B. LES FAILLES DE NOTRE SYSTÈME DE RECONNAISSANCE DES RISQUES PROFESSIONNELS

Ces statistiques doivent néanmoins être interprétées avec prudence. Si elles reflètent sans doute avec exactitude les évolutions et les tendances de fond, elles ne permettent pas d'appréhender de manière exhaustive la réalité des risques professionnels.

Elles souffrent en effet de failles qui tiennent tant aux lacunes de l'outil statistique qu'aux phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance.

1. Les lacunes de l'outil statistique

Dans son rapport précité, la Cour des comptes s'est longuement penchée sur la qualité de l'outil statistique en la matière.

Tout en reconnaissant une certaine amélioration, le constat de la Cour reste très critique :

« La connaissance des risques professionnels demeure très imparfaite. Les données épidémiologiques de base restent lacunaires et les études épidémiologiques et économiques peu nombreuses. Elles sont particulièrement défaillantes pour ce qui concerne les maladies professionnelles. Les systèmes de dénombrement des accidents et maladies déclarés et reconnus dans les divers systèmes d'assurance sont partiels, notamment pour les dispositifs autres que celui du régime général. Ils ne sont pas coordonnés et aucune statistique d'ensemble n'existe. Même dans le régime général, une modernisation de ce système est nécessaire. »

Ces conclusions apparaissent alors d'autant plus préoccupantes que l'insuffisance de l'outil statistique conduit à fragiliser l'efficacité des politiques publiques en la matière :

« Ces insuffisances dans la connaissance affectent nécessairement l'ensemble de la gestion du risque AT-MP, aussi bien la conduite et l'efficacité des actions de prévention que le sens de la tarification des cotisations et la répartition des dépenses entre l'assurance maladie et l'assurance AT-MP . »

Dans ces conditions, votre commission ne peut que reprendre à son compte les observations de la Cour et appeler de ses voeux une amélioration des informations disponibles et une meilleure coordination des acteurs.

Elle considère pourtant qu'une telle démarche n'aura de sens que si elle s'accompagne d'une meilleure reconnaissance des risques professionnels.

2. Des modalités toujours imparfaites de déclaration et de reconnaissance des risques professionnels

L'outil statistique n'appréhende en effet que les accidents et les maladies déclarés et reconnus.

Or, l'existence d'un phénomène de sous-déclaration et de sous-reconnaissance ne semble plus guère contestée.

De fait, les lois de financement de la sécurité sociale pour 1997 et pour 2002 ont pris acte de ce phénomène en instituant un versement annuel de la branche AT-MP vers la branche maladie au titre des maladies professionnelles puis, depuis l'an passé, au titre des accidents du travail.

Les travaux des trois commissions successives 29 ( * ) chargées d'évaluer les modalités de calcul de ce versement annuel ont d'ores et déjà permis d'apporter certaines précisions sur l'ampleur de ce phénomène et surtout de ses causes.

Trois causes principales sont ainsi avancées :

- la sous-évaluation par le corps médical de l'origine professionnelle des pathologies, qui résulte sans doute largement de la méconnaissance par le corps médical des liens susceptibles d'exister entre la pathologie et l'activité professionnelle ;

- la sous-déclaration des accidents du travail par les employeurs et des maladies professionnelles par les victimes elles-mêmes. Les causes en sont ici très diverses : la possibilité de ne pas prendre en considération les « accidents bénins », le souci des employeurs de minimiser les accidents pour éviter une majoration de leur cotisation, l'absence d'incitation financière à la déclaration pour le salarié, la crainte d'une perte d'emploi ou d'une baisse de revenu pour le salarié, la complexité des procédures et le cloisonnement des intervenants ;

- la sous-reconnaissance par les CPAM, que souligne l'hétérogénéité persistante des taux de reconnaissance entre les différentes caisses : pour les accidents du travail, ce taux varie de 75 à 92 % et, pour les maladies professionnelles, il oscille entre 22 et 88 %.

Votre commission estime alors nécessaire de mieux prévenir ces phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance.

Certes, certains progrès ont déjà été accomplis. Mais le phénomène demeure persistant.

A cet égard, elle regrette notamment que les propositions des commissions de 1997 et de 1999 soient loin d'avoir été toutes suivies d'effets. Elle ne peut donc qu'exprimer le souhait que le présent Gouvernement s'attache à mettre en oeuvre dans les meilleures conditions les propositions de la commission de 2002. Elle considère, à ce propos, que la perspective de l'instauration d'une convention d'objectifs et de gestion pour la branche constitue une occasion à ne pas manquer.

Car ce phénomène est, à ses yeux, lourd d'enjeux :

- un enjeu évident de santé publique, tant l'élaboration d'une politique de prévention et de gestion des risques suppose une connaissance effective de ceux-ci ;

- un enjeu financier également, dans la mesure où le principe de séparation des branches impose une identification précise de l'origine des dépenses.

* 29 Commission « Deniel » (novembre 1997) et commissions « Levy-Rosenwald » (septembre 1999 et septembre 2002).

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