2. Le problème aujourd'hui essentiel : une offre insuffisante
Le problème actuel des commerces en zone urbaine sensible est essentiellement celui de l'offre. Il semble en effet incontestable que le principal problème de ces commerces est que la demande existante n'y est souvent pas satisfaite, alors même que leur proximité devrait leur garantir un avantage comparatif déterminant.
a) Une mauvaise qualité du bâti
La faible attractivité des nombreux centres commerciaux de quartiers sensibles provient fréquemment d'une mauvaise qualité du bâtiment abritant le centre commercial.
Tout d'abord, sa conception peut ne plus être adaptée aux attentes de la clientèle. Ainsi, le centre de la Croix Rouge, à Reims, est construit dans une passerelle de béton enjambant une route et que l'on a pu comparer à un « blockhaus ».
Ensuite, ces centres sont généralement mal entretenus, ce dont découlent des risques d'incendie et un aspect peu engageant.
b) L'insécurité
L'insécurité correspond à une réalité essentielle, trop souvent négligée.
Selon une étude réalisée par l'Insee en 1996 25 ( * ) , le risque d'agression est plus important pour les personnes vivant dans des zones d'immeubles collectifs que pour celles habitant en maisons individuelles.
Cependant, contrairement à ce que l'on pourrait être tenté de croire de prime abord, les données de l'INSEE indiquent que le nombre d'agressions n'est pas plus important dans les cités que dans les autres quartiers urbains, et le nombre de vols guère supérieur.
L'insécurité joue pourtant un rôle important dans la désertion des zones urbaines sensibles par les commerces. En effet, la fréquence des dégradations de biens publics y est deux fois plus nombreuse qu'ailleurs. Surtout, les vols dans les centres commerciaux y sont importants, et en augmentation, comme l'indique le graphique ci-après.
Les vols dans les centres commerciaux
Source : Conseil national des centres commerciaux
Le coût direct de ces vols n'est pas négligeable. Selon l'EPARECA, le vol à l'étalage peut représenter jusqu'à 4 % des ventes, auxquels il faudrait ajouter 2 % correspondant à la consommation sur place et à la « casse ». L'EPARECA précise que le vol à l'étalage généralement admis par les supermarchés représente 1 % du chiffre d'affaires . Compte tenu des marges pratiquées, cela peut conduire l'exploitation à être déficitaire.
c) La copropriété, un problème renforcé par la paupérisation des acteurs
Les copropriétés ont indéniablement contribué au déclin des centres commerciaux. Le régime de la copropriété constitue un handicap au bon fonctionnement d'une galerie commerciale, qu'elle soit située dans les quartiers de la politique de la ville ou ailleurs. Il ne permet pas l'émergence d'une véritable communauté commerciale et incite chacun à « jouer perso ».
Dans les quartiers sensibles existent surtout de petites copropriétés, créées entre les premiers commerçants qui exploitaient les fonds, dont le fonctionnement est aujourd'hui particulièrement altéré. Les premiers commerçants ont vendu leur fonds, notamment à l'occasion de leur départ en retraite. La situation est devenue paradoxale : les commerçants qui ont intérêt à ce que les centres fonctionnent bien ne sont pas propriétaires et les propriétaires ne sont plus exploitants. Ces propriétaires n'ont pas une culture d'investisseur. Ils sont parfois pauvres et ont une vision individualiste de court terme de l'exploitation de leur propriété. La boutique qu'ils louent est pour eux un complément de retraite indispensable.
Les conséquences pour les centres commerciaux sont très dommageables :
- les propriétaires n'ont généralement pas les moyens nécessaires pour réaliser les indispensables investissements d'entretien et de modernisation qui surviennent tous les 7 à 10 ans ;
- chaque propriétaire poursuit son intérêt individuel, qui ne correspond pas forcément à celui du centre commercial considéré dans son ensemble.
* 25 Emmanuelle Crenner, Insécurité et sentiment d'insécurité, Insee première, n° 501, décembre 1996.