3. De la recommandation à la réglementation
a) Les difficultés de fixer une réglementation
La plupart des valeurs de référence (par produit, par indicateur biologique) sont des recommandations scientifiques, établies au niveau international (recommandation OMS - JECFA), au niveau communautaire ou au niveau national (CHSPF), mais ce sont les législations qui définissent des seuils qui seront effectivement contrôlés. Le débat passe donc du champ scientifique au champ politique.
Certains s'étonnent qu'il n'y a pas une stricte superposition. Beaucoup estiment que la valeur de référence établie par les scientifiques doit être universelle, et ne pas souffrir d'adaptation locale ou politique. En d'autres termes, pourquoi tolérer ici ce qui est interdit ailleurs ?
Le politique est évidemment mal à l'aise devant ces accusations, et est vite accusé de faiblesse ou de compromission pour défendre les intérêts professionnels ou locaux. Nous pensons que ces critiques sont excessives.
En premier lieu, il faut tout d'abord rappeler que les conclusions des experts, comme on l'a vu, sont beaucoup moins nettes que ce que l'on croit habituellement. Les scientifiques ont, entre eux, des désaccords et des débats qui ressemblent à certains égards aux débats politiques les plus traditionnels.
En second lieu, il ne paraît pas possible de faire totalement abstraction des conditions économiques du pays. Un scientifique est lui aussi le produit d'un contexte local et économique particulier. Il paraît par exemple tout à fait normal qu'un expert suédois ou finlandais fixe un seuil de contamination extrêmement bas sur des produits importés. Quand on ne produit pas, on veut naturellement le meilleur, et, en l'espèce, un produit sans aucun contaminant. La situation est évidemment différente pour un pays qui produit ou valorise ses ressources, et qui doit faire face à des contaminations naturelles incontournables, sauf à supprimer et renoncer à la production en question. Un Etat doit aussi faire avec son sol, son sous-sol et son passé.
Enfin, il faut rappeler que l'homme politique ne travaille pas en laboratoire. Il représente une société, vivante, avec ses cultures et ses contradictions. Les habitudes alimentaires sont l'une des expressions les plus profondes d'une culture. Comment d'un trait de plume, changer une habitude, en interdisant tel ou tel produit, consommé depuis des générations, sans problème apparent, pour la seule raison qu'il contient un ou deux milliardièmes de gramme de trop de tel composant ? La norme scientifique peut alors se heurter au réflexe d'une population locale qui peut se sentir menacée par un nouveau modèle de société uniformisée, standardisée, aseptisée.