2. Le projet de mandat d'arrêt européen
La proposition présentée par la Commission européenne le 24 septembre 2001 repose sur l'idée que l'extradition n'est plus adaptée à un espace sans frontière tel que l'Union européenne, marqué par un niveau élevé de confiance et de coopération entre Etats qui partagent une conception exigeante de l'Etat de droit.
La proposition de décision-cadre tend donc à substituer au sein de l'Union européenne le mandat d'arrêt européen à la procédure d'extradition. Comme l'indique la Commission européenne dans l'exposé des motifs de la proposition de décision-cadre : « le mécanisme est fondé sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice. L'idée de base est la suivante : lorsque l'autorité judiciaire d'un Etat membre demande la remise d'une personne, soit en vertu d'une condamnation définitive, soit parce que cette personne fait l'objet de poursuites pénales, sa décision doit être reconnue et exécutée automatiquement sur tout le territoire de l'Union. Le refus d'exécution du mandat d'arrêt doit être restreint à un nombre limité d'hypothèses. »
Les caractéristiques essentielles du nouvel instrument, tel qu'il a été présenté par la Commission européenne, seraient les suivantes :
- le mandat d'arrêt européen permettrait de remettre une personne ayant fait l'objet dans l'un des Etats membres, soit d'une condamnation définitive à une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure ou égale à quatre mois, soit d'une décision pré-sentencielle (mise en examen par exemple...) permettant sa mise en détention, lorsque l'infraction pour laquelle il est poursuivi est passible d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an ;
- le principe de la double incrimination serait supprimé ; les Etats membres auraient néanmoins la possibilité d'établir une liste d'infractions pour lesquelles ils déclareraient refuser l'exécution sur leur territoire de mandats d'arrêt européens ;
- la procédure d'exécution du mandat d'arrêt serait essentiellement judiciaire, la phase administrative caractérisant la procédure d'extradition étant supprimée ;
- l'exception au profit des nationaux serait supprimée ;
- l'exécution du mandat d'arrêt européen pourrait être refusée dans certaines hypothèses telles que l' amnistie , l'existence d'une immunité ou l'existence d'une condamnation pour les mêmes faits dans l'Etat requis ; elle pourrait être différée pour des raisons humanitaires . En revanche, l'Etat requis ne pourrait plus invoquer la prescription de l'infraction selon ses règles de droit si l'infraction n'est pas prescrite selon les règles de droit de l'Etat requérant;
- l'exécution d'un mandat d'arrêt européen pourrait être suspendue à l'assurance donnée par l'Etat émetteur que la peine de détention à perpétuité ne sera pas effectivement exécutée dans l'hypothèse où elle serait prononcée. Cette règle est la même que celle que prévoit la convention européenne de 1957 à propos de la peine capitale. Cette convention a en effet été signée alors que la peine de mort demeurait en vigueur dans la législation de certains signataires.
En ce qui concerne la procédure, la proposition de décision-cadre prévoit la transmission directe du mandat d'arrêt d'autorité judiciaire à autorité judiciaire . A propos des mesures de contraintes auxquelles une personne arrêtée peut être soumise, le texte renvoie aux législations nationales tout en prévoyant explicitement le droit d'être assisté par un avocat et, le cas échéant, par un interprète.
Par mesure de sécurité, la validité du mandat d'arrêt européen devrait être vérifiée systématiquement et immédiatement auprès des autorités judiciaires émettrices ou de l'autorité centrale de l'Etat d'émission. L'autorité judiciaire émettrice pourrait décider de suspendre provisoirement l'exécution du mandat d'arrêt européen en contrepartie de l'engagement de la personne arrêtée de se présenter volontairement. Le mandat d'arrêt serait caduc si la personne se présentait effectivement.
La proposition de décision-cadre prévoit qu'entre le moment de son arrestation et le moment de sa remise aux autorités émettrices, la personne est placée sous la responsabilité de l'Etat membre d'exécution, les autorités judiciaires de celui-ci devant se prononcer sur le maintien en détention de la personne . Aucune intervention de l'autorité judiciaire de l'Etat requérant n'est prévue au moment de cette décision, ce qui paraît pour le moins singulier, d'autant plus que le texte est très imprécis puisqu'il prévoit notamment que l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution peut prononcer la remise en liberté « si elle a des raisons de penser que la personne arrêtée ne s'échappera pas ».
Pour l'examen du mandat d'arrêt européen, l'autorité judiciaire compétente devrait être saisie dans les meilleurs délais et en tout état de cause dans les dix jours suivant l'arrestation.
En cas de consentement à la remise par la personne, le mandat devrait être mis immédiatement à exécution .
En l'absence de consentement à la remise, la décision relative à la mise à exécution du mandat d'arrêt européen devrait être de la compétence d'une juridiction. Concernant l'étendue des prérogatives de cette juridiction, la proposition de la Commission européenne est au moins ambiguë sinon très contestable. Certes, l'exposé des motifs du texte prévoit que l'audience ne devrait pas porter sur le fond mais sur la régularité formelle du mandat ou l'identité de la personne, le contrôle du juge devant également porter sur les exceptions à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen. Le dispositif de la proposition de décision prévoit cependant, sans plus de précisions, qu'« un tribunal de l'Etat membre d'exécution décide s'il y a lieu d'exécuter le mandat d'arrêt européen (...) si la personne recherchée ne consent pas à sa remise », ce qui paraît pour le moins singulier et pourrait laisser supposer que la juridiction peut statuer en opportunité. Votre rapporteur aura l'occasion de revenir sur cette question.
L'Etat d'émission du mandat d'arrêt pourrait être représenté ou présenter des conclusions devant la juridiction appelée à statuer.
Le texte permet à chaque Etat d'organiser la procédure selon ses règles propres, et notamment de prévoir la possibilité d'appel de la décision.