B. DES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT

A la suite du vote du Parlement européen, la Commission devrait présenter au Conseil une proposition modifiée qui tiendra plus ou moins largement compte de la position exprimée par les députés européens. Sous réserve des amendements qu'elle maintiendra, et surtout des précisions qu'elle apportera au texte amendé, celui-ci, en l'état actuel, suscite encore beaucoup de réserves. Il est en effet difficile d'y voir clair dans ce que le Parlement européen a adopté.

1. Un besoin de clarification

En termes de méthodologie et de conséquences normatives des modifications parlementaires, il est en premier lieu impossible de savoir ce qu'impliquent les adjonctions apportées aux considérants de la proposition dès lors qu'on ne les retrouve pas dans le corps même du règlement . A titre d'exemple, les références à la presse ou aux professions réglementées qui figurent dans les considérants, mais dont le règlement lui-même ne fait pas mention, ont-elles une valeur normative ? Mais dans ce cas, pourquoi d'autres items, tels les médicaments et le tabac, sont-ils présents à la fois dans les considérants et dans les articles du règlement ?

En tout état de cause, les dispositions sont parfois contradictoires . Par exemple, le considérant 7 dispose désormais que « le présent règlement couvre les concours ou jeux promotionnels (...) qui permettent de participer sans paiement requis et sans obligation d'achat » ; sa rédaction n'est donc pas cohérente avec la définition du concours promotionnel ainsi fixée par le paragraphe h) de l'article 2 : « toute offre temporaire de participation à un concours, le cas échéant, avec obligation d'achat , par lequel le gagnant est désigné essentiellement sur la base de ses aptitudes » .

En complétant les considérants de la proposition initiale et en cherchant à préciser la définition des termes utilisés par le règlement, le Parlement européen a ainsi rompu une certaine cohérence rédactionnelle et rendu la lecture de ce texte difficile et, plus grave, incertaine juridiquement .

Quoiqu'il advienne de cette proposition, il paraît dès lors indispensable pour votre Rapporteur qu'un toilettage précis soit entrepris pour rétablir un cadre conceptuel ne donnant prise à aucune divergence d'interprétation quant à sa portée .

En second lieu se pose la question de la reconnaissance mutuelle . Les amendements du Parlement européen, qu'ils se trouvent dans les considérants ou dans le corps du texte, ont-ils pour effet d'extraire totalement du champ d'application du règlement la vente à perte, la réglementation française sur les soldes, ou encore les prescriptions nationales propres à certains produits comme les médicaments, par exemple, ou bien ne s'agit-il que de permettre le maintien des législations nationales dans ces domaines tout en leur appliquant le principe de la reconnaissance mutuelle ?

Dans le premier cas, on peut être assuré que les dispositifs nationaux que nous connaissons en la matière, qui assurent à la fois un fonctionnement correct et loyal de la concurrence, et un haut niveau de protection des consommateurs, seront conservés et effectifs. Dans le second cas, au contraire, ce maintien des législations et réglementations nationales ne serait que formel , puisque le principe de reconnaissance mutuelle obligerait les Etats membres à admettre sur leur territoire des pratiques qu'elles interdisent pourtant aux promoteurs nationaux .

Or, votre commission est très inquiète à cet égard, car il lui semble que seule la vente à perte a été totalement extraite du champ d'application du règlement , c'est-à-dire tant des prohibitions que de la reconnaissance mutuelle.

En effet, le Parlement européen a pris soin de préciser expressément à l'article 3 du règlement que les dispositions nationales concernant la vente ou la revente à perte sont exclues de la reconnaissance mutuelle. Ainsi, et en raisonnant a contrario , toutes les prescriptions particulières relevant de dispositifs nationaux spécifiques propres à certains produits ou activités professionnelles demeurent soumises à ce principe. Par conséquent, ces prescriptions, quelle que soit leur rigueur, deviendraient inopérantes dès lors que la promotion commerciale incriminée émanerait d'un opérateur ressortissant d'un Etat l'autorisant. Pour votre commission, il est dès lors indispensable qu'une clarification soit apportée soit par la Commission européenne, soit par le Conseil, sur le champ d'application de la reconnaissance mutuelle.

La volonté politique du Parlement européen a été clairement exprimée, dès lors qu'il a entendu :

- laisser aux Etats membres la faculté d'interdire la vente à perte , ce qui permet d'apaiser l'une des inquiétudes essentielles manifestées ces derniers mois par les professionnels de notre pays, en particulier les petits commerçants, ainsi que les jeux et concours publicitaires à obligation d'achat , lesquels ne préservent pas la sécurité des consommateurs et portent atteinte, en France, au monopole d'Etat ;

- rendre possible le maintien des soldes à la française en autorisant les Etats membres à restreindre ou à interdire les rabais avant les soldes saisonniers, considérant que cela sert les intérêts des consommateurs, prévient les pratiques commerciales déloyales et renforce la concurrence ;

- établir, même de manière confuse, une liste de biens et services dont la nature et les particularités justifient , pour des raisons tant économiques que propres à la protection des consommateurs ou de la santé, le maintien de réglementations encadrant leur promotion .

Il serait inacceptable que cette volonté politique exprimée par le Parlement européen, à laquelle votre commission souscrit totalement, soit contrecarrée par l'application du principe de reconnaissance mutuelle qui, très rapidement, priverait le maintient des législations nationales de tout effet réel. Il existe donc une nécessité absolue de garantir que les différents aspects visés ci-dessus sont bien exclus de la totalité du champ d'application du règlement.

2. Une portée peut-être limitée

Dans l'hypothèse où cette clarification interviendrait, resterait alors à se poser la question de la portée pratique de l'application en France du règlement communautaire . Il semblerait en effet que si des garanties sont apportées conformément aux souhaits de votre commission, la seule remise en cause que le texte européen apporterait à notre réglementation nationale concernerait la limitation de la valeur des primes : dans la limite de la vente à perte, il ne serait ainsi plus possible d'imposer un taux ou une valeur maximale autorisée. Ce changement serait relativement mineur, d'autant que chacun s'accorde à reconnaître que le dispositif juridique actuel est obsolète et qu'il est largement contourné par le recours, dans les opérations de promotion des ventes, aux cadeaux, dont la valeur n'est pas, elle, limitée par nos textes !

Quant aux dangers que feraient peser sur les consommateurs français l'application de ces dispositions, ainsi que les mesures édictées par les articles du règlement concernant les obligations de transparence de l'information et les mécanismes de recours, ils n'ont pas été clairement démontrés par les associations de consommateurs. La question essentielle tient davantage au devenir des dispositifs nationaux organisant le régime des sanctions à l'inobservation des législations . Seront-ils ou non adaptés pour s'opposer aux pratiques déloyales susceptibles d'être mises en oeuvre par des opérateurs étrangers, et permettront-ils à des consommateurs français de faire valoir leur droit sur le sol national ou sur celui d'un autre Etat membre de l'Union ? C'est un des points que devra naturellement éclaircir le Gouvernement avant de faire état de sa position lors du prochain Conseil « Marché intérieur » .

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