II. ANALYSE DES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS
A. RÉPARTITION PAR ARMÉE ET SERVICE : LE POIDS DES COMMANDES RETARDÉES
La
réduction en 2002 des dotations de la Marine et de l'Etat-major des
armées provient en partie du niveau élevé des dotations
affectées à certains programmes en 2001 (Espace, Rafale
notamment).
L'augmentation des dotations en autorisations de programme de l'armée de
l'Air et de l'armée de Terre s'explique notamment par d'importantes
commandes prévues en 2002 (FSAF -missiles Famille sol-air futurs-,
valorisation VAB, véhicules divers notamment).
B. ÉVOLUTION PAR DOMAINE : LA REMONTÉE DE L'AGRÉGAT NUCLÉAIRE
1. La remontée de l'agrégat nucléaire
L'augmentation sensible en 2002 des crédits
consacrés
au domaine nucléaire résulte principalement de la montée
en puissance des grands programmes, tels que le quatrième SNLE-NG
(sous-marin nucléaire lance-engins - nouvelle génération),
l'ASMP-A (missile air-sol moyenne portée amélioré) et le
programme de simulation.
Parallèlement, les enveloppes des domaines spatial et classique
enregistrent des réductions importantes, en partie seulement
liées au niveau élevé des crédits consacrés
à certains programmes en 2001 (Hélios, Syracuse, Rafale, char
Leclerc, MTGT (modernisation des moyens de transport des garnisons de
l'armée de Terre).
En réalité, l'évolution enregistrée en 2002
reflète sans doute une tendance de plus long terme à laquelle il
convient d'être attentif.
Elle correspond en effet à une remontée structurelle du poids
des dépenses nucléaires, dont l'effet d'éviction sur les
autres grands programmes pourrait bien progresser.
Après avoir considérablement diminué depuis les
années soixante-dix, (il était alors proche de 30 milliards
de francs), l'agrégat nucléaire est tombé à un
niveau voisin de 15 milliards de francs en 2001. La forte progression
enregistrée en 2002 (+ 23 % pour les autorisations de
programme ; + 13 % pour les crédits de paiements),
signale vraisemblablement le début d'un retournement de tendance,
lié à la modernisation simultanée des vecteurs, des
missiles et des charges, et à la montée en puissance de la
simulation
24(
*
)
.
2. Le sacrifice relatif des dépenses liées à l'Espace
Inversement, il faut souligner le relatif « sacrifice » des crédits liés à l'Espace, tout au long de la loi de programmation, notamment en exécution 25( * ) . Certes liée à une visibilité difficile sur l'évolution des programmes, en raison des multiples défaillances de la coopération européenne, ce choix apparaît coûteux aujourd'hui, notamment en termes d'autonomie.
C. ÉVOLUTION PAR CATÉGORIE DE DÉPENSES : UN EFFORT BIENVENU EN FAVEUR DE LA RECHERCHE ET DU MAINTIEN EN CONDITIONS OPÉRATIONNELLES DES MATÉRIELS
Les
variations observées traduisent principalement :
- Un effort en faveur de
moyens d'études et de recherche
,
longtemps sacrifiés ;
- Un effort également en faveur du
maintien en condition
opérationnelle
des matériels, dont le niveau était
devenu préoccupant ;
- La diminution des enveloppes qui avaient été
« privilégiées » au cours de l'exercice
2001 : infrastructures (Gendarmerie et Service de santé des
armées), fabrications et munitions.
D. L'AMÉLIORATION NÉCESSAIRE DE LA GESTION DES CRÉDITS
1. La réforme des procédures budgétaires et comptables
A partir
de 1998, le ministère a conduit une réforme de grande ampleur de
la gestion des crédits d'investissement, conformément aux
recommandations de la Cour des comptes : modernisation de la nomenclature
budgétaire (1999), généralisation de la
déconcentration du contrôle financier (1999), informatisation des
échanges de données avec le ministère des finances,
simplification du nombre d'opérations budgétaires
d'investissement (de 6.000 à 10.000).
Ainsi que le souligne la Cour des comptes dans le cadre du Rapport sur
l'exécution 2000, les conséquences de cette réforme, tant
en termes de rationalisation de la gestion interne que, dans une moindre
mesure, en termes de transparence vis-à-vis de l'extérieur, sont
considérables.
En particulier, la réforme a conduit le ministère à
considérer ses autorisations de programme comme des ressources
véritables et à les répertorier en conséquence.
Le stock d'autorisations de programme disponibles à l'engagement est
passé d'un montant considérable de 15 milliards d'euros
(100 milliards de francs) fin 1996, à 6,25 milliards d'euros
(41 milliards de francs) fin 2000, hors provisions de 3 milliards
d'euros (20 milliards de francs) pour la commande des A-400 M
prévue en 2001.
Le ministère considère aujourd'hui qu'un montant de
6 milliards d'euros (40 milliards de francs) pour les autorisations
de programme disponibles à l'engagement est le minimum nécessaire
pour que la gestion annuelle ne soit pas entravée.
2. Une légère amélioration de la consommation des crédits d'équipement
Le
montant des reports de crédits demeure, sur la durée de la
programmation, élevé en valeur absolue. Il est en effet en
moyenne proche de 1 milliard d'euros (6,5 milliards de francs).
Ce montant est en sensible diminution par rapport à 1996, date à
laquelle il avait atteint 1,7 milliard d'euros (11,1 milliards de
francs).
Il convient de relever également que le taux de consommation des
crédits de la Défense, de l'ordre de 90 %, est très
nettement supérieur à celui de la moyenne des budgets civils en
2000, soit 67 %.
Le budget de la Défense est en outre contraint par des facteurs et
aléas spécifiques, liés aux difficultés de
négociations contractuelles sur les grands programmes d'armement d'une
part et, d'autre part, de façon en principe plus conjoncturelle,
à la mise en oeuvre parallèle de réformes administratives
et informatiques qui ont pu retarder l'entrée en gestion, comme ce fut
le cas avec la difficile entrée en vigueur de la nouvelle application
comptable NABUCCO.
Il reste que ce montant, qui correspond d'ailleurs à un report de
charges à peu près de même ordre, demeure
élevé en montant absolu, et gagnerait sans doute à
être réduit.
E. VERS UN RISQUE DE « CRISE DES PAIEMENTS » AU COURS DE LA PROCHAINE PROGRAMMATION ?
L'année 2000 a été marquée par le
début d'une forte reprise des engagements (autorisations de programme)
en fin d'exercice.
Pour la première fois depuis 1996, le niveau des engagements
(107,4 milliards de francs) a dépassé, et de loin, le niveau
des autorisations de programme ouvertes en loi de finances initiale
(87,5 milliards de francs). L'écart n'a pu être comblé
que grâce à l'importance du stock d'autorisations de programme
disponibles (notamment du fait de reports d'années
précédentes).
De fait, l'exercice 2000 pourrait constituer un tournant dans
l'évolution des paiements du ministère. L'augmentation forte et
continue des engagements depuis quatre ans pourrait engendrer à partir
de 2002 la remontée des paiements (crédits de paiement) attendue
depuis trois ans.
La Cour des comptes souligne ce risque dans son Rapport sur l'exécution
du budget 2000 :
« Compte tenu de l'importance des engagements cumulés des
trois dernières années, qui ne manqueront pas de peser sur les
besoins en crédits de paiement, le ministère devra, dans les
années à venir, adapter son niveau d'engagement annuel au niveau
prévisible de ses ressources en crédits de paiement, s'il veut
éviter une crise des paiements ».