ARTICLE 4
La
définition des charges budgétaires de l'Etat
Commentaire : le présent article vise à définir les charges budgétaires de l'Etat.
I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, la définition des charges budgétaires de l'Etat, à laquelle il est procédé par énumération, est singulièrement « ramassée » par rapport au texte en vigueur.
Ainsi, alors que l'ordonnance répartit les charges budgétaires de l'Etat en trois catégories et onze titres, il est proposé de s'en tenir à une nomenclature en six titres de dépenses.
Votre rapporteur rappelle que l'article 6 de l'ordonnance n° 59-2 distingue, pour ce qu'il dénomme les charges permanentes de l'Etat, trois catégories de dépenses, réparties par titre :
- les dépenses ordinaires, ventilées en quatre titres (respectivement, relatifs à la dette publique, aux pouvoirs publics, aux moyens des ministères et aux dépenses d'intervention) ;
- les dépenses en capital, réparties en trois titres (respectivement, relatifs aux dépenses d'investissement, aux subventions d'investissement et aux réparations des dommages de guerre, lequel, depuis 1988, n'est plus doté de crédits en loi de finances initiale) ;
- les dépenses liées aux prêts et avances de l'Etat, ventilées en quatre titres (respectivement, relatifs aux prêts du fonds de développement économique et sociale -FDES-, aux prêts intéressant le logement, aux prêts divers consentis par l'Etat et aux avances de l'Etat).
Face à cette taxinomie, le texte de l'Assemblée nationale distingue, quant à lui, six catégories de charges budgétaires :
- les dotations des pouvoirs publics, isolées afin de respecter le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et celui d'autonomie financière des assemblées parlementaires qui en constitue une traduction ;
- les dépenses de personnel ;
- les dépenses de fonctionnement, hors personnel ;
- les dépenses d'intervention ;
- les dépenses d'investissement de l'Etat pour son propre compte ;
- les prêts et avances.
II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
A. OBSERVATIONS INTRODUCTIVES
1. De l'importance de la définition des dépenses budgétaires de l'Etat
Votre rapporteur souhaite souligner combien la notion de dépenses budgétaires de l'Etat mérite d'être précisée. Notre histoire budgétaire récente est marquée par la perte de substance du principe d'unité budgétaire qui suppose, en particulier, que les dépenses de l'Etat sont toutes déterminées par la loi de finances et, sauf pour celles à qui est reconnu le statut d'emplois de trésorerie, portées au budget de l'Etat.
La multiplication des transferts de charges à des organismes tiers, avec pour corollaire les affectations directes d'impositions destinées à en assurer le financement, combinée avec une conception purement organique, voire existentialiste, des charges de l'Etat, ont provoqué cet affadissement regrettable.
Sans doute est-il heureux que le Conseil constitutionnel ait pu réagir devant certains détournements caractérisés, comme par exemple dans l'affaire des majorations de pension 20 ( * ) considérées par lui comme des charges permanentes de l'Etat devant ainsi être budgétées. Cependant, malgré l'énonciation explicite, dans sa décision relative à la loi de finances initiale pour 2000, des « inconvénients inhérents à toute débudgétisation », ces réactions sont restées relativement sporadiques.
Dans ces conditions, votre rapporteur a réfléchi à une formule permettant de définir les dépenses budgétaires par référence à une conception essentialiste. Cependant, la complexification des structures d'administration, la consécration des comptes de certaines d'entre elles dans des textes organiques, l'imbrication étroite de dépenses qu'il aurait été possible de faire entrer dans les contenus d'une telle définition avec d'autres, appelées à y échapper, offrent, en l'état, trop de résistances à une telle démarche.
Pour autant, votre rapporteur est conduit à souligner l'importance qu'il y a à restaurer le principe d'unité budgétaire dont le respect suppose l'inscription de crédits budgétaires dans le budget général, les budgets annexes ou les comptes spéciaux dès lors que, du fait de l'exercice par l'Etat de ses compétences propres, une charge publique doit être constatée quelqu'en soit son gestionnaire.
2. Du caractère nécessairement contestable des choix de nomenclature
Votre rapporteur relève les critiques exprimées à l'encontre de la nomenclature prévue par l'ordonnance organique dans le rapport de l'Assemblée nationale précité. Elles sont formulées ainsi : « Outre son caractère discrétionnaire -les subventions d'investissement sont-elles des dépenses d'investissement ou des dépenses d'intervention économique ?- cette nomenclature pèche par son manque de cohérence et de lisibilité ».
Votre rapporteur considère que toute nomenclature peut paraître contestable sur tel ou tel point.
Ainsi, le choix de ne budgéter que certaines opérations financières ne peut-il être défendu qu'au nom de certaines considérations pratiques assez éloignées de fondements théoriques susceptibles de déboucher sur d'autres solutions come, par exemple, pour les remboursements d'emprunts.
De la même manière, le classement des subventions d'investissement en dépenses de fonctionnement des collectivités locales, justifié au regard de l'absence de contrepartie patrimoniale, l'est moins sous l'angle d'une analyse du coût de fonctionnement des collectivités locales.
B. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION
Dans un contexte où la nomenclature des dépenses budgétaires est appelée à être profondément modifiée, votre rapporteur vous propose un classement destiné à conserver à l'énoncé des moyens de l'Etat un caractère aussi informatif que possible.
1. Une nomenclature profondément modifiée
La nomenclature budgétaire sortira profondément modifiée du texte de la future loi organique. A une nomenclature de moyens, spécialisée par chapitres regroupés dans des titres, se substituera une nomenclature de performances axée sur les programmes et tempérée, si les propositions de votre rapporteur sont adoptées, par l'existence de quelques dotations limitativement énumérés.
Dans ce contexte, le regroupement des dépenses budgétaires dans les titres visés au présent article a principalement pour vocation d'assurer une bonne lisibilité des moyens.
Si le débat budgétaire doit être renouvelé en se centrant sur les performances des acteurs, la considération des moyens n'en deviendra pas pour autant indifférente.
Même s'il souscrit sans réserve au principe de globalisation des crédits dont l'expression la plus achevée est celle de la « fongibilité asymétrique des crédits » 21 ( * ) , votre rapporteur n'en tire pas la conséquence d'une insignifiance de la nature des moyens de l'action publique. Il observe d'ailleurs que telle n'est pas non plus l'approche de l'Assemblée nationale qui n'a pas poussé la nouvelle logique de globalisation des crédits jusqu'à ne prévoir que deux catégories de dépenses, celles de personnel et les autres.
2. La nomenclature proposée
Sans écorner le moins du monde le principe de « fongibilité asymétrique des crédits » rappelé ci-avant, votre rapporteur vous propose donc une nomenclature des dépenses que devront présenter, à titre informatif, les documents budgétaires. Elle repose sur le souci de rendre compte de la nature économique et des modalités des moyens de l'action publique.
Sans prétendre que cette nomenclature doive échapper à toute critique, votre rapporteur souhaite qu'elle satisfasse les besoins de première analyse de ceux qui auront à se pencher sur les affaires budgétaires, que ce soit au stade de la prévision ou, à travers la « traçabilité » qu'elle doit favoriser, au stade de l'exécution du budget.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 20 Décision du Conseil constitutionnel n° 94-351 DC du 29 décembre 1994 sur la loi de finances pour 1995.
* 21 Voir le commentaire de l'article 7.