EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(art. L. 122-35, L. 122-45, L. 611-1 et L. 611-6 du code du
travail,
art. 225-1 et 225-2 du code pénal)
Mesures
discriminatoires
et aménagement du régime de la charge de la
preuve
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte des deux premières lectures concernant cet article.
La divergence entre les deux assemblées est circonscrite à la nature du régime de la charge de la preuve, mais cette différence est fondamentale. L'Assemblée nationale continue à considérer que le salarié présumé victime d'une discrimination doit présenter « des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination », l'employeur se devant de prouver que « sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination » .
Votre commission considère que cette rédaction, qui s'éloigne trop de la lettre des directives européennes 3 ( * ) , constitue un élément d'incertitude difficilement acceptable pour les entreprises. Elle vous propose donc de rétablir son propre texte qui reprend la rédaction européenne qu'applique sans difficulté la quasi-totalité de nos voisins européens 4 ( * ) . Cette rédaction prévoit que le salarié « établit des faits qui permettent de présumer » l'existence d'une discrimination et qu'en retour, l'employeur doit prouver que sa décision « n'est pas contraire » aux principes de non-discrimination.
Cette rédaction est plus sûre. Elle permettrait d'améliorer sensiblement l'état du droit en rendant plus aisée l'ouverture des procédures tout en veillant à ce que celles-ci soient suffisamment argumentées.
Il s'agit d'une position d'équilibre, voire de bon sens, dont l'Assemblée nationale gagnerait à s'inspirer en dernière lecture afin de rendre ce texte parfaitement applicable.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
2
(art. L. 122-45-1 et L. 122-45-2 nouveaux et L. 422-1-1 du code du
travail)
Action en justice des organisations syndicales
et des
associations de lutte contre les discriminations
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte concernant l'action en justice des syndicats en lieu et place des salariés.
Elle a précisé en particulier que celui-ci pouvait agir « sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, pourvu que celui-ci ait été averti par écrit et ne s'y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention ». Le refus de mentionner l'accord écrit préalable du salarié et sa capacité de mettre un terme à l'action syndicale, tels que mentionnés dans le texte adopté par le Sénat, a été justifié notamment par le souci d'éviter que des pressions ne s'exercent sur le salarié pour empêcher ou éteindre toute action judiciaire.
Pourtant, l'Assemblée nationale a accepté en nouvelle lecture ces mêmes précisions du Sénat concernant la capacité d'action des associations. Il y a ainsi une véritable contradiction dans la position de l'Assemblée nationale qui accepterait que des « pressions » puissent s'exercer sur le salarié lorsqu'il est défendu par une association mais pas par un syndicat.
En réalité, l'évolution de l'Assemblée nationale doit être saluée même si elle demeure incomplète. L'objection des pressions exercées sur le salarié qui envisagerait de poursuivre son employeur, le cas échéant par le biais d'un tiers, est sérieuse mais elle ne saurait justifier une atteinte à la liberté individuelle de tout salarié de maîtriser les poursuites exercées en son nom.
C'est pourquoi votre commission souhaite que l'Assemblée nationale fasse à nouveau évoluer sa position en dernière lecture, conformément à l'esprit de l'excellent débat qui s'est tenu lors de la commission mixte paritaire qui avait vu s'esquisser un accord pour permettre à un salarié de mettre un terme à tout moment à l'action mise en oeuvre par un syndicat.
En attendant, votre commission vous propose de rétablir son texte de première et deuxième lectures concernant les dispositions qui font encore l'objet d'un désaccord à l'exception d'une modification d'ordre rédactionnel non reprise par l'Assemblée nationale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
4
(art. L. 123-1 et L. 123-6 du code du travail)
Aménagement du
régime de la charge de la preuve
et égalité
professionnelle
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte relatif à l'aménagement de la charge de la preuve en matière d'égalité professionnelle en cohérence avec les modifications apportées à l'article premier.
Elle a également, par coordination avec ce qu'elle a fait à l'article 2, supprimé la nécessité d'un accord écrit pour permettre à un syndicat de mener une action en justice ainsi que le maintien de la possibilité reconnue au salarié de mettre à tout moment un terme à l'action du syndicat pour revenir à son texte de première et deuxième lectures.
Votre commission vous proposera, pour ainsi dire par coordination, et pour les mêmes raisons que celles exposées à l'article premier et à l'article 2 de rétablir son texte de première et deuxième lectures.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
Art. 7
(pour coordination)
(art. L. 315-14-1 et L. 443-11 nouveaux
du code
de l'action sociale et des familles)
Nullité d'un licenciement d'un
salarié
ayant témoigné de mauvais traitements
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue sur l'article 7, pourtant adopté conforme par le Sénat en première lecture, afin d'introduire des précisions d'ordre matériel.
Il s'agit de modifier la référence des deux articles additionnels précédemment introduits dans la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales en mentionnant directement ces articles dans le code de l'action sociale et des familles.
Cette modification, pour inhabituelle qu'elle soit, est cohérente avec la réforme en cours de cette loi. Néanmoins, elle ne tient pas compte des modifications qui pourraient intervenir du fait de l'adoption du projet de loi de modernisation sociale.
Par ailleurs, si le choix du numéro des nouveaux articles semble correspondre à leur objet, il est à noter que des modifications des intitulés des chapitres pouvaient apparaître nécessaires pour les mettre en cohérence avec ces nouvelles dispositions. Ainsi, le nouvel article L. 315-14-1, qui traite de dispositions applicables aux personnels, est placé dans un chapitre relatif aux dispositions financières. Tout ceci signifie qu'il sera sans doute nécessaire d'apporter quelques précisions supplémentaires dans le cadre de l'examen de la réforme de la loi du 30 juin 1975.
Dans cette attente, votre commission vous propose d'adopter ces modifications telles quelles.
* 3 Voir notamment la directive 2000/43/CEE du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.
* 4 Voir à cet égard l'étude réalisée par le service des Affaires européennes du Sénat sur la législation comparée des pays européens en matière de lutte contre les discriminations sur les lieux de travail in rapport n° 155 (2000-2001) de la commission des Affaires sociales.