TRAVAUX DE LA COMMISSION
A. AUDITION DE MME DANIÈLE KARNIEWICZ, PRÉSIDENTE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAVTS)
Réunie le mercredi 17 octobre 2001, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), accompagnée de MM. Patrick Hermange, directeur, et de Pierre Raynaud, agent comptable, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Mme Danièle Karniewicz a rappelé que le conseil d'administration de la CNAV avait émis un avis défavorable (19 voix contre, 2 pour, 9 prises d'acte) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Elle a précisé que ce désaccord portait sur trois points :
- la revalorisation des pensions, certaines délégations estimant qu'elle était « insuffisante », tandis que d'autres la jugeaient « imprudente » ;
- la mise à la charge de la sécurité sociale d'une partie du financement des allégements de charges décidés dans le cadre de la réduction du temps de travail ;
- la complexité des transferts opérés entre les différentes branches.
Mme Danièle Karniewicz a considéré qu'à cet égard, un plan de financement de la sécurité sociale ne pouvait reposer que sur des objectifs ou des orientations politiques clairement identifiés, et qu'en l'absence de tels objectifs ou de telles orientations, le système manquait de transparence.
En conclusion de son intervention liminaire, elle a insisté sur le fait que les hypothèses macro-économiques retenues pour 2002 étaient « très favorables » et qu'en conséquence, le solde annoncé (+ 1,1 milliard de francs) montrait que la branche vieillesse était « sur le fil ».
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a demandé si l'excédent pour 2000 de la CNAV, prévu à hauteur de 3,2 milliards de francs, serait reversé au fonds de réserve des retraites.
Mme Danièle Karniewicz a répondu que les comptes de la CNAV pour 2000, arrêtés par le conseil d'administration le 7 juillet 2001, faisaient effectivement apparaître un excédent de 3,2 milliards de francs. Elle a précisé que si l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, procédant à une annulation de créances sur l'exercice 2000, était adopté par le Parlement, il serait nécessaire de procéder à une modification des comptes pour l'année 2000. Compte tenu de la créance de 4,7 milliards de francs qui serait ainsi « annulée », la CNAV serait désormais en déficit de 1,5 milliard de francs. Il serait alors impossible d'effectuer un quelconque versement au fonds de réserve pour les retraites.
M. Dominique Leclerc est alors revenu sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, qui avait prévu le versement au fonds de réserve, à titre d'acompte, d'une fraction de l'excédent prévisionnel de la CNAV pour 2000, soit un montant de 2,9 milliards de francs. Il a demandé quelles étaient les autorités qui avaient pris la décision de ne pas effectuer ce versement au cours de l'année 2000.
Mme Danièle Karniewicz a indiqué que le conseil d'administration de la CNAV, dans sa séance du 4 décembre 2000, avait émis un avis négatif sur un projet d'arrêté dont elle était saisie pour avis, compte tenu des incertitudes pesant sur le solde. Cet arrêté n'a jamais vu le jour.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a demandé de quelle manière serait financé le déficit de l'exercice 2000.
Mme Danièle Karniewicz a répondu que, compte tenu des résultats excédentaires des exercices précédents, la CNAV disposait d'un excédent cumulé de 2 à 3 milliards de francs qui lui permettrait d'éponger ce déficit.
M. Nicolas About, président, a demandé si le conseil d'administration de la CNAV avait été consulté sur une disposition prévue à l'annexe f) du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, selon laquelle la caisse verserait 6,4 milliards de francs au fonds de réserve, au titre de son excédent pour 2001.
M. Patrick Hermange a répondu par la négative.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a rappelé que le Premier ministre, le 21 mars 2000, avait annoncé que le fonds de réserve disposerait à l'horizon 2020 de 1.000 milliards de francs, dont 100 milliards de francs provenant des excédents de la CNAV entre 2000 et 2007. Il a demandé si la CNAV avait été consultée sur la révision de ce montant, effectuée lors du Conseil d'orientation des retraites (COR) du 2 mai 2001 : 30 milliards de francs seraient désormais attendus. Il s'est interrogé sur la crédibilité de cette nouvelle estimation.
Mme Danièle Karniewicz a indiqué que la CNAV effectuait des simulations dans le cadre des estimations macro-économiques communiquées par le COR. Elle a précisé que la première estimation de la CNAV prévoyait un excédent cumulé en 2010 compris entre 134 et 171 milliards de francs. Elle a ajouté qu'à partir de ces éléments, le COR avait établi un « solde élargi », prenant en compte le solde des salariés agricoles et le mécanisme de la compensation démographique. Elle a indiqué que l'écart entre le solde de la CNAV et ce solde élargi se chiffrait en 2001 à 8 milliards de francs et qu'en extrapolant sur la période 2001-2010, et en prenant pour hypothèse que cet écart de 8 milliards de francs reste stable, l'excédent cumulé en 2010 était chiffré désormais entre 53 et 90 milliards de francs. Elle a précisé que la CNAV ne s'était pas prononcée sur l'estimation de 30 milliards de francs, dont la responsabilité incombait à la Direction de la sécurité sociale.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a souhaité alors connaître le coût cumulé en 2010, pour la CNAV, des mesures de revalorisation des pensions de retraite décidées par les précédentes lois de financement de la sécurité sociale.
Mme Danièle Karniewicz a rappelé l'impact annuel de ces différentes mesures de revalorisation :
- « coup de pouce » de 0,3 % décidé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 : 1 milliard de francs ;
- « coup de pouce » de 0,5 % décidé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 : 1,7 milliard de francs ;
- « coup de pouce » de 0,3 % inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 : 1,3 milliard de francs.
Elle a indiqué que le coût cumulé de ces « coups de pouce » serait communiqué ultérieurement à la commission.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a demandé si un mécanisme pérenne de revalorisation des pensions de retraite pouvait faire l'objet d'un consensus.
Mme Danièle Karniewicz a considéré qu'une indexation sur les salaires serait « dangereuse » pour les régimes de retraite et qu'une indexation sur les prix serait injuste pour les retraités. Elle a estimé que le consensus devrait se situer « entre les deux ».
M. Alain Gournac s'est interrogé sur le défaut de transparence caractérisant les régimes de retraite et sur les propositions faites par la CNAV pour y remédier.
Mme Danièle Karniewicz a considéré que le défaut de transparence du financement de la sécurité sociale ne concernait pas seulement la branche vieillesse, mais l'ensemble des régimes de protection sociale. Elle a estimé que l'opacité, reprochée par tous les partenaires sociaux, s'expliquait notamment en raison des modifications incessantes d'affectation de recettes.
M. Patrick Hermange a estimé qu'en raison des modifications de périmètre, le problème devait être appréhendé par toutes les branches de la sécurité sociale et que, par conséquent, la CNAV n'était pas en mesure de formuler des propositions concrètes d'amélioration. Il a considéré que l'intégralité du financement de la protection sociale devait être remis à plat.
M. Jean Chérioux , citant l'exemple de la majoration pour enfants, transférée de manière progressive à la branche famille, s'est interrogé sur l'impact financier de cette disposition.
M. Pierre Raynaud a rappelé que cette majoration pour enfants était financée, depuis 1993, par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Il a précisé que ce transfert s'élevait à environ 3 milliards de francs en 2001 et 6 milliards de francs en 2002. Il a ajouté que la charge annuelle, une fois les transferts achevés, était estimée entre 18 et 20 milliards de francs.
M. Guy Fischer, après avoir noté les propos de Mme Karniewicz sur l'équilibre fragile de la CNAV pour 2002, s'est interrogé sur le mécanisme actuel de revalorisation des pensions, qui ignore la perte du pouvoir d'achat des retraités constatée dans les années récentes.
Mme Danièle Karniewicz a rappelé qu'un mécanisme pérenne de revalorisation des pensions de retraite faisait aujourd'hui défaut et que les revalorisations décidées chaque année n'avaient aucun caractère obligatoire.
M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur l'impact de la baisse du chômage sur les comptes du FSV et sur le taux moyen de progression des recettes de la CNAV.
M. Patrick Hermange a indiqué que la CNAV n'avait pas procédé pour l'instant à des hypothèses différentes de celles du COR, qui reposent sur un taux de chômage de 4,5 % en 2010. Il lui a semblé utile de disposer de projections construites sur un taux de chômage de 6 % et de 9 %.
S'agissant de la progression des recettes de la CNAV, il a précisé que les hypothèses de croissance de la masse salariale retenues par le COR étaient de 3 % entre 2001 et 2005, de 2,6 % entre 2006 et 2010 et de 1,5 % après 2010.
A la demande de M. Nicolas About, président, M. Patrick Hermange a confirmé que la CNAV fournissait des données au COR, construites sur la base des analyses macro-économiques communiquées par le même COR.
Après s'être félicité que le département des Alpes-de-Haute-Provence compte désormais deux présidents de caisses nationales de retraite, M. Claude Domeizel a estimé que « le juste milieu » de la revalorisation se situait entre les prix et les salaires et que, par conséquent, le Gouvernement avait trouvé une position consensuelle. Il s'est interrogé sur les résultats comptables des précédents et des prochains exercices de la CNAV.
Mme Danièle Karniewicz a rappelé ces résultats comptables : en 1996, un excédent de 301 millions de francs ; en 1997, un déficit de 4,9 milliards de francs ; en 1998, un excédent de 2,8 milliards de francs ; en 1999, un excédent de 5 milliards de francs, versé au fonds de réserve ; en 2000, un excédent de 3,2 milliards de francs, avant réouverture du compte pour annulation de la créance de 4,7 milliards de francs ; en 2001, un excédent estimé à 4,7 milliards de francs ; et en 2002, un excédent prévu après mesures du projet de loi de financement de 1,1 milliard de francs.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux, après avoir rappelé que la loi du 22 juillet 1993 avait instauré pour cinq ans un mécanisme de revalorisation des pensions de retraite sur les prix, a regretté qu'aucun mécanisme pérenne n'ait été proposé par l'actuel Gouvernement. Il a demandé si la CNAV avait formulé des propositions dans ce sens.
Mme Danièle Karniewicz a répondu par la négative, mais a reconnu qu'il lui semblait utile que le conseil d'administration se penche sur cette question.