III. UN EFFORT FINANCIER QUI NE PRIVILÉGIE PAS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
A. LE POIDS CROISSANT DES DÉPENSES SOCIALES
1. La disparition de la « créance de proratisation »
L'alignement en deux ans du niveau du revenu minimum
d'insertion
(RMI) outre-mer se traduit par la disparition, à compter de 2002, de la
« créance de proratisation ». Cette
« créance » était une enveloppe
financière dont le montant correspondait aux sommes
« économisées » par l'Etat en raison du
niveau plus faible du RMI outre-mer. En cours d'exercice, ses crédits
venaient alimenter pour un quart le FEDOM et pour le reste les aides au
logement.
Les inconvénients de l'alignement du niveau du RMI sont connus,
même si le secrétariat d'Etat à l'outre-mer a
indiqué à votre rapporteur que «
l'alignement ne
devrait pas avoir un effet déstabilisant sur le contexte
socio-économique des DOM, dans la mesure où le gain de pouvoir
d'achat n'est pas dissuasif vis à vis de la recherche d'un
emploi
».
Le gouvernement s'est engagé à ce que la disparition de la
créance de proratisation ne s'accompagne pas d'une diminution des moyens
des actions au financement desquelles elle participait. En matière de
logement, où les besoins sont énormes, il est difficilement
concevable de réduire les sommes disponibles.
La non disparition de la créance de proratisation se traduit
néanmoins par une augmentation des dépenses de l'Etat de l'ordre
de 122 millions d'euros (800 millions de francs), à laquelle il faut
ajouter l'augmentation des dépenses des conseils généraux
liées à l'augmentation mécanique du coût du volet
« insertion » du RMI.
Pour que les conséquences budgétaires de cette mesure soient
véritablement apparentes, il conviendrait que les crédits du RMI,
ainsi que ceux consacrés au nouveau revenu de solidarité
créé par l'article 27 de la loi d'orientation pour
l'outre-mer, figurent au sein du budget de l'outre-mer, et non à celui
de l'emploi et de la solidarité.
Il est particulièrement révélateur qu'aucun des deux
« jaunes » budgétaires consacrés à
l'outre-mer ne retrace, ni ne mentionne, les dépenses liées au
RMI.
2. Les dépenses du FEDOM augmentent toujours plus vite que celles du secrétariat d'Etat
Le
budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer augmente de 39
millions d'euros entre 2001 et 2002. Dans le même temps, les
crédits des aides à l'emploi, regroupées au sein du FEDOM,
progressent de 102 millions d'euros. A structure constante, elle augmentent de
71 millions d'euros.
Les dépenses du FEDOM ont progressé de 58 % en trois ans et
leur part dans les dépenses du secrétariat d'Etat est
passée du tiers à près de la moitié.
Le principal facteur d'augmentation de la dépense sont les
emplois-jeunes, dont le coût prévu pour 2002 s'élève
à
145 millions d'euros
. Cependant, l'année 2002 marque
aussi la montée en puissance des dispositifs créés par la
loi d'orientation pour l'outre-mer, qui coûtent
77,3 millions
d'euros
. Le coût des nouveaux dispositifs en faveur de Mayotte
s'établit à
18,2 millions d'euros
.
Le financement de ces nouvelles priorités est très
partiellement financé par redéploiement et réduction des
sommes consacrées aux dispositifs plus anciens.
Le montant des
dépenses qui leur sont consacrées a diminué de 20 millions
d'euros depuis 1999 alors que celui des nouveaux dispositifs a progressé
de 173 millions d'euros.
L'amélioration relative de la conjoncture économique au cours
de la période n'a pas permis de faire reculer le montant des sommes
consacrées aux emplois aidés. Cependant, elle conduit les
services de l'Etat à réorienter les crédits vers les
dispositifs en faveur des publics les plus en difficulté.
Ainsi, en
2001 des créations de contrats emploi solidarité (CES), de
contrat d'insertion par l'activité (CIA) et de contrats emploi
consolidés (CEC) ont été
« gagées » par la suppression de contrats
d'accès à l'emploi et d'emplois jeunes.
S'agissant des emplois-jeunes, qui ont toujours connu des problèmes de
recrutement outre-mer comme en témoignent d'importants reports de
crédits, on observera que l'accent porte désormais moins sur la
création de nouveaux emplois-jeunes que sur la reconversion des
titulaires des emplois existants. Dans cette perspective la création par
la loi d'orientation sur l'outre-mer du projet initiative jeunes, qui
prévoit des aides à la création d'entreprise, va dans le
bon sens.
B. DEUX SPÉCIFICITÉS CONTRADICTOIRES DE L'OUTRE-MER
1. Des avantages fiscaux et sociaux qui pourraient améliorer la compétitivité de l'outre-mer
Le
budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer s'élève
à 1.079 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2002.
Dans le même temps
,
l'Etat consacrera un montant très
supérieur au financement des différents avantages fiscaux et
sociaux dont bénéficient les contribuables implantés
outre-mer, qui se répartissent en
1.988 millions d'euros d'avantages
fiscaux (13 milliards de francs)
et
533 millions d'euros
d'exonérations de charges sociales
(dont environ 300 millions
d'euros liés aux mesures instaurées par la loi d'orientation sur
l'outre-mer).
2. Une régime de rémunérations des emplois publics pénalisant
L'outre-mer ne retire pas de ses avantages fiscaux tous le
bénéfice que l'on pourrait espérer. La
compétitivité des entreprises reste modérée,
notamment du fait de la concurrence de pays voisins où les salaires sont
très inférieurs, et les prix (notamment les loyers) sont
élevés. La croissance démographique absorbe les marges de
manoeuvre dégagées là où le dynamisme
économique est réel.
Si le régime de rémunération des fonctionnaires n'explique
pas l'ensemble des difficultés économiques rencontrées par
les départements d'outre-mer, il ne facilite pas leur résolution
comme l'a mis en évidence par le rapport
« Fragonard », remis au Premier ministre en 1999.
Le rapport Fragonard pointait les inconvénients du système
actuel :
- «
l'importance des sur-rémunérations dans la
sphère publique pèse sur les prix et exerce une influence
à la hausse dans le secteur privé
».
- «
il est très vraisemblable qu'elles dissuadent les
employeurs publics de recruter à hauteur des
besoins
» ;
- «
une partie de ce pouvoir d'achat est recyclé en
métropole sous forme d'importations ou
d'épargne
» ;
- «
l'éclatement de la société des DOM entre
un secteur à garantie d'emploi et forte rémunération et un
secteur exposé à salaires inférieurs, et enfin, à
la marge de la société, une population en sous emploi ou en
chômage massif est profondément malsain
» ;
- «
les budgets
[ des collectivités locales]
sont
exposés à la pression de demandes de titularisation d'un nombre
élevé d'agents qui demandent que celle-ci se fasse à la
valeur majorée actuelle des titulaires
».
Votre
rapporteur spécial a demandé au secrétariat d'Etat
à l'outre-mer de lui communiquer le coût pour l'Etat des
spécificité de l'outre-mer en matière de
rémunération des fonctionnaires. Il lui a été
répondu qu'il n'était «
pas possible de
répondre à cette question pour les autres départements
ministériels concernés par les affectations outre-mer, faute de
disposer de leur consommation des crédits aux paragraphes d'imputation
budgétaire
».
Votre rapporteur observe que cette information devrait légitimement
figurer dans les « jaunes » budgétaires relatifs
à l'outre-mer et constate que, l'année dernière, le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait
été en mesure de fournir des indications s'agissant des
personnels civils :
Coût des surrémunérations outre-mer pour la fonction publique d'Etat en 1999
(en millions de francs)
Les
montants des dépenses du ministère de l'éducation
nationale et du ministère de l'économie et des finances
proviennent de l'agence centrale comptable centrale du trésor. Les
autres montants ont été fournis par les ministères. Les
données relatives aux militaires sont manquantes.
Source : ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie.
L'article 26 de la loi n° 2000-1027 du 13 décembre
2001
d'orientation pour l'outre-mer prévoit que, «
dans un
délai de trois mois suivant la promulgation de la présente
loi
», un décret devra supprimer le titre Ier du
décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953, qui fixe le
régime des primes d'éloignement des fonctionnaires
exerçant leur activité outre-mer.
Près d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, le
décret n'est pas encore paru.
|
|
Coefficient multiplicateur de traitement |
Indemnité d'éloignement |
|
Guadeloupe |
+ 40 % du traitement brut |
12 mois pour 4 ans |
Département d'Outre mer |
Martinique |
+ 40 % de traitement brut |
12 mois pour 4 ans |
|
Guyane |
+ 40 % du traitement brut |
16 mois pour 4 ans |
|
Réunion |
+ 35 % du traitement brut + 1,138 appliqué sur le traitement net (3) (4) |
12 mois pour 4 ans |
Territoires d'Outre mer |
Polynésie française * (1) |
+ 84 % à 108 % sur le traitement net |
10 mois pour 2 ans |
|
Nouvelle-Calédonie * (1) |
+ 73 % à 94 % sur le Traitement net x (3) |
10 mois pour 2 ans |
|
Wallis et Futuna |
+ 105 % sur le traitement net |
18 mois pour 2 ans |
|
TAAF *
(2)
|
+ 35 %
du traitement brut + 1,138 appliqué sur le traitement net * (3) (4)
|
12 mois
pour 4 ans
|
Collectivités à statut spécial |
Saint
Pierre et Miquelon
|
+ 40 %
sur le traitement brut
|
12 mois pour 4 ans |
* (1)
Selon subdivision ou terre australe ou antartique d'affectation, les Iles de la
Nouvelle-Amsterdam et de Saint Paul d'une part et l'archipel des
Kerguélen, l'archipel des Crozet et la Terre Adélie d'autre part.
* (2) Les décrets des 26 et 27 novembre 1966 ne sont pas applicables
dans les TAAF. Depuis la délocalisation du siège à Saint
Pierre de la Réunion, les agents permanents du siège percoivent
la rémunération et l'indemnité d'éloignement en
vigueur à la Réunion. Les agents affectés dans les terres
australes et antartiques mêmes effectuent un service de dix mois ou de 1
an quand ils font « l'hivernage ».
* (3) Le traitement net est le traitement brut afférent à
l'indice nouveau majoré (INM) correspondant au grade et échelon
de l'agent augmenté éventuellement de la Nouvelle bonification
indiciaire (NBI), du supplément familial de traitement SFT et de
l'indemnité de résidence et diminué de la pension civile.
Les majorations de traitement, les index de « correction »
et les coefficients multiplicateurs ne s'appliquent pas aux primes et
indemnités diverses.
* (4) L'index de « correction » appliqué à la
Réunion a été instauré pour compenser la
disparité entre le franc métropolitain et le franc de la
communauté financière africaine (CFA) par le décret
n°71-485 du 22 juin 1971, le taux appliqué actuellement a
été modifié pour la dernière fois par
arrêté du 28 août 1979.
Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer
C. LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER LE FONDS D'INVESTISSEMENT DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER (FIDOM)
Votre
rapporteur, s'inscrivant dans une démarche initiée par notre
collègue Henri Torre, a procédé au cours de l'année
2001 à un contrôle du fonctionnement du FIDOM.
Les résultats de ce contrôle feront l'objet d'une communication
spécifique. Les principales conclusions sont d'une part que les
dépenses d'investissement outre-mer ne font l'objet d'aucune
évaluation de leur efficacité et que, d'autre part, le
fonctionnement du FIDOM déroge aux textes qui le régissent. Il en
résulte la nécessité soit de réformer le
fonctionnement du FIDOM, soit de modifier les textes.