2. Les spécificités du livre foncier
A l'exception de quelques points communs avec la conservation des hypothèques, le livre foncier présente d'importantes spécificités qui lui confèrent une supériorité technique.
Le livre foncier a en commun avec la conservation des hypothèques qu'il assure la publicité des droits réels immobiliers . L'inscription des droits dans le premier cas, la publication des actes dans le second, rend ces droits opposables aux tiers. Il est l'instrument qui permet de fournir aux notaires les renseignements nécessaires à la préparation des actes de vente, de renseigner les banquiers pour la conclusion d'un prêt ou encore les huissiers de justice pour l'exécution d'un mandat de recouvrement sur la situation juridique d'un propriétaire ou d'un bien immobilier déterminé.
Mais le livre foncier présente surtout d'importantes différences avec la conservation des hypothèques.
Contrairement à celle-ci, qui était à l'origine une institution fiscale et qui reste placée sous l'autorité du ministère de l'économie et des finances, l'institution du livre foncier, qui a des finalités exclusivement juridiques telles que rendre les droits opposables aux tiers et informer sur la situation d'un propriétaire foncier ou d'un immeuble, est placée sous l'autorité du ministère de la justice .
L'objectif du livre foncier est de rendre compte de la situation exacte des droits réels sur un bien immobilier. A cet effet, l'inscription d'un droit 3 ( * ) est soumise à la décision d'un magistrat du tribunal d'instance : le juge du livre foncier. Celui-ci est un magistrat du second grade de l'ordre judiciaire, recruté parmi les greffiers en chef des cours d'appel, des tribunaux et des conseils de prud'hommes des trois départements. Il est nommé au tribunal d'instance et est placé sous l'autorité du Premier président de la cour d'appel.
Les attributions du juge du livre foncier , déterminées par la loi du 1 er juin 1924, consistent dans la vérification des droits réels dont l'inscription est demandée, du caractère authentique des actes lorsque cette condition est exigée, de l'origine de propriété et de l'inscription préalable du propriétaire précédent, de la capacité et de la représentation des contractants. Cette vérification préalable à l'inscription présente l'avantage de conférer aux droits inscrits une présomption simple d'exactitude, effet qui ne résulte pas de la publication d'un acte à la conservation des hypothèques. Cette procédure locale de juridiction gracieuse est simple et rapide .
L'autre différence principale avec la conservation des hypothèques est le large accès au livre foncier ménagé au public. Le livre foncier est en effet consultable directement au bureau foncier, la consultation donnant une vision globale des droits inscrits et le greffier délivrant des copies sur demande 4 ( * ) .
Les consultants peuvent être classés en deux catégories : les professionnels (notaires, avocats, banquiers, agents immobiliers, syndics de copropriété, géomètres-experts ...) et les simples particuliers . Les premiers ont actuellement un accès totalement libre au livre foncier tandis que les seconds doivent justifier d'un intérêt légitime .
Cette notion d'intérêt légitime n'est toutefois définie par aucun texte et n'a fait à ce jour l'objet d'aucune jurisprudence ; il revient au greffier qui accueille le consultant d'apprécier cet intérêt. Les notaires sont les premiers interlocuteurs du livre foncier 5 ( * ) ; la simplicité de la procédure leur facilite la tâche et permet d'accélérer les transactions.
Victime de son succès du fait de ses nombreux avantages, le livre foncier doit aujourd'hui relever le défi de sa modernisation pour garantir son efficacité et sa pérennité. Tel est l'objet de la présente proposition de loi qui, à la suite de la loi du 29 avril 1994 décidant de l'informatisation du livre foncier, organise le cadre légal de cette informatisation. L'autre objectif poursuivi est le toilettage d'un texte qui n'a guère été modifié depuis 1924 et l'harmonisation de certaines règles locales avec le droit général.
* 3 L'inscription d'un droit se fait sur requête. Celle-ci est effectuée auprès du bureau foncier où elle est consignée au registre des dépôts : l'heure et la minute du dépôt donne son rang au droit inscrit. Le greffe procède à une pré-vérification pour faciliter le travail du juge du livre foncier. Après complète vérification, ce dernier dispose de trois possibilités : soit rendre une ordonnance d'inscription, soit rendre une ordonnance intermédiaire (lorsque des pièces sont manquantes, lorsque des pouvoirs sont entachés d'erreurs formelles ...) appelant une régularisation, soit rendre une ordonnance de rejet. Le greffier, en possession de l'ordonnance d'inscription, procède à l'inscription matérielle. Après vérification de l'exactitude de l'inscription par le juge du livre foncier, un certificat d'inscription est délivré par le greffe au requérant.
* 4 Les bureaux fonciers ont établi 74.700 copies en 1999. Précisons que la délivrance de copies est gratuite depuis la loi de finances initiale 2000.
* 5 Il existe 179 études de notaires dans les trois départements : 47 dans le Haut-Rhin, 73 dans le Bas-Rhin et 59 en Moselle.