II. LA NOUVELLE DONNE APRÈS L'EXAMEN DU TEXTE PAR LE PARLEMENT EUROPÉEN
A la lecture des rapports des différentes commissions du Parlement européens saisies de ce texte, on pouvait s'interroger sur la position qu'adopteraient les députés à son égard. En effet, si la commission juridique et du marché intérieur, saisie au fond, était favorable aux principes et au dispositif de la proposition de règlement, sous réserve de modifications, les trois commissions saisies pour avis - « Environnement et santé publique » , « Industrie, commerce extérieur et recherche » , « Economique et monétaire »- étaient en revanche beaucoup plus réservées, voire hostiles. C'est ainsi notamment que le rapporteur de la commission environnement et santé publique, Mme Béatrice Patrie (PSE, France) , a présenté une motion demandant le report du débat à la lumière du Livre vert de la Commission sur la protection des consommateurs. Cette motion a toutefois été repoussée ( ( * )*).
Le Parlement européen a donc adopté la proposition de règlement, en l'assortissant cependant d'un nombre significatif d'amendements qui, pour certains, semblent modifier substantiellement l'économie du dispositif, pour autant que leur portée exacte soit clairement définie.
A. DES MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES
Comme c'est souvent le cas, le Parlement européen a approuvé l'option retenue par la Commission de procéder par voie de règlement. Il a d'ailleurs inséré, par amendement, un considérant 16 quater nouveau ainsi rédigé : « Cet instrument montre comment l'on peut parvenir à une harmonisation ciblée et complète en se fondant sur un règlement qui offre une sécurité juridique totale. Conformément à l'objectif d'améliorer la réglementation, il convient de cibler l'harmonisation dans ce domaine en se fondant sur des règlements plutôt que sur des directives, afin que les citoyens européens tirent le plus grand bénéfice du marché intérieur » .
Mais en la circonstance, cette déclaration de principe, outre qu'elle est à tout le moins discutable dans son libellé -l'affirmation du caractère « total » de la sécurité juridique apportée par le règlement relevant en l'espèce davantage de la pétition que de la démonstration-, semble déplacée dès lors qu'elle apporte une réponse anticipée aux problématiques soulevées par le Livre vert .
Quant à elle, votre commission maintient l'analyse divergente retenue par la Délégation pour l'Union européenne, selon laquelle, du strict point de vue du principe de subsidiarité, il n'est pas opportun de procéder en la matière par voie de règlement. Le texte de la Commission, même revu par le Parlement européen, pose encore trop de questions quant à son intégration dans l'ordre juridique interne, notamment pour tout ce qui concerne les voies de recours et la définition des sanctions, pour qu'il puisse être d'application directe et intégrale dans notre droit national dès son entrée en vigueur.
Mais si les principes mêmes du texte ont été confirmés par le Parlement européen, son contenu a été en revanche singulièrement modifié. Apparemment, son champ d'application a été réduit pour en expurger des items posant trop de difficultés, tandis que le dispositif informatif était allégé.
1. Un champ d'application apparemment réduit
Le Parlement européen a exclu de manière expresse divers secteurs ou techniques promotionnelles, de manière au demeurant diverse qui conduit à s'interroger sur les effets normatifs de ses amendements . En effet, les précisions sont apportées tantôt dans le cadre des considérants précédant le règlement lui-même, tantôt dans son dispositif exclusivement, tantôt ici et là simultanément.
Si l'on s'en tient aux considérants , et en prenant en compte les principaux amendements adoptés par les députés européens, on peut ainsi relever que le règlement :
- concerne les promotions des ventes qui sont temporaires par opposition, par exemple, aux réductions de prix à long terme, et qu'il s'applique aux cartes de fidélité et aux programmes de fidélisation des compagnies aériennes ;
- ne couvre pas ou n'affecte pas les réglementations nationales qui fixent les conditions des soldes saisonniers et des ventes de liquidation , sauf si ces réglementations limitent l'offre de rabais ;
- couvre les concours ou jeux promotionnels autres que les jeux d'argent ( i.e. les jeux de hasards, les loteries et les paris impliquant des mises ayant une valeur monétaires en sont donc exclus) dont l'objectif est de promouvoir la vente de biens ou services et qui permettent de participer sans paiement requis et sans obligation d'achat ;
- s'applique sans préjudice du droit de la concurrence communautaire et national qui comporte des dispositions spécifiques sur la presse ;
- ne concerne pas les interdictions ou limitations édictées par le droit national en matière de publicité , telle l'interdiction de pratiques publicitaires agressives ou l'exercice de pressions psychologiques à l'achat ;
- ne s'applique pas aux restrictions édictées par les Etats membres en ce qui concerne l'utilisation et la communication commerciale des promotions des ventes par des membres de professions réglementées , ni à celles visant à la commercialisation de médicaments , soumis ou non à ordonnance ;
- ne soumet pas à la reconnaissance mutuelle les exigences nationales générales en matière de publicité , comme celles relative à la santé , à la moralité , à la publicité de certains biens et services , ni les exigences relatives à d'autres pratiques commerciales .
S'agissant du corps du texte lui-même, et en particulier de son article 3, les députés européens ont :
- préservé la possibilité pour les Etats membres d'adopter des mesures particulières qui , à des fins de défense des consommateurs, des entreprises prestataires et de la concurrence, limitent en partie l'utilisation et la communication commerciale concernant des promotions de ventes telles que les ventes à perte ;
- interdit la limitation de la valeur d'une promotion des ventes, à l'exception des rabais sur les ventes à perte ;
- autorisé les Etats membres à maintenir, le cas échéant, leur réglementations restrictives relatives aux rabais sur les produits à prix fixe autres que les livres qui, seuls, étaient visés par la proposition initiale de la Commission. En élargissant l'exception à tous les produits à prix fixe, ils se sont en particulier prononcés, semble-t-il, en faveur d'une exemption des médicaments aux prix réglementés, ainsi qu'aux produits et marques de tabacs ;
- supprimé la prohibition de l'interdiction des rabais précédant les soldes ;
- exclu du principe de la reconnaissance mutuelle les dispositions nationales concernant la vente ou la revente à perte .
Il semble ainsi assez clair que le Parlement européen a entendu permettre aux Etats membre de conserver une plus grande marge de manoeuvre , et la possibilité de maintenir des réglementations restrictives, en particulier pour tout ce qui concerne les ventes à perte , les soldes , ainsi qu' un certain nombre de biens ou services considérés comme sensibles .
Ces points étaient considérés comme essentiels par un certain nombre d'Etats membres, et de nature à entraîner leur opposition totale au dispositif proposé par la Commission. Reste qu'en l'état, il n'est pas certain que la liste établie par le Parlement européen soit complète et suffisante pour garantir que tous les obstacles sont levés.
2. Un souci des consommateurs plutôt contrasté
Soucieux de parer les débordements potentiels de certaines pratiques de promotion commerciale destinées aux enfants, le Parlement européen a souhaité renforcer la protection des mineurs, conformément aux demandes pressantes des associations de consommateurs. Il a ainsi contraint les promoteurs à respecter les limites d'âge supérieures à quatorze ans spécifiques à la vente de produits particuliers, fait référence à tous les types de dangers et nuisances - qui excèdent naturellement les seules atteintes physiques évoquées par le texte initial de la Commission - auxquels il est interdit d'exposer les enfants, et prohibé l'offre à un mineur de tout cadeau répondant à la définition de produits interdits à la vente aux mineurs. En revanche, il a rendu possible de demander à un enfant les coordonnées de son responsable légal afin d'obtenir le consentement de celui-ci pour collecter des données à caractère personnel.
S'agissant des consommateurs en général, les députés européens ont pris des initiatives contrastées. S'ils ont en effet multiplié les amendements consistant à affirmer, dans les considérants du texte, la nécessité de garantir un haut degré de protection des consommateurs, ils ont toutefois ajouté un dernier considérant affirmant que « ni les consommateurs ni les entreprises n'ont intérêt à ce que les promotions des ventes soient soumises à des exigences excessives en matière d'information » . En conséquence de quoi, ils ont procédé à un allègement significatif du dispositif informatif fixé par l'annexe au règlement qui définit les exigences en matière d'informations.
A titre d'exemple, ils ont ainsi purement et simplement supprimé, des informations à fournir dans la communication commerciale relative aux rabais et aux cadeaux et primes, le montant ou la valeur de ceux-ci . Or, en l'espèce, la formulation de la pétition de principe finale des députés européens est spécieuse et les conséquences qu'ils en tirent contestables : si personne ne va naturellement préconiser l'imposition d'exigences « excessives » , il paraît en revanche pour le coup « excessif » de considérer comme « excessif » pour un client de connaître, dans le cadre même d'une promotion, la valeur de l'avantage dont il peut bénéficier. Au-delà de cet exemple, l'affaiblissement opéré par le Parlement européen en matière d'obligations d'information est général, en ce qu'il reporte une part significative des informations que le promoteur est tenu de fournir dans celles disponibles uniquement sur demande expresse du client.
Ceci pose à nouveau, avec même davantage d'acuité, le problème déjà examiné précédemment de l' absence de distinction entre professionnels et consommateurs . Il est tout à fait certain que les seconds ne sont pas placés dans les mêmes conditions objectives que les premiers face à l'information, surtout si elle n'est pas accessible immédiatement.
Par ailleurs, le Parlement européen a également limité les possibilités de plainte ouvertes aux consommateurs : ainsi, les obligations de l'article 6 relatif aux recours ont été réservées aux seules entreprises comptant dix employés et plus, permettant dès lors à l'immense majorité des entreprises européennes d'éviter les dispositions, pourtant déjà fort légères, contraignant les promoteurs à mettre en place un système de recueil et de traitement des plaintes.
Enfin, il convient de relever que le Parlement européen a fixé l'entrée en vigueur du règlement au 1 er janvier 2005.
* (*) Cet amendement a obtenu 238 voix pour, 308 voix contre et 6 abstentions.