B. LE DISPOSITIF D'ACCOMPAGNEMENT PÉDAGOGIQUE
1. De nouvelles orientations en faveur de l'enseignement des langues régionales
a) Les langues régionales sont déjà reconnues dans et par l'Education nationale
Comme le
relevait le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 juin
1999 (DC n°99-412), l'enseignement
des
langues régionales
est aujourd'hui largement reconnu et pratiqué en France.
On peut ainsi rappeler que
la loi Deixonne
n° 51-46 du
11 janvier 1951
, codifiée dans les articles L. 312-10
et L. 312-11 du code de l'éducation disposait déjà
«
qu'un enseignement de langues et cultures régionales peut
être dispensé tout au long de la scolarité
»
et que «
les maîtres sont autorisés à recourir
aux langues régionales dans les écoles primaires et maternelles
chaque fois qu'ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement, notamment
pour l'étude de la langue française
».
En outre,
la loi Jospin
n° 89-487 du
10 juillet 1989
d'orientation sur l'éducation, codifiée notamment dans les
articles L 121-1 et L. 121-3 du code de l'éducation précise
que la formation dispensée dans les établissements scolaires
«
peut comprendre un enseignement, à tous les niveaux,
de
langues et cultures régionales
» et que
«
la langue de l'enseignement, des examens et des concours, ainsi
que des thèses et mémoires dans les établissements publics
et privés est le français, sauf exceptions justifiées par
les nécessités de l'enseignement
des
langues et
cultures régionales et étrangères...
»
Enfin, la
circulaire Bayrou
n° 95-806 du 7 avril 1995 a
opéré un saut qualitatif en reconnaissant que l'enseignement des
langues régionales pouvait emprunter deux modalités :
- l'initiation aux langues régionales, c'est à dire
l'enseignement
des
langues régionales proprement
dit ;
- l'enseignement bilingue, c'est à dire un enseignement partiellement
en
langue régionale.
Cette
reconnaissance
s'accompagne d'une
pratique
croissante.
En 2000-2001, plus de
152.000 élèves
ont ainsi reçu
un enseignement
de
langues et cultures régionales dans les
écoles, collèges et lycées publics ou privés sous
contrat, l'Occitan langue-d'oc (près de 71.912. élèves),
devançant le Corse (27.785), le Breton (20.697), le Basque (8.969), le
Catalan (8.907), les langues régionales d'Alsace (7.453), les langues
régionales des pays mosellans (5.823) et le Gallo (921).
Parmi ces élèves,
29.000
(soit 19 %) suivaient un
enseignement
bilingue
, dont 25.200 à l'école,
près de 3.400 au collège et près de 800 au lycée,
cet enseignement bilingue concernant principalement le
Breton
(2.165
dans le public, 1.455 dans le privé confessionnel et 2.347 dans les
établissements Diwan) et le
Basque
(2.921 élèves
dans le public, 1.295 élèves dans le privé confessionnel
et 1.881 dans le privé associatif).
S'agissant plus particulièrement du Breton, on peut également
souligner que l'un des axes du projet académique de l'académie de
Rennes est de «
promouvoir l'approche et l'étude des
langues régionales, Breton et Gallo, dans le cadre des instructions
officielles
», et que :
- la majorité des lycées et collèges de Basse-Bretagne
proposent déjà un enseignement de langue et culture
bretonnes ;
- l'enseignement bilingue du Breton se diffuse aujourd'hui rapidement dans les
établissements publics.
La diffusion du Breton dans l'enseignement ne se heurte donc pas tant à
des obstacles administratifs (défaut d'information, textes parfois peu
adaptés), qu'à la concurrence des autres langues vivantes, ainsi
qu'aux difficultés de recrutement et aux problèmes de partage de
service des enseignants (qui desservent parfois 4 ou 5 établissements
dans le cadre de leur horaire statutaire).
b) Le ministre de l'Education nationale a annoncé en avril 2001 de nouvelles mesures en faveur de l'enseignement des langues régionales
Le
ministre de l'Education nationale a annoncé le 25 avril 2001 de
nouvelles orientations en faveur des langues régionales, qui consistent
notamment à retranscrire et à
généraliser les
dispositions relatives à l'organisation pédagogique
prévues dans le protocole d'accord signé avec l'association
Diwan.
Ces orientations se sont d'ores et déjà traduites par les
mesures
suivantes :
- la création par le
décret
n°2001-733 du 31 juillet
2001 d'une instance consultative :
le conseil académique des langues
régionales
. Ce conseil doit participer à la réflexion
sur la définition des orientations de la politique académique des
langues régionales et veiller à la cohérence des
enseignements de langue régionale, notamment des enseignements bilingues
mis en place dans l'académie. Il donne son avis sur l'attribution ou le
retrait de la qualité d'établissement labellisé
« langues régionales » dispensant un enseignement
bilingue par la méthode dite de l'immersion.
Composé de représentants des collectivités territoriales,
des mouvements associatifs travaillant à la promotion des langues
régionales, des syndicats enseignants, des associations de parents
d'élèves, ce conseil doit selon le ministère
«
constituer un lieu d'expression privilégié du
partenariat qu'il souhaite développer dans ce domaine avec les
collectivités territoriales, à l'image de celui
déjà engagé avec l'Alsace, le Pays Basque [sic], la Corse
et la Bretagne
» ;
- la parution d'un
arrêté
en date du 31 juillet 2001 qui
définit le cadre général de l'enseignement des langues
et cultures régionales
, en clarifie les objectifs et annonce la mise
en oeuvre d'un
plan pluriannuel de développement
, publié
officiellement dans l'académie et objet d'une évaluation à
mi-parcours de sa réalisation.
Cet arrêté confère pour la première fois une
reconnaissance réglementaire à l'enseignement bilingue en langue
régionale
(qui n'était auparavant prévu que par des
circulaires) ;
- la parution de
trois circulaires
en date du 5 septembre 2001 relatives
respectivement à l'enseignement des langues et cultures
régionales ; aux modalités de mise en oeuvre de
l'enseignement bilingue à parité horaire Français-Langue
régionale ; et à l'enseignement bilingue dispensé
selon la méthode pédagogique dite de l'immersion dans les
établissements labellisés « langues
régionales » issus du mouvement associatif, comme les
établissements Diwan ;
- enfin, la mise en place d'un
concours spécial de recrutement
de
professeurs des écoles
chargés d'un enseignement
de
et en
langues régionales. Ce concours est destiné
à pourvoir, en personnels compétents, en priorité les
enseignements bilingues dans les langues suivantes : Basque, Corse, Breton,
Catalan, Créole, Occitan-langue d'oc, langues régionales
d'Alsace, langues régionales des pays mosellans. Dès la
rentrée 2001, les directeurs d'IUFM des académies
concernées ont été invités à mettre en place
les préparations correspondantes à ces concours dont la
première session devait se dérouler en 2002.
La politique de développement des langues régionales concerne
également les DOM-TOM qui bénéficient, en application de
l'article 34 de la loi n°2000-1207 du 13 décembre 2000
d'orientation pour l'outre-mer, des dispositions de la loi n°51-46 du 11
Janvier 1951 dite « loi Deixonne ». Elles s'appliquent aux
langues régionales en usage dans les quatre académies d'outre-mer
et auront des conséquences sensibles sur l'organisation de ces
enseignements et examens les sanctionnant.
Ainsi, l'insertion du
Créole
parmi les langues régionales
figurant dans la section langues régionales du concours externe et
interne du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second
degré devrait permettre de réaliser un meilleur accompagnement de
son développement dans les collèges et les lycées des
académies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et de
la Guyane.
Enfin, s'agissant de la
Guyane
, le ministère a entrepris une
réflexion visant à permettre aux langues amérindiennes
présentes dans l'académie de bénéficier
ultérieurement d'un traitement - et d'une reconnaissance - égal
à celui qui est accordé au Créole.
2. Les questions soulevées par la reconnaissance de l'enseignement en immersion
a) L'intégration des établissements Diwan est à court terme neutre d'un point de vue budgétaire pour l'Etat
Les
dispositions proposées dans l'article 65 du projet de loi de finances
pour 2002 sont, à court terme, pratiquement
neutres
pour l'Etat
d'un point de vue budgétaire.
En effet, les créations d'emplois budgétaires associées
à l'intégration des personnels des établissements Diwan
sont gagées à due proportion par la diminution des crédits
du chapitre 43-01 (rémunération des enseignants des
établissement d'enseignement privé sous contrat).
A plus long terme, le développement éventuel des
établissements Diwan pourrait toutefois se traduire par des
surcoûts de fonctionnement
, compte tenu de ce que les
critères d'encadrement de ces établissements doivent
«
[prendre] en compte les contraintes de fonctionnement d'un
établissement immersif
».
En revanche, l'intégration des établissements Diwan ne sera
évidemment pas neutre pour les collectivités locales qui
l'accepteraient, puisqu'elles seraient conduites à financer les
bâtiments correspondants : c'est d'ailleurs là l'un des
principaux avantages attendus de l'intégration par l'association Diwan,
qui rencontre périodiquement des difficultés
financières car elle propose un enseignement gratuit.
b) L'intégration des établissements Diwan consacre toutefois la reconnaissance accordée à l'enseignement par immersion en langue régionale
En revanche, si les dispositions du projet de loi de finances pour 2002 portant intégration des seuls personnels établissements Diwan ne sauraient évidemment former un écran législatif vis à vis des recours formulés par des organisations syndicales et des associations contre le protocole du 28 mai 2001 et les nouveaux textes réglementaires relatifs à l'enseignement des langues régionales par la méthode dite de l'immersion, dont la portée est plus large, leur adoption constituerait du moins une reconnaissance morale indirecte de cette méthode pédagogique, ainsi qu'un soutien financier apporté à la diffusion de ce type d'enseignement.
c) L'avis du Conseil supérieur de l'Education
Le
second alinéa de l'article L. 312-10 du code de l'éducation issu
de la loi Jospin du 10 juillet 1989 prévoit que le Conseil
supérieur de l'éducation, composé notamment de
représentants des personnels et des parents d'élèves, est
«
consulté, conformément aux attributions qui lui
sont conférées par l'article L. 231-1 sur les moyens de favoriser
l'étude des langues et cultures régionales dans les
régions où ces langues sont en usage
».
Or le Conseil supérieur de l'Education a émis le 3 mai 2001
des avis défavorables à l'ensemble des projets de textes relatifs
au développement des langues régionales
, en raison pour
l'essentiel de la reconnaissance par ces textes de l'enseignement par immersion
en langue régionale et des statuts dérogatoires accordées
aux établissements pratiquant ce type de pédagogie.
Le projet de circulaire relative aux modalités de mise en oeuvre de
l'enseignement par immersion fut ainsi repoussé à
l'unanimité
.
d) Les dispositions du protocole signé avec l'association Diwan
Il
est vrai que l'intégration dans l'enseignement public de l'enseignement
bilingue par la méthode dite de l'immersion, actuellement
pratiqué par environ 6.500 élèves au total (dont plus d'un
tiers dans les établissements Diwan) et qui se caractérise par
l'utilisation
principale de la langue régionale, non exclusive du
français,
comme langue d'enseignement, et comme langue de
communication au sein de l'établissement, constitue une novation dont
les extraits reproduits ci-après du protocole signé avec
l'association Diwan permettent de prendre la mesure
.
En effet, ce protocole dispose en matière
pédagogique
:
- «
pour des raisons pédagogiques inhérentes
à l'immersion,
le breton est la langue de vie, de travail et de
communication de tous les élèves et de tous les personnels de
l'établissement
selon les modalités définies par
l'arrêté relatif à la mise en place d'un enseignement
bilingue en langue régionale.
Ceci implique que toutes les classes de
l'établissement fonctionnent selon le système immersif
. Le
Breton est la langue principale, mais non exclusive, d'enseignement...
- l'école maternelle correspond à la phase la plus intensive
d'acquisition du Breton.
Ceci justifie une pratique de l'ensemble des
activités scolaires et de leur accompagnement en
intégralité en breton
...
la circulaire relative à
l'enseignement par immersion précisant que «
[le
Français n'est utilisé que] de façon exceptionnelle... par
exemple pour le réconfort d'un jeune élève ayant
récemment intégré l'école
».
-
le Français est introduit dans l'enseignement
élémentaire au cours du cycle 2
[en CE1] en tenant compte de
la spécificité de la pédagogie en immersion.
L'apprentissage de la lecture et de l'écriture se fait d'abord en
Breton.
Le volume horaire réservé aux autres disciplines
figurant au cursus de l'école élémentaire est identique
à celui qui est appliqué dans les classes correspondantes de
l'enseignement monolingue.
L'introduction du Français se fait d'une
façon progressive
, les horaires étant modulés
librement à chaque niveau ;
- comme en primaire,
l'enseignement est dispensé principalement en
Breton [dans l'enseignement secondaire],
mais il inclut aussi deux
disciplines enseignées en Français ainsi que l'utilisation d'une
langue vivante étrangère selon les mêmes dispositions que
celles qui sont en vigueur dans les sections européennes
».
Il convient en outre de rappeler que les nouvelles dispositions
réglementaires relatives à l'enseignement bilingue
prévoient que «
l'enseignement bilingue s'adresse en
priorité aux élèves ayant déjà suivi un
cursus bilingue »,
sauf exception
« après
avis de l'équipe pédagogique concernée... s'ils sont en
mesure de suivre avec profit l'enseignement de langue régionale et les
enseignements en langue régionale qui y sont
dispensés
».
Cela signifie que l'enseignement du Breton
par immersion sera
de
facto
réservé à ceux
qui l'auront suivi de manière continue depuis l'école maternelle
incluse.
Par ailleurs, le protocole prévoit des
dispositions
fortement
dérogatoires
en matière de
recrutement
et de
gestion des personnels, comme celles-ci :
- « ...
l'enseignement immersif en langue régionale se
définit par l'utilisation de la langue régionale dans l'ensemble
des activités conduites au sein de l'établissement.
Cela
suppose que l'ensemble des personnels (enseignants, ATOSS, agents
territoriaux), utilisent la langue régionale comme langue de travail et
de communication
selon les modalités définies dans
l'arrêté relatif à la mise en place d'un enseignement
bilingue en langues régionales. Les compétences en langue
régionale du personnel seront prises en compte dans les
opérations du mouvement...
- le
taux d'encadrement
est fixé selon des critères
établis au niveau académique. Ces critères prennent en
compte les contraintes de fonctionnement d'un établissement
immersif ;
- la nomination des
personnels de direction
tiendra compte de la
compétence en langue régionale, de la spécificité
pédagogique de l'enseignement immersif, ainsi que de l'expérience
acquise dans ce domaine
».
Enfin, partant de l'idée selon laquelle «
le passage sous
statut public des établissements pratiquant l'enseignement immersif en
langue régionale ne pourra être réussi sans prendre appui
sur l'expérience accumulée par les associations ayant
porté cet enseignement ces dernières
années
», le protocole accorde un
droit de regard
particulier à l'association Diwan sur le fonctionnement des futurs
établissements publics, ce qui ne fut pas le cas lors des
précédentes opérations d'intégration dans
l'enseignement public. En effet, le protocole prévoit notamment que
:
- «
l'association Diwan pourra être
représentée dans les conseils d'administration des E.P.L.E. et
dans les conseils d'école ;
- dans le cadre du Conseil académique des langues régionales,
Diwan participe au suivi et à l'évaluation du passage sous statut
public ainsi qu'au développement futur de cette filière
d'enseignement
;
-
Diwan pourra être associé à la formation initiale et
continue des enseignants en tant qu'intervenant extérieur ; les
associations représentatives de l'enseignement en langue
régionale (Div Yezh, Diwan et UGB) seront associées à la
réflexion pour la mise en oeuvre de cette formation et l'association
Diwan pourra être agréée comme association
complémentaire de l'enseignement public au niveau des académies
de Nantes et de Rennes après avis des CAACEP de ces académies...
À ce titre, l'association Diwan pourra bénéficier de
subventions et de personnels mis à disposition ;
- une convention pluriannuelle sera signée entre Diwan et l'Education
nationale précisant la participation de l'association aux
côtés de l'enseignement public des langues régionales en
immersion. La participation de Diwan portera notamment sur : la
création et l'expérimentation de matériel
pédagogique ; l'appui à la formation initiale et continue
des personnels enseignants et non-enseignants ; l'aide aux
élèves en difficulté ; la réflexion sur
l'évaluation de la filière immersive et sur son évolution
pédagogique ; le conseil linguistique ; la recherche
pédagogique sur les techniques de l'immersion ; la promotion de la
filière d'enseignement de langue régionale en immersion ;
-
enfin, un comité de suivi sera constitué afin de faire un
point régulier sur la mise en oeuvre du présent protocole
d'accord. Il sera composé pour moitié de représentants du
Ministère de l'Education nationale et pour moitié de
représentants de l'association Diwan. Il se réunira au moins deux
fois par an
».
Le protocole précise toutefois que «
l'enseignement par
immersion doit permettre aux élèves, à l'issue de
l'école primaire, de posséder une égale compétence
en langue régionale et en langue française, ainsi qu'une
compétence en Français identique à celle des
élèves scolarisés dans l'enseignement
monolingue
».
En outre, le protocole prévoit quelques
gardes-fous
:
- «
un suivi de cohorte des élèves inscrits dans les
établissements « langues régionales » sera
assuré par la direction de la programmation et du développement
[du ministère de l'Education nationale] ;
- un suivi des résultats de ce type d'enseignement sera
réalisé par le groupe technique sur l'immersion du Conseil
académique des langues régionales qui sera composé de six
membres désignés par le Recteur d'Académie, dont deux
seront désignés sur proposition de l'association Diwan et deux
seront issus des équipes pédagogiques et de direction des
établissements concernés désignés sur proposition
de l'Inspecteur d'Académie
;
-
la vérification des acquis dans les domaines de la formation
dispensée à l'école sera effectuée à
l'entrée en 6ème dans le cadre des évaluations existantes.
... Dans le cas où les résultats de cette évaluation
feraient apparaître pour l'ensemble des écoles de cette
filière des écarts notoires par rapport aux résultats
attendus en Breton ou aux résultats des évaluations du
Français et des mathématiques pratiquées à ce
même niveau pour les élèves des écoles publiques et
privées sous contrat, le Conseil académique des langues
régionales sera saisi. Si ces écarts portaient sur les
compétences exigibles en français, l'horaire consacré au
Français serait renforcé dans le cadre du volume horaire
hebdomadaire prévu par la réglementation
»
Enfin, il convient de signaler que les premiers résultats des
lycéens des établissements Diwan sont excellents, malgré
des conditions matérielles parfois difficiles (notamment l'absence de
manuels). Cependant, ces lycéens étaient aussi souvent issus de
milieux socio-économiques favorisés et
bénéficiaient parfois de taux d'encadrement très
élevés. En outre, les cohortes concernées étaient
jusqu'à présent très peu nombreuses, ce qui rend difficile
toute comparaison statistique toutes choses égales par ailleurs. Quoi
qu'il en soit, on peut d'ailleurs s'interroger sur les débouchés,
à part l'enseignement, offerts à ce type de compétences.
e) L'avis de sagesse formulé le 30 octobre par votre commission
On peut
regretter que le débat de fond relatif à l'enseignement par
immersion s'effectue dans le cadre peu adapté que constitue l'examen
d'un
article de circonstance
introduit dans une loi de finances.
En outre, on peut s'inquiéter des
risques de
ségrégation
induits par l'enseignement par immersion, puisque
les personnels enseignants et non enseignants et les élèves
francophones sont
de facto
, sinon
de jure
, exclus des
établissements concernés.
Enfin,
on peut s'interroger sur la constitutionnalité d'un dispositif
favorisant l'utilisation dans des établissements scolaires publics d'une
langue régionale comme langue d'enseignement à titre principal et
comme langue de vie à titre quasiment exclusif
.
On peut en effet rappeler que le Conseil à décidé dans ses
deux décisions du 9 mai 1991 (DC n° 91-290) et du 9 avril 1996
(DC n° 96-373) qu'un enseignement de langue régionale «
n'était pas contraire au principe d'égalité...
dès lors qu'il n'a pas ... pour objet de soustraire les
élèves scolarisés... aux droits et obligations applicables
à l'ensemble [des autres élèves]
» et que
«
la reconnaissance de la possibilité d'utiliser les
langues tahitiennes et polynésiennes ne saurait aller contre le principe
inscrit dans la Constitution selon lequel la langue de la
République est le Français »
.
Cependant, les établissements Diwan bénéficient
déjà pour la plupart du statut d'établissement
d'enseignement privé sous contrat. L'article 65 du présent projet
de loi de finances s'inscrit ainsi dans
une situation de fait
dans
laquelle l'intégration de ces établissements dans le service
public est d'ailleurs susceptible de conduire à un contrôle
renforcé de la part du ministère de l'Education nationale.
C'est dans ce contexte que la commission des finances du Sénat,
réunie le 30 octobre 2001 pour procéder à l'examen des
crédits de l'enseignement scolaire et du présent article 65
rattaché,
avait décidé de s'en remettre pour cet
article à la sagesse du Sénat
.
f) L'ordonnance du Conseil d'Etat statuant en référé suspendant le protocole du 28 mai 2001
Quelques instants après la réunion de votre
commission, le Conseil d'Etat, statuant en référé, a
toutefois rendu publique une ordonnance suspendant l'exécution
:
-
de la décision du ministre de l'Education nationale de signer le
protocole d'accord du 28 mai 2001 pour le passage sous statut public des
établissements Diwan
;
-
de l'arrêté
du 31 juillet 2001 «
en tant
qu'il concerne l'enseignement bilingue par la méthode dite de
l'immersion
» ;
-
de la circulaire
n° 2001-168 du 5 septembre du ministre de
l'Education nationale relative à la mise en oeuvre d'un enseignement
bilingue en langues régionales.
En se fondant notamment sur l'article 2 de la Constitution, sur la
décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999 relative à la
Charte européenne des langues régionales et minoritaires et sur
la loi du 4 août 1994 relative à la langue française - la
« loi Toubon », qui dispose que le Français est
«
la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et
des services publics
» et que «
la langue de
l'enseignement, des examens et des concours... est le Français, sauf
exceptions justifiées par les nécessités de l'enseignement
des
langues et cultures régionales ou
étrangères
» - , le Syndicat national des
enseignements de second degré (SNES), l'Union nationale des syndicats
autonomes (UNSA-Education), la Fédération des conseils de parents
d'élèves (FCPE), la Ligue de l'enseignement et la
Fédération des délégués
départementaux de l'Education nationale avaient en effet
déposé des
recours
en référé contre
ces dispositions.
Dans ses mémoires en réponse, le ministère de l'Education
nationale avait déployé une double argumentation tendant :
- d'une part, à contester le caractère d'urgence invoqué
par les requérants, en indiquant notamment que la mise en place
effective de l'enseignement bilingue par la méthode de l'immersion
était subordonnée à l'interventions de plusieurs
décisions et avis ;
- d'autre part à établir la compétence du ministre pour
définir le contenu et l'organisation des formations, et à
affirmer que l'enseignement des langues régionales était
prévu par le code de l'éducation et que les établissements
« langues régionales » fonctionnaient selon les
modalités administratives habituelles.
Il convient toutefois d'observer que le ministère de l'Education
nationale n'avait avancé aucun argument de fond tendant à
suggérer la
conformité du dispositif relatif à
l'enseignement par immersion à la Constitution et à la
législation en vigueur.
Dans leurs mémoires en réplique, les requérants avaient
d'ailleurs souligné :
- d'une part, le caractère d'urgence de leur recours, des
collectivités locales ayant d'ores et déjà
délibéré pour intégrer des établissements
Diwan ;
- d'autre part que le ministère de l'Education nationale feignait de
confondre enseignement
des
langues régionales et enseignement
en
langues régionales.
Cette argumentation a été largement retenue par le juge des
référés, qui a suspendu le dispositif relatif à
l'enseignement par immersion, en :
- «
considérant que les organisations requérantes
font valoir plusieurs moyens, dont l'un, tiré de ce que les actes
contestés méconnaissent l'article 2 de la Constitution et les
articles 1
er
et 11 de la loi du 4 août 1994, est, en
l'état de l'instruction
, propre à faire naître un doute
sérieux sur leur légalité
;
- considérant... qu'il résulte de l'instruction et, en
particulier d'éléments recueillis au cours de l'audience
publique, que les procédures devant conduire à l'affectation
d'enseignants et d'autres personnels dans les établissements ou classes
« langues régionales » sont dès à
présent engagées ; que, s'agissant du protocole du 28 mai,
des mesures ont déjà été prises en vue de son
application effective, en particulier, l'inscription dans le projet de loi de
finances pour 2002 des crédits nécessaires à la
rémunération, à compter du 1
er
septembre 2002,
des personnels exerçant dans les établissements associatifs Diwan
après leur intégration dans l'enseignement public ; que, sur
invitation du préfet du Finistère, la commission permanente du
conseil général de ce département a, par une
délibération du 3 septembre 2001, accepté la prise en
charge par la collectivité des dépenses liées à
l'intégration au service public du collège Diwan de
Relecq-Kerhuon ; ... que la scolarité d'un nombre non
négligeable d'élèves serait gravement perturbée par
la mise en oeuvre de
méthodes d'enseignement susceptibles
d'être ensuite abandonnée... [ce qui] révèle...
une situation d'urgence
».
g) Les conséquences de l'ordonnance du Conseil d'Etat
A titre
liminaire, il convient d'observer que le Conseil d'Etat ne devrait statuer au
fond qu'en 2002 sur la décision du ministre de signer le protocole du 28
mai 2001 et sur les textes relatifs à l'enseignement des langues
régionales par la méthode de l'immersion, mais que l'ordonnance
du 30 octobre 2001 suggère que ce dispositif encourt de
sérieux risques d'annulation.
Dans ces conditions, l'examen de l'article 65 du présent projet de
loi de finances prend un tour particulier.
En effet, en droit strict, cet article portant exclusivement intégration
des personnels des établissements Diwan dans le service public peut
évidemment être adopté par le Parlement malgré
l'ordonnance du Conseil d'Etat suspendant la signature du protocole du 28 mai
2001 et les textes relatifs à l'enseignement par immersion.
Inversement, l'adoption éventuelle de l'article 65 ne ferait nullement
écran à l'annulation pour excès de pouvoir par le Conseil
d'Etat de la signature du protocole du 28 mai 2001, en tant qu'il concerne
l'organisation pédagogique et administrative des établissements
Diwan, ainsi que
de l'arrêté du 31 juillet 2001
«
en tant qu'il concerne l'enseignement bilingue par la
méthode dite de l'immersion
» et de la circulaire
n°2001-168 du 5 septembre 2001.
Compte tenu de l'ordonnance du Conseil d'Etat
,
l'adoption de
l'article 65 du présent projet de loi de finances conduirait toutefois
à un imbroglio majeur.
En effet, les personnels enseignants et de direction des établissements
Diwan seraient intégrés dans l'enseignement public à
compter du 1
er
septembre 2002, mais les personnels
administratifs des écoles Diwan ne pourraient pas être
contractualisés en qualité d'agent territorial et les
collectivités locales ne pourraient pas délibérer pour
intégrer les établissements Diwan, qui demeureraient des
établissements d'enseignement privé sous contrat.
On pourrait ainsi trouver une
situation ubuesque
, où des
établissements d'enseignement privé disposeraient, selon des
modalités qui restent d'ailleurs à définir, de personnels
enseignants et de personnels de direction presque entièrement publics.
Par surcroît, il est douteux que ces personnels pourraient alors
continuer à pratiquer la méthode d'enseignement par immersion.
Le ministre de l'Education nationale a réitéré le 14
novembre 2001, en réponse à une question au gouvernement de notre
collègue député Georges Sarre, qu'il
«
explorait les voies de droit de nature à assurer
l'intégration des écoles Diwan à la rentrée
prochaine
».
Cependant, les obstacles à lever ne sont pas minces, puisque cette
intégration selon les modalités prévues par le protocole
du 28 mai 2001 nécessiterait sans doute une
révision de
l'article 2 de la Constitution
.
Dès lors, plutôt que de laisser se développer une situation
juridiquement inextricable, ne vaudrait-il pas mieux maintenir temporairement
le statut quo ante et, comme le suggérait récemment notre
collègue député européen Bernard Poignant
57(
*
)
, reconsidérer le dispositif
et reprendre les négociations avec l'association Diwan ?
Cette solution de bon sens s'inscrirait d'ailleurs parfaitement dans l'esprit
de la loi Debré du 31 décembre 1959 qui dispose fort logiquement
que l'intégration des établissements d'enseignement privé
sous contrat est un préalable à celle de leurs personnels.
h) La décision de l'Assemblée nationale
On peut
ainsi regretter que l'Assemblée nationale, sans doute prise de court par
l'ordonnance du Conseil d'Etat, n'en ait pas vraiment apprécié
les conséquences, au point d'adopter le 8 novembre 2001 en
première lecture le présent article 65 sans réel
débat de fond.
On peut aussi regretter que le ministre de l'Education nationale ait à
cette occasion délibérément entretenu la confusion en
mettant sur le même plan l'enseignement des langues par la méthode
de l'immersion et l'enseignement bilingue à parité
horaire
58(
*
)
, de
manière à suggérer que l'enseignement bilingue qui
rencontre un succès croissant, notamment en Alsace, était
menacé.
Votre rapporteur spécial rappelle en effet que, contrairement
à ce que voudrait faire croire le ministre de l'Education nationale, le
débat ne porte aucunement sur la nécessité de
préserver et d'enseigner les langues régionales ou sur
l'enseignement bilingue, mais seulement sur l'intégration, dans le
secteur public, de la méthode d'enseignement par immersion consistant
à ce que la langue régionale soit la langue principale
d'enseignement et la langue exclusive de communication au sein de
l'établissement.
Décision de votre commission : votre commission s'en remet pour cet
article à la sagesse du Sénat.