B. UN EFFET DE CISEAUX ENTRE RECETTES DE PRIVATISATION ET BESOINS DE FINANCEMENT DU SECTEUR PUBLIC EN 2000 ET 2001
Le
compte 902-24 connaît en 2000 et 2001 un effet de ciseaux entre recettes
de privatisation et besoins de financement du secteur public.
Pour ces deux années, les recettes réalisées ont
été bien inférieures aux prévisions.
La diminution des recettes de privatisation s'explique d'une part par la
réduction du périmètre des entreprises publiques. Les
privatisations ne constituent pas une ressource pérenne pour
l'Etat : les bénéfices qu'elles lui procurent ont vocation
à se réduire à mesure que s'accroissent les
aliénations d'actifs.
Elle trouve sa cause d'autre part dans la conjoncture défavorable des
marchés financiers qui peut conduire, soit à une cession à
moindre prix des entreprises publiques, soit à un report de leur mise
sur le marché. La dernière hypothèse est sans doute
préférable pour optimiser la gestion patrimoniale de l'Etat. Elle
ne résout pas le problème de financement du secteur public.
Ainsi, une conjoncture défavorable conduit à un double
paradoxe. Les entreprises figurant sur la liste de privatisation ne
bénéficient pas des financements qu'elles pourraient trouver sur
les marchés d'actions. Les autres ne peuvent bénéficier de
dotations en capital à la hauteur de leurs besoins en raison de la
raréfaction des recettes de privatisations.
1. La diminution du volume des opérations du compte 902-24 en 2000
Après avoir connu des recettes particulièrement
élevées en 1997 et 1998 du fait notamment de la vente des titres
de France Telecom, le compte enregistre des dépenses en baisse depuis
1999.
Contrairement aux années précédentes où elles
étaient largement sous-estimées, les recettes du compte
n° 902-24 relatif aux produits de cessions, titres, parts et droits
de sociétés ont été surévaluées en
loi de finances initiale pour 2000.
Estimées à 2.583 millions
d'euros en loi de finances initiale, elles n'ont atteint en exécution
que 1.730,5 millions d'euros.
Les recettes pour 2000 se sont décomposées entre :
- les souscriptions ordinaires : 1.364,91 millions d'euros,
- les souscriptions bénéficiant d'un règlement
différé : 139,06 millions d'euros,
- les reversements d'avances d'actionnaires ou de dotations en
capital : 223,08 millions d'euros,
- le reversement résultant des investissements
réalisés par l'Etat dans des fonds de
capital-investissement : 3,22 millions d'euros.
Les principales cessions de titres ont concerné
Aérospatiale-Matra-EADS pour 1.110 millions d'euros et Altadis
(anciennement SEITA) pour 135,3 millions d'euros. Elles représentent 95
% des recettes du compte en 2000.
Les autres cessions de titres ont
touché CNP-Assurances, pour 25,29 millions d'euros et la SOFREMI (0,3
millions d'euros).
Enfin, deux opérations ont été réalisées en
2000 au titre des reversements d'actionnaires ou de dotations en capital. Le
compte 902-24 a enregistré en recettes 152,45 millions d'euros en
provenance de la SGCP
3(
*
)
.
L'Etablissement public de réalisation de défaisance
(EPRD)
4(
*
)
a lui reversé
un excédent de trésorerie de 68,6 millions d'euros qui avait
été constaté par la Cour des comptes en 1999 mais n'a
été versé sur le compte 902-24 qu'en 2000.
2. Les besoins des entreprises publiques ne pourront pas être satisfaits en 2001
Les
prévisions pour 2001 des dotations en capital aux entreprises publiques
s'établissaient comme suit :
- Réseau Ferré de France : 1,8 milliards d'euros
- Structure de défaisance du Crédit Lyonnais
5(
*
)
: 0,9 milliard d'euros
- Charbonnages de France et potasses d'Alsace : 0,6 milliard d'euros
- GIAT : 0,6 milliard d'euros
Soit la quasi-totalité des dépenses du compte 902-24
prévues.
Les recettes ne sont pas à la hauteur des prévisions. 4.039
millions d'euros avaient été prévus en loi de finances
initiale pour 2001 au titre des recettes de privatisation. Cet objectif ne sera
pas atteint.
La seule opération notable achevée s'élève à
724 millions d'euros et concerne le versement du dividende de Thomson SA en
application de l'article 5 de la loi de finances rectificative 2000-1353 du 31
décembre 2000. Sur les 1.463 millions d'euros de recettes nettes, 50 %
ont été versées à l'Etat et 50 % sont restés
au sein de la holding Thomson SA pour participer à l'amortissement de la
dette du groupe. Cette dette faisait en effet « boule de
neige », les dividendes de Thomson SA n'étant pas suffisants
pour résorber la progression de la dette.
Les autres recettes consistent en :
- un versement de 118 millions d'euros de recette liés à la
souscription d'actions par des salariés de France Telecom,
- un versement de 165 millions d'euros au titre de la constitution d'EADS
et de la baisse de la participation de l'Etat dans le groupe,
- un versement de 175 millions d'euros au titre d'un complément de
prix versé par le groupe Lagardère en vertu d'une clause liant un
versement complémentaire à l'évolution du cours EADS.
- un versement de 198 millions d'euros de la société de
gestion de garanties et de participations (SGPP), structure de
défaisance du Gan qui correspond à une part de l'excédent
constaté, déduction faite des pertes de la SGPP.
Les fonds de capital-risque qui ont été abondés par l'Etat
via le compte 902-24 devrait enregistrer en 2001 leurs premières
plus-values.
Enfin, la cession de la banque Hervet engagée en 2000 devrait susciter
en fin d'année 2001 un versement de 460 millions d'euros
Au mieux, ce seront donc 2 milliards d'euros sur les 4 prévus qui
seront encaissés sur le compte d'affectation spéciale 902-24.
Un certain nombre d'opérations de privatisations ont dû être
reportées.
Le rapport 2001 sur l'Etat actionnaire établi en application de
l'article 142 de la loi sur les nouvelles régulations économiques
fait état de cinq entreprises figurant sur la liste annexée
à la loi de privatisation du 19 juillet 1993 et qui n'ont pas fait
l'objet à ce jour d'un transfert au secteur privé.
Il s'agit de :
- Air France
- Caisse centrale de réassurance
- CNP Assurances
- Société nationale d'étude et de construction de
moteurs d'aviation (SNECMA)
- Société française de production et de
création audiovisuelle (SFP)
Air France et la CNP ont fait l'objet d'une ouverture partielle de capital,
respectivement en 1998 et 1999.
La SFP a fait l'objet d'une annonce officielle le 8 octobre 2001. Le processus
de cession de gré à gré réalisée sous le
contrôle d'une personnalité indépendante, M. Bruno
Lasserre, est arrivé à son terme. L'offre présentée
par Euromédia Télévision en association avec
Bolloré Investissement a été retenue. Le prix payé
par l'acquéreur sera de 4,57 millions d'euros.
Enfin, malgré l'annonce faite par le gouvernement le 23 juin dernier
d'une ouverture au marché d'un quart du capital de la
société, l'introduction en bourse de la SNECMA a
été ajournée le 17 septembre dernier. Elle
« interviendra lorsque les conditions du marché le
permettront ».
Le report de la privatisation de la SNECMA, pour des raisons liées
aux attentats du 11 septembre 2001 et à leurs répercussions sur
l'économie du transport aérien, est directement la cause de la
« moins-value » enregistrée sur le compte en 2001.
Environ 1,5 milliards d'euros étaient attendus de cette
privatisation.
Les dotations en capital prévus en 2001 devront donc pour certaines
être reportées.
Comme l'a indiqué le ministre de l'économie et des finances
devant la commission des finances de l'Assemblée nationale le 15
novembre 2001 : «
il y aura certainement une série de
demandes, mais comme toujours plus d'appelés que
d'élus
. »
Il y a là une manière un peu facile d'éluder une
réelle difficulté : le financement des entreprises publiques
en période de pénurie de privatisations.
Le compte 902-24
n'abonde déjà plus que les entreprises en situation d'urgence ou
celles dont l'endettement oblige à un effort de l'Etat : les
privatisations ne vont plus au renforcement de l'investissement et de la
compétitivité des entreprises publiques. Surtout, en 2001,
même l'urgence, la recapitalisation de GIAT notamment, ne pourra
être assurée.
Les dotations qui seraient décalées en 2002, ou en des temps
meilleurs, concerneraient en effet :
-la moitié de la dotation en capital de GIAT
6(
*
)
, la libération d'un quart de
l'augmentation de capital étant seule nécessaire à
très court terme,
- une partie de la dotation en capital de Réseau Ferré de
France
- une partie de la dotation à l'EPFR : le remboursement de la
dette sera dès lors décalée.
A l'inverse, une partie du plan de consolidation de la croissance pourrait
être financée dès 2001. Comme l'a indiqué le
ministre de l'économie et des finances devant la commission des finances
de l'Assemblée nationale le 15 novembre 2001 : «
nous
sommes soucieux de financer le plan de consolidation de la
croissance. ».
La BDPME pourrait donc être dotée
dès cette année.