ARTICLE 38
Les documents
joints au projet de loi de finances de l'année
Commentaire : le présent article a pour objet de décrire les documents joints au projet de loi de finances de l'année et de déterminer leur nature juridique.
Le présent article énumère les « exigences minimales d'information » devant être fournies avec le projet de loi de finances initiale que le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, Didier Migaud, a souhaité établir. Il complète et enrichit les informations prévues à l'article 32 de l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959.
Votre rapporteur a souhaité regrouper dans un titre spécifique les dispositions de la présente proposition de loi organique relatives à l'information et au contrôle. Ce choix, qui vise d'une part, à assurer une plus grande cohérence d'ensemble au texte, et d'autre part, à affirmer de manière forte les exigences en matière d'information et de contrôle, conduit à déplacer certains articles du texte adopté par l'Assemblée nationale. C'est la seule raison qui le conduit à vous proposer la suppression du présent article.
Votre rapporteur n'exprime pas de désaccord avec les demandes d'information présentées, mais, bien au contraire, souhaite étendre quelque peu certaines des exigences formulées par le présent article.
I. LE RAPPORT SUR LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES, SOCIALES ET FINANCIÈRES DE LA NATION
Le 1° du présent article prévoit que le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'un rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation, qui modifie l'appellation mais conserve l'objet et le contenu du Rapport économique et financier prévu par le deuxième alinéa de l'article 32 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959. Votre rapporteur souhaite enrichir les informations qu'il contient. Par conséquent, il vous propose d'inscrire les dispositions le concernant dans un article spécifique, afin d'en affirmer l'importance et le caractère général relativement aux autres annexes mentionnées par le présent article. Dans un article additionnel qu'il vous propose d'insérer après l'article 48, votre rapporteur souhaite ainsi préciser que ce rapport comprend :
la présentation des hypothèses, des méthodes et des résultats des projections sur la base desquelles est établi le projet de loi de finances de l'année ;
une présentation actualisée de certaines informations délivrées à l'occasion du rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, soit, en particulier :
- la description des grandes orientations économiques de la France (...) et les perspectives d'évolution à moyen terme des comptes de l'ensemble des administrations publiques exprimés dans les termes de la comptabilité nationale ;
- l'évaluation à moyen terme, exercice par exercice, des différentes catégories de ressources de l'Etat ainsi que de ses charges, présentées par mission.
enfin, seraient joints à cette annexe les rapports sur les comptes de la Nation qui comportent une présentation des comptes des années précédentes et des comptes prévisionnels pour l'année en cours et l'année suivante (les budgets économiques).
L'enrichissement du contenu du rapport sur la situation et les perspectives économiques sociales et financières de la Nation vise à en faire, encore davantage que ce n'est le cas aujourd'hui, le support de la discussion générale du projet de loi de finances initiale dans les deux assemblées.
II. LES PRÉSENTATIONS DU BUDGET DE L'ÉTAT PERMETTANT DE MIEUX CONTRÔLER L'ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE
Le 2° du présent article prévoit que le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'une présentation de l'équilibre du projet de loi de finances selon la structure budgétaire de l'année en cours. Cette disposition doit permettre d'établir des comparaisons sur plusieurs années des crédits ouverts au sein des différents programmes, à structure constante. Sous réserve d'une modification de la rédaction de cet alinéa, votre rapporteur considère qu'une telle présentation est indispensable pour permettre aux parlementaires d'évaluer correctement les modifications de la répartition des moyens entre les différents programmes.
Le 3° du présent article prévoit qu'une ventilation des dépenses et des recettes de l'Etat en une section d'investissement et une section de fonctionnement soit présentée à titre d'information. Votre rapporteur s'accorde pleinement avec l'idée qu'il est indispensable de bénéficier d'une telle information mais qu'il est également peu opportun d'appliquer à l'Etat la contrainte d'équilibre de la section de fonctionnement et de la section d'investissement que les collectivités territoriales sont tenues de respecter.
On rappellera, ainsi que le mentionne le rapport de l'Assemblée nationale, que notre collègue Jean Arthuis alors ministre de l'économie et des finances, avait présenté le budget de l'Etat dans les formes requises par le présent alinéa, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire organisé à son initiative en mai 1996.
Les raisons qui conduisent à écarter l'application d'une contrainte d'équilibre entre la section de fonctionnement et la section d'investissement au budget de l'Etat sont nombreuses. D'une part, il convient de rappeler que la distinction entre les opérations de fonctionnement et les opérations d'investissement n'est pas toujours évidente. Cette difficulté technique implique d'ailleurs que la présentation prévue au 3° du présent article soit accompagnée d'une définition précise de cette distinction et d'une mention des modifications qui y seraient éventuellement apportées d'une année sur l'autre. La permanence des règles et des méthodes constitue en effet une condition indispensable pour permettre des comparaisons sur plusieurs années.
Il faut surtout rappeler l'existence de contraintes européennes importantes pesant sur les finances publiques françaises et visant à assurer la soutenabilité de la politique budgétaire et de la dette publique. Il paraît excessif de renforcer ces contraintes en édictant dans la loi organique des règles qui relèvent exclusivement du champ de la décision politique. Votre rapporteur considère que la liberté consentie au gouvernement par le peuple souverain, par l'intermédiaire de ses représentants, se justifie pleinement dès lors qu'elle est assortie d'une obligation de rendre des comptes et d'assurer la transparence de ses décisions. Votre rapporteur estime que le dispositif prévu au 3° du présent article s'inscrit parfaitement dans cette logique.
III. LES IMPOSITIONS DE TOUTE NATURE AFFECTÉES A DES TIERS
Le 4° du présent article prévoit qu'une annexe explicative relative aux recettes de l'Etat et aux impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat est jointe aux projets de loi de finances. Cette annexe consacre l'existence de l'annexe explicative relative à l' « évaluation des voies et moyens ».
Le rapport de l'Assemblée nationale 98 ( * ) indique que le rapporteur du texte, notre collègue député Didier Migaud, avait envisagé que la première partie de la loi de finances de l'année « récapitule le produit des impositions de toute nature affectées aux organismes de sécurité sociale » pour mettre en évidence les relations financière entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale. Il indique avoir renoncé à cette idée compte tenu de l'avis du Conseil d'Etat qui souligne que l'article 34 de la Constitution « n'habilite pas la loi organique relative aux lois de finances à imposer que les dispositions législatives relatives à l'affectation des impositions de toutes natures soient contenues dans les lois de finances, mais rien ne l'empêche de prévoir que, pour l'information du Parlement, la récapitulation des impositions de toutes natures est annexée au projet de loi de finances. ».
Votre rapporteur, moyennant quelques nuances, ne peut que se rallier à cette appréciation de la situation, après avoir, lui aussi, envisagé de faire figurer dans la loi de finances, l'ensemble des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'Etat et les collectivités territoriales. Le dispositif retenu par l'Assemblée nationale présente l'avantage de respecter le champ de l'habilitation donnée aux lois de finances par l'article 34 de la Constitution, ainsi que le champ de la loi de financement de la sécurité sociale. En outre, dès lors que la loi de finances autorise la perception des impositions de toute nature, et que celles-ci sont détaillées et autorisées dans une annexe explicative, rien n'empêchera les parlementaires d'amender l'article unique autorisant la perception de toutes les impositions de toute nature afin d'en extraire telle ou telle imposition qui ne leur semblerait pas justifiée.
Votre rapporteur vous proposera donc de conserver le dispositif retenu par l'Assemblée nationale, sous réserve de quelques ajustements et de modifications de nature rédactionnelle tendant notamment à préciser la rédaction de cet alinéa en mentionnant que l'annexe explicative visée ici comporte la liste et l'évaluation des impositions de toute nature par bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires.
IV. LES ANNEXES PAR PROGRAMME
Le 5° du présent article prévoit que des annexes explicatives développent, pour chaque programme, le montant des crédits présentés par titre et fixant, par ministère, le plafond des autorisations d'emplois. Il s'agit de la consécration, dans la loi organique, des actuelles annexes explicatives « bleues », qui déclinent les unités de vote en unités de spécialité (les chapitres), et regroupent ainsi les informations sur la base desquelles les parlementaires sont en mesure d'autoriser la dépense. La rédaction retenue par l'Assemblée nationale vise à demander pour chaque programme, la présentation des crédits selon une nomenclature plus détaillée que celle des titres prévue à l'article 4 de la présente proposition de loi organique. Il s'agit en quelque sorte de connaître, pour chaque programme, le « budget prévisionnel » de son gestionnaire. Cette information est importante à plusieurs titres : d'une part, le passage d'une logique de moyens à une logique d'objectifs ne doit pas occulter tout débat et toute appréciation sur les moyens utilisés pour atteindre les objectifs ; d'autre part, les gestionnaires des programmes effectueront pour leur propre compte, et dans le cadre des négociations internes à l'exécutif pour la préparation du projet de loi de finances, des prévisions de dépense précises. Dès lors que ces documents existeront, il apparaît souhaitable de formaliser leur existence et de prévoir leur communication au Parlement.
Le développement des crédits des programmes, qui relève d'une logique de moyens, sera accompagné de projets annuels de performances, qui constituent une innovation importante de la présente proposition de loi organique, dans le cadre de la mise en oeuvre d'une budgétisation par objectifs. En contrepartie de la globalisation des crédits et de la liberté de gestion accordée au gestionnaire, celui-ci devra s'engager sur des objectifs et des résultats et rendre compte, à l'issue de l'exercice, de sa performance au regard des objectifs et des indicateurs qui sont associés à chaque programme. De ce point de vue, les projets annuels de performances ne peuvent être appréciés que conjointement avec les rapports annuels de performances qui en constituent le pendant à l'occasion de la loi de règlement.
Le rapporteur de la présente proposition de loi organique à l'Assemblée nationale, notre collègue député Didier Migaud, précise que le contenu des projets annuels de performance ne préjugent nullement d'aménagements ultérieurs qui pourraient être précisés par les lois de finances. Votre rapporteur s'accorde avec l'idée selon laquelle les projets annuels de performance sont, à partir des dispositions contenues dans le présent article, susceptibles d'évoluer, à l'initiative du gouvernement ou du Parlement. Les actuelles annexes explicatives « bleues » ont ainsi été réformées à plusieurs reprises, notamment pour introduire puis enrichir le concept d'agrégat au cours des dernières années. Il est donc souhaitable de ne pas fermer la porte à un éventuel enrichissement des projets annuels de performances à l'avenir.
Le contenu « a minima » des projets annuels de performances est énuméré dans le 5° du présent article. Ainsi, pour chaque programme, ces projets doivent comprendre :
a) les objectifs, les résultats, les indicateurs et les coûts associés. Il s'agit ici des éléments constitutifs de la définition du programme à l'article 7, dont le texte adopté par l'Assemblée nationale indique qu'il comprend « les crédits concourant à la réalisation d'un ensemble cohérent d'objectifs définis en fonction de finalités d'intérêt général et de résultats attendus. ». Votre rapporteur souhaite préciser les modalités de calcul des coûts associés aux programmes en mentionnant dans un nouvel alinéa que ces coûts sont mesurés par les dépenses budgétaires et fiscales constatées et les charges établies selon les règles de la comptabilité générale de l'Etat. Il s'agit de s'assurer que les projets annuels de performance -tout comme les rapports annuels de performance qui sont annexés aux projets de loi de règlement- présentent les coût complets des actions prévues dans le cadre des différents programmes.
b) la justification de l'évolution des crédits demandés par rapport au montant des dépenses effectives observées au cours de l'année n-1 et des crédits ouverts au cours de l'année n , éventuellement majorés des crédits reportés, ainsi que leur perspective d'évolution.
Votre rapporteur souhaite conserver ce dispositif, qui contraint le gouvernement à justifier le montant des crédits qu'il propose pour chaque programme. En effet, la distinction entre les mesures nouvelles et les services votés disparaîtra dans la présentation des lois de finances régies par la nouvelle loi organique. Il reviendra donc au gouvernement de justifier chaque année le montant des crédits demandés au Parlement « au premier franc » , en développant les justifications des modifications apportées par rapport aux années précédentes.
c) la répartition prévue des emplois rémunérés par l'Etat, titulaires ou contractuels, par catégorie et par métier.
Votre rapporteur considère, comme le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, qu'il est indispensable d'abandonner le cloisonnement actuel de l'autorisation annuelle en matière d'emplois. Cet abandon permettra également de traiter de l'ensemble des emplois rémunérés par l'Etat, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels, dans le cadre de l'information fournie au Parlement. En revanche, votre rapporteur n'a pas souhaité conserver la mention des corps dans le présent alinéa. Il considère en effet que, d'une part, la mention du corps d'origine du fonctionnaire n'a qu'un faible contenu informatif pour le Parlement, dès lors que les corps ne correspondent que partiellement à un niveau de qualification ou à une réalité physique ; d'autre part, votre rapporteur estime qu'il ne revient pas à la loi organique de figer la gestion des ressources humaines au sein de l'administration. Sans se prononcer sur l'utilité du maintien des corps tels qu'ils existent actuellement, votre rapporteur estime qu'il convient de limiter les entraves mises par la loi organique à d'éventuelles réformes de la gestion des personnels dans la fonction publique. La mention du métier, terme générique qui doit être entendu largement, doit permettre de bénéficier d'une information plus consistante et plus évolutive que la référence à la notion de corps, à la fois trop précise et pauvre en informations.
d) une estimation des crédits susceptibles d'être ouverts par voie de fonds de concours pour l'année en cours et l'année considérée.
Votre rapporteur est conscient du caractère relativement aléatoire des crédits ouverts par voie de fonds de concours. Mais, dès lors que les crédits des fonds de concours ne peuvent être engagés qu'après leur versement effectif, on distingue mal les raisons qui pourraient conduire à dispenser le gouvernement d'en évaluer le produit et l'affectation dans les projets de loi de finances.
Dans son rapport intitulé « Doter la France de sa nouvelle constitution financière » 99 ( * ) , il indiquait que « dans les faits, la quasi-totalité des fonds de concours est prévisible, une part essentielle d'entre eux venant d'ailleurs des versements en provenance du budget européen.
Il faut en tirer les conséquences et affirmer que, non seulement les fonds de concours constituent l'une des catégories de ressources de l'Etat dont la perception est autorisée par les lois de finances, mais encore que leur produit doit être évalué dans les lois de finances, ainsi que les crédits qui en sont la contrepartie. ».
Votre rapporteur a donc souhaité que les fonds de concours soient évalués par la loi de finances initiale et vous a proposé d'insérer à l'article 18 de la présente proposition de loi organique, que « les recettes des fonds de concours sont prévues et évaluées par la loi de finances de l'année, qui ouvre les crédits correspondants. ». Par conséquent, il vous propose de supprimer la mention des fonds de concours dans les annexes devant être jointes au projet de loi de finances de l'année.
e) l'échéancier des crédits de paiement associés aux autorisations d'engagement.
La présente proposition de loi organique combine, comme l'ordonnance du 2 janvier 1959, un élément de pluriannualité - les autorisations d'engagement - avec un respect du principe de vote annuel des crédits par le Parlement - les crédits de paiement -. A l'instar du 2° de l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, le présent alinéa prévoit qu'une annexe au projet de loi de finances initiale présente l'échéancier des crédits de paiement associé aux autorisations d'engagement.
Le 6° du présent article précise le contenu de l'annexe explicative relative aux comptes annexes jointe aux projets de loi de finances, en reprenant les dispositions du 3° de l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959. Il prévoit que des plans annuels de performance seront présentés pour les comptes annexes dotés de crédits. Votre rapporteur propose de modifier cette rédaction afin de mentionner les budgets annexes et les comptes spéciaux qu'il souhaite voir conservés.
Le 7° du présent article reprend les dispositions du dernier alinéa de l'article 32 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui prévoit l'existence des annexes « jaunes » qui sont distribuées avec le projet de loi de finances, afin d'assurer la bonne information du Parlement.
Enfin, le dernier alinéa du présent article prévoit que le projet loi de finances de l'année est accompagné d'une évaluation de l'incidence financière de chacune de ses dispositions, au titre de l'année considérée, et le cas échéant, des années ultérieures. Votre rapporteur est attaché à ce que les parlementaires puissent disposer d'une évaluation du coût des mesures proposées par le gouvernement sur plusieurs années et a souhaité inscrire cette disposition dans un article spécifique qu'il vous proposera d'insérer après l'article 48, indiquant que « chacune des dispositions d'un projet de loi de finances affectant les ressources ou les charges de l'Etat fait l'objet d'une évaluation chiffrée de son incidence au titre de l'année considérée et, le cas échéant, des années suivantes ». On voit en effet mal les raisons qui justifient de limiter l'application d'une telle obligation d'information à la seule loi de finances de l'année.
Compte tenu de la réorganisation du texte qu'il vous propose, afin de regrouper dans un seul chapitre l'ensemble des dispositions relatives à l'information du Parlement, votre rapporteur vous propose de supprimer le présent article.
Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer le présent article.
* 98 Rapport n°2908 fait au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale (XIème législature).
* 99 Rapport d'information n° 37 fait au nom de la commission des finances, Sénat (2000-2001).