TROISIÈME
PARTIE
-
ACCIDENTS DU TRAVAIL
ET MALADIES PROFESSIONNELLES
Pour 2003, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à 9,40 milliards d'euros, soit une progression de 10,2 % par rapport à l'objectif initial pour 2002 (8,53 milliards d'euros) et de 4,2 % par rapport à l'objectif de dépenses révisé pour 2002 (9,02 milliards d'euros).
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale confirme donc la croissance soutenue des dépenses de la branche.
Dépenses de la branche « La branche des accidents du travail rassemble, outre les dépenses des fonds déjà existants (CNAMTS, salariés agricoles, Mines, FCATA, FCAATA, Fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales), les dépenses effectuées directement par les régimes d'employeurs, en contrepartie de cotisations dites « fictives ». Les maintiens de salaire ne sont pas retracés dans l'agrégat de dépenses de la branche AT. Le FCAT ayant moins de 20.000 bénéficiaires ne rentre plus dans les agrégats de dépenses à compter de 2002. » Source : PFLSS 2003, annexe C |
Ces dépenses relèvent à 91 % du régime général : en 2001, les dépenses de la branche AT-MP du régime général atteignaient 7,971 milliards d'euros pour des dépenses totales de l'ensemble des régimes de base de 8,760 milliards d'euros.
Les différents régimes de couverture du risque AT-MP « La couverture du risque accidents du travail-maladies professionnelles est morcelée entre un grand nombre de régimes et de gestionnaires. « Pour les salariés, le gestionnaire le plus important est le régime général, qui couvre environ 87 % du total. Cependant, 23 entreprises, collectivités et établissements publics assurent directement la charge totale ou partielle (c'est-à-dire à l'exclusion des incapacités permanentes) du risque. Les salariés agricoles, soit un peu plus d'un million de personnes, couverts seulement depuis une loi de 1972, relèvent de la mutualité sociale agricole (MSA), avec notamment des systèmes de cotisation des employeurs et de prévention. Les salariés d'Alsace-Moselle continuent de bénéficier d'un régime local, fondé sur une législation de 1886, avec une indemnisation qui ne peut être inférieure à celle prévue par le régime général et un système propre de cotisations. « Les agents des trois fonctions publiques (Etat, collectivités locales, hôpitaux) relèvent de systèmes distincts, fondés sur la notion d'accident de service, même si des lois successives les ont progressivement rapprochés du régime général. « Les agents de la SCNF, de la RATP, d'EDF et de GDF relèvent également de régimes spécifiques. Il en est de même pour les gens de mer, dont l'assurance est géré par l'établissement national des invalides de la marine (ENIM). « La loi du 30 novembre 2001 crée un nouveau régime pour les exploitants agricoles, dont la gestion serait confiée à la MSA . » Source : Cour des comptes 25 ( * ) |
I. L'ÉVOLUTION DES RISQUES PROFESSIONNELS APPARAÎT PRÉOCCUPANTE
A. DES ÉVOLUTIONS PRÉOCCUPANTES
Alors que, sur le long terme, on constate une importante diminution du risque d'accidents du travail, les évolutions récentes marquent l'interruption de cette tendance :
- les accidents du travail et les accidents de trajet ne diminuent plus et apparaissent de plus en plus graves ;
- les maladies professionnelles sont en forte progression.
1. Un nombre d'accidents du travail et d'accidents de trajet qui ne diminue plus
La tendance à la baisse du risque d'accidents du travail sur longue période s'est considérablement ralentie depuis 1987. Désormais, le nombre d'accidents du travail ne diminue plus et le nombre d'accidents de trajet tend à augmenter.
Depuis 1997, le nombre d'accidents du travail dans le secteur marchand non agricole tend à augmenter. Certes, compte tenu des créations d'emploi, le taux de fréquence 26 ( * ) -et donc le risque- diminue légèrement, mais de manière désormais très ralentie.
Evolution des accidents du travail depuis 1997
1997 |
1998 |
1999 |
2000 1 |
2001 1 |
|
Nombre d'accidents du travail |
1.317.950 |
1.337.951 |
1.362.068 |
1.360.612 |
1.363.542 |
Indice de fréquence |
82,0 |
79,6 |
78,1 |
75,1 |
n.c. |
Nombre d'accidents du travail avec incapacité permanente |
45.579 |
47.071 |
46.085 |
48.096 |
n.c. |
Indice de gravité |
17,1 |
16,7 |
15,6 |
16,1 |
n.c. |
Nombre d'accidents mortels |
732 |
669 |
722 |
717 |
n.c. |
1 Estimation Source : CNAMTS
Le risque d'accident du travail semble ainsi devoir varier avec la conjoncture économique : il tend à augmenter en période de reprise.
La tendance actuelle semble toutefois dépasser les simples fluctuations conjoncturelles, qui ne font ici que l'amplifier.
Comme le souligne une étude de la DARES 27 ( * ) , « au-delà des fluctuations conjoncturelles, cette reprise s'inscrit dans un mouvement de long terme : à la baisse prononcée des accidents du travail amorcée au milieu des années soixante-dix, succède au tournant des années quatre-vingt-dix une phase d'augmentation lente mais régulière. A cette nouvelle tendance se superposent des fluctuations cycliques en phase avec l'activité économique. »
Il reste que la gravité 28 ( * ) des accidents du travail s'intensifie. Ainsi, on observe une hausse du nombre d'accidents avec incapacité permanente, mais aussi une forte augmentation de la durée moyenne d'arrêt de travail, qui est passée de 25 jours en 1970 à 43 jours en 2001.
Ces tendances sont encore accentuées pour les accidents de trajet .
Evolution des accidents de trajet depuis 1997
1997 |
1998 |
1999 |
2000 1 |
2001 1 |
|
Nombre d'accidents de trajet |
126.455 |
129.955 |
136.923 |
131.861 |
127.532 |
Nombre d'accidents de trajet avec incapacité permanente |
8.174 |
8.182 |
8.265 |
n.c. |
n.c. |
Nombre d'accidents de trajets mortels |
571 |
632 |
662 |
644 |
836 |
1 Estimation Source : CNAMTS
Ainsi, les accidents de trajet avec incapacité permanente sont en hausse constante depuis 1997. Et les décès lors d'un accident de trajet constituent désormais plus de la moitié des accidents du travail mortels.
2. La forte progression des maladies professionnelles
Mais la tendance la plus préoccupante reste sans doute la forte progression du nombre de maladies professionnelles.
Evolution des maladies professionnelles depuis 1997
1997 |
1998 |
1999 |
2000 1 |
2001 1 |
|
Nombre de maladies professionnelles |
15.554 |
17.722 |
24.208 |
29.771 |
39.755 |
Maladies avec incapacité permanente |
3.916 |
4.160 |
6.505 |
n.c. |
n.c. |
Maladies professionnelles mortelles |
75 |
104 |
161 |
207 |
n.c. |
1 Estimation Source : CNAMTS
Les maladies professionnelles prises en charge connaissent en effet une forte progression depuis plusieurs années, à partir d'un niveau, il est vrai, faible.
Ainsi, de 1988 à 2001, le nombre de maladies professionnelles reconnues est passé de 6.000 à 40.000, soit une progression de près de 700 %.
Certes, ces évolutions s'expliquent largement par une meilleure reconnaissance des maladies professionnelles, et notamment des maladies liées à l'amiante. L'amiante représente désormais près de 14 % des maladies professionnelles reconnues.
Mais il reste que cette tendance apparaît particulièrement inquiétante et n'est pas sans de lourdes incidences financières. Les maladies professionnelles sont en effet généralement bien plus handicapantes que les accidents du travail : alors que ceux-ci n'entraînent qu'environ 3 % d'incapacités permanentes, ce taux monte à 25 % pour les maladies professionnelles.
La progression du nombre de maladies reconnues n'efface en outre pas une autre tendance lourde : leur concentration. Elle ne fait même que l'accentuer.
La plupart des maladies professionnelles relèvent en effet de trois pathologies. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport précité, « 85 % des maladies prises en charge le sont au titre de trois tableaux : les affections péri-articulaires, qui représentent à elles seules près des deux tiers (dont un quart dû au syndrome du canal carpien) ; les pathologies induites par l'amiante, qui sont passées au-dessus de 10 % ; les lombalgies et dorsalgies, qui représentent un peu moins de 10 % ».
A l'évidence, l'effort de prévention devrait donc viser en priorité ces trois pathologies.
* 25 Rapport public particulier, « La gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles », février 2002.
* 26 Nombre d'accidents par million de salariés.
* 27 Premières informations et première synthèse, n° 31-1, août 2001.
* 28 L'indice de gravité correspond à la somme des taux d'incapacité permanente des accidents du travail rapportée au nombre d'heures travaillées.