
1) La
qualification de l'infraction
Si le code pénal ne prévoit pas le cas particulier des homicides
commis par des automobilistes,
l'article 6 du code de la route
interdit explicitement tout comportement susceptible de provoquer un accident
dans lequel une personne pourrait être gravement blessée ou
trouver la mort. L'article 6 du code de la route qualifie un tel comportement
de coupable.
2) La sanction de l'infraction
Les sanctions applicables aux conducteurs qui ne respectent pas les
dispositions de l'article 6 du code de la route sont énoncées
à
l'article 175 du même code
.
Lorsque le non-respect de l'article 6 a entraîné le
décès d'un tiers, la sanction consiste en une
peine de prison
d'une durée maximale de trois ans
ou en une
amende
de
quatrième catégorie,
dont le montant est compris entre 4 500
€ et 11 250 €
15(
*
)
.
Dans deux cas,
la peine est aggravée
: la durée
maximale de la peine de prison est portée à
neuf ans
et
l'amende passe de la quatrième à la cinquième
catégorie (montant compris entre 11 250 € et
45 000 €). Il en va ainsi lorsque le conducteur à
l'origine de l'accident mortel :
- conduit en état d'ivresse ou sous l'influence de substances qui
altèrent la vigilance au volant, que cet état ait
été avéré ou que le conducteur ait refusé de
se soumettre aux analyses permettant de le mettre en évidence ;
- dépasse «
de façon
sérieuse
» la limite de vitesse.
C'est en 1997 que la peine maximale pour les infractions à l'article
6 du code de la route a été portée de trois à neuf
ans de prison
, à la suite d'un accident dans lequel le conducteur
ivre d'une voiture de sport avait, à la suite d'une série
d'imprudences, causé la mort de cinq personnes. L'affaire avait
donné lieu à une vive controverse sur la qualification de
l'infraction. En première instance, le tribunal de Bois-le-Duc l'avait
condamné pour homicide volontaire, en application de l'article 287 du
code pénal, mais le coupable fut finalement condamné sur la base
de l'article 6 du code de la route.
De plus, lorsqu'un conducteur a été condamné sur le
fondement de l'article 6 du code de la route, le permis de conduire peut
lui être retiré pour une période d'au plus cinq ans.
*
* *
Des voix s'élèvent pour transformer la qualification de certains homicides commis par des automobilistes et en faire des homicides volontaires , d'autant plus que la peine maximale actuellement prévue pour les infractions à l'article 6 du code de la route, neuf années de prison, correspond plus aux sanctions prévues par le code pénal pour les auteurs d'homicides volontaires qu'à celles infligées aux personnes reconnues coupables d'actes ayant involontairement entraîné la mort d'autrui. Les premiers encourent en effet une peine de prison d'une durée maximale de quinze ans, tandis que les seconds sont passibles d'une peine de prison d'une durée maximale de neuf mois.
ETATS-UNIS
_____
Les
règles variant d'un État à l'autre, le texte ci-dessus
présente une synthèse des dispositions actuellement en vigueur
dans les différents États.
1) La qualification de l'infraction
Dans cinq États
(l'Alaska, l'Arizona, le Montana, le Dakota du
Nord et l'Oregon),
les textes ne prévoient pas le cas particulier des
homicides commis par les automobilistes
. Ces infractions sont alors
qualifiées d'homicides involontaires ou d'homicides par imprudence, dans
la mesure où le véhicule automobile est considéré
par le tribunal comme une arme.
Devant la difficulté à faire admettre ceci par les jurys,
les
autres États ont adopté des dispositions spécifiques
et l'homicide commis par un automobiliste constitue une infraction à
part entière, l'« homicide lié à la conduite
d'un véhicule ». Cependant, les tribunaux gardent la
possibilité de recourir aux dispositions pénales
générales relatives à l'homicide par imprudence.
Pour que l'infraction spécifique soit constituée, la plupart de
ces États exigent deux conditions :
- un
lien de causalité
entre la conduite du véhicule
et le décès, certains États prévoyant le cas
où le décès n'est pas immédiatement
consécutif à l'accident ;
- la
négligence
du conducteur.
L'Oklahoma, la Caroline du Sud et la Virginie occidentale prévoient que
l'infraction peut être constituée lorsque le décès
survient dans le délai d'un an, et l'État de Washington lorsque
le décès survient dans le délai de trois ans.
Pour le critère de négligence, les États se
répartissent en deux groupes d'importance équivalente.
Dans certains, comme l'Arkansas, Hawaï, l'Idaho, le Maryland, le
Minnesota, le New Hampshire et le Wisconsin, la négligence du
conducteur, c'est-à-dire la violation du devoir de prudence, suffit pour
qualifier l'infraction. Dans la mesure où le dommage, prévisible,
aurait pu être évité par l'emploi des précautions
commandées par les circonstances, l'automobiliste a commis un
« homicide lié à la conduite d'un
véhicule ».
Dans d'autres, tels le Colorado, l'Illinois, l'Iowa, le Kansas, le New Jersey,
le Nouveau-Mexique ou l'État de Washington, il faut que le conducteur
ait été particulièrement négligent pour que
l'infraction soit constituée. L'infraction d'« homicide
lié à la conduite d'un véhicule » n'est reconnue
que si l'automobiliste a fait preuve d'« insouciance ».
Sachant par exemple que son attitude pouvait entraîner un dommage, il n'a
pas modifié son comportement.
Dans plusieurs États, par exemple en Californie, les dispositions
législatives mentionnent ces deux degrés de négligence et
sanctionnent différemment l'homicide selon qu'il est dû à
une simple négligence ou à une réelle insouciance.
Dans une minorité d'États, comme l'Alabama, la Georgie, le
Nebraska, la Caroline du Nord, la théorie de la
faute
présumée
s'applique, de sorte que l'infraction
d'« homicide lié à la conduite d'un
véhicule » est établie dès que l'homicide
coïncide avec une violation du code de la route, indépendamment de
toute négligence.
Certaines infractions au code la route sont parfois considérées
comme des circonstances aggravantes. La plus souvent citée est celle qui
consiste pour le conducteur à fuir le lieu de l'accident.
En outre, dans presque tous les États qui ont institué
l'« homicide lié à la conduite d'un
véhicule », il existe des règles particulières
aux automobilistes qui commettent un homicide alors qu'ils étaient sous
l'emprise de l'alcool ou de produits stupéfiants.
2) La sanction de l'infraction
D'une manière générale, les sanctions prévues sont
l'amende, la peine de prison ou les deux.
Dans les États qui ne disposent que des règles sur l'homicide
par imprudence, la sanction diffère le plus souvent selon que l'homicide
est dû à la simple négligence ou à
l'« insouciance ». Dans le premier cas, la durée
maximale de la peine d'emprisonnement peut atteindre dix ans et l'amende
100 000 dollars (soit environ autant d'euros). Dans le second, elles
peuvent respectivement aller jusque vingt ans et 300 000 dollars.
Dans les États qui ont créé l'infraction
spécifique d'« homicide lié à la conduite d'un
véhicule », la sanction varie en fonction du niveau de
négligence requis pour qualifier l'infraction.
Dans les États dans lesquels la simple négligence du conducteur
suffit, la durée maximale de la peine d'emprisonnement atteint quinze
ans et l'amende 20 000 dollars.
Dans les États dans lesquels l'« insouciance » est
exigée, l'auteur de l'infraction peut être condamné
à l'emprisonnement à vie (État de Washington) et le
montant maximal de l'amende peut s'élever à 500 000 dollars.
En règle générale, que le critère retenu soit la
négligence ou l'« insouciance », la durée
maximale de la peine d'emprisonnement est de dix ans et le montant maximal de
l'amende de 10 000 dollars.
Dans les États qui appliquent la théorie de la faute
présumée et où il n'y a pas à faire la preuve de la
négligence ou de l'« insouciance » du conducteur,
les sanctions prévues sont plus légères. Du reste,
l'infraction est souvent classée dans la catégorie des
contraventions et non des délits ou crimes. La durée maximale de
la peine peut aller jusqu'à cinq ans et le montant maximal de l'amende
jusqu'à 2 500 dollars.