TITRE III
DISPOSITIONS
RELATIVES
À LA DISCIPLINE DES AVOCATS
Le présent titre III (articles 27 à 31) vise à modifier le chapitre III de la loi du 31 décembre 1971 qui regroupe les articles 22 à 25-1 relatifs à la discipline des avocats.
Les dispositions légales relatives à la procédure disciplinaire sont assez succinctes. Il convient de se reporter au décret du 27 novembre 1991 pour en comprendre véritablement le fonctionnement.
Actuellement, les avocats inscrits au tableau et les avocats stagiaires 167 ( * ) sont soumis au droit disciplinaire. Cette compétence dévolue aux conseils de l'ordre est distincte de leur compétence en matière administrative (retrait d'une autorisation d'ouverture d'un bureau secondaire par exemple) même si les deux formations peuvent être saisies simultanément.
Les règles disciplinaires sont déterminées par le règlement intérieur des barreaux auquel s'ajoutent les devoirs et obligations qui s'imposent à n'importe quel citoyen. L'infraction à l'une de ces règles est de nature à constituer une faute disciplinaire.
La discipline des avocats, conformément aux principes d'organisation de la profession ordinale, relève en première instance, des conseils de l'ordre auxquels ils appartiennent. Les ordres statuent sous la forme d'une juridiction disciplinaire dont les décisions, appelées arrêtés disciplinaires, sont susceptibles d'être déférées devant la cour d'appel et en dernier ressort, devant la Cour de cassation. Il s'agit d'un véritable jugement ayant autorité de chose jugée.
L'avocat est donc jugé par ses pairs.
Ce monopole confié aux ordres ne paraît toutefois plus adapté aux exigences communautaires et fait l'objet de critiques au sein même de la profession.
Article 26
(art. 17 de la loi
n° 71-1130 du 31 décembre 1971)
Coordination avec la
création d'un conseil de discipline
chargé de statuer en
matière disciplinaire
Cet article a pour objet de tirer les conséquences de l'article 27 du projet de loi qui propose de transférer à une instance « inter-ordinale » les attributions relatives au jugement des affaires disciplinaires actuellement dévolues au Conseil de l'ordre.
L'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 définit les missions du Conseil de l'ordre (voir article 20 du projet de loi) et lui attribue un large pouvoir disciplinaire puisqu'il a pour tâches, notamment, de maintenir les principes de probité et de désintéressement, de modération et de confraternité sur lesquels repose la profession, de s'assurer que les avocats sont dignes de l'honneur et de l'intérêt qu'exige la profession, de veiller à ce que les avocats soient exacts aux audiences et se comportent en loyaux auxiliaires de la justice, de veiller à la stricte observation de leurs devoirs, de vérifier la tenue de leur comptabilité et la constitution des garanties imposées, et d' « exercer » la discipline dans les conditions prévues par les articles 22 à 25 de la loi.
Le projet de loi propose de substituer au terme « exercer » l'expression « concourir », par coordination avec les articles 27 à 30 du projet de loi qui ont pour objet de modifier les règles relatives à la procédure disciplinaire.
Il s'agit de marquer que, nonobstant l'institution d'un conseil de discipline « inter-ordinal » chargé de statuer sur les affaires disciplinaires et la suppression des attributions dévolues aux conseils de l'ordre, ils seraient encore associés à la procédure disciplinaire puisqu'en vertu du projet de loi, il leur appartiendrait de désigner des membres aux conseils de discipline et, selon les informations fournies à votre rapporteur.
Par souci de cohérence formelle, votre commission vous propose de regrouper l'ensemble des modifications relatives à l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 au sein d'un seul article du présent projet de loi. Elle vous propose donc de déplacer le contenu du présent article en vue de le faire figurer à l'article 20 du projet qui modifie par ailleurs certaines des dispositions de l'article 17 de la loi de 1971.
En conséquence, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression de l'article 26.
Article 27
(art. 22 de la loi
n° 71-1130 du 31 décembre 1971)
Compétence du
conseil de discipline
institué dans le ressort de la cour d'appel
pour statuer
en matière disciplinaire - Compétence
dérogatoire
du conseil de l'ordre de Paris siégeant comme
conseil de discipline
Cet article a pour objet de créer une juridiction disciplinaire nouvelle à vocation régionale, distincte des conseils de l'ordre, de définir son champ de compétences, limité au jugement des fautes disciplinaires, et de mettre un terme au cumul actuel par le conseil de l'ordre des fonctions de poursuite et de jugement. Il propose néanmoins de prévoir une dérogation au profit du barreau de Paris, son Conseil de l'ordre conservant le monopole du jugement en matière disciplinaire.
1. La procédure disciplinaire en vigueur
L'article 22 de la loi du 31 décembre 1971 regroupe l'ensemble des règles relatives à la procédure disciplinaire sans établir de distinction particulière entre les différentes autorités de poursuite, d'instruction et de jugement .
Son premier alinéa précise que le conseil de l'ordre détient le pouvoir de poursuivre et de réprimer les fautes 168 ( * ) et les infractions commises par les avocats.
Le barreau territorialement compétent est exclusivement celui auprès duquel l'avocat est inscrit . Complétant ces dispositions, l'article 181 du décret du 27 novembre 1991 précise que le conseil de l'ordre siégeant comme conseil de discipline est présidé par le bâtonnier ou, en cas d'empêchement ou si celui-ci est mis en cause, par le plus ancien bâtonnier dans l'ordre du tableau, membre du conseil, à moins que le règlement intérieur n'en dispose autrement.
Son deuxième alinéa concerne le pouvoir de mise oeuvre de l'action disciplinaire réservé au procureur général et au bâtonnier , le conseil de l'ordre pouvant également se saisir d'office (ce qui est assez rare en pratique). Ces règles sont d'ailleurs rappelées à l'article 190 du décret du 27 novembre 1991.
L'article 189 du décret du 27 novembre 1991 ajoute une précision supplémentaire relative à la saisine du bâtonnier qui, soit de sa propre initiative, soit à la demande du procureur général ou sur la plainte de toute personne, peut procéder à une enquête déontologique préalable sur le comportement de l'avocat mis en cause. Après avoir nommé un rapporteur, et à l'issue de cette enquête, il peut décider de classer l'affaire ou de la renvoyer devant la juridiction disciplinaire.
Aux termes du troisième alinéa de l'article 22 , le conseil de l'ordre a seul qualité pour procéder à l' instruction qui est contradictoire . En pratique, il peut engager une véritable information. L'instruction peut être confiée soit à la formation disciplinaire collectivement lorsque l'affaire ne nécessite pas d'investigations particulières, soit à un membre désigné à cet effet par le conseil qui peut entendre le plaignant, l'avocat incriminé, les témoins éventuels en vue de la manifestation de la vérité. Cette dernière hypothèse est d'ailleurs la plus fréquente. Est également imposée au conseil de l'ordre l'obligation de motiver ses décisions rendues en matière disciplinaire .
Ce dernier statue en principe en assemblée plénière.
En vertu de l'article 4 du décret du 27 novembre 1991, les effectifs des conseils de l'ordre varient selon l'importance démographique du barreau, entre trois (dans les barreaux où le nombre d'avocats inscrits habilités à voter se situe entre huit et quinze) et vingt-et-un membres (dans les barreaux où le nombre d'avocats disposant du droit de vote est supérieur à deux cents), le conseil de l'ordre de Paris comprenant quant à lui trente-six membres.
Cependant, l'avant-dernier alinéa de l'article 22 ouvre la possibilité à un conseil de l'ordre d'un barreau de grande taille 169 ( * ) de siéger comme conseil de discipline en une ou plusieurs formations d'au moins cinq membres . Il est alors présidé par le bâtonnier ou par un ancien bâtonnier.
Peuvent faire partie de ces formations les membres et anciens membres du conseil de l'ordre ayant quitté leur fonction depuis moins de huit ans. Ces derniers sont alors choisis sur une liste arrêtée chaque année par le conseil. Le président, les membres de chaque formation, ainsi que les suppléants sont désignés au début de chaque année, par délibération du conseil de l'ordre.
Cette disposition, introduite par la loi n° 99-957 du 22 novembre 1999 170 ( * ) portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable est destinée à assurer un traitement plus efficace des procédures disciplinaires en permettant à plusieurs formations de siéger en nombre restreint et d'éviter au bâtonnier d'être systématiquement sollicité.
Actuellement, outre le barreau de Paris, seulement neuf barreaux 171 ( * ) bénéficient de ce régime spécifique.
Le règlement intérieur du barreau de Paris prévoit par exemple que les trois formations disciplinaires sont présidées par des anciens bâtonniers ce qui, de fait, consacre la disparition de la pratique selon laquelle le bâtonnier en exercice préside le conseil de discipline.
Le dernier alinéa de l'article 22 ouvre à la formation restreinte la possibilité de renvoyer l'examen de l'affaire devant la formation plénière.
Les exigences posées par la Convention européenne des droits de l'homme, notamment sur le fondement de son article 6-1 relatif au droit à un procès équitable et à un tribunal impartial ont conduit à remettre en cause le fonctionnement de la procédure disciplinaire applicable aux avocats 172 ( * ) .
2. Le dispositif proposé par le projet de loi
Le présent article propose de réécrire l'article 22 de la loi du 31 décembre 1971 et de limiter son champ à la désignation de l'autorité de jugement .
La nouvelle rédaction proposée par le premier alinéa de l'article 22 a pour objet de transférer à une autorité nouvelle dénommée « conseil de discipline » et instituée dans le ressort de chaque cour d'appel le pouvoir de juger des fautes et des infractions commises par un avocat jusque-là dévolues aux conseils de l'ordre. Comme actuellement , les avocats inscrits au tableau seraient soumis à ce régime. En revanche, les avocats inscrits sur la liste du stage ne seraient plus mentionnés par cohérence avec la refonte du dispositif de formation proposée par le titre II du projet de loi.
La compétence territoriale du conseil de discipline s'étendrait aux avocats inscrits auprès des seuls barreaux établis dans le ressort de la cour d'appel. Le projet de loi se borne ainsi à transposer à l'échelle régionale la spécificité des règles d'organisation de la profession . L'avocat demeurerait encore lié à son barreau et ne pourrait relever d'un conseil de discipline institué dans un autre ressort de cour d'appel que celui dans lequel son barreau est établi.
L'élargissement du ressort de la juridiction disciplinaire constitue un progrès et permettra de remédier aux risques de trop grande proximité entre les juges et leurs justiciables. Cette autorité n'est pas investie du pouvoir d'ordonner les poursuites , ce qui répond aux exigences posées par la jurisprudence.
Au deuxième alinéa de l'article 22 de la loi de 1971, il est proposé, par dérogation au principe énoncé au premier alinéa, que le conseil de l'ordre de Paris demeure l'autorité de jugement compétente comme à l'heure actuelle.
Une telle spécificité ne paraît pas choquante et s'explique par l'importance numérique du barreau de Paris qui regroupe près de 15.541 avocats soit près de 40 % du nombre total des avocats en exercice (au 2 janvier 2002).
Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, le nombre des avocats qui y sont inscrits est de nature à « réduire sensiblement le risque de proximité entre la personne mise en cause et les membres du conseil de l'ordre et garantit ainsi l'impartialité de l'organe délibérant ».
Un autre argument lié à l'hypertrophie parisienne réside dans le souci d'assurer une représentation équilibrée des différents barreaux composant les conseils de discipline régionaux . Les disparités démographiques sont, à cet égard, trop importantes. Si 16.778 avocats exercent dans le ressort de la cour d'appel de Paris, les huit autres barreaux concernés (Bobigny, Créteil, Evry, Sens, Auxerre, Meaux, Melun et Fontainebleau) ne totalisent que 7,5 % seulement du nombre total (soit un peu moins de 1.250) 173 ( * ) .
Comme l'a confirmé au cours de son audition Me Paul-Albert Iweins, bâtonnier du barreau de Paris, l'application du dispositif de droit commun aurait conduit à solliciter activement les autres barreaux de la région parisienne dont l'activité disciplinaire est moins soutenue qu'au barreau de Paris qui siège une fois par mois et traite le plus grand nombre d'affaires. Ainsi auraient-ils été contraints de siéger beaucoup plus régulièrement pour statuer sur des affaires qui les auraient finalement peu concerné.
Le tableau ci-dessous montre l'importante activité du
conseil de l'ordre de Paris pour l'année 2002 :
STATISTIQUES RELATIVES À LA DISCIPLINE AU
BARREAU DE PARIS POUR L'ANNÉE 2002
|
|
AUTORITÉ DE POURSUITE |
|
Nombre de procédures disciplinaires ouvertes en
2002
|
102 |
Nombre de dossiers traités par l'autorité de
poursuite en 2002
|
387 |
- dossiers ayant abouti à un classement (sans suite ou admonestation paternelle) : |
161 |
- dossiers en cours |
226 |
Nombre d'enquêtes ouvertes par l'autorité de poursuite |
21 |
DÉCISIONS DISCIPLINAIRES |
|
Entre le 1
er
janvier et le
17 décembre 2002,
70 décisions ont
été rendues
,
|
|
- par la formation n° 1 |
30 |
- par la formation n° 2 |
11 |
- par la formation n° 3 |
29 |
Sanctions |
|
- Faits amnistiés |
1 |
- Avertissement |
aucun |
- Blâmes |
5 |
- Interdictions sans sursis |
11 |
- Interdictions avec sursis |
35 |
- Radiations |
7 |
- Suspension provisoire (application de l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971) |
1 |
- Retrait de l'honorariat |
aucun |
Décisions autres que les sanctions |
|
- Renvois des fins de la poursuite |
9 |
- Renvois, complément d'information ou expertise |
9 |
- Admonestation paternelle |
1 |
Source : Bulletin du Barreau de Paris n° 9- 4 mars 2003 |
Enfin, la raison principale qui fonde cette dérogation particulière au profit du barreau de Paris réside sans doute dans le fait que depuis plusieurs années déjà, a été mise en place une procédure conforme aux exigences du droit au procès équitable en assurant une stricte séparation entre les différentes autorités qui interviennent dans le déroulement de la procédure. Les effectifs du conseil de l'ordre de Paris (36) ont constitué son principal atout.
Le projet de loi satisfait donc la revendication du barreau de Paris, pour lequel la mise en place d'une autorité nouvelle n'aurait pas permis de réelle avancée .
Le dernier alinéa de l'article 22 , dans la rédaction proposée par le présent article, ajoute à la liste des personnes soumises au régime disciplinaire les anciens avocats ayant commis des fautes ou des infractions à l'occasion de faits remontant à l'époque où ils étaient inscrits au tableau ou inscrits sur la liste des avocats honoraires. Cette disposition ne fait que reprendre une règle prévue à l'article 180 du décret du 27 novembre 1991. Il est donc permis de s'interroger sur sa valeur législative. Par souci de clarté, il est apparu préférable de conserver cette disposition dans la loi.
Néanmoins, votre commission vous soumet un amendement de précision tendant à indiquer que l'ancien avocat, à l'époque des faits doit avoir été inscrit au tableau ou sur la liste honoraire « de l'un des barreaux établis dans le ressort de l'instance disciplinaire ». A défaut d'une telle précision, le conseil de discipline pourrait être appelé à connaître des fautes d'un ancien avocat quel que soit le barreau auprès duquel il a été inscrit. Cette règle paraît contraire à la spécificité du régime disciplinaire selon laquelle le barreau compétent est celui auprès duquel l'avocat est inscrit.
Ne seraient pas reprises les règles relatives à la désignation des autorités de poursuite et d'instruction appelées à figurer sous un article distinct de la loi de 1971 aux termes de la nouvelle rédaction proposée par l'article 30 du projet de loi. Les règles de fonctionnement des formations de jugement seraient également déplacées à l'article 22-1 qu'il est proposé d'insérer dans la loi de 1971.
Votre commission approuve ce dispositif qui devrait permettre d'améliorer l'efficacité de la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire et de garantir le respect des exigences imposées par la Convention européenne des droits de l'Homme.
Elle vous demande d'adopter l'article 27 ainsi modifié .
Article 28
(art. 22-1 nouveau
de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971)
Composition et
fonctionnement du conseil de discipline
Cet article a pour objet de préciser les règles de composition et de fonctionnement du conseil de discipline en insérant un article 22-1 dans la loi du 31 décembre 1971.
Dans sa composition telle qu'elle résulte du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 22-1, le conseil de discipline comprendrait des représentants nommés par les conseils de l'ordre établis dans le ressort de la cour d'appel.
Afin d'assurer la représentativité de chaque barreau tout en préservant un certain équilibre dans la répartition des membres, un représentant au moins de chaque conseil de l'ordre y siégerait tandis qu'un même conseil de l'ordre ne pourrait désigner plus de la moitié des représentants. Les membres suppléants seraient nommés en vertu de règles identiques.
Les modalités de répartition des membres au sein des conseils de discipline seraient renvoyées à un décret en Conseil d'Etat. Cette précision paraît superflue car le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 22-1 dispose que les conditions d'application du présent article sont précisées par un décret en Conseil d'Etat. Votre commission vous propose donc un amendement en vue de supprimer cette mention inutile.
Selon les informations fournies à votre rapporteur, il devrait être tenu compte dans la composition des conseils de discipline des caractéristiques démographiques de chaque cour d'appel.
La durée du mandat des membres du conseil de discipline n'est pas évoquée et, selon les indications fournies à votre rapporteur, devrait s'élever à trois ans et être renouvelable une fois.
Le projet de loi prévoit donc un lien organique fort entre les conseils de discipline et les conseils de l'ordre dont ils sont l'émanation . Aux termes du nouveau dispositif, le conseil de discipline constituerait une instance « inter-ordinale » c'est-à-dire rassemblant des délégués de plusieurs conseils de l'ordre .
Le président de la Conférence des bâtonniers s'est félicité de cette orientation, soulignant que ces dispositions n'étaient pas de nature à affaiblir l'autorité des conseils de l'ordre, qui, en désignant des représentants dans les nouvelles instances disciplinaires, participeraient encore indirectement à la procédure. En outre, il s'est félicité de ce que la composition des conseils de l'ordre procède d'une nomination et non d'une élection qui aurait pu consacrer l'émergence d'un pouvoir « supra-ordinal » concurrent de celui des barreaux et de nature à brouiller les règles d'organisation de la profession.
Le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 22-1 énumère les personnes susceptibles d'être désignées comme représentant des conseils de l'ordre . Il s'agirait des anciens bâtonniers, des membres des conseils de l'ordre et des anciens membres des conseils de l'ordre ayant quitté leurs fonctions depuis moins de huit ans. Ces dispositions s'inspirent des règles actuelles de composition des formations restreintes des conseils de l'ordre siégeant comme instance disciplinaire dans les grands barreaux prévues à l'avant-dernier alinéa de l'actuel article 22 de la loi de 1971.
Ce même alinéa consacre la disparition du bâtonnier de la liste des membres du conseil de discipline 174 ( * ) .
Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 22-1 prévoit l'élection du président par les membres du conseil de discipline, ce qui constitue une nouveauté . Actuellement seuls les bâtonniers et les anciens bâtonniers dans les grands barreaux, et très exceptionnellement le plus ancien bâtonnier dans l'ordre du tableau peuvent présider le conseil de l'ordre siégeant comme conseil de discipline. Selon les informations fournies à votre rapporteur, la durée de son mandat, à l'instar des autres membres du conseil de discipline devrait s'établir à trois ans.
Le quatrième alinéa du texte proposé pour l'article 22-1 dispose que les recours dirigés contre les délibérations des conseils de l'ordre relatives à la nomination des représentants appelés à siéger dans les conseils de discipline sont portés devant le juge judiciaire .
Cette indication paraît tout à fait utile pour garantir l'impartialité des membres composant les conseils de discipline. La juridiction judiciaire serait logiquement compétente, toutes les décisions des conseils de l'ordre (administratives, réglementaires et disciplinaires) pouvant actuellement déjà faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel. Votre commission des Lois vous propose un amendement tendant à indiquer plus clairement quel est le juge compétent, à savoir la cour d'appel , la référence au juge judiciaire paraissant insuffisamment précise.
Le cinquième alinéa du texte proposé pour l'article 22-1 prévoit la possibilité pour les conseils de discipline de siéger valablement en une formation restreinte de cinq membres au moins , délibérant en nombre impair . Actuellement, hormis dans les barreaux de grande taille, la procédure est lourde puisque le conseil de l'ordre ne siège valablement que si plus de la moitié de ses membres sont présents (article 4 du décret de 1991). Lorsque le quorum n'est pas atteint, le bâtonnier convoque dans les plus brefs délais l'assemblée générale de l'Ordre (c'est-à-dire tous les avocats disposant du droit de vote), qui désigne jusqu'à concurrence du quorum nécessaire des remplaçants pour la durée de l'instance. Il est parfois difficile d'atteindre le quorum requis.
Il s'agit donc de prévoir une règle plus souple qu'à l'heure actuelle . Votre rapporteur tient à souligner qu'elle ne doit pas pour autant avoir pour effet d'inciter les membres du conseil de discipline à l'absentéisme et d'entraîner la disparition des assemblées plénières.
Il est également prévu la possibilité pour les conseils de discipline de constituer plusieurs formations restreintes d'au moins cinq membres, délibérant en nombre impair lorsque le nombre d'avocats inscrits dans les barreaux établis dans le ressort de la cour d'appel excède cinq cents. Il s'agit de donner une souplesse supplémentaire aux conseils de discipline qui pourraient être confrontés à un nombre important d'affaires disciplinaires lié à la taille démographique de certains barreaux.
Ces règles ne font que reprendre, avec les adaptations nécessaires, les règles actuelles de fonctionnement des conseils de l'ordre siégeant en conseil de discipline dans les grands barreaux, prévues à l'avant-dernier alinéa de l'actuel article 22 de la loi de 1971.
Le sixième alinéa du texte proposé pour l'article 22-1 prévoit opportunément la possibilité pour la formation restreinte de renvoyer l'affaire à la formation plénière. Il s'agit de la reproduction d'une règle existante.
Le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 22-1 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions d'application du présent article.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 28 ainsi modifié .
Article 29
(art. 22-2 nouveau
de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971)
Formation
restreinte du conseil de l'ordre de Paris
siégeant comme conseil de
discipline, séparation des autorités
de poursuite et de
jugement
Cet article a pour objet d'insérer dans la loi du 31 décembre 1971 un article 22-2 afin de préciser, d'une part, les modalités de fonctionnement du conseil de l'ordre de Paris siégeant comme conseil de discipline et, d'autre part, de consacrer la séparation entre les autorités de poursuite et de jugement.
Aux termes du premier alinéa du texte proposé pour l'article 22-2 de la loi de 1971, le conseil de l'ordre de Paris, comme actuellement, pourrait constituer une ou plusieurs formations d'au moins cinq membres . Il est ajouté la précision selon laquelle cette formation délibère en nombre impair.
Afin d'assurer le principe de séparation entre l'autorité de poursuite et l'autorité de jugement, le bâtonnier se verrait retirer la possibilité de présider la formation de jugement , qui serait réservée à un ancien bâtonnier , ou à défaut au membre le plus ancien dans l'ordre du tableau.
Contrairement aux conseils de discipline nouvellement créés, la présidence du conseil de l'ordre de Paris ne procéderait pas d'une élection mais d'une désignation parmi les anciens bâtonniers .
Les membres composant le conseil de l'ordre de Paris siégeant comme instance disciplinaire restent les mêmes qu'à l'heure actuelle, à l'exclusion notable du bâtonnier . Il s'agit des membres et anciens membres du conseil de l'ordre ayant quitté leur fonction depuis moins de huit ans.
La désignation du président et des membres de chaque formation s'effectuerait comme aujourd'hui par délibération du conseil de l'ordre. Elle pourrait intervenir à tout moment de l'année 175 ( * ) . En revanche, ne figure plus la précision selon laquelle les anciens membres sont choisis sur une liste arrêtée au début de chaque année par le conseil de l'ordre, qui devrait figurer dans le futur décret d'application.
Le second alinéa du texte proposé pour l'article 22-2 de la loi de 1971 ouvre à la formation restreinte la possibilité de renvoyer l'affaire devant la formation plénière, et ne fait que reprendre une règle déjà en vigueur.
Les règles de fonctionnement du conseil de l'ordre de Paris, aux termes du projet de loi, connaîtraient donc peu de bouleversements notables. Sous réserve de quelques ajustements, elles seraient simplement alignées sur une pratique qui a depuis longtemps consacré la séparation de l'autorité de poursuite et de l'autorité de jugement.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 29 sans modification .
Article 30
(art. 23 de la loi
n° 71-1130 du 31 décembre 1971)
Mise en oeuvre de l'action
disciplinaire,
séparation des autorités de poursuite et de
jugement
L'article 23 de la loi du 31 décembre 1971 définit le régime de la suspension provisoire d'un avocat faisant l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire.
Le présent article tend à réécrire l'article 23 de la loi de 1971 dont le contenu actuel serait déplacé à l'article 24 de la même loi par l'article 31 du présent projet de loi.
Il a pour objet de désigner les titulaires du pouvoir d'engager l'action disciplinaire , de garantir la stricte séparation des fonctions de poursuite et de jugement et de désigner, par cohérence avec les nouvelles règles retenues, les personnes autorisées à faire appel des décisions rendues par l'instance disciplinaire. Il impose au conseil de discipline une double obligation de statuer après qu'une instruction contradictoire ait été menée et de motiver ses décisions.
Aux termes du premier alinéa du texte proposé pour l'article 23, la faculté de saisir l'instance disciplinaire (qui peut être soit le conseil de discipline, soit le conseil de l'ordre de Paris siégeant comme conseil de discipline) serait dévolue au procureur général près la cour d'appel et au bâtonnier , comme actuellement.
Il est également proposé de supprimer la saisine d'office . A cet égard, il convient de souligner que la Cour de cassation dans un arrêt du 13 novembre 1996 176 ( * ) a jugé que cette faculté ne portait atteinte à aucun principe du droit français, ni aux principes d'indépendance et d'impartialité garantis par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. La Cour européenne des droits de l'Homme ne semble pas s'être prononcée sur cette question. Toutefois, les recours fondés sur le moyen selon lequel la saisine d'office présente une partialité objective contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ont tendance à se multiplier et certaines juridictions disciplinaires ont rendu des décisions confirmant cette analyse.
Il n'est pas proposé d'élargir cette saisine à des particuliers et notamment au plaignant . Une telle hypothèse aurait pu légitimement être envisagée à la lumière d'un arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2001 177 ( * ) , dans lequel a été ouverte la possibilité pour le plaignant d'intenter une action de droit commun devant la juridiction judiciaire pour régler des problèmes déontologiques entre avocats à la suite d'une carence des autorités ordinales. On notera par ailleurs que devant certaines juridictions ordinales, celui-ci a la possibilité de participer à la procédure disciplinaire 178 ( * ) .
Bien que n'étant pas reconnu comme une partie à la procédure disciplinaire, le plaignant est néanmoins mentionné aux articles 189 et 195 du décret du 27 novembre 1991 respectivement relatifs à la possibilité de porter plainte auprès du bâtonnier et au droit d'être informé lorsque la décision est passée en force de chose jugée. De plus, il peut être entendu dans le cadre de l'instruction de l'affaire.
L'élargissement de la saisine directe de l'instance disciplinaire au bénéfice du plaignant n'est cependant pas apparu opportun en raison des spécificités de la profession d'avocat. Les impératifs liés au respect du secret professionnel et à la protection du client imposent d'éviter que l'action publique puisse être mise en oeuvre trop facilement. En outre, l'examen des requêtes des justiciables est susceptible de faire peser une lourde charge sur les autorités chargées d'instruire les dossiers.
En outre, le plaignant a d'ores et déjà la faculté de s'adresser au parquet général ou au bâtonnier qui pourront, s'ils estiment la plainte fondée, saisir la juridiction disciplinaire. Le dispositif actuel parait donc respecter un équilibre. Un renforcement de l'information du plaignant sur les suites données à sa plainte, le classement ou le renvoi de l'affaire pourrait en revanche utilement être prévu dans le futur décret.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 23 pose l'interdiction à un ancien bâtonnier à l'origine des poursuites dans le cadre de ses fonctions antérieures, de siéger au sein de la formation de jugement. Cette disposition constitue une utile précaution destinée à assurer une stricte séparation entre l'autorité de poursuite et les membres de la formation de jugement. Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel en vue de préciser qu'il s'agit de la formation « de jugement ».
Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 23 reproduit la double obligation imposée à l'instance disciplinaire de motiver ses décisions et de statuer après une instruction contradictoire mentionnée actuellement à l'article 22 (troisième alinéa) de la loi de 1971 qui, en vertu de l'article 27 du présent projet de loi, n'énoncerait plus cette règle 179 ( * ) .
Le présent alinéa ne donne aucune indication relative à l'autorité chargée de l'instruction . Les dispositions actuelles en la matière figurent dans le décret du 27 novembre 1991 (article 191), le conseil de l'ordre désignant l'un de ses membres pour procéder à l'instruction contradictoire de l'affaire.
Me Bernard Chambel, président de la Conférence des bâtonniers, a souhaité au cours de son audition que la phase d'instruction, comme à l'heure actuelle, relève de la compétence du conseil de l'ordre. Par souci de clarté , il est donc apparu nécessaire à votre commission d'inscrire dès à présent cette règle dans la loi de 1971. Il s'agit d'assurer la nécessaire séparation des fonctions d'instruction et de jugement conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation. Aussi, votre commission vous soumet un amendement en vue, d'une part, de prévoir le maintien de la compétence actuelle du conseil de l'ordre s'agissant de l'instruction contradictoire des affaires et, d'autre part, d'instituer une incompatibilité entre l'autorité d'instruction et l'autorité de jugement dans une même affaire .
Le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 23 reprend en l'adaptant la règle actuelle énoncée à l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, permettant au procureur général près la cour d'appel et à l'avocat de faire appel des décisions rendues par le conseil de l'ordre en matière disciplinaire.
Comme actuellement, ces derniers bénéficieraient de la faculté de former un recours à l'encontre de la décision rendue par l'instance disciplinaire. Cette possibilité serait étendue au bâtonnier dont relève l'avocat mis en cause. Dès lors que ce dernier n'a plus que le seul pouvoir de déclencher les poursuites, il doit donc disposer d'une voie de recours contre une décision qui n'aurait pas été conforme à sa demande.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 30 ainsi modifié .
Article 31
(art. 24 de la loi
n° 71-1130 du 31 décembre 1971)
Régime de la
suspension provisoire d'un avocat
faisant l'objet d'une poursuite
pénale ou disciplinaire
Cet article a pour objet d'encadrer le régime de la suspension provisoire d'un avocat faisant l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire actuellement défini à l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971.
Le paragraphe I propose de modifier le régime de la suspension provisoire et de déplacer les règles en la matière énoncées à l'actuel article 23 de la loi du 31 décembre 1971 180 ( * ) , pour les faire figurer à l'article 24 de la même loi qui, dans sa rédaction actuelle, traite des voies de recours en appel à l'encontre des décisions du conseil de l'ordre rendues en matière disciplinaire ouvertes au bénéfice du procureur général et de l'avocat intéressé. L'article 24 s'applique tant aux sanctions disciplinaires qu'aux mesures de suspension provisoire. Aux termes du présent article, il serait dédoublé pour figurer à la fois au sein des dispositions relatives à la procédure disciplinaire et au sein de celles relatives à la suspension provisoire.
La suspension provisoire consiste à empêcher temporairement l'avocat d'exercer ses activités. Le cabinet de l'avocat est alors confié par le bâtonnier à un administrateur provisoire qui remplace l'avocat dans ses fonctions.
Actuellement, elle est prononcée sans limitation de durée par le conseil de l'ordre soit d'office soit à la demande du procureur général ou du bâtonnier . Elle n'est pas infligée pour une durée déterminée . Elle se présente comme une mesure conservatoire qui s'applique pendant la durée des poursuites pénales (y compris dès la mise en examen de l'avocat), ou disciplinaires engagées contre un avocat.
Il s'agit donc d'une mesure de sûreté avant dire droit justifiée par une situation de particulière gravité qui porte atteinte au libre exercice professionnel. Cette décision est exécutoire nonobstant appel (article 198 du décret du 27 novembre 1991).
En vertu de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, elle peut être déférée à la cour d'appel par le procureur général ou l'avocat intéressé. Si dans les quinze jours le conseil de l'ordre n'a pas statué sur la demande de suspension provisoire du procureur général, celui-ci peut alors saisir directement la cour d'appel, habilitée à ordonner la suspension provisoire.
Le conseil de l'ordre est compétent pour mettre fin à cette mesure dans des conditions identiques à sa mise en oeuvre (soit d'office, soit à la demande du procureur général ou du bâtonnier) ou encore sur requête de l'intéressé. Conformément à l'article 24 de la loi de 1971, le procureur général ou l'avocat intéressé peut interjeter appel de cette décision.
La suspension provisoire cesse de plein droit avec l'extinction des poursuites pénales et disciplinaires.
La compétence exclusive du conseil de l'ordre pour suspendre provisoirement un avocat de ses fonctions a été contestée, notamment en raison de l'articulation difficile des dispositions de l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971 avec une disposition du code de procédure pénale (12° de l'article 138) permettant au juge d'instruction d'assortir un contrôle judiciaire d'une interdiction, pour le mis en examen, d'exercer son activité professionnelle.
Dans sa rédaction issue de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, cette dernière disposition prévoyait une règle particulière relative au contrôle judiciaire dans le cas où la personne placée sous contrôle judiciaire exerçait le métier d'avocat, le juge d'instruction étant tenu de saisir le conseil de l'ordre appelé à statuer conformément à l'article 23 de la loi de 1971.
En dépit de la volonté du législateur, les juges d'instruction ont continué sur la base de l'article 138, 12°, à interdire l'exercice des fonctions d'un avocat placé sous contrôle judiciaire. La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection d'innocence et les droits des victimes a modifié la rédaction du code de procédure pénale en vue de rappeler clairement la compétence exclusive du conseil de l'ordre en ce domaine, sous réserve de la possibilité de faire appel prévue par l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971.
Le même monopole est accordé au conseil de l'ordre s'agissant de la possibilité de mettre fin à la suspension provisoire. Ce pouvoir lui est reconnu même lorsque la suspension provisoire a été prononcée dans le cadre d'un contrôle judiciaire comme l'a affirmé la Cour de cassation dans deux arrêts des 15 et 22 mai 2002 infirmant un arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 juillet 2001, qui avait considéré par une lecture littérale de la loi du 15 juin 2000 qu'il appartenait au seul juge d'instruction de lever l'interdiction d'exercer.
Les ambiguïtés sur l'attribution exclusive du conseil de l'ordre pour prononcer et lever une mesure de suspension provisoire semblent désormais dissipées. Une telle clarification n'exonère pas pour autant cette mesure particulière d'être conforme aux exigences nouvelles liées au respect des droits de la défense et à la protection de la présomption d'innocence.
Aux termes du premier alinéa du texte proposé pour l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971 par le I de cet article, il est prévu de compléter le cadre juridique relatif à la mise en oeuvre de cette procédure :
- en précisant les critères fondant la possibilité de prononcer une telle mesure, le projet de loi fait référence à l'urgence ; cet ajout aligne le droit sur la pratique ;
- en encadrant les effets de la décision du conseil de l'ordre qui serait désormais valable pour quatre mois renouvelables ; serait donc posée au conseil de l'ordre une obligation nouvelle de statuer tous les quatre mois afin de s'assurer qu'elle est toujours fondée. On observera toutefois que la durée de la suspension ne serait pas limitée dans le temps et pourrait être renouvelée à l'infini ;
- en supprimant la possibilité ouverte au conseil de l'ordre de se saisir d'office.
Ces aménagements paraissent tout à fait opportuns et cohérents avec le souci de garantir les droits de la défense de l'avocat mis en cause. Bien qu'elle ne soit pas assimilable à une peine, puisqu'elle ne résulte pas d'un jugement, elle produit pourtant les mêmes effets qu'une interdiction provisoire sans faire l'objet du même encadrement.
En outre, par cohérence avec les nouvelles règles de saisine de l'instance disciplinaire et la suppression de la saisine d'office, il paraît logique d'appliquer une règle symétrique au conseil de l'ordre.
Par ailleurs, faisant valoir les lourdes conséquences susceptibles d'être engendrées par cette mesure de sûreté, le Conseil national des barreaux a jugé utile d'en limiter les effets à un an.
Tout en comprenant cet argument, votre rapporteur n'a pas cru pouvoir répondre favorablement à ce souhait eu égard à la longueur des informations judiciaires qui nécessitent parfois des investigations approfondies, notamment s'agissant des délits les plus graves. Il paraît important de tenir compte de l'encombrement actuel des juridictions pénales 181 ( * ) . En outre, l'obligation nouvelle posée au conseil de l'ordre de statuer à intervalles réguliers est apparue comme une garantie suffisante pour l'avocat, cette décision ne pouvant plus relever d'une appréciation subjective mais devant être désormais justifiée par des circonstances précises.
De plus, s'il ne semble pas choquant de maintenir la compétence du conseil de l'ordre pour prononcer la suspension provisoire d'un avocat, il parait en revanche primordial de veiller à garantir l'impartialité des membres composant la formation de jugement du conseil de discipline.
Compte tenu des liens étroits prévus par le présent projet de loi entre le conseil de l'ordre et le conseil de discipline, votre rapporteur a jugé utile d'éviter que des membres appelés à ordonner une mesure de suspension provisoire puissent ultérieurement siéger dans la formation de jugement sur la même affaire. Il s'agit d'éviter toute suspicion, la suspension provisoire étant susceptible d'apparaître comme un « pré-jugement » anticipant sur la décision de fond rendue par la suite par la juridiction disciplinaire elle-même.
Telle est la raison pour laquelle votre commission vous soumet un amendement tendant à poser une incompatibilité nouvelle en ce sens afin de prévenir une éventuelle mise en cause de l'impartialité du jugement.
Aux termes du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 24 de la loi de 1971, il est également proposé de clarifier les règles relatives à la levée de la suspension provisoire .
Une exception à la compétence exclusive du conseil de l'ordre en la matière serait prévue , ce dernier n'étant plus autorisé à mettre fin à une mesure de suspension provisoire ordonnée par la cour d'appel. Le texte précise d'ailleurs que dans cette dernière hypothèse, la juridiction d'appel serait alors exclusivement compétente pour en prononcer la levée.
Cette disposition est destinée à prévenir un éventuel conflit entre la cour d'appel et le conseil de l'ordre. Elle se justifie par le souci d'éviter qu'un conseil de l'ordre ayant refusé de prononcer une mesure de suspension provisoire, ordonnée par la suite par la cour d'appel à la suite d'un recours du procureur général, puisse vider de sa portée la décision de cette cour d'appel 182 ( * ) .
Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 24 par le I de cet article reprend l'actuel contenu de l'article 24 de la loi de 1971 qui ouvre la possibilité de faire appel des décisions du conseil de l'ordre en matière disciplinaire à l'avocat intéressé et au procureur général. Il est proposé d'élargir cette saisine au bénéfice du bâtonnier dont l'avocat relève, par symétrie avec les règles relatives à l'appel des décisions rendue par l'instance disciplinaire.
Le paragraphe II de cet article propose, par coordination avec les modifications formelles opérées par le présent projet de loi, de modifier le 12° de l'article 138 du code de procédure pénale qui renvoie actuellement aux articles 23 et 24 de la loi du 31 décembre 1971. Il s'agit de tirer les conséquences de la réécriture de l'article 23, qui aux termes de l'article 30 du projet de loi ne porterait plus sur le régime de la suspension provisoire. Seule la référence à l'article 24 regroupant l'ensemble des règles relatives à la suspension provisoire aux termes du paragraphe I de cet article serait désormais maintenue au sein du 12° de l'article 138.
Votre commission de Lois vous propose d'adopter l'article 31 ainsi modifié .
Article 32
(art. 25 de la loi
n° 71-1130 du 31 décembre 1971)
Coordination - Saisine du
conseil de l'ordre
dans le cas d'un délit d'audience commis par
l'avocat
L'article 25 de la loi du 31 décembre 1971 réglemente les délits d'audience.
Son premier alinéa ouvre une faculté à la juridiction qui constate un manquement commis par un avocat à l'audience, de saisir le procureur général en vue de poursuivre cet avocat devant le conseil de l'ordre dont il relève. Cette disposition est destinée à sanctionner tout manquement aux obligations qu'impose le serment ou encore des injures et des diffamations proférées au cours de l'audience.
Son deuxième alinéa précise le délai dans lequel le conseil de l'ordre, saisi par le procureur général doit avoir statué et celui dans lequel la cour d'appel peut être saisie. Il prévoit également que la cour d'appel ne peut prononcer de sanction disciplinaire qu'après avoir invité le bâtonnier ou son représentant à présenter ses observations.
Les troisième et quatrième alinéas prévoient des délais spécifiques lorsque respectivement soit le conseil de l'ordre dont relève l'avocat, soit la juridiction dans laquelle il a commis un manquement, est situé dans un département ou un territoire d'outre-mer.
Le présent article opère les coordinations nécessaires avec les nouvelles règles relatives à la procédure disciplinaire en substituant l'expression « instance disciplinaire » aux mentions relatives au « conseil de l'ordre » (qui pourrait être soit un conseil de discipline institué dans une cour d'appel, soit le barreau de Paris).
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 32 sans modification .
Division additionnelle
après l'article 32
Création d'un titre III bis
regroupant
des dispositions diverses relatives aux avocats
Votre commission des Lois vous propose par un amendement insérant une division additionnelle après l'article 32 de créer un titre III bis au sein du présent projet de loi pour y insérer des dispositions diverses relatives aux avocats.
Article additionnel après
l'article 32
Confidentialité des correspondances entre avocats
Votre commission des Lois vous propose d'insérer un article additionnel après l'article 32 tendant à réduire le champ d'application du secret professionnel applicable aux correspondances entre l'avocat et ses confrères en vue d'en exclure celles qui portent la mention « officielle ».
En vertu de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, le secret professionnel couvre l'ensemble des consultations, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, les notes d'entretien et plus généralement toutes pièces du dossier. Personne n'a donc le droit d'ouvrir ou de lire les lettres qu'il adresse ou celles qu'il reçoit. Le secret professionnel est absolu et n'est pas limité dans le temps. L'avocat en est débiteur non seulement dans l'intérêt de son client mais également pour des raisons d'ordre public.
L'article 160 du décret du 27 novembre 1991 dispose que « l'avocat en toute matière ne doit commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel. » Le non respect de cette obligation est d'ailleurs passible de sanctions pénales (article 226-13 du code pénal) 183 ( * ) et disciplinaires. Selon le Conseil national des barreaux et la jurisprudence de la Cour de cassation, le client ne peut en délier l'avocat.
Le terme de correspondances désigne toute forme de communication, quel qu'en soit le support. Dans le domaine des échanges entre confrères chargés d'intérêts opposés, la confidentialité constitue un instrument utile pour favoriser la négociation. Lorsque cette négociation aboutit à un accord, il s'avère alors indispensable d'en préciser les termes par écrit, ce qui est souvent formalisé sous forme d'échanges de lettres dénués de tout caractère confidentiel . Ainsi les conventions conclues sur la base de l'absence de confidentialité à finalité transactionnelle ou concrétisant un accord devraient-elles en toute logique être exclues du champ d'application du secret professionnel.
En outre, ces transactions étant susceptibles de ne pas être respectées, leur divulgation à titre de preuve peut s'avérer nécessaire 184 ( * ) . Il faut donc distinguer les communications confidentielles de celles qui sont officielles, qui sont caractérisées par la qualification que leur donne l'avocat par la mention « officielle » et de délimiter clairement le champ des exceptions.
Actuellement l'article 66-5 de la loi de 1971 ne prévoit pas de dérogation particulière à cet égard.
Le Conseil national des barreaux dans une décision d'harmonisation rendue à ce sujet a manifesté le souci de préciser que n'étaient pas couvertes par le secret professionnel : une correspondance ayant pour unique objet de se substituer à un acte de procédure, une correspondance portant la mention « officielle », une convention entre avocats portant la mention « officielle ».
Telle n'a pas été l'interprétation de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 4 février 2003, a appliqué à la lettre l'article 66-5 de la loi de 1971 lui donnant une portée absolue et générale , après avoir estimé qu'à l'occasion d'un jugement le versement aux débats d'une correspondance entre avocats portant la mention « officielle » exposait ces derniers à des poursuites pour violation du secret professionnel. Une telle situation est de nature à remettre en cause des pratiques professionnelles anciennes et très fréquentes qui ont toute leur pertinence.
Compte tenu de l'utilité des communications officielles entre confrères pour l'exercice quotidien de leur métier, il parait primordial d'écarter du champ d'application du secret professionnel des conventions antérieurement conclues sur la base d'une absence de confidentialité.
Tel est l'objet du présent article additionnel que votre commission des Lois vous propose d'insérer après l'article 32.
* 167 Ainsi que les anciens avocats et les avocats honoraires en vertu du décret du 27 novembre 1991.
* 168 Manquements aux obligations professionnelles (démarchage d'un témoin, fraude fiscale ayant donné lieu à une condamnation fiscale), manquements à la probité (pression en vue d'obtenir des honoraires exorbitants), manquements à la délicatesse ou à l'honneur.
* 169 Aux termes de la loi, ceux comprenant au moins cinq cents avocats disposant du droit de vote pour participer à l'élection du conseil de l'ordre.
* 170 Modifiée par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
* 171 Il s'agit de Toulouse, Bordeaux, Nice, Lille, Montpellier, Strasbourg qui regroupent plus de cinq cents avocats inscrits, et de Lyon, Nanterre et Marseille, qui en rassemblent plus de mille.
* 172 Voir exposé général - I - C.
* 173 Ces huit barreaux ont des effectifs très variables, compris entre 26 et 376 professionnels inscrits au tableau.
* 174 On rappellera qu'en principe c'est lui qui actuellement préside les conseils de l'ordre siégeant en formation disciplinaire.
* 175 Actuellement, il est précisé à l'avant-dernier alinéa de l'actuel article 22 de la loi du 31 décembre 1971, que cette désignation intervient « au début de chaque année ».
* 176 Arrêt relatif à une décision du conseil de l'ordre du barreau de Lille.
* 177 Etait concerné le conseil de l'ordre du barreau de Pau.
* 178 S'agissant de la procédure disciplinaire applicable au médecin, toute personne par exemple le patient du médecin peut saisir le conseil régional de l'Ordre des médecins moyennant porter plainte devant le conseil départemental de l'Ordre qui est alors tenu de transmettre la plainte.
* 179 L'article 27 du projet de loi propose de réécrire l'article 22 de la loi de 1971 sans reprendre certaines règles appelées à figurer sous l'article 23 de la loi de 1971.
* 180 On rappellera que l'article 30 du projet de loi propose de réécrire l'article 23 de la loi de 1971 en vue de compléter les règles relatives au régime disciplinaire.
* 181 Par exemple, le délai de jugement en matière criminelle s'est élevé en 2000 à 32,4 mois.
* 182 Ce cas très ponctuel s'est produit en 2002.
* 183 Qui dispose que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende ».
* 184 Il peut s'avérer utile aux fins de faire juger qu'un accord a été conclu de produire devant le tribunal des échanges entre deux confrères établissant ledit accord dans le cas où l'une des parties viendrait à le dénoncer ultérieurement.