N° 233
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 2 avril 2003 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de résolution (n° 202, 2002-2003) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Gilbert CHABROUX sur le texte (E 1902) modifiant les procédures d'autorisation de mise sur le marché pour les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire ,
Par M. Gilbert CHABROUX,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir le numéro :
Sénat : 202 (2002-2003)
Union européenne. |
AVANT-PROPOS
Mesdames et Messieurs,
Le 5 mars 2003, conformément à l'article 73 bis du règlement du Sénat, la délégation pour l'Union européenne a conclu au dépôt d'une proposition de résolution sur trois textes soumis au Sénat, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution :
- sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures communautaires pour l'autorisation, la surveillance et la pharmacovigilance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l'évaluation des médicaments ;
- sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;
- et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/82/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.
Cette proposition de résolution, présentée par votre rapporteur, a été adoptée à l'unanimité par la délégation pour l'Union européenne.
Il appartient à votre Commission de rapporter cette proposition de résolution afin qu'elle puisse devenir une résolution du Sénat, être transmise à ce titre au Gouvernement et être prise en considération dans la suite des discussions entre le conseil, le Parlement européen et la Commission européenne.
Cette transmission apparaît d'autant plus justifiée que la réforme relative aux conditions de mise sur le marché des médicaments devrait être inscrite à l'ordre du jour du conseil des ministres européens de la santé des 2 et 3 juin 2003, avant d'être à nouveau examinée en octobre 2003. L'ambition des autorités communautaires est de faire aboutir l'ensemble de cette réforme avant le 30 avril 2004.
L'exposé des motifs commun à la proposition de règlement et aux deux propositions de directives du Parlement européen et de la Commission, précise que les objectifs principaux de cette réforme de la politique du médicament visent à :
« - assurer un haut niveau de protection de la santé du citoyen européen, notamment par la mise à la disposition des patients, dans les meilleurs délais, de produits innovants et sûrs et par une surveillance accrue du marché grâce au renforcement des procédures de contrôle et de pharmacovigilance » ;
« - achever le marché intérieur des produits pharmaceutiques en tenant compte des enjeux de la globalisation notamment au travers de l'élaboration d'un cadre réglementaire et législatif favorisant la compétitivité de l'industrie européenne ;
« - répondre aux défis de l'élargissement futur de l'Union ;
« - rationaliser et simplifier autant que cela est possible le système et ainsi améliorer sa cohérence globale, sa visibilité et la transparence des procédures. »
Cette ambition est poursuivie à travers l'aménagement des procédures communautaires d'autorisation et de surveillance des médicaments, entrées en vigueur en 1995, dont le dispositif central est organisé autour des compétences dévolues à l'agence européenne pour l'évaluation des médicaments.
Les adaptations auxquelles la Commission européenne souhaite procéder ne remettent en cause, selon les termes de l'exposé des motifs, « ni les principes généraux, ni l'architecture de base de la procédure dite centralisée mise en place à l'origine ». Elles sont fondées sur la nécessaire prise en compte de l'expérience acquise entre 1995 et 2000, et sur les commentaires et les analyses des différentes parties concernées, qu'il s'agisse des autorités compétentes, des membres des industries pharmaceutiques, des associations professionnelles de médecins et de pharmaciens ou encore des associations de patients et de consommateurs. Ce recours à des évaluations régulières est une composante importante des politiques communautaires.
Ces évolutions n'affectent pas les compétences des Etats membres en matière de fixation des prix des médicaments, ni pour les procédures relatives à leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie.
Enfin, bien que cette réforme ne s'inscrive pas dans le cadre des mêmes discussions, il semble utile de rappeler à l'occasion de la présentation de cette proposition de résolution, l'adoption d'un nouveau programme d'action communautaire dans le domaine de la santé publique, pour la période 2003-2008 et de souligner l'existence d'un volet santé publique dans les débats de la convention européenne, composante du rapport présenté par le groupe de travail « Europe sociale ».
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Depuis 1995, la Commission européenne et les Etats membres de l'Union européenne ont mis en oeuvre de nouvelles procédures de mise sur le marché des médicaments. Au centre de ce dispositif, l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments poursuit plusieurs objectifs, parmi lesquels figurent la mise en commun des potentiels scientifiques des Etats membres en vue d'assurer un haut degré de protection de la santé publique et la libre circulation des produits pharmaceutiques. Dans le cadre de ces missions, l'Agence possède un pouvoir d'instruction des demandes d'autorisation de mise sur le marché des médicaments, appelée procédure centralisée.
La proposition de réforme présentée par la Commission européenne vise à « prendre en compte les effets d'une globalisation toujours accrue en matière scientifique, en particulier entre les trois grandes régions pharmaceutiques que sont l'Europe, l'Amérique du Nord et le Japon. La globalisation scientifique ne doit pas faire oublier son corollaire, la globalisation de certaines pratiques réglementaires et en particulier des critères scientifiques et techniques d'évaluation des médicaments. Cette dimension globale est sûrement un des principaux facteurs nouveaux à considérer par rapport au contexte existant lors de la conception du système communautaire actuellement en vigueur » 1 ( * ) .
La Commission européenne a donc proposé d'aménager les dispositifs mis en place depuis 1995 afin de donner à l'Agence européenne pour l'évaluation du médicament les moyens de faire face à ces évolutions par l'intermédiaire d'une réévaluation de ses missions et des moyens institutionnels et réglementaires mis à sa disposition. L'ensemble de la réforme doit favoriser le fonctionnement du marché unique dans le domaine pharmaceutique et le maintien d'un haut niveau de protection de la santé publique.
I. L'AMÉNAGEMENT DES MISSIONS ET DES STRUCTURES DE L'AGENCE EUROPÉENNE POUR L'ÉVALUATION DES MÉDICAMENTS
L' Agence européenne pour l'évaluation des médicaments a été instituée par le règlement CEE n° 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993.
Installée à Londres, l'Agence contribue par son action à la protection des consommateurs et à l'établissement d'un marché unique des médicaments humains et vétérinaires. Ces missions sont assumées au travers des procédures d'autorisation de vente des médicaments, de coordination de la surveillance des médicaments, ou pharmacovigilance, de contrôle et de respect des normes par des conseils aux professionnels
Sur la base des avis émis par l'Agence, la Commission européenne autorise la mise sur le marché des médicaments innovants ou ceux issus des biotechnologies.
Dans sa proposition, la Commission européenne souhaite renforcer le rôle de l'Agence en lui confiant des tâches supplémentaires allant au-delà de l'évaluation des médicaments.
La Commission européenne souhaite que l'Agence renforce et développe de manière systématique les conseils scientifiques aux entreprises lors des phases de recherche et de développement des nouveaux médicaments, en amont des procédures d'autorisation de mises sur le marché. L'objectif est de stimuler la recherche pharmaceutique européenne et de permettre aux patients de bénéficier plus rapidement de médicaments plus performants. La complexité des nouveaux domaines de recherche (pharmacogénomique, thérapie génique, thérapie cellulaire) et la présence dans ce secteur de nombreuses entreprises de taille moyenne rend essentielle, selon l'analyse des instances européennes, la mise en place d'un partenariat dynamique entre ces industries et l'autorité ayant la charge de l'évaluation des médicaments.
L'Agence pourrait également apporter son concours à la mise en oeuvre du plan communautaire relatif aux programmes d'usage compassionnel. L'usage compassionnel se définit dans ce cadre comme la mise à disposition avant autorisation mais sous des conditions précises, par une firme et sous sa responsabilité, d'un médicament à certains groupes de patients. Cette mise à disposition doit potentiellement laisser représenter un intérêt majeur en matière de survie, de qualité de vie ou d'amélioration du pronostic de la maladie des patients concernés.
A l'issue de cette réforme, l'Agence pourrait également se voir confier un rôle en matière de coopération scientifique internationale, notamment dans le cadre de discussions multilatérales en matière d'harmonisation technique.
Enfin la Commission européenne a souhaité insérer dans la réforme un article visant à prévenir ou résoudre les conflits potentiels entre les avis scientifiques de l'Agence et les avis scientifiques rendus par d'autres organismes scientifiques communautaires ou non, sur le modèle du dispositif prévu par le règlement de l'Autorité alimentaire européenne.
La redéfinition des missions confiées à l'Agence va dans le sens d'une plus grande intégration du marché unique européen du médicament, cet objectif s'accompagne d'un autre volet de modifications relatif aux structures administratives et scientifiques de l'Agence européenne pour l'évaluation du médicament. La Commission européenne souligne que ces modifications sont introduites en prévision du prochain élargissement et visent à adapter les structures en conséquence.
L'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments est composée de quatre structures principales :
- le conseil d'administration ;
- deux comités scientifiques : le comité des spécialités pharmaceutiques (CSP), et le comité des médicaments vétérinaires (CMV) responsables de la préparation de l'avis de l'Agence sur les questions relatives à l'évaluation des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire. Ces avis sont transmis à la Commission européenne qui prend la décision finale d'autorisation de mise sur le marché des médicaments évalués. Le CSP joue un rôle clé au sein de l'Agence ; il est responsable de l'évaluation scientifique des demandes centralisées d'autorisation de mise sur le marché, des demandes de reconnaissance mutuelle lorsque des divergences scientifiques apparaissent entre autorités nationales. Il intervient également dans le domaine de la pharmacovigilance. Il élabore des recommandations techniques et délivre des avis scientifiques aux industriels qui développent des médicaments novateurs. Pour formuler ses avis, le CSP est assisté de groupes de travail composés d'experts externes mis à sa disposition par les Etats membres de l'Union européenne (environ 2.000 au total). Le CSP délibère également sur les « rapports européens d'évaluation publique » (EPAR) accessibles au public et résumant l'évaluation scientifique des nouveaux médicaments autorisés par une procédure centralisée ;
- le secrétariat permanent chargé du soutien administratif et technique du Conseil, des comités scientifiques et de leurs groupes de travail.
En l'état, le conseil d'administration de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments est composé de deux représentants de chaque Etat membre, de deux représentants désignés par le Parlement européen et de deux représentants de la Commission. La France y est représentée par le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) pour les médicaments à usage humain et par celui de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) pour les médicaments à usage vétérinaire. Les travaux de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments s'appuient sur les travaux des agences nationales ; l'instruction des dossiers est d'ailleurs confiée à tour de rôle à un État rapporteur. L'Agence européenne fonctionne donc plus comme un coordinateur que comme une véritable source d'expertise.
Dans sa proposition initiale, dont l'ambition est de maintenir la pertinence et l'efficacité de certaines modalités procédurales, et surtout la possibilité de conduire avec efficacité des prises de décision conçues initialement pour douze Etats membres, la Commission européenne proposait de faire évoluer la composition de cette instance selon la structure retenue lors de la création des dernières autorités en matière de produits alimentaires, de sécurité maritime et de sécurité aérienne.
Le conseil d'administration aurait ainsi été composé de quatre représentants nommés par le conseil des ministres, quatre nommés par la Commission, quatre nommés par le Parlement européen et quatre représentants des patients et de l'industrie désignés par la Commission.
Or, comme le souligne la proposition de résolution de la délégation du Sénat pour l'Union européenne :
« la cohérence voulue par la Commission ne se justifie guère puisque, en ce domaine, ses propositions n'ont pas été suivies par le conseil. Ainsi, le conseil d'administration de l'Agence européenne de sécurité des aliments est composé d'un représentant de la Commission et de quatorze autres membres désignés par le Conseil des ministres en consultation avec le Parlement européen à partir d'une liste établie par la Commission, qui comprend un nombre de candidats considérablement plus élevé que le nombre de membres à nommer. Le conseil d'administration de l'Agence européenne de sécurité maritime est, quant à lui, composé d'un représentant de chaque État membre et de quatre représentants de la Commission, ainsi que de quatre représentants des secteurs professionnels les plus concernés, nommés par la Commission et ne disposant pas du droit de vote .
« En effet, si la cohérence entre les différentes agences peut sembler satisfaisante intellectuellement, en pratique, les missions qui leur sont confiées ne sont pas du même ordre. Ainsi, l'Agence européenne du médicament a un rôle exécutif et non seulement consultatif, et il peut sembler important de conserver une représentation par État membre afin de créer un lien avec les politiques nationales de santé publique.
« Le Parlement européen a voté le 23 octobre 2002 en faveur du modèle de l'Agence européenne de sécurité des aliments : le conseil d'administration se composerait d'un représentant de la Commission et de quinze autres membres désignés par le Conseil des ministres en consultation avec le Parlement européen à partir d'une liste établie par la Commission, comprenant un nombre de candidats considérablement plus élevé que le nombre de membres à nommer. La Commission européenne s'est ralliée à cette position.
« Le Conseil des ministres a travaillé de son côté sur ce sujet et un accord y a été trouvé sur une composition plus proche de celle de l'Agence européenne de sécurité maritime, à savoir un représentant par État membre, quatre de la Commission et quatre des secteurs professionnels nommés par la Commission mais ne disposant pas du droit de vote.
« Ce point devrait faire l'objet in fine d'une conciliation entre le Parlement européen et le Conseil, mais autant la proposition initiale de la Commission semblait peu adaptée aux domaines d'action de l'Agence européenne du médicament, autant les deux propositions actuelles peuvent être satisfaisantes. La Commission avait d'ailleurs envisagé ce besoin de représentation des États puisque son texte prévoit la création d'un Conseil consultatif placé auprès du directeur exécutif et composé de l'ensemble des autorités ou agences nationales compétentes en matière de médicaments humains et vétérinaires . »
Outre le conseil d'administration, et toujours en vue de l'élargissement, il a été proposé que les comités scientifiques (Comité des Spécialités Pharmaceutiques et Comité des Médicaments Vétérinaires) soient désormais constitués d'un représentant de chaque autorité compétente nationale. Afin de préserver l'expertise nécessaire au bon fonctionnement de ces comités et de maintenir un large éventail de connaissances dans des domaines hautement spécialisés, il est également proposé, d'une part, d'introduire la possibilité de nommer par cooptation des membres additionnels dans lesdits comités et, d'autre part, de systématiser le recours à des experts qu'ils soient directement nommés par les membres des comités ou qu'ils figurent sur la liste des experts accrédités par l'Agence.
Par ailleurs, la proposition prévoit également l'intégration au sein de la structure juridique et administrative de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments du comité des médicaments orphelins , créé par le règlement 141/2000/CE et anticipe la mise en place d'un comité des médicaments à base de plantes .
Selon les observations de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, « cet ensemble de mesures va dans le bon sens, mais doit s'accompagner d'une vigilance sur la composition du conseil d'administration et sur un régime linguistique assurant la pluralité des langues utilisées par l'Agence ».
* 1 Cf exposé des motifs.