AUDITION DE M. GUY CARCASSONNE,
PROFESSEUR À
L'UNIVERSITÉ DE PARIS X
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Après avoir rappelé qu'il avait de longue date souligné que la dissolution intervenue en 1997 aurait pour conséquence une inversion du calendrier électoral en 2002, M. Guy Carcassonne a affirmé que, de son point de vue, le rétablissement de ce calendrier était à la fois constitutionnellement possible et institutionnellement indispensable.
Il a indiqué qu'à plusieurs reprises des mandats électifs avaient pu être prorogés avec l'assentiment du Conseil constitutionnel, celui-ci exerçant un contrôle sur les objectifs justifiant une telle opération. Il a toutefois observé que le mandat des députés n'avait jamais été modifié sous la Ve République.
Après avoir rappelé que le Conseil constitutionnel avait eu l'occasion d'énoncer les difficultés pratiques tenant aux dates prévisibles des prochaines échéances présidentielle et législative, sans pour autant les présenter comme dirimantes, M. Guy Carcassonne a souligné que, s'agissant d'une loi organique, le contrôle de constitutionnalité s'exercerait nécessairement. Il a pour sa part estimé que cette loi n'était pas contraire à la Constitution.
Tout en reconnaissant que le rétablissement envisagé du calendrier électoral pour 2002 ne pouvait constituer une garantie de pérennité de l'ordre ultérieur des échéances électorales, il a estimé cette opération indispensable, le calendrier actuel constituant selon lui une incongruité politique au regard du fonctionnement institutionnel de la Ve République caractérisé par le fait majoritaire. Il a observé que ce fait majoritaire et la bipolarisation de la vie politique résultaient davantage de l'élection du Président de la République au suffrage universel que du mode de scrutin, la majorité présidentielle servant de référence à l'agencement des forces politiques pour l'élection des députés et de fondement à une véritable solidarité de gouvernement.
Il a observé que l'élection présidentielle intervenue en 1958 après les législatives ne pouvait être citée comme contre exemple dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une élection au suffrage universel et où l'autorité du Président élu, le Général de Gaulle, était incontestée.
Se référant aux périodes ayant succédé aux élections présidentielles de 1974 et 1995 au cours desquelles, le Président de la République n'ayant pas sollicité le renouvellement de l'Assemblée nationale par le biais de la dissolution, les gouvernements de M. Raymond Barre et M. Alain Juppé s'étaient heurtés à la dislocation de leur majorité, M. Guy Carcassonne a estimé que le seul moyen d'assurer la solidité du pacte majoritaire était de faire suivre l'élection présidentielle par les élections législatives.
M. Guy Carcassonne a conclu son propos en estimant que le calendrier électoral n'était pas de nature à infléchir la nature du régime vers un modèle de type plutôt présidentiel ou de type plutôt parlementaire et était également sans effet sur l'importance du rôle joué par le Parlement dans le schéma institutionnel. Il a observé que les périodes ayant suivi les élections législatives de 1973 et 1993, lesquelles avaient précédé l'élection présidentielle, ne s'étaient pas caractérisées par une revalorisation du rôle du Parlement.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, qui rappelait que les scores obtenus par les candidats au second tour de l'élection présidentielle étaient souvent très serrés, M. Guy Carcassonne, citant en exemple la majorité absolue qui s'était dégagée des urnes en 1981, a indiqué que lors des scrutins législatifs succédant à une élection présidentielle, le second vote venait confirmer le premier. Il a précisé que la majorité relative obtenue en 1988 avait également favorisé un fonctionnement gouvernemental plus solidaire qu'après les élections législatives de 1973 et 1993, suivies des élections présidentielles.
M. Henri de Richemont s'étant interrogé sur le point de savoir si, en définitive, l'inversion du calendrier électoral avait pour seul but d'éviter les dissensions au sein de la majorité gouvernementale après deux ou trois ans d'exercice du pouvoir, M. Guy Carcassonne a estimé que pareil objectif suffisait à justifier la mesure.
En réponse à M. Christian Bonnet, M. Guy Carcassonne a estimé que faire précéder les élections législatives du scrutin présidentiel permettait aux électeurs de proportionner la majorité parlementaire à la majorité présidentielle.
M. Guy Allouche a estimé que le rétablissement du calendrier électoral ne constituait pas une garantie absolue de concordance des majorités parlementaire et présidentielle. Il s'est interrogé sur le point de savoir si le Président de la République devait démissionner lorsque des élections législatives consécutives à une dissolution dégageaient une majorité parlementaire différente de la majorité présidentielle. Évoquant la doctrine Capitant, M. Guy Carcassonne a estimé que le Président de la République, désavoué, devait s'effacer. Il a cependant observé que, bien que la survenance de majorités différentes à l'occasion d'élections rapprochées fût peu vraisemblable, le droit de dissolution paraîtrait difficile à mettre en oeuvre en pareille circonstance.