B. LE PLAN « HÔPITAL 2007 »
Le plan « Hôpital 2007 » a pour objet, selon les termes du Gouvernement, de redonner ambition et espoir au monde hospitalier selon trois grandes directions :
- adapter le système de pilotage en renforçant, au niveau régional, le rôle des mécanismes contractuels par rapport aux procédures administrées ;
- relancer l'investissement pour moderniser les établissements, accompagner la recomposition de l'offre hospitalière et s'adapter aux contraintes fortes de sécurité sanitaire ;
- responsabiliser les acteurs en assouplissant la gestion : « il faut, selon les termes du ministre , insuffler une " culture du résultat " et pas seulement de moyens ».
Les grandes lignes du plan « Hôpital 2007 » ont été exposées par le ministre de la santé lors de son intervention devant les Assises nationales des cadres hospitaliers, au Mans, le 27 septembre 2002.
Certaines mesures annoncées figurent déjà dans le présent projet de loi ; d'autres constituent des orientations qui vont encore faire l'objet de concertations et débats.
1. Un soutien volontariste à l'investissement
Le plan « Hôpital 2007 » reposera tout d'abord sur une relance volontariste de l'investissement. Ainsi, un plan quinquennal d'investissement sera engagé dès 2003.
Le présent projet de loi comporte un premier effort conséquent, permettant le financement de la première tranche du plan de 6 milliards d'euros, soit pour 2003, plus d'1 milliard d'euros d'investissements supplémentaires. Ces efforts couvriront toutes les opérations d'investissements : immobiliers, équipements et systèmes d'information, préalable indispensable à toute réorganisation.
Votre rapporteur se félicite de cette décision : la vétusté du patrimoine et des équipements hospitaliers nécessitait, de fait, d'engager dès 2003 un rattrapage significatif en matière d'investissement.
Le ministre de la santé a indiqué qu'il serait particulièrement attentif à une réalisation accélérée des opérations immobilières. C'est la raison pour laquelle trois séries de mesures viendront accompagner le plan d'investissement.
Afin d'accélérer les décisions, les enveloppes seront régionalisées et confiées aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH). L'instruction et la décision seront plus faciles et donc plus rapides. En pratique, les ARH arrêteront avec les structures un programme régional pluriannuel d'investissement sur cinq ans. Elles choisiront les opérations à soutenir, et le niveau de ce soutien qui pourra aller jusqu'à 80 % de l'opération.
Dans un souci d'accélérer les réalisations, l'intervention des entreprises privées sera facilitée. Le Gouvernement s'est engagé à proposer des modifications législatives avant la fin de l'année 2003 afin d'autoriser une personne privée à construire des bâtiments pour le compte de l'hôpital. Dès que la législation aura évolué, il demandera aux ARH d'utiliser le plus souvent possible ces modalités, notamment pour les opérations immobilières d'importance.
Enfin, pour soutenir techniquement les projets, en aidant les ARH et les établissements, le Gouvernement a décidé de mettre en place une Mission nationale d'appui à l'investissement , composée d'une quarantaine d'experts de haut niveau spécialement recrutés à cette occasion. La majorité de ces experts seront affectés en régions auprès des ARH.
La mission aidera les ARH à élaborer les plans pluriannuels et les établissements pour la mise en oeuvre et le suivi de leurs opérations.
2. La rénovation du mode de financement des établissements : la tarification à l'activité
Le Gouvernement souhaite mettre fin à la coexistence d'un double système de financement public et privé qui obère les comparaisons et rend difficile les coopérations. Il souhaite en conséquence orienter le mode de financement des établissements vers la tarification à l'activité, seule capable, à terme, de responsabiliser les acteurs.
On notera que la notion de « tarification à l'activité » remplace celle jusqu'ici communément utilisée de « tarification à la pathologie ». Ce terme semble préférable à celui de « tarification à la pathologie » dans la mesure où l'activité englobe aussi, par exemple, la prévention et le dépistage.
De fait, et votre rapporteur n'a pas manqué de le souligner à maintes reprises, le système actuel de tarification et de financement des établissements de soins publics et privés atteint aujourd'hui ses limites.
Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2002, la Cour des comptes en rappelle les faiblesses. Elle relève, en premier lieu, la relative déconnexion entre l'évolution de la dotation globale de fonctionnement et l'évolution de l'activité réelle des établissements qu'elle finance. La dotation globale de fonctionnement des établissements publics et privés participant au service public hospitalier représente plus de 90 % de leurs ressources financières. En tout état de cause, elle ne reflète qu'imparfaitement l'activité réelle des établissements. Malgré l'apport du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), certaines rentes de situation existant au profit de certains établissements n'ont pu être éliminées. Ainsi, les établissements dont l'activité décroît peuvent connaître une relative aisance financière ; à l'inverse, les établissements dont l'activité croît, souvent en raison de meilleures pratiques, peuvent être pénalisés financièrement.
La complexité de la tarification des établissements privés à but lucratif a eu des effets pervers. Les établissements privés régis par l'objectif quantifié national (OQN) reçoivent des forfaits par journée et par prestation délivrée, ce qui assure un financement en fonction des actes réalisés. Mais les données issues de leur comptabilité analytique ne permettent pas aux ARH de déterminer précisément le coût de chacun des actes. De plus, les tarifs, qui sont complexes à arrêter et à actualiser en fonction de l'évolution des techniques et des pratiques, ne peuvent être suffisamment détaillés pour distinguer chaque type d'acte. En conséquence, ils ne reflètent qu'imparfaitement la réalité des coûts des établissements et peuvent conduire les établissements à se spécialiser dans les domaines les plus rémunérateurs. Dès lors, ils peuvent se traduire par des choix de spécialisation inadaptés aux besoins.
Les objectifs de la tarification à l'activité sont de pouvoir fonder le financement de chaque établissement sur une mesure juste de son activité, en volume et en structure, et de rapprocher ainsi les modes de financement et de régulation des deux secteurs d'hospitalisation.
La loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière , autorisait le Gouvernement à expérimenter, dans des conditions fixées par voie réglementaire, à compter du 1 er janvier 1992 et pour une période n'excédant pas cinq ans :
« 1° L'élaboration, l'exécution et la révision de budgets présentés en tout ou partie par objectifs tenant compte notamment des pathologies traitées ;
« 2° L'établissement de tarifications tenant compte des pathologies traitées.
« Cette expérimentation pouvait avoir lieu dans les établissements de santé, publics ou privés, avec leur accord ».
Comme le souligne la Cour des comptes, l'absence d'outil de mesure des coûts par pathologie n'a pas permis, à l'époque, de progresser significativement sur le sujet. Une importante expérimentation a toutefois été menée en 1994-1995 en Languedoc-Roussillon, démontrant que le recueil des informations médicales et financières utilisées par le PMSI et nécessaires à l'évaluation des coûts par pathologie était possible quels que soient la taille et le statut des établissements.
Ce dispositif, créé pour une période de cinq ans à compter du 1 er janvier 1992, étant devenu caduc, l'article 55 de la loi n° 99-641 du 11 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle l'avait en quelque sorte prolongé.
Votre commission avait alors souhaité que le Gouvernement se montre plus audacieux en la matière et que la phase des expérimentations soit rapidement suivie d'une mise en oeuvre effective et généralisée.
Elle se félicite par conséquent que le Gouvernement semble aujourd'hui décidé à engager une nouvelle étape en vue d'aboutir à la généralisation d'un système de financement à l'activité à partir de 2004
Elle relève que quatre pays européens -les Pays-Bas, l'Espagne, l'Allemagne et la Suède- ont déjà adopté un tel mode de financement au cours des trois dernières années et que la Belgique a également « sauté le pas » il y a quelques semaines.
L'article 12 du présent projet de loi institue ainsi l'expérimentation d'un mode de tarification unique des établissements de santé publics et privés fondé sur leur activité.
Selon les explications données par le ministre devant votre commission, lors de son audition sur le présent projet de loi, un appel à candidatures sera lancé dans le courant du mois de novembre afin de sélectionner vingt établissements publics et vingt établissements privés volontaires, dotés d'une comptabilité analytique.
Parallèlement, une simulation de l'application de la tarification à l'activité sera menée dans cinq régions, qui ne sont pas encore choisies. Les premiers enseignements de ces expérimentations seront disponibles au début de l'été 2003. Une mission d'accompagnement sur la tarification à l'activité va être créée au sein de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins ( DHOS).
3. Un assouplissement des règles de planification
Le troisième volet du plan « Hôpital 2007 » vise à assouplir les règles de planification.
Les autorisations qui sont encore effectuées au niveau national seront ainsi déconcentrées aux ARH.
Au plan régional, le Gouvernement souhaite supprimer les indices de lits et d'équipement de la carte sanitaire, qui sont aujourd'hui obsolètes, et faire jouer un rôle nouveau aux annexes du schéma régional d'organisation sanitaire et sociale (SROS) grâce un dispositif rénové et renforcé dans ses principes juridiques. Le régime des autorisations sera maintenu pour assurer une équité dans la répartition des capacités de prise en charge et des équipements, mais les encadrements seront désormais fixés par l'ARH dans le SROS.
A terme, le Gouvernement souhaite pouvoir contractualiser les autorisations en les fixant dans le seul contrat d'objectifs et de moyens. L'objectif est de donner une souplesse et une réactivité qui manquent aux procédures actuelles trop lentes et trop lourdes.
4. Une plus grande autonomie de gestion
Le Gouvernement souhaite que les établissements puissent jouir d'une plus grande autonomie dans leur gestion quotidienne.
Ceci suppose la simplification d'un certain nombre de règles, en particulier pour les achats, qui génèrent à la fois des surcoûts et des dysfonctionnements au sein des établissements.
De la même manière, le Gouvernement réfléchit à un accroissement du pouvoir des conseils d'administration, notamment en matière de contractualisation interne, laquelle pourrait être liée à l'intéressement des personnels. Chacun doit recouvrer le fruit de ses efforts à partir d'objectifs qualitatifs ou quantitatifs fixés et évalués au sein des établissements avec la validation du conseil d'administration.
Les établissements doivent aussi pouvoir s'organiser et se structurer au mieux. Sur la base des unités fonctionnelles et des services existants, il appartiendra aux instances internes de décider de la création de pôles d'activité qui pourront, ensuite, passer contrat avec le conseil d'administration.
Enfin, les guides de bonnes pratiques ne doivent pas être uniquement à vocation médicale. C'est pourquoi l'article 11 du projet de loi prévoit la création d'une mission nationale d'audit et d'expertise dont l'objectif sera de bâtir des référentiels de gestion hospitalière de manière à aider les établissements dans leur modernisation.
Ces efforts devraient naturellement être pris en compte et articulés, le plus possible, avec la tarification des établissements.
Aux yeux de votre commission, le plan « Hôpital 2007 » s'inscrit dans une démarche ambitieuse, à la hauteur du défi que représente aujourd'hui le sauvetage de notre système hospitalier.
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Médicaliser l'ONDAM, restaurer le dialogue et la confiance avec les professionnels de santé, redonner un sens à la politique conventionnelle, poser les bases d'une véritable maîtrise médicalisée des dépenses, moderniser l'hôpital en surmontant le défi que représente la réduction du temps de travail, préparer : les chantiers sont nombreux et la tâche difficile. Le Gouvernement sait qu'il peut, dans sa mission, compter sur le plein et entier soutien de votre commission.