Section 2
-
Des règles budgétaires et de financement

Art. 36
Pouvoirs budgétaires de l'autorité compétente
en matière de tarification

Objet : Cet article précise les règles concernant la tutelle budgétaire sur les établissements et services sociaux et médico-sociaux.

I - Le dispositif proposé

Le I de cet article définit la liste des actes à conséquences financières qui sont soumis à l'accord a priori de l'autorité compétente pour la tarification (ou des autorités compétentes s'il s'agit d'une compétence conjointe).

Sont ainsi mentionnés les emprunts (de plus d'un an), les programmes d'investissements et les prévisions de charges et de produits d'exploitation ainsi que les affectations de résultat qui en découlent.

Cette liste opère des allégements par rapport à celle prévue actuellement par l'article 26-1 de la loi du 30 juin 1975 : ainsi ne doivent plus être transmises pour approbation préalable, les décisions relatives aux opérations commerciales sur les immeubles, à la variation du tableau des effectifs du personnel et à l'acceptation des dons et legs.

Par ailleurs, le nouveau dispositif ne vise que les emprunts d'une durée supérieure à un an, et non pas tous les emprunts comme c'est le cas actuellement. En revanche, il est plus précis concernant les prévisions de dépenses et de recettes en imposant une décision sur « l'affectation des résultats ».

S'agissant des règles d'approbation, la loi du 30 juin 1975 a prévu que l'ensemble des décisions transmises étaient réputées approuvées en l'absence d'opposition expresse de l'autorité compétente (art. 26-1 et 26-2 de la loi du 30 juin 1975) .

Le dispositif du projet de loi initial ne conserve ce principe d'approbation tacite que pour les emprunts et les programmes d'investissement : en revanche, les décisions relatives aux prévisions de charges et de produits doivent faire l'objet d'une approbation expresse dans un délai fixé par décret.

Enfin, le texte est plus rigoureux en cas de non-transmission ou de non-approbation : il est précisé que les dépenses de l'institution sociale et médico-sociale ne sont pas opposables à l'autorité compétente. La loi du 30 juin 1975 est moins précise puisque ne sont pas considérés comme opposables les dépassements de dépenses par rapport à l'approbation qui ne sont pas « justifiés par des dispositions législatives ou réglementaires » .

Le II porte sur l'information de l'autorité de tutelle sur les finances des établissements et services ou des associations gestionnaires.

Il reprend une disposition déjà prévue dans la loi du 30 juin 1975 (10 ème alinéa de l'article 26-1) prévoyant que les recettes et dépenses des établissements et services qui proviennent de financements autres que ceux pris en charge par l'autorité de tutelle « sont retracés dans un compte distinct » .

En revanche, le présent article fait peser des obligations totalement nouvelles d'information sur les associations gestionnaires dont on doit rappeler qu'elles peuvent avoir la responsabilité de plusieurs établissements ou services sociaux et médico-sociaux : ces associations doivent, à la demande de l'autorité de tutelle, adresser « tout élément d'information comptable ou financier » sur l'activité de l'établissement ou du service. Elles doivent faire parvenir également « tous états et comptes annuels consolidés » sur leur activité, même si celle-ci recouvre plusieurs catégories d'institutions sociales et médico-sociales et différentes sortes de prestations d'aide sociale.

Le III porte sur le pouvoir de l'autorité compétente de modifier certaines prévisions de recettes ou de dépenses (pouvoir de réformation).

L'article 26-2 de la loi du 30 juin 1975 prévoit que l'autorité compétente peut augmenter les prévisions de recettes ou de dépenses injustifiées ou excessives.

Cet article précise que l'autorité compétente ne pourra « modifier » que :

- les prévisions de charges ou de produits insuffisantes ou incompatibles avec les dotations globales de financement (il n'était pas fait auparavant directement référence aux enveloppes de financement limitatives) ;

- les prévisions de charges hors de proportion avec le service rendu ou avec les coûts des institutions sociales et médico-sociales comparables.

Dans tous les cas, la modification du budget doit être motivée.

Enfin, le IV impose -ce qui constitue une innovation par rapport à la loi de 1975- un délai impératif aux autorités de la tarification pour prendre les décisions financières essentielles que sont :

- l'approbation du montant global des dépenses autorisées ;

- la tarif des établissements et services.

Le délai est de 90 jours à compter de la notification des dotations limitatives annuelles de financement. Il est précisé que la procédure est contradictoire.

II - Les modifications adoptés par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement procédant à une réécriture globale de l'article dans un souci de clarification. Outre une présentation différente de l'ordre des paragraphes, plus logique, les modifications suivantes sont apportées. Il est ainsi prévu :

- un délai de 60 jours, au lieu de 90 jours, à compter de la notification des enveloppes de financement pour la notification de l'enveloppe globale des dépenses et des tarifs ;

- que les décisions modificatives des prévisions de charges et de produits entrent dans le champ de la procédure d'approbation tacite (les prévisions annuelles demeurent implicitement soumises au régime d'approbation expresse) ;

- que pour les décisions modificatives motivées par un coût sans proportion avec celui des établissements et services fournissant des prestations comparables, la comparaison doit être effectuée en tenant compte de la « qualité » de la prise en charge ou de l'accompagnement.

Enfin, les établissements relevant de la loi n° 90-600 du 6 juillet 1990 c'est-à-dire les établissements pour personnes âgées qui ne sont ni habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, ni conventionnés au titre de l'aide personnalisée au logement, sont exonérés des obligations prévues en matière d'information des autorités de tutelle.

III - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter sept amendements de codification à cet article. Par ailleurs, elle vous propose d'adopter :

- un amendement précisant que l'approbation préalable des actes budgétaires n'est pas applicable aux établissements accueillant des personnes âgées non habilitées à l'aide sociale, ni conventionnés au titre de l'aide personnalisée au logement et qui contractent donc librement avec leurs résidents le prix des prestations afférentes à l'hébergement ;

- un amendement indiquant que le montant global des dépenses autorisées ainsi que les tarifs doivent être non seulement arrêtés, mais également notifiés, à l'établissement ou au service concerné ;

- un amendement tendant à éviter un transfert de charges indu sur les établissements gestionnaires en raison de l'obligation de transmettre de nouveaux documents comptables ;

- un amendement ayant pour objet de lever divers litiges apparus entre l'administration et les associations gestionnaires sur le niveau de prise en compte des frais de siège social.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 37
Modalités de tarification des établissements
sociaux et médico-sociaux

Objet : Cet article, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, renvoie au pouvoir réglementaire les modalités de fixation des tarifs des dépenses des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

I - Le dispositif proposé

Cet article fixe certains principes généraux à l'autorité réglementaire, à savoir :

- choix d'une tarification sous forme de prix de journée, par prestations, par forfaits journaliers et globalisation par forfaits annuels ou dotations globales ;

- modulation selon les personnes dans les établissements pour personnes âgées dépendantes ;

- régime spécifique de dispense et acquittement des frais pour les personnes accueillies temporairement.

Il convient de rappeler que l'article 6 du projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie prévoit (art. 6), à l'article L. 315-6 code de l'action sociale et des familles, que le montant des éléments de tarification afférents à la perte d'autonomie et aux soins « sont modulés selon l'état de la personne accueillie au moyen de la grille nationale d'évaluation » .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur et un important amendement, déposé par le Gouvernement, à la suite des interventions de M. Jean-François Chossy et de Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Il vise à reconnaître plus explicitement la possibilité d'intégrer une institution sociale et médico-sociale à titre temporaire.

Cet amendement vise à répondre à une revendication ancienne des familles de personnes handicapées prises en charge à domicile et qui souhaitent pouvoir accéder à des placements en institution de courte durée, notamment pendant les périodes de congés annuels, pour alléger les contraintes qui pèsent sur elles, sans pour autant acquitter des prix de journées comparativement très lourds.

Cet amendement insère le dernier alinéa de cet article qui dispose que « l'accueil temporaire est défini par voie réglementaire » .

III - Les propositions de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter trois amendements de codification et un amendement rédactionnel à cet article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article additionnel après l'article 37
Insertion de divers articles du code de l'action sociale et des familles

Votre commission vous propose d'insérer, par voie d'amendement, cet article additionnel qui a pour objet de reprendre sans modification l'article L. 315-12 du code de l'action sociale et des familles relatif à l'absence temporaire d'une personne prise en charge, l'article L. 314-13 relatif aux dépenses de soins paramédicaux, l'article L. 314-14 relatif aux professionnels exerçant à titre libéral et l'article L. 315-14-1, issu de la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations qui sera prochainement promulguée et qui porte sur les cas de discrimination en cas de dénonciation de mauvais traitements sur les personnes prises en charge.

Art. 37 bis (nouveau)
Juridictions de la tarification sanitaire et sociale

Objet : Cet article nouveau, introduit par l'Assemblée nationale, modifie la dénomination des commissions interrégionales de la tarification sanitaire et sociale et de l'instance d'appel et attribue à ces dernières un pouvoir d'injonction et de saisine du Conseil d'Etat.

Les commissions interrégionales précitées peuvent être saisies par toute personne physique ou morale sur les décisions de tarification des autorités compétentes. Elles rendent un avis dans un délai d'un mois.

Elles sont régies par le décret n° 90-359 du 11 avril 1990.

Le I de cet article modifie l'intitulé des instances précitées qui deviendraient des « tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale » dont les décisions seraient portées en appel devant la « Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale ».

Le II de cet article vise à conférer aux juridictions de la tarification un pouvoir d'injonction notamment dans l'hypothèse où l'autorité compétente n'a pas fixé les tarifs dans les délais légaux.

Cet article rend notamment applicable aux juridictions de la tarification l'article L.113-1 du code de justice administrative qui permet aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel de saisir le conseil d'Etat d'une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges et ceci avant de se prononcer sur la requête dont ils sont saisis. Cette saisine du conseil d'Etat s'opère par un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours. Le conseil d'Etat examine la question soulevée dans un délai de trois mois et rend un avis.

Cet article rend également applicable aux juridictions de la tarification les articles L. 911-1 à L. 911-8 du code précité qui ont conféré aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel de nouveaux pouvoirs en vue d'assurer l'exécution de leurs décisions.

Code de justice administrative
(Partie Législative)

Article L. 113-1

Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai.

Article L. 911-1

Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution.

Article L. 911-2

Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé.

Article L. 911-3

Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet.

Article L. 911-4

En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution.

Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel.

Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte.

Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat.

Article L. 911-5

En cas d'inexécution d'une décision rendue par une juridiction administrative, le Conseil d'Etat peut, même d'office, prononcer une astreinte contre les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public pour assurer l'exécution de cette décision.

Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables dans les cas prévus aux articles L. 911-3 et L. 911-4 et lorsque le Conseil d'Etat statuant au contentieux a déjà fait application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2.

Les pouvoirs attribués au Conseil d'Etat par le présent article peuvent être exercés par le président de la section du contentieux.

Article L. 911-6

L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts.

Article L. 911-7

En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée.

Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation.

Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée.

Article L. 911-8

La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant.

Cette part est affectée au budget de l'Etat.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Votre rapporteur émet les plus extrêmes réserves sur le choix de modifier l'intitulé des commissions contentieuses afin d'y introduire le terme « tribunal » en l'absence d'engagement précis sur le programme de professionnalisation des commissions.

En effet, comme l'a montré l'exemple récent de la réforme du contentieux technique de l'incapacité et de la tarification, considérer une instance comme un « tribunal » conduit inéluctablement à faire appliquer l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme qui consacre la notion de « tribunal indépendant  et impartial ». Or, comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 22 décembre 2000 (Société Desroche/CPAM du Val de Marne), la présence de fonctionnaires en activité ou honoraires dans un « tribunal » est de nature à porter atteinte à « l'indépendance » de celui-ci et à faire naître un doute sur l'impartialité de ses décisions.

Or, les commissions interrégionales de la tarification se caractérisent par la présence de « représentants de l'Etat » (art. L. 351-2 du code de l'action sociale et des familles) et la commission nationale comprend même, dans ses rangs, le directeur de la sécurité sociale, le directeur général de l'action sociale, le directeur du budget, etc... ! (art. L. 351-5 du code de l'action sociale et des familles).

Interrogé par votre rapporteur pour savoir s'il était envisagé de retirer les représentants de l'Etat des futurs tribunaux de la tarification, le Gouvernement a répondu :

« Les tribunaux de la tarification regroupent autour d'un magistrat professionnel des représentants de tarificateurs et des financeurs (Etat, conseils généraux, assurance maladie, trésor public) et des représentants des organismes gestionnaires (UNIOPSS, FEHAP, FHF, etc...). Il n'est pas envisagé de professionnaliser ces tribunaux ».

Dès lors que le Gouvernement n'envisage pas de nommer des magistrats indépendants dans les commissions de tarification sanitaire et social, il apparaît donc dangereux de conférer à ces dernières l'appellation de « tribunal », sauf à rechercher volontairement à mettre l'Etat en difficulté lors de futures instances contentieuses .

Par ailleurs, votre rapporteur s'interroge sur l'utilisation du pouvoir d'injonction par les tribunaux de premier ressort dont les décisions peuvent être portées en appel devant la Cour nationale.

Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter deux amendements à cet article :

- un amendement supprimant le changement de dénomination des commission interrégionales de la tarification ;

- un amendement limitant à la commission nationale l'usage du pouvoir d'injonction et de saisine pour avis du Conseil d'Etat.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page