EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le
mardi 20 novembre 2001
, sous la
présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a
ensuite procédé à l'
examen de l'exposé
d'ensemble et des dépenses en capital du budget de la défense et
de l'article 32 du projet de loi de finances
, sur le rapport de
M. Maurice Blin, rapporteur spécial
.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial,
a d'abord rappelé que
l'examen du budget de la défense pour 2002 s'inscrivait dans un double
contexte : la fin de l'actuelle loi de programmation militaire, dont il
convenait de dresser le bilan avant de s'engager dans la prochaine, et la
nécessaire analyse des événements du 11 septembre 2001,
s'agissant des évolutions potentielles de la « nature de la menace
».
Il a considéré que les principales données du budget 2002
confirmaient la tendance lourde relevée tout au long de
l'exécution de la loi de programmation qui s'achève. Rappelant
que le budget de la défense avait constamment constitué la
variable d'ajustement privilégiée de l'équilibre
budgétaire général, il a regretté qu'il n'ait
jamais bénéficié des « dividendes de la croissance
», pourtant considérables sur la durée de la
législature.
Précisant que, de 1996 à 2002, la part du budget de la
défense dans le budget de l'Etat avait diminué de 12,3 % à
10,9 %, tandis que la part de l'effort militaire dans le PIB régressait
de 2,41 % à 1,89 %,
M. Maurice Blin, rapporteur
spécial
, a souligné qu'avec 29,3 milliards d'euros (y compris
les reports autorisés), le budget de la défense devenait en 2002
le cinquième poste de dépenses de l'Etat, après
l'éducation nationale, les charges communes -qui comprennent la charge
de la dette- les concours de l'Etat aux collectivités locales et
l'Emploi et solidarité.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial,
a ensuite souligné,
que de façon relativement inusitée, et en tout état de
cause contraire au strict droit budgétaire, le Gouvernement incluait
dans sa présentation du budget 2002 des reports de crédits de
l'exercice 2001, pour un montant total de 2,7 milliards de francs, ce qui lui
permettait d'afficher un montant de crédits « disponibles »
sensiblement plus élevé.
De fait,
M. Maurice Blin, rapporteur spécial
, a
précisé que hors reports, le budget 2002 s'établissait
à 189,2 milliards de francs, soit une croissance limitée à
0,2 %, inférieure à celle de l'inflation prévue (+
1,6 %), et correspondant à moins du dixième de ce qui
était prévu en moyenne pour les budgets civils (+ 2,5 %).
Soulignant que l'exercice 2002 était marqué par un effort
particulier en direction de la « condition militaire », avec une
progression de 2,3 % du titre III, il a noté que cette
évolution restait toutefois inférieure de moitié à
celle des budgets civils (+ 5,1 %), et correspondait en outre pour
moitié à l'inéluctable prise en compte des mesures
« Sapin ». Précisant que, si un réel effort
était fait en termes de mesures catégorielles,
généralisées cette fois à l'ensemble des
armées et services, celles-ci ne concernaient que les sous-officiers
pour l'essentiel, il a estimé que ces mesures ne pouvaient constituer
qu'un début de réponse, face à l'ampleur des besoins
justifiés qui commençaient tout juste à s'exprimer.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial,
a considéré
qu'en revanche, le montant des crédits d'équipement militaire
prévus pour 2002 ne pouvait, en aucun cas, être
considéré comme satisfaisant, dès lors qu'il traduisait
une nouvelle encoche par rapport aux objectifs fixés par la loi de
programmation militaire, même révisée, et présentait
surtout un écart considérable avec l'annuité en principe
retenue pour 2003 par la prochaine loi de programmation.
Ainsi, hors reports, l'écart entre les crédits initiaux du budget
2002 et le niveau prévu par la loi de programmation
révisée s'établit à 7,21 milliards de francs, et
l'écart avec le niveau envisagé pour 2003 s'établit
à 6,3 milliards de francs.
M. Maurice Blin
a par ailleurs indiqué que l'analyse de la
répartition des moyens prévus pour 2002 conduisait à
souligner la remontée structurelle de l'agrégat nucléaire,
dont l'effet d'éviction sur les autres grands programmes risquait de
progresser, compte tenu de l'effet conjoint de la modernisation
simultanée des vecteurs, des missiles et des charges, et de la
montée en puissance de la simulation. Parallèlement,
M. Maurice Blin
a déploré le relatif
« sacrifice » des moyens affectés à l'Espace,
notamment en cours d'exécution budgétaire. Rappelant que cette
situation était notamment liée à une visibilité
difficile sur l'évolution des programmes, en raison de multiples
défaillances de la coopération européenne, le rapporteur
spécial a néanmoins estimé que cette carence pouvait
être coûteuse à terme, notamment en termes d'autonomie.
Plus généralement,
M. Maurice Blin, rapporteur
spécial,
a déploré qu'au sein même du budget de
la défense, les dépenses d'équipement aient
elles-mêmes toujours servi de variable d'ajustement à des
dépenses de fonctionnement en constante progression et désormais
prépondérantes.
Il a ainsi rappelé que les dépenses de fonctionnement
liées à la participation de la France à des
opérations extérieures, que le ministre de l'économie et
des finances avait toujours refusé d'inscrire en loi de finances
initiale, avaient constamment été financées en cours
d'exécution, au prix d'un prélèvement sur les
crédits d'équipement du titre V équivalent en cinq
ans au coût d'un second porte-avions nucléaire.
Au total,
M. Maurice Blin, rapporteur spécial
, a estimé
que l'exécution globale de la loi de programmation se solderait
vraisemblablement par un déficit de crédits d'équipement
correspondant à une annuité complète, et par une
détérioration des matériels plus importante que
prévue.
Il a précisé, à cet égard, que, fin 2001, les plus
hauts responsables militaires reconnaissaient désormais qu'il y aurait,
sinon ruptures de capacités d'ores et déjà
avérées, du moins « érosion des matériels
», « inquiétude sur la cohérence des
forces » et surtout « dégradation du modèle
d'armée 2015 ».
En conclusion,
M. Maurice Blin, rapporteur spécial,
a
considéré que, à l'abord de la prochaine loi de
programmation militaire, les armées françaises se trouvaient
confrontées à une double difficulté : une
réalisation en termes physiques d'ores et déjà moins
favorable que prévue, et une dernière dotation en autorisations
de programme, comme en crédits de paiement, présentant un
écart sensible avec les dotations en principe arrêtées pour
2003 par le chef de l'Etat et le Premier ministre.
Abordant ensuite rapidement le secteur public des industries d'armement,
M.
Maurice Blin
a estimé que la réforme nécessaire
n'avait pas été menée à terme.
Il a indiqué que, malgré une dépense budgétaire
d'ores et déjà considérable, ni la restructuration de la
direction des constructions navales (DCN) ni celle de GIAT-Industries
n'était acquise, estimant que, dans les deux cas, la mutation,
difficile, notamment parce qu'elle exigeait d'abord celle des personnels, ne se
ferait pas sans une nouvelle et forte contribution budgétaire. Il a
rappelé que, sur la période 1997-2002, le coût de
restructuration de la DCN avait déjà représenté
3,3 milliards de francs et que, depuis sa création en 1990, le
groupe GIAT-Industries avait totalisé 24 milliards de francs de
pertes, obligeant l'Etat, actionnaire unique, à verser
18,5 milliards de francs au titre de sa recapitalisation, au prix,
là encore, d'un prélèvement important sur le titre V.
M. Maurice Blin
a indiqué qu'une nouvelle recapitalisation, de
l'ordre de 4 milliards de francs, avait été évoquée
pour la fin de l'exercice, mais ne figurait pas dans le cadre du collectif de
fin d'année qui venait d'être déposé par le
gouvernement.
Enfin, le
rapporteur spécial,
a considéré que la
dérive française s'inscrivait dans le cadre d'une
évolution européenne fragilisée.
Tout en soulignant que la politique européenne de défense avait
franchi, il y a deux ans, une étape décisive au sommet d'Helsinki
de décembre 1999, avec l'adoption du principe d'une « force de
réaction rapide » européenne,
M. Maurice Blin, rapporteur
spécial,
a estimé que, un an avant la date envisagée
pour sa mise en place opérationnelle, de nombreux points sensibles et
stratégiques, dont l'insuffisance avait été
concrètement soulignée sur le théâtre du Kosovo,
restaient encore à améliorer, en particulier en matière de
défense antimissile, de forces opérationnelles spéciales,
de renseignement, de communications de combat et de transport
aéroporté.
Considérant que les conditions, et même le succès, de la
mise en place d'une défense européenne étaient en
réalité étroitement dépendants d'un degré
minimum de convergence des choix budgétaires -et donc en
réalité politiques- des Etats membres,
M. Maurice
Blin
a relevé l'écart croissant, dans ce domaine, entre la
France et le Royaume-Uni d'un côté et l'Allemagne, l'Italie,
l'Espagne de l'autre, mais, surtout, entre le Royaume-Uni et la France. Il a
ainsi précisé qu'en termes d'effort de défense en
pourcentage de PIB, ainsi qu'en termes de dépenses par soldat de
fonctionnement comme d'équipement, l'écart entre la France et le
Royaume-Uni était désormais plus élevé que celui,
souvent très faible, entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial
, s'est ensuite
inquiété de voir la coopération en matière de
programmes d'armement marquer le pas. Il a estimé, en particulier, que
de sérieuses incertitudes menaçaient la participation de
l'Allemagne et de l'Italie au projet d'avion de transport futur (A 400-M).
Il a enfin considéré que les événements du 11
septembre 2001 n'étaient pas sans conséquences sur les
perspectives de l'Europe de la défense, estimant que
l'accélération considérable donnée par les
américains au programme de l'avion de combat américain Joint
Strike Fighter pesait sur les perspectives de développement du Rafale et
de l'Eurofighter, rebattait considérablement les cartes de l'industrie
européenne et constituait un exemple qui devait être
médité. Soulignant également qu'il convenait d'être
attentif au repositionnement politique évident de certains partenaires
européens -le Royaume-Uni, certes, mais aussi l'Italie- autour des
Etats-Unis, il a considéré que le sursaut américain
constituait un défi, sinon un écueil, pour une Europe de la
défense encore en gestation.
Concluant,
M. Maurice Blin
a estimé que la seule analyse
budgétaire conduisait à un état des lieux
préoccupant. Qu'en effet, si, dans un contexte
géostratégique profondément évolutif, la
professionnalisation des armées françaises était acquise,
elle restait à consolider et à s'inscrire dans la durée et
que la modernisation des équipements avait subi successivement encoches,
reports et annulations de crédits, aboutissant en fin de loi de
programmation à un « trou » de l'ordre de 80 milliards de
francs, et se traduisant par l'érosion des matériels, la
dégradation de la cohérence des forces, et des perspectives de
ruptures capacitaires au cours de la prochaine législature.
Il a souligné que, du seul point de vue budgétaire, la
professionnalisation des armées, pour être seulement
consolidée, impliquait une charge supplémentaire importante sur
le titre III. Que le lancement de commandes importantes en fin de programmation
risquait fort de se traduire, au cours de la prochaine législature, par
la nécessité de renforcer considérablement le niveau des
crédits de paiement, sauf à aboutir à une véritable
crise des paiements. Que l'adaptation de notre industrie d'armement n'avait pas
été menée à terme et que le coût pour l'Etat,
compte tenu de la nécessaire prise en compte des considérations
liées au maintien de l'emploi et à l'aménagement du
territoire serait onéreux - sans pour autant d'ailleurs qu'il revienne
nécessairement au budget de la défense, dont ce n'était
pas la vocation, de le supporter indéfiniment.
Qu'en d'autres termes, les conditions générales
d'exécution de l'actuelle loi de programmation conduisaient à
souligner l'ampleur des charges accumulées, qui conduiraient
mécaniquement, et en dehors de tout choix politique de renforcement de
notre effort militaire, à une sensible augmentation des dépenses
militaires au cours de la prochaine législature, sauf à remettre
en cause définitivement le modèle d'armée 2015.
M. Philippe Marini, rapporteur général
, a
considéré que l'analyse des crédits d'équipement
militaire constituait le point le plus crucial de l'examen budgétaire
2002, à cause de son poids prépondérant dans les
dépenses publiques d'équipement dont il illustrait parfaitement
le sacrifice, mais compte tenu aussi de sa signification profonde, en termes
d'exercice de la responsabilité de l'Etat.
Il a relevé que les conditions d'exécution des crédits
d'équipement militaire tout au long de la durée de l'actuelle loi
de programmation, l'état actuel de l'équipement de nos forces
armées, et les perspectives de livraison des principaux programmes
engagés révélaient un risque de décrochage de la
France, sans pour autant que la défense européenne, en principe
mise en route à Helsinki en décembre 1999, paraisse en mesure de
prendre le relais.
Il a souhaité obtenir des prévisions sur l'écart
apparaissant d'ores et déjà entre le montant des crédits
d'équipement inscrit en loi de finances initiale 2002, et celui
prévu pour 2003, première annuité budgétaire de la
prochaine loi de programmation.
Il s'est par ailleurs interrogé sur l'ampleur des marges
d'économies potentiellement liées à la
réorganisation des industries françaises d'armement, en
particulier celle de la direction des constructions navales, qui fait l'objet
d'un article spécifique dans le projet de loi de finances rectificative
déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Relevant que les responsables gouvernementaux continuaient d'affirmer que la
loi de programmation militaire avait été respectée
à 94 %,
M. Eric Doligé
a souhaité obtenir des
précisions sur le chiffrage de l'écart constaté en fin de
période.
M. René Trégouët
s'est vivement
inquiété à son tour de la détérioration de
la situation des industries d'armement française et européenne.
Il s'est interrogé par ailleurs sur l'éventualité d'un
projet de porte-avions européen, ou à tout le moins
franco-britannique.
Indiquant qu'il avait récemment effectué un stage au sein de
l'entreprise EADS,
M. Philippe Adnot
a souligné la gravité
des conséquences, pour les industriels concernés, des reports et
annulations de crédits correspondant aux grands programmes d'armement.
M. François Marc
s'est interrogé sur l'ampleur des
économies d'échelle et des synergies potentielles liées
à la construction d'une défense européenne. Concernant
l'importance de l'effort d'armement américain, et le poids des
industriels de ce secteur, il s'est inquiété de la
capacité américaine à adhérer aux accords de
désarmement. Il s'est enfin interrogé sur l'adéquation des
systèmes de défense actuels à la nature de la
défense, telle que perçue actuellement.
Evoquant l'importance des annulations et des reports de crédits
intervenus sur les dépenses d'équipement, et l'ampleur de leur
taux de sous-consommation,
M. Alain Lambert, président
,
s'est interrogé sur la propension du gouvernement à utiliser
ceux-ci comme instrument de régulation budgétaire. Il s'est
également inquiété de l'écart qui lui paraissait se
creuser entre le niveau de l'effort de défense britannique et celui de
la France.
Répondant aux différents intervenants,
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial
, a d'abord souhaité insister sur la
divergence croissante des positions des différents partenaires
européens, ne serait-ce qu'en termes d'effort budgétaire,
estimant qu'on ne pouvait exclure un risque de
« dislocation » de l'Europe de la défense. Il s'est
particulièrement inquiété du retard pris par l'Allemagne,
certes freinée par la charge de la réunification. Evoquant le
risque non négligeable de voir l'Allemagne se soustraire au projet de
l'A-400 M, compte tenu des divergences fortes au sein du Bundestag,
M. Maurice Blin
a estimé que, comme elle l'avait toujours
fait historiquement, dans un sens ou dans l'autre, c'était à
l'Allemagne qu'il revenait, en définitive, de donner le ton à
toute construction européenne, et que la réticence allemande
« plombait » aujourd'hui l'Europe de la défense.
Sur l'hypothèse d'un porte-avions européen ou franco-britannique,
M. Maurice Blin
a estimé que ce projet, évoqué
effectivement, se heurtait toutefois à des divergences notamment
liées aux modalités de catapultage et d'appontage des appareils.
S'agissant enfin des conditions de réalisation de la loi de
programmation militaire, le
rapporteur spécial
a tenu à
apporter plusieurs précisions.
Si l'on s'en tient aux seules lois de finances initiales, et si l'on se
réfère à un objectif exprimé en francs 1997, le
taux de couverture de la loi de programmation initiale, s'agissant des
crédits d'équipement, atteint 92,7 %, et le taux de couverture de
la loi de programmation corrigée par la revue de programme 95,7 % - soit
les taux généralement évoqués par le gouvernement.
Mais l'article 2 de la loi de programmation mentionne explicitement les
« dépenses », et non les crédits initiaux. Il
convient donc bien, en toute rigueur, d'examiner, au regard des montants
prévus par la loi de programmation, le montant des dépenses
exécutées. De même convient-il de rapporter le montant des
crédits annuels, à l'objectif fixé par la loi de
programmation exprimé en francs courants, et non en francs 1997. Dans ce
cadre, sur les quatre premières années d'exécution, compte
tenu des annulations et des reports, le taux d'exécution par rapport
à la loi de programmation révisée est de 90,4 % (et de
88,3 % par rapport à la loi de programmation initiale). Si l'on
retire en outre de ce montant les dépenses non prévues, voire
expressément exclues par la loi de programmation, notamment la
participation de la défense au budget civil de recherche et de
développement (B.C.R.D), les crédits d'entretien programmé
du matériel, les cotisations patronales au Fonds spécial des
pensions des ouvriers de l'Etat, et la compensation des pertes subies par la
direction des constructions navales sur des contrats à l'exportation, on
arrive à un taux d'exécution inférieur à 88 % si
l'on se réfère à la revue de programmes et
inférieur à 86 % si l'on se réfère à la loi
de finances initiale.
De même, compte non tenu de ces différentes dépenses dites
de « bourrage », et en appliquant aux crédits
initiaux 2002 le taux d'exécution constaté en 2000, il
apparaît que l'écart avec le niveau fixé pour 2003 par la
prochaine loi de programmation risque d'être proche de 10 milliards de
francs.
La commission a procédé ensuite à l'examen des
dépenses ordinaires du budget de la défense et de
l'article 31 du projet de loi de finances, sur le rapport de
M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial
, a d'abord tenu
à souligner que, au terme de la loi de programmation, la
professionnalisation des armées s'était accomplie de
manière globalement satisfaisante et qu'il convenait de saluer l'ampleur
de cette réforme, assise sur des suppressions massives d'emplois et des
mesures conséquentes de reconversion et d'incitation au départ.
Il a rappelé qu'à ce jour aucun ministère civil n'avait
été en mesure de réussir une telle démarche.
Il a précisé que le ministère de la Défense
était à nouveau le premier à achever les
négociations syndicales relatives à l'application des
35 heures pour les effectifs civils, et le premier à mettre en
oeuvre la jurisprudence Berkani visant à intégrer, sauf
décision contraire des intéressés, les personnels
contractuels dans les effectifs de la fonction publique.
Tout en indiquant que l'objectif global des effectifs budgétaires
était respecté à 1 % près, puisque la
Défense emploiera en 2002 un effectif budgétaire de
436.221 personnes, soit le cinquième des effectifs civils,
M. François Trucy
, rapporteur spécial, a toutefois
estimé nécessaire de souligner l'existence de certains
décalages au regard des objectifs plus détaillés : un
peu plus de militaires du rang que prévu, beaucoup plus de gendarmes, et
moins de personnels civils. Il a indiqué que certains secteurs
spécifiques, comme les médecins, les informaticiens, les
atomiciens ou les plongeurs-démineurs apparaissaient d'ores et
déjà vulnérables, voire parfois franchement
déficitaires.
M. François Trucy, rapporteur spécial
, a
considéré ensuite que, si la professionnalisation était
« accomplie », il restait à la consolider. A cet
égard, il a estimé que, pour seulement préserver l'acquis,
il faudrait vraisemblablement consentir un effort budgétaire
supplémentaire considérable. Il a notamment indiqué
qu'au-delà des soucis ponctuels de recrutement, apparaissaient surtout
des difficultés de fidélisation, liées à la
concurrence forte d'un marché de l'emploi civil conjoncturellement
à la hausse, mais aussi, de façon plus structurelle, à une
moindre attractivité du métier, s'agissant des conditions de vie
et de rémunération. Il s'est particulièrement
inquiété de « l'effet 35 heures ».
Le
rapporteur spécial
, a souligné par ailleurs que la
comparaison avec les « collègues » des armées
de l'OTAN n'était pas davantage enviable, précisant que la
dépense globale de fonctionnement consentie sur la tête du soldat
français, certes du même ordre que celle du soldat allemand,
était près de deux fois moins élevée que celle du
soldat britannique, et près de trois fois inférieure à
celle du soldat américain.
De fait,
M. François Trucy, rapporteur spécial
, a
estimé illusoire de penser que le pouvoir d'achat du titre III pourrait
rester constant dans la durée, si toutefois l'on souhaitait
préserver les acquis de la professionnalisation.
M. François Trucy, rapporteur spécial
, a ensuite
rappelé que le dérapage des dépenses du titre III au cours
de l'exécution de la programmation avait été
systématiquement financé, en loi de finances initiale comme en
exécution, par un prélèvement sur les crédits
d'équipement du titre V. Il a souligné que les facteurs de ce
dérapage ne pourraient que se maintenir, voire se renforcer, au cours de
la prochaine législature, et de la prochaine loi de programmation, qu'il
s'agisse du coût de la consolidation de la professionnalisation, de
l'incidence des mesures générales fonction publique, ou de la
participation de la France à des opérations militaires
extérieures.
Sur ce dernier point,
M. François Trucy, rapporteur spécial,
a de nouveau vivement critiqué le refus constant d'inscrire en loi
de finances initiale les dépenses de fonctionnement correspondant
à la participation de la France à des opérations
extérieures, indiquant que ces opérations, constamment
financées en cours d'exécution par prélèvement sur
les crédits d'équipement du titre V, à hauteur de
3 milliards de francs environ chaque année, représentaient
sur la durée de la programmation l'équivalent du coût d'un
deuxième porte-avions nucléaire.
Il a considéré à cet égard que, non conforme
à l'esprit du droit budgétaire, ce procédé avait
largement contribué au non respect de la loi de programmation,
s'agissant des crédits d'équipement.
Tout en soulignant que le projet de budget 2002 comportait un incontestable
effort en faveur de la « condition militaire »,
M.
François Trucy, rapporteur spécial
, a estimé
qu'intervenant bien tardivement, cet effort ne saurait être suffisant
pour répondre à des demandes qui pouvaient être
qualifiées de légitimes. Il a relevé que cet effort
restait en tout cas globalement inférieur de moitié à
celui qui était consenti pour les budgets civils : le titre III de
la Défense progresse en effet de 2,3 %, alors que ceux des budgets
civils augmentent en moyenne de 5,1 %.
Il a précisé en outre que cet effort correspondait pour partie
à l'incontournable prise en compte des mesures
« Sapin » relatives au point d'indice et à la
revalorisation des bas salaires dans la fonction publique, lesquelles
représentaient un total de 1,3 milliard de francs, soit la
moitié du total des moyens nouveaux du titre III.
Il a enfin souligné que, si les mesures catégorielles
étaient élargies cette année à l'ensemble des
forces armées, et non plus limitées, comme en 2001, à la
Gendarmerie, au Service de Santé et à la Délégation
générale pour l'Armement, elles ne concernaient toutefois que les
sous-officiers, laissant totalement les officiers de côté.
Rappelant ensuite que l'alourdissement sensible du poste
rémunérations et charges sociales avait fortement pesé sur
les crédits d'entretien programmé et de fonctionnement courant,
et notamment les moyens liés à l'activité des forces,
amputées de plus de un milliard de francs sur la période de
programmation, soit 10 % du montant initial de 1997,
M. François Trucy
a indiqué que de fait, les taux
d'activité des armées françaises étaient
aujourd'hui inférieurs aux normes OTAN.
Indiquant que, tenant compte de cette dérive, le budget 2002
prévoyait effectivement une majoration des crédits de
fonctionnement hors rémunérations et charges sociales, M
.
François Trucy, rapporteur spécial,
a précisé
que les deux tiers de cet effort étaient en réalité
financés par des mesures d'économies et de transfert, ne
correspondant donc pas à des moyens nouveaux, et que le tiers du montant
ainsi globalement disponible bénéficierait à la
gendarmerie.
Il a relevé que si, au total, les taux d'activité de nos forces
armées devraient être ainsi légèrement
améliorés, cette progression ne suffirait pas à leur
permettre d'atteindre l'objectif OTAN, et moins encore celui des forces
britanniques.
M. François Trucy, rapporteur spécial
, a enfin
souligné que les besoins de la gendarmerie prélevaient une part
croissante des moyens de fonctionnement affectés à la
défense. Il a ainsi précisé qu'au total, sur l'ensemble de
la période de programmation, les coûts globaux de fonctionnement
de la gendarmerie représentaient un cinquième du total de
l'enveloppe globale du titre III, soit l'équivalent des dépenses
de l'armée de l'air et de la marine réunies. Il a indiqué
qu'en 2002, la Gendarmerie serait la seule à bénéficier de
la création de postes de sous-officiers -au-delà de la cible de
programmation, majorée en définitive de 700 postes, et la
principale bénéficiaire des nouvelles primes de qualification
attribuées aux sous-officiers confirmés (4.200 sur le total
de 6.000), comme des moyens nouveaux dégagés pour le
fonctionnement, dont le tiers lui serait attribué.
M. François Trucy, rapporteur spécial
, a relevé que
pour autant, la situation de la gendarmerie semblait avoir atteint un seuil
critique, que les mesures prises ne lui paraissaient pas suffisantes à
résoudre. Il a en effet considéré que la
détérioration de la situation sécuritaire, et
l'élévation du niveau d'exigence en matière de
sécurité publique, devaient être prises en compte, de
même que les demandes relatives à l'application des
35 heures.
Concluant, il a déploré à son tour la rigueur
particulière appliquée au budget de la défense, en
dépit des opportunités offertes par la croissance
économique au cours des précédents exercices
budgétaires, estimant que l'assombrissement des perspectives
conjoncturelles ne permettrait plus nécessairement de dégager les
marges indispensables au seul maintien de l'acquis de la professionnalisation.
M. René Trégouët
a souligné la
préoccupation des élus locaux face au malaise croissant de la
gendarmerie, notamment justifié par une réelle insuffisance de
leurs moyens de fonctionnement.
M. Auguste Cazalet
s'est interrogé sur d'éventuelles
perspectives de restructurations et de regroupement des services de police et
de gendarmerie, et sur l'hypothèse d'une prise en compte concrète
des contraintes spécifiques de disponibilité et d'horaires de
travail par la gendarmerie.
Suivant l'avis de ses rapporteurs, la commission a alors
décidé de proposer au Sénat le rejet des crédits du
ministère de la Défense.