CHAPITRE IV
L'EXÉCUTION DES GRANDS PROGRAMMES
La « revue des programmes » qui avait consisté à analyser tous les programmes d'équipement en les confrontant aux besoins des armées avait eu pour objectif, sinon un retour aux crédits d'équipement fixés par la loi de programmation, du moins leur rétablissement après « l'encoche » du budget de 1998. Beaucoup d'avantages étaient prêtés à cette analyse, notamment celui de renoncer à la pratique coûteuse d'allongement des délais de réalisation des équipements et de donner une assise solide aux quatre dernières années de la loi de programmation militaire. Cette logique n'a prévalu qu'une année avant que ne diminuent à nouveau les crédits de paiement des titres V et VI. Les conséquences de ce retour à des pratiques contestables ne sont pas négligeables.
I. LE NUCLÉAIRE
A. ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS : LA REMONTÉE STRUCTURELLE DE L'AGRÉGAT NUCLÉAIRE
Les
crédits de paiement proposés pour 2002 au titre de la dissuasion
s'élèvent à 2.683,2 millions d'euros (17,6 milliards
de francs) et les autorisations de programme à 2.518 millions
d'euros (16,52 milliards de francs), soit une augmentation par rapport à
l'exercice précédent de 13,1 % pour les crédits de
paiement et de 23 % pour les autorisations de programme.
Cette réévaluation des crédits consacrés à
l'agrégat nucléaire est la plus élevée de la
programmation 1997-2002, à l'exception de l'annuité de
départ.
Elle traduit principalement la montée en puissance confirmée des
grands programmes (
sous-marins nucléaires SNLE-NG
et
missiles
ASMP-A
) ainsi que, en rupture avec la tendance précédente,
une reprise des efforts en faveur du programme de
simulation
.
Evolution des crédits du nucléaire
(milliards d'euros)
Années |
Crédits de
|
Autorisations de
|
1990 |
4,89 |
4,77 |
1997 |
2,87 |
3,00 |
1998 |
2,54 |
2,52 |
1999 |
2,53 |
2,03 |
2000 |
2,42 |
2,81 |
2001 |
2,37 |
2,05 |
2002 |
2,68 |
2,52 |
2002/2001 |
+ 13,1 % |
+ 22,9 % |
2002/1990 |
- 54,8 % |
- 52,7 % |
En 2002,
l'évolution des crédits affectés à la dissuasion
nucléaire marque une inversion par rapport à la baisse
entamée à compter de 1990. En dix ans, les crédits de
paiement auront en effet diminué de 55 % et les autorisations de
programme de 53 %.
Au total, en 2002, les crédits consacrés au programme
nucléaire représentent plus de 19 % du total des autorisations de
programme (contre 16 % en 2001) et près de 21 % du total des
crédits de paiement (contre 19 % en 2001).
Le niveau de dépenses fixé par la loi de programmation initiale,
soit 105,8 milliards de francs constants sur la période 1997-2002, ne
sera pas tout à fait atteint : en 2002, le niveau atteint environ
101 milliards de francs courants. La proportion des crédits de la
dissuasion dans la totalité des crédits du titre V respecte
néanmoins le niveau fixé par le paragraphe 1-3-1 du rapport
annexe :
« La part du budget de la Défense
consacrée aux forces nucléaires s'établira en fin de
période à
un niveau inférieur à 20 %
du
titre V (contre 31,4 % en 1990)
.
Il reste que l'évolution enregistrée en 2002 traduit sans
doute une inversion de tendance à laquelle il convient d'être
attentif.
Elle correspond en effet vraisemblablement à une remontée
structurelle du poids des dépenses nucléaires, dont l'effet
d'éviction sur les autres grands programmes pourrait bien progresser au
cours des prochains exercices budgétaires.
B. LES FORCES NUCLÉAIRES STRATÉGIQUES
1. La Force océanique stratégique (FOST) : des retards importants
a) Les sous-marins : report de l'admission au service actif des troisième et quatrième sous-marins
Aux reports déjà programmés s'ajoutera celui de l'admission au service actif du quatrième SNLE/NG qui n'interviendra qu'en 2010 afin de l'équiper directement en missiles M 51 .
Commandes et livraisons des SNLE/NG
|
Commandes |
Admission service actif selon la programmation |
Admission
|
Le Triomphant. |
Juin 1987 |
Mars 1997 |
Mars 1997 |
Le Téméraire |
Octobre 1989 |
Avril 1999 |
Décembre 1999 |
Le Vigilant |
Mai 1993 |
Décembre 2002 |
Fin 2004 |
Le Terrible |
Septembre 2000 |
Juillet 2007 |
Juillet 2010 |
En
l'état actuel et jusqu'en 2005, la
FOST
reposera sur deux
sous-marins de l'ancienne génération et sur deux
SNLE/NG
admis au service actif, pour une cible visant « au moins deux
sous-marins à la mer en permanence ».
Les reports précédents ont d'ores et déjà
entraîné un surcoût de plus de 380 millions d'euros (2,5
milliards de francs).
Le coût des programmes évalué initialement pour six
SNLE/NG
s'établissait à 13,7 milliards d'euros
(90 milliards de francs 1997). Pour une facture quasiment identique en
francs constants (13,3 milliards d'euros) seuls quatre
SNLE/NG
seront
livrés. Le dépassement des devis a surtout concerné le
poste fabrications. On notera qu'un des facteurs d'augmentation est lié
à l'augmentation du taux de charges patronales applicables aux ouvriers
d'Etat de la Direction des constructions navales (pour 67 millions
d'euros, soit 437 millions de francs).
b) Missiles équipant les SNLE/NG : travaux coûteux d'adaptation et retards pour le M51
Les SNLE
de l'ancienne génération sont équipés du
missile
M 4
.
Le
missile M 45
, version modernisée du
missile M 4
,
équipera les trois premiers SNLE de la nouvelle
génération. Sa portée, sa furtivité, sa
capacité de pénétration sont accrues.
Son poids très supérieur à celui du M4
nécessitera toutefois d'importants et coûteux travaux d'adaptation
des trois premiers SNLE/NG entre 2008 et 2012.
Le
missile M 51
équipera directement le quatrième
SNLE/NG
. Sa mise en service avait été avancée de
2010 à 2008 par la revue de programmes. Les retards subis par ce
programme contraignent à repousser à nouveau
l'échéance à 2010.
Une commande de 1,1 milliard d'euros portant sur une tranche ferme de deux
ans de développement a été enfin passée en
décembre 2000, au terme d'une difficile bataille contractuelle entre
EADS et la Délégation générale à l'armement,
portant le montant du prix.
Une « décision équilibrée » a
été arrêtée en définitive, qui traduit bien
le fait qu'en matière d'industries d'armement, les rapports de nature
régalienne ont désormais vécu
.
2. La composante aéroportée et les missiles : horizon 2008 pour le couple Rafale-ASMP-A
Elle est
constituée de trois escadrons de
Mirage 2000 N
relevant des
Forces aériennes stratégiques (FAS) et de deux flottilles de
Super-Étendard du groupe aéronaval. A l'horizon 2008 seulement
désormais, le couple
Rafale ASMP-A
devrait succéder au
couple
Mirage 2000 N-ASMP
.
L'ASMP actuel devrait être en effet ultérieurement remplacé
par l'ASMP amélioré (
ASMP-A
), d'une portée plus
grande et mettant en oeuvre une charge nucléaire nouvelle. La mise en
service est prévue fin 2007 sous
Mirage 2000
et en 2008 sous
Rafale
.
3. La dotation du Commissariat à l'énergie atomique : une couverture élevée en crédits de paiement pour les prochains exercices budgétaires
L'exercice 2002 se traduit par une sensible majoration des
crédits mis en place à la Direction des applications militaires
du CEA (+ 7,2 % pour les crédits de paiement, + 24,4 % pour
les autorisations de programme).
Le montant élevé des autorisations de programme, qu'il faudra
veiller à couvrir par un niveau correspondant de crédits de
paiement au cours des prochains exercices, traduit le lancement de la
construction du bâtiment du
laser mégajoule
et surtout la
réalisation du
réacteur d'essais
(RES) dédié
à la propulsion nucléaire navale.
4. La simulation : reprise des autorisations de programme seulement
En
raison de l'arrêt des essais nucléaires et de la signature en
septembre 1996 du
Traité d'interdiction des essais
nucléaires
, il a été jugé nécessaire de
mettre au point un programme de simulation des essais. Son objet est de
garantir la fiabilité et la sécurité des charges
nucléaires des armes actuelles et futures.
Complexe, la conduite de ce programme de simulation (ex-
PALEN
) repose
sur quatre éléments : l'expertise scientifique et
technologique dans un domaine très spécifique du personnel de la
Direction des applications militaires du CEA, la mise au point de la machine de
radiographie
Airix
, celle du
laser mégajoule
et le
développement de logiciels de calcul complexe.
Le coût de l'ensemble du programme est estimé à
5,1 milliards d'euros (33 milliards de francs) sur une période
d'une dizaine d'années. Il est doté en 2002 de 396 millions
d'euros d'autorisations de programme, en progression de 32,4 % par rapport
à 2000, qui correspond à un nouveau renforcement par rapport
à l'exercice 2001, qui avait déjà enregistré un
renforcement du programme. Les crédits de paiement sont en revanche
minorés de 4 %.
Il est impératif de ne prendre aucun retard sur ce programme si l'on
veut que les différents instruments de simulation fonctionnent en 2010,
soit avant le départ des personnels qui ont connu les essais en grandeur
réelle.
5. Le démantèlement : un processus encore long
Le
démantèlement de la composante nucléaire terrestre s'est
achevé avec la dénucléarisation effective du plateau
d'Albion le 25 février 1998. Le démantèlement des sites de
production de matières nucléaires (Pierrelatte et Marcoule) n'est
pas terminé, et la charge financière de cette opération
risque de monter en puissance. Selon les informations communiquées, la
poursuite des travaux de démantèlement « devrait
être assurée », en tout cas, par Pierrelatte.
La décontamination radioactive du site de Pierrelatte devrait prendre
encore cinq ou six ans. La charge financière est de l'ordre de
60 millions d'euros (400 millions de francs) par an pour le CEA.
L'assainissement du site de Marcoule sera beaucoup plus long, de l'ordre de
trente ans, pour un coût consolidé voisin de 5 milliards
d'euros (33 milliards de francs).