B. LA LÉGISLATION NATIONALE

Parmi les droits et obligations qu'elle définit, la convention précise pour certains d'entre eux qu'ils sont mis en oeuvre dans le cadre de la législation nationale de l'Etat signataire. Au regard du droit français, cette distinction revêt une importance décisive : seule cette catégorie de disposition suppose au préalable une adaptation de notre législation intérieure, les autres dispositions présentent quant à elles un effet direct en droit interne . En d'autres termes, si le droit interne n'a pas prévu des droits ou obligations similaires, ces dispositions s'appliquent directement sans que leur intégration dans le droit national soit nécessaire. Elles peuvent être directement invocables devant les tribunaux français.

Notre pays dispose déjà d'un corpus important de textes en matière d'environnement. Toutefois, il apparaît, sur certains points, plus restrictif que la convention d'Aarhus. Ainsi les obligations déterminées par la convention s'appliquent à l'ensemble des administrations, alors que, jusqu'à présent, l'obligation de transparence ne pèse en France que sur les services publics directement concernés par les questions d'environnement.

- L'accès à l'information

Plus explicite que notre législation nationale, certaines des dispositions de la convention relative au droit à l'information seront d'effet direct : il pourrait en être ainsi du délai d'un mois prévu par la convention alors que notre droit interne fixe un délai de deux mois.

Cependant le droit français répond, pour l'essentiel, aux exigences de la convention. Il est cependant un point sur lequel le gouvernement a souhaité, par une déclaration interprétative préciser la portée de la convention : le secret commercial et industriel . La convention prévoit qu'un document peut être refusé lorsque ce « secret est protégé par la loi pour défendre un intérêt économique légitime ». Toutefois, « dans ce cadre, les informations sur les émissions qui sont pertinentes pour la protection de l'environnement doivent être divulguées ». Si de nombreuses dispositions de notre droit prévoient la communication périodique des émissions polluantes dans l'air, dans l'eau ou dans d'autres milieux, la commission d'accès aux documents administratifs refuse systématiquement la communication du relevé de rejets gazeux, liquides ou solides lorsque ces derniers ne présentent pas un caractère suffisamment agrégé et que leur analyse conduirait à révéler des procédés de fabrication ou des données de production de l'établissement en cause. A titre d'exemple, les relevés individualisés d'analyse d'effluents d'une usine ne sont pas communicables au public car le détail de la composition des effluents pourrait révéler des procédés de fabrication utilisés dans l'établissement en cause (CADA, 29 novembre 1984, Clément).

Aussi était-il en effet nécessaire que notre pays rappelle que la communication des données relatives aux émissions se fasse sur la base de la pratique juridique nationale établie. Au reste, cette interprétation ne contredit pas la lettre du traité mais en précise seulement la portée pour la France, sur ce point.

- La participation du public

La participation du public est prévue en droit français mais présente une portée plus limitée que les dispositions prévues par la convention.

En particulier, l'obligation d'une consultation « très en amont » du public n'a pas d'équivalent dans le droit français, sauf pour les grands projets.

Certes, la loi relative à la démocratisation des enquêtes publiques et la protection de l'environnement -n° 83-630 du 12 juillet 1983- organise la participation du public lors du processus décisionnel (le décret d'application du 23 avril 1985 prévoit notamment que le commissaire enquêteur dispose de la faculté d'organiser des réunions publiques). Si le champ d'application de ces procédures apparaît étendu, en revanche les modalités d'intervention du public ont été considérées comme trop tardives et insuffisamment participatives.

La loi Barnier n° 95-101 du 2 février 1995 a, quant à elle, créé une Commission du débat public et favorisé une participation du public plus précoce mais son champ d'application, borné aux grands projets, est plus restreint que celui de l'enquête publique. Depuis 1997, sur une vingtaine de saisines de la commission du débat public, quatre seulement ont donné lieu à l'organisation d'un débat public.

La loi relative à la démocratie de proximité élargit le champ du débat public : elle abaisse les seuils de saisine et transforme la Commission nationale du débat public en autorité administrative indépendante. Ces modifications pourraient aboutir à l'organisation d'une vingtaine de débats par an.

S'agissant de l'accès à la justice, le droit français apparaît conforme aux exigences de la convention. En effet, le juge administratif dispose depuis 1995 d'un véritable pouvoir d'information. En outre, la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives a renforcé les possibilités d'obtenir la suspension d'une décision administrative.

Il ne faut pas par ailleurs sous-estimer l'effort financier et humain -même s'il est difficile à évaluer- que l'administration devra engager notamment pour appliquer la convention, en particulier pour fournir les documents qui pourraient lui être demandés.

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