Rapport n° 186 (2000-2001) de M. Christian BONNET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 janvier 2001

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N° 186

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 janvier 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ,

Par M. Christian BONNET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Robert Bret, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Edmond Lauret, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème légis.) : 2602 , 2665 , 2741 , 2757 , 2773 , 2791 , et T.A. 600

Sénat : 166 (2000-2001)

Elections et référendums.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Après avoir procédé, le mardi 9 janvier 2001, à l'audition de MM. René Rémond, membre de l'Académie française et Président de la Fondation nationale des sciences politiques, Guy Carcassonne, professeur à l'Université de Paris X, Louis Favoreu, professeur à l'Université d'Aix-Marseille III, Didier Maus, professeur associé à l'Université de Paris I et Pierre Pactet, professeur émérite de l'Université de Paris XI, la commission des lois, réunie le mardi 16 janvier 2001, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, a procédé à l'examen, sur le rapport de M. Christian Bonnet, de la proposition de loi organique n° 166 (2000-2001) modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale .

Le rapporteur a notamment formulé les observations suivantes :

- les conditions d'examen de la proposition de loi organique par le Parlement ne sont pas acceptables, dans la mesure où l'ordre des échéances électorales de 2002 est connu depuis 1997 ; le Gouvernement a brutalement changé de position sur cette question et a dès lors imposé aux assemblées de se saisir de cette question dans la précipitation ;

- le mandat des députés n'a été prorogé qu'à deux reprises au cours du vingtième siècle, en 1918 et 1940 , dans des circonstances dramatiques qui contrastent singulièrement avec la légèreté des motifs invoqués dans le cas présent ;

- un changement de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale n'évitera pas à l'avenir que la situation prévue en 2002 se reproduise, sauf à supprimer le droit de dissolution et à prévoir la continuation par un vice-président du mandat du Président de la République en cas de décès ou de démission de ce dernier ;

- rien ne permet d'affirmer qu'un changement de l'ordre des élections contribuera à éviter une nouvelle situation de cohabitation ;

- le choix du troisième mardi de juin comme date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale est loin d'être satisfaisant , la procédure d'élaboration du projet de budget étant déjà fort avancée à cette date ; le nouveau Gouvernement formé après les élections législatives pourrait être contraint, en cas de changement de majorité, de reprendre la procédure ;

- aucun motif d'intérêt général ne justifie la mesure proposée ; si le Conseil constitutionnel, en juillet 2000, a souhaité que les citoyens habilités à parrainer un candidat à l'élection présidentielle puissent le faire en connaissant le résultat des élections législatives, cette recommandation peut aisément être mise en oeuvre par le Gouvernement, compétent pour fixer les dates des consultations électorales, sans modifier l'ordre des élections.

La commission a alors décidé de ne pas modifier la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Afin de faciliter le choix par le Gouvernement de dates d'élections permettant la bonne organisation des parrainages des candidats à l'élection présidentielle, elle a proposé de prévoir, dans le code électoral, le respect d'un délai minimum de trente jours entre des élections législatives et une élection présidentielle.

La commission des lois a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

" Cependant, dans les derniers temps de la République, en tant que régulateur des relations sociales, le calendrier n'était plus à l'abri des luttes de pouvoir et de leurs conséquences. "

Norbert Elias

Du temps

" L'interprétation juridique doit éviter avec le plus grand soin la fiction qu'une norme juridique ne permet jamais qu'une seule interprétation, l'interprétation " exacte " ou " vraie ".

Hans Kelsen

Théorie pure du droit

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi organique soumise au Sénat tend à proroger, pour la première fois sous la V e République, la durée du mandat en cours des membres de l'Assemblée nationale en reportant du premier mardi d'avril au troisième mardi de juin la date d'expiration des pouvoirs de celle-ci.

Une telle proposition paraissait suffisamment importante pour que le Parlement en débatte de manière approfondie et examine sereinement les motifs et les conséquences du choix proposé. Cette analyse ne semble pourtant pas partagée par tous.

Au choix d'une proposition plutôt que d'un projet de loi, à la déclaration d'urgence faite par le Gouvernement, aux délais très brefs concédés aux assemblées pour conduire leurs travaux, se sont en effet ajoutés les propos de M. le Président de l'Assemblée nationale, parlementaire expérimenté, esprit fin s'il en fût, pour qui " Le Sénat aurait quelque audace à retenir un texte qui ne le concerne pas directement puisqu'il s'agit des élections à l'Assemblée nationale " 1 ( * ) . M. le ministre des relations avec le Parlement - et donc avec le Sénat - a lui aussi cru utile de déclarer publiquement : " Je ne vois pas une chambre se mêler de manière intempestive des pouvoirs qui concernent l'autre assemblée " 2 ( * ) .

Pareils propos ne traduisent-ils pas une singulière conception de la lettre et de...l'esprit de nos institutions ?

Au demeurant, votre rapporteur ne se souvient pas que l'Assemblée nationale ait jugé souhaitable d'examiner avec un certain recul le projet de loi relatif au mode d'élection des sénateurs.

Quoi qu'il en soit, le Sénat, et notamment sa commission des lois qui a procédé à des auditions 3 ( * ) , entend jouer tout son rôle de chambre de réflexion sur le texte qui lui est soumis.

I. LE TEXTE SOUMIS AU SÉNAT : MODIFIER EN URGENCE L'ORDRE DES ÉCHÉANCES ÉLECTORALES

A. DES CONDITIONS D'EXAMEN PEU ACCEPTABLES

La procédure d'examen de la présente proposition de loi organique est particulièrement contestable, tant en ce qui concerne les conditions d'examen imposées au Parlement que la lisibilité de l'action gouvernementale.

1. La volte-face du Gouvernement

Le Gouvernement a brutalement changé de position sur la question de l'ordre des échéances électorales prévues en 2002.

Rappelons en effet que le 19 octobre 2000, Monsieur le Premier ministre déclarait, au cours d'une intervention télévisée : " Toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne. Moi, j'en resterai là et il faudrait vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises ".

Quelques jours auparavant, M. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, commentant un amendement tendant précisément à modifier l'ordre des consultations électorales, avait tenu des propos similaires : " Le Gouvernement, vous le savez, respecte les échéances fixées par les lois de la République. Il n'a pas pris d'initiative pour modifier le calendrier électoral de 2002, ce qui nécessiterait en effet de proroger le mandat de cette assemblée. Dans l'hypothèse où l'évolution du débat politique ferait apparaître un très large accord pour inverser l'ordre des échéances électorales, le Gouvernement serait alors disponible pour en débattre, naturellement, mais c'est loin d'être le cas aujourd'hui " 4 ( * ) .

Le 24 novembre 2000, pourtant, le Premier ministre annonçait en ces termes devant le Congrès du Parti socialiste réuni à Grenoble, un changement radical d'orientation : " Ce qu'il faut souhaiter, c'est que le printemps 2002, celui des grands rendez-vous démocratiques, dans lesquels le peuple s'exprime et tranche, ne soit pas un printemps de la confusion et des choix de convenance, mais un printemps de la clarté ".

Dès lors, le 30 novembre, M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés de l'Assemblée nationale déposaient une proposition de loi organique tendant à modifier la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi organique, ainsi que cinq autres portant sur le même sujet, était inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale des 19 et 20 décembre.

Ce bref rappel des circonstances de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour des assemblées appelle quelques remarques.

Si le Premier ministre entendait éviter que sa démarche soit " interprétée de façon étroitement politique voire politicienne ", il eût peut-être été préférable qu'il en fasse l'annonce dans une autre enceinte que celle du Congrès du parti auquel il appartient.

Par ailleurs, le calendrier électoral de 2002 est connu depuis 1997 . Si le Gouvernement estimait nécessaire de modifier une situation conjoncturelle, il lui était possible de le faire dès 1998 ou 1999, afin que le Parlement puisse débattre de manière sereine et approfondie. A l'inverse, si le texte proposé s'inscrit dans une perspective à long terme prenant en considération la réduction de la durée du mandat présidentiel, est-il réellement souhaitable qu'une telle discussion soit conduite dans l'improvisation quelques mois avant les élections ? Quoi qu'on pense sur le fond, le texte soumis au Sénat est présenté trop tard... ou trop tôt .

Il est enfin difficile de savoir sur quel " consensus ", quel " large accord " la décision du Gouvernement a été prise.

S'agit-il du large accord de la représentation nationale ? Dans l'attente de la position du Sénat, le vote par l'Assemblée nationale de la proposition de loi organique par 300 voix contre 245 ne manifeste pourtant qu'un consensus relatif.

S'agit-il du large accord de l'opinion publique ? La dernière enquête d'opinion réalisée sur ce sujet a fait apparaître que 41 % des Français souhaitaient le maintien du calendrier électoral tandis que 32 % se prononçaient pour sa modification 5 ( * ) .

2. Les droits du Parlement ignorés

La conséquence du changement brutal et peu explicité d'orientation du Gouvernement est l'obligation pour les assemblées de discuter dans la précipitation d'un texte important.

Certes, le gouvernement s'abrite derrière une initiative parlementaire, mais celle-ci lui permet surtout d'accélérer la procédure en évitant le passage devant le Conseil d'Etat et en Conseil des ministres, ainsi que l'a souligné M. Louis Favoreu, professeur à l'Université d'Aix-Marseille III, entendu par votre commission 6 ( * ) . Ce choix pourrait permettre au surplus à M. le ministre des relations avec le Parlement de se féliciter, à l'issue de la présente session parlementaire, du nombre élevé de lois issues de l'initiative parlementaire...

En outre, non seulement le Gouvernement déclare l'urgence sur le texte en discussion, mais la proposition de loi organique de M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dix-neuf jours seulement après son dépôt, la commission des Lois se prononçant pour sa part douze jours après le dépôt de la proposition de loi. Ce délai respecte tout juste le délai minimum d'examen par la première assemblée saisie d'un projet ou d'une proposition de loi organique, fixé à quinze jours par l'article 46 de la Constitution.

Le 21 décembre 2000, le Gouvernement impose l'inscription du texte à l'ordre du jour du Sénat le 16 janvier 2001, alors même que le Parlement doit interrompre ses travaux du 22 décembre au 8 janvier.

Une telle manière d'agir donne tout leur sens aux propos de Monsieur le Premier ministre devant l'Assemblée nationale : " Pour l'avenir, je suis favorable à un rééquilibrage des pouvoirs en faveur du Parlement " 7 ( * ) . Pour l'avenir...

B. LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE SOUMISE AU SÉNAT : REPOUSSER LA DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

Le 19 décembre dernier, l'Assemblée nationale a examiné six propositions de loi organique :

- trois d'entre elles proposaient de modifier le code électoral pour reporter du premier mardi d'avril au 15 juin la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale :

. la proposition de loi organique (n° 2741) de M. Raymond Barre ;

. la proposition de loi organique (n° 2757) de M. Gérard Gouzes ;

. la proposition de loi organique (n° 2773) de M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés ;

- trois autres propositions avaient un objet légèrement différent :

. la proposition de loi organique (n° 2602) de M. Georges Sarre et plusieurs de ses collègues tendait à reporter du premier mardi d'avril au quatrième mardi de juin la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ;

. la proposition de loi organique (n° 2665) de M. Bernard Charles et plusieurs de ses collègues tendait à assurer l'organisation aux mêmes dates des élections législatives et de l'élection présidentielle ;

. enfin, la proposition de loi organique (n° 2756) de M. Hervé de Charrette tendait à prévoir que, lorsque les élections législatives devaient être organisées dans les six mois précédant une élection présidentielle, elles étaient organisées dans les quarante-cinq jours suivant l'élection du Président de la République ; cette proposition était la seule qui n'impliquait pas de modification de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

A l'issue de ses travaux, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi organique, dont l' article premier modifie l'article L.O. 121 du code électoral pour reporter du premier mardi d'avril au troisième mardi de juin la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale . L' article 2 prévoit l'application de cette modification à l'Assemblée nationale élue en 1997.

Si ce texte était adopté, en 2002, les élections législatives seraient organisées après l'élection présidentielle et non avant comme il résulterait des échéances normales.

2. Trois motifs invoqués

Le texte soumis au Sénat est issu de six propositions de loi organique soumises en même temps à l'Assemblée nationale. Il n'a donc été examiné ni par le Conseil d'Etat ni par le Conseil des ministres. Les exposés des motifs de ces propositions, parfois singulièrement brefs, sont tous différents, de sorte que leur seule lecture ne permet guère de connaître la motivation précise du changement proposé.

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, trois motifs ont été avancés pour justifier l'inversion de l'ordre des consultations électorales :

- tout d'abord, le Premier ministre comme le ministre de l'Intérieur et le rapporteur de la commission des lois se sont référés à l'" esprit " ou à la " logique " des institutions de la V e République , qui impliqueraient que le Président de la République soit élu avant les députés ;

- par ailleurs, M. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, a fait état de difficultés que le calendrier électoral actuel pourrait provoquer dans l'organisation de la présentation par les citoyens habilités des candidats à l'élection présidentielle . Ce motif ne figure pourtant dans aucun des exposés des motifs des propositions de loi examinées par l'Assemblée nationale ;

- enfin, M. le Premier ministre a avancé un dernier argument :

" Dans toute compétition régulière, les candidats sont placés à égalité sur la ligne de départ. Ce ne serait pas le cas si le calendrier actuel était maintenu (...) Dans cette hypothèse, en effet, les candidats à l'élection présidentielle seraient en règle générale candidats aux élections législatives ou, en tout état de cause, engagés dans la campagne nationale de leur formation politique (...) Pour tous les candidats à l'élection présidentielle sauf un, qu'ils soient de gauche ou de droite, le dilemme sera le suivant : ou bien affaiblir leur campagne législative parce qu'ils auraient déjà annoncé leur candidature à l'élection présidentielle (...) ou bien retarder leur candidature à la présidence jusqu'au terme des élections législatives, ce qui les placerait en situation d'inégalité manifeste face au président sortant, si celui-ci décidait d'être à nouveau candidat ".

Intervenant au nom de la commission des Lois du Sénat, votre rapporteur ne saurait commenter que les arguments de droit avancés pour justifier la modification de l'ordre des consultations électorales.

Il observe néanmoins qu'aucune de ces tentatives de motivation ne limite l'objet réel du texte à une question qui ne concernerait " que " l'élection d'une chambre.

II. UN PRÉTEXTE : L'" ESPRIT " DES INSTITUTIONS

Il ressort des débats de l'Assemblée nationale que la principale justification de la proposition de loi organique serait la nécessité de respecter la " logique ", l'" esprit ", le " principe de fonctionnement " des institutions de la V e République en modifiant un calendrier électoral qui s'apparenterait à un " coup de force du hasard " 8 ( * ) . Ces objectifs déclarés méritent un examen attentif.

A. UN TEXTE QUI NE RÉPOND PAS À L'OBJECTIF POURSUIVI

1. Vous avez dit " hasard " ?

Le hasard a incontestablement été le principal sujet du débat à l'Assemblée nationale sur la présente proposition de loi organique. De nombreux orateurs, en effet, ont observé que l'ordre des élections, tel qu'il est actuellement prévu, était le fruit d'un hasard auquel il convenait de ne pas se soumettre.

Dans sa réponse aux questions orales avec débat sur l'avenir des institutions qui ont précédé l'examen des propositions de loi, M. le Premier ministre s'est ainsi exprimé : " Ce calendrier, on le sait, est tout à fait fortuit (...). Il est l'effet conjugué de l'aléa d'une vie -la mort du président Pompidou en 1974- et d'une décision politique inattendue : la dissolution de l'Assemblée nationale en 1997, un an avant le terme de son mandat " 9 ( * ) .

De manière plus précise encore, M. Bernard Roman, président et rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, a entamé ainsi la présentation de son rapport : " (...) deux événements fortuits -la mort du président Pompidou en avril 1974 et la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 1997 par l'actuel Président de la République- sont à l'origine du calendrier électoral inédit de 2002. Ainsi, par le seul fait du hasard, non seulement les élections législatives et présidentielles se dérouleront la même année mais, de surcroît, le scrutin désignant les députés précédera l'élection présidentielle " 10 ( * ) .

Les auteurs des propositions de loi organique déposées à l'Assemblée nationale ont repris en séance cette argumentation pour plaider en faveur de la modification de l'ordre des consultations.

Un tel raisonnement ne laisse pas d'étonner à plusieurs égards.

Rappelons en effet qu'en 1958, après l'approbation par le peuple de la Constitution de la V e République, le Président de la République a été élu en décembre après des élections législatives organisées en novembre. Assurément, la situation n'était pas entièrement comparable, dans la mesure où le Président était alors élu par un collège de grands électeurs. Il serait cependant audacieux d'affirmer que l'élection des députés avant celle de Président a amoindri la capacité de ce dernier à diriger le pays.

Par ailleurs, en 1969, l'élection présidentielle est intervenue moins d'un an après les élections législatives de 1968. En 1974, l'élection présidentielle est intervenue quatorze mois après les élections législatives. Il est vrai que ces calendriers n'étaient pas prévisibles et que ces délais étaient plus étendus que celui actuellement prévu en 2002. Dans ces conditions, il conviendrait à tout le moins de définir pour l'avenir ce qu'est un délai conforme à l'esprit de nos institutions entre des élections législatives et une élection présidentielle.

D'une manière générale, le Gouvernement comme les auteurs des propositions de loi organique semblent considérer qu'en l'absence de " hasard ", jamais une telle situation n'aurait pu se produire sous la V e République. Votre rapporteur doit pourtant s'inscrire en faux contre une telle assertion.

Si, en effet, tous les présidents de la République avaient achevé leurs mandats et si aucun d'entre eux n'avait dissout l'Assemblée nationale, une élection présidentielle aurait été organisée en décembre 1958, décembre 1965, décembre 1972, décembre 1979, décembre 1986 et décembre 1993. Des élections législatives auraient été organisées en mars 1963, mars 1968, mars 1973, mars 1978, mars 1983, mars 1988 et mars 1993. Si le " hasard " n'avait pas fait son oeuvre, en 1993, des élections législatives et une élection présidentielle auraient été organisées la même année, les premières précédant la seconde .

2. " Un coup de dés jamais n'abolira le hasard "11 ( * )

En tout état de cause, n'y aurait-il pas quelque orgueil de la part du législateur - fût-il organique - à vouloir abolir le hasard ?

Le texte soumis à la délibération du Sénat n'est pas susceptible d'atteindre les objectifs affichés par le Gouvernement et les auteurs des propositions de loi organique. En effet, pour faire en sorte que la situation prévue en 2002 ne puisse plus se reproduire, il serait nécessaire que tous les présidents de la République achèvent désormais leurs mandats et que le droit de dissolution ne soit plus utilisé.

Le tableau suivant retrace la durée des mandats de l'ensemble des présidents de la République depuis les débuts de la III e République.

Les Présidents de la République depuis 1873

Présidents de la République

Dates d'exercice

des fonctions

Mac-Mahon

1873-1879

Jules Grévy

1879-1886
1886-1887

Sadi Carnot

1887-1894

Casimir-Perier

1894-1895

Félix Faure

1895-1899

Emile Loubet

1899-1906

Armand Fallières

1906-1913

Raymond Poincaré

1913-1920

Paul Deschanel

1920

Alexandre Millerand

1920-1924

Gaston Doumergue

1924-1931

Paul Doumer

1931-1932

Albert Lebrun

1932-1939

1939-1940

Vincent Auriol

1946-1953

René Coty

1953-1958

Charles de Gaulle

1958-1965
1965-1969

Georges Pompidou

1969-1974

Valéry Giscard d'Estaing

1974-1981

François Mitterrand

1981-1988
1988-1995

Douze des dix-neuf présidents de la République n'ont pas achevé le premier ou le second mandat qui leur avait été confié. Dix présidents ont vu leur mandat interrompu au cours des cinq premières années de celui-ci : Jules Grévy en 1887, Casimir-Perier en 1895, Félix Faure en 1899, Paul Deschanel en 1920, Alexandre Millerand en 1924, Paul Doumer en 1932, Albert Lebrun en 1940, René Coty en 1958, Charles de Gaulle en 1969 et Georges Pompidou en 1974.

Rien ne permet d'affirmer qu'à l'avenir, la date de l'élection présidentielle ne sera plus modifiée par l'interruption du mandat d'un Président de la République.

Quant au droit de dissolution, il s'agit d'une prérogative fondamentale du Président de la République, qui ne pourrait être remise en cause que par une révision constitutionnelle dont les implications sur nos institutions seraient considérables.

En pratique, pour enraciner de manière définitive un calendrier électoral, il serait nécessaire à la fois de supprimer le droit de dissolution et de créer un vice-président susceptible d'achever le mandat du Président en cas d'interruption de ce mandat.

B. À LA RECHERCHE DE L'" ESPRIT " DES INSTITUTIONS

Le principal, sinon l'unique argument employé par le Gouvernement pour justifier la modification de l'ordre des consultations électorales est la contrariété du calendrier actuellement prévu avec l' " esprit ", la " logique " de nos institutions.

Devant l'Assemblée nationale, Monsieur le Premier ministre a ainsi déclaré : " Nombreux sont ceux qui pensent (...) qu'une telle séquence, sans précédent, fait peu de cas de la logique de nos institutions et qu'elle est contraire au bon sens, qu'elle constitue (...) une anomalie ".

Notons que le calendrier électoral rejoint ainsi le Sénat parmi les " anomalies " institutionnelles recensées par le Premier ministre.

Malheureusement, lors du débat à l'Assemblée nationale, les références à l'" esprit " des institutions n'ont été accompagnées d'aucune définition de celui-ci.

La logique des institutions veut-elle que le Président soit élu avant les députés ? Implique-t-elle qu'il n'y ait pas discordance entre la majorité issue de l'élection présidentielle et la majorité issue des élections législatives ? Consiste-t-elle à faire en sorte que le Président de la République puisse exercer une influence déterminante sur le déroulement des élections législatives ?

1. Qu'est-ce que l'" esprit " de la Constitution ?

Face aux références enthousiastes des membres du Gouvernement et de l'Assemblée nationale à l'" esprit " des institutions, votre rapporteur a cru utile de se reporter aux propos de l'un des pères de nos institutions.

M. Michel Debré, exégète plus confirmé que d'autres de la Constitution de la V e République, a en effet consacré dans ses mémoires d'importants développements à l'esprit des institutions :

" Il y a deux " lectures " de la Constitution. L'une fait du Président de la République le " guide " -c'est ce qu'a entendu dire le Général de Gaulle dans sa conférence de presse de 1964- l'autre qui débouche sur un régime parlementaire " à la britannique ", c'est-à-dire assure l'autorité du Premier ministre, fait du Président un garant de la Constitution, ce qui, compte tenu de ses pouvoirs, revêt une importance déterminante en certaines circonstances. La première lecture est la règle (qui peut comporter des exceptions) quand Président de la République et Assemblée nationale tiennent leur légitimité de la même majorité. La deuxième lecture sera la règle, quasiment sans exception, en cas contraire (...) la valeur d'une Constitution n'est pas dans le fait qu'elle évite les crises, mais qu'elle permet de les trancher dans le respect des exigences de la démocratie, de l'Etat et de la Nation " 12 ( * ) .

Le même auteur précisait également :

" Mon expérience est venue compléter ma réflexion. Il n'est pas bon que le Président de la République soit l'homme à tout faire. La dualité de l'exécutif, dans les conditions où elle a été établie et où elle a fonctionné, a donné satisfaction. Il est vrai que la cohabitation d'un président et d'une majorité parlementaire qui ne serait point d'un même bord pose des problèmes et même peut provoquer une crise, mais quel régime fonctionne sans difficultés, quel régime ne connaît pas les crises ? L'opposition entre un président, élu d'une certaine majorité et la plus grande part d'une Assemblée élue d'une autre majorité, modifie certes le fonctionnement des pouvoirs publics. Mais la situation n'est pas sans issue. Si le Président est le dernier élu, il peut dissoudre l'Assemblée afin d'obtenir du peuple un appui nouveau. Si l'Assemblée est la dernière élue, le Président s'incline, à moins qu'il ne préfère en appeler au peuple par une dissolution. Le peuple lui donne tort ; il s'incline derechef, ou mieux se retire " 13 ( * ) .

Votre rapporteur constate que l'esprit des institutions ainsi défini n'implique pas un ordre spécifique des consultations électorales. Il est clair en revanche que M. Michel Debré et le général de Gaulle s'opposaient tous deux à la coïncidence des mandats respectifs des députés et du Président de la République et donc à la réduction de la durée du mandat présidentiel 14 ( * ) .

Les éminents constitutionnalistes entendus par votre commission n'ont pour leur part pas défini de manière homogène cet " esprit " des institutions, qui expliquerait la nécessité de modifier les dates des élections 15 ( * ) .

2. L'" esprit " et la pratique

En fait, par " esprit " des institutions, les auteurs des propositions de loi organique et les membres du Gouvernement semblent avoir entendu une pratique voulant qu'il y ait cohérence entre la majorité présidentielle et la majorité à l'Assemblée nationale.

Cette analyse est corroborée par certains propos de M. le Premier ministre : " La cohabitation (...) doit être conçue comme une parenthèse (...) Or, il est clair que la dynamique de la cohérence est la plus forte si l'élection présidentielle précède les législatives, rendant ainsi moins probable le risque de cohabitation " 16 ( * ) .

Une telle justification de la proposition de loi organique suscite quelques interrogations.

Ne s'agit-il pas d'une singulière " parenthèse " celle qui, du printemps 1986 au printemps 2002, aura, sauf accident de l'histoire à venir, couvert neuf des seize années courues ?

Le législateur peut-il tenter d'imposer une pratique des organes constitutionnels qu'il estime souhaitable en modifiant les règles de valeur organique relatives à l'élection des députés ?

En tout état de cause, malgré que les responsables politiques en aient, aucun calendrier électoral n'est en mesure d'éviter la cohabitation. L'exemple des Etats-Unis en apporte une éclatante démonstration. Appelés à désigner le même jour un président et des représentants au Congrès, les électeurs américains ont souvent choisi un président démocrate et un Congrès républicain, plus rarement un président républicain et un Congrès démocrate.

Au fond, votre rapporteur partage l'analyse de M. le Premier ministre, qui, après en avoir appelé à l'" esprit " des institutions pour justifier la modification du calendrier électoral, a conclu sa démonstration en affirmant que " ce n'est pas l'ordre des élections qui détermine la nature d'un régime " 17 ( * ) .

C. UNE MODIFICATION SANS PRÉCÉDENT

Il est arrivé, depuis les débuts de la V e République, que des mandats électifs soient prolongés :

- la loi n° 66-947 du 21 décembre 1966 a reporté de mars à octobre 1967 le renouvellement d'une série de conseillers généraux afin d'éviter que celui-ci ne coïncide avec les élections législatives ;

- la loi n° 72-1070 du 4 décembre 1972 a également reporté le renouvellement d'une série de conseillers généraux de mars à octobre 1973 afin d'éviter que celui-ci ne coïncide avec les élections législatives ;

- la loi n° 88-26 du 8 janvier 1988 a reporté de mars à septembre le renouvellement d'une série de conseillers généraux, afin d'éviter des difficultés d'organisation de l'élection présidentielle ;

- la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 a pour sa part prolongé le mandat d'une série de conseillers généraux et écourté le mandat d'une autre série, afin d'assurer la concomitance des élections régionales et des élections cantonales ;

- la loi n° 94-590 du 19 juillet 1994 a reporté de mars à juin 1995 les élections municipales, afin d'éviter des difficultés d'organisation de l'élection présidentielle ;

- enfin, la loi n°96-89 du 6 février 1996 a reporté de mars à mai 1996 le renouvellement des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie française pour éviter que ces élections coïncident avec l'examen par le Parlement d'une réforme du statut de ce territoire d'outre-mer.

Aucun de ces exemples n'est comparable avec le texte aujourd'hui soumis au Sénat, dans la mesure où ils concernaient tous des assemblées locales. En outre, ces assemblées n'ont pas elles-mêmes décidé de prolonger la durée de leur mandat quelques mois avant le terme de celui-ci comme l'Assemblée nationale pourrait le faire dans le cas présent.

Au cours du siècle écoulé, la prorogation du mandat des députés n'est guère intervenue qu'à deux reprises...en 1918 et 1940. Convenons que de pareils précédents justifient que l'on s'interroge sur le caractère impérieux des motifs qui sous-tendent le texte en discussion.

D. UNE SOLUTION PORTEUSE DE DIFFICULTÉS

La précipitation dans laquelle le Parlement est conduit à examiner la proposition de loi organique risque de ne pas permettre un examen approfondi de toutes les conséquences de celle-ci. Les auditions organisées par votre commission des lois ont permis de mesurer que la question était plus complexe qu'il y paraissait au premier abord et que toutes les conséquences du texte en discussion n'avaient pas été mesurées.

La modification proposée n'a pas en effet vocation à s'appliquer à la seule année 2002, mais tend à fixer de manière pérenne la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale au troisième mardi de juin.

Personne jusqu'ici ne s'est interrogé sur l'opportunité, indépendamment de la question de l'ordre des élections, de modifier ainsi la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Est-il souhaitable que l'Assemblée élue entame ses travaux le troisième mardi de juin pour les interrompre quelques jours plus tard ?

Une telle réforme ne conduira-t-elle pas à la convocation systématique d'une session extraordinaire les années d'élections législatives ?

Est-il souhaitable également que le projet de budget commence à être élaboré par le Gouvernement avant les élections législatives pour être éventuellement remis en cause par un autre Gouvernement ?

Le premier mardi d'avril n'a pas été choisi de manière fortuite comme date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Il s'agissait de la date normale d'ouverture de la session parlementaire de printemps. Cette date permettait au gouvernement formé après les élections législatives et à l'Assemblée de commencer à travailler et à préparer le projet de budget avant l'interruption des travaux à la fin du mois de juin.

En fait, à supposer que les dates prévues pour les élections soulèvent des difficultés, n'est-ce pas plutôt la date de l'élection présidentielle qui mériterait d'être réexaminée ? 18 ( * ) En 1958, cette élection avait été organisée en décembre et aurait continué d'être organisée à cette date si un Président n'avait pas quitté ses fonctions et si un autre n'était pas décédé en cours de mandat.

Ainsi que l'a souligné M. Didier Maus devant votre commission des lois 19 ( * ) , depuis l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958, le calendrier électoral s'est enrichi de trois nouvelles consultations au suffrage universel direct : l'élection présidentielle, les élections européennes et les élections régionales. L'organisation des consultations électorales dans notre pays ne mériterait-elle pas d'être examinée dans le cadre d'une réflexion globale et approfondie ?

A vouloir modifier dans l'urgence la date d'une consultation électorale, le législateur organique ne risque-t-il pas de créer de nouvelles difficultés ?

A titre d'exemple, si le calendrier proposé par le Gouvernement devait être retenu et perdurer, il convient d'ores et déjà de noter que l'année 2007 sera marquée par une difficulté particulière. En 2007, comme en 1995, des élections municipales précéderont les élections présidentielles. Les élections municipales seront au surplus couplées avec des élections cantonales. Or, ces consultations devront vraisemblablement être déplacées, comme en 1995, pour éviter de rendre impossible la procédure de parrainage des candidats à l'élection présidentielle. En 1995, les élections municipales ont été reportées au mois de juin. Un tel choix pourrait s'avérer difficile, sinon impossible, si des élections législatives étaient organisées au cours du même mois. Un report en septembre ne poserait pas moins de difficultés, compte tenu de l'organisation d'élections sénatoriales.

De manière plus générale, il semble que la méthode consistant, pour le Constituant ou le législateur, à modifier ponctuellement les règles de fonctionnement de nos institutions atteigne ses limites. L'approche impressionniste chère à un ancien Président de la République risque en effet de faire perdre de vue l'essentiel, à savoir la cohérence de l'oeuvre ainsi accomplie.

III. UN CONSTAT : L'ABSENCE DE TOUT MOTIF D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

La modification de la date de consultations électorales, accompagnée de la prorogation de la durée d'un mandat, est une décision grave, surtout lorsqu'est en cause une assemblée parlementaire. Elle doit donc reposer sur un motif d'intérêt général qu'il est difficile d'appréhender dans la démarche aujourd'hui proposée au législateur organique.

A. LES EXIGENCES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL EN MATIÈRE DE PROROGATION DES MANDATS ÉLECTIFS

Le Conseil constitutionnel a été conduit à se prononcer à quatre reprises sur des textes législatifs reportant la date de consultations électorales. Dans les quatre cas, il s'agissait d'élections locales et non des élections législatives.

1. Les décisions de 1990 et 1994 relatives au renouvellement des conseillers généraux

En 1990, le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux. Cette loi prévoyait le renouvellement intégral des conseillers généraux tous les six ans. Elle avait notamment pour effet d'allonger la durée du mandat d'une série de conseillers généraux, et de raccourcir la durée du mandat d'une autre série de conseillers généraux.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°90-280 DC du 6 décembre 1990 , a estimé que le législateur pouvait déterminer la durée des mandats des assemblées locales sous certaines réserves. Il a ainsi observé que le législateur devait se conformer aux principes d'ordre constitutionnel.

Il a souligné que la volonté du législateur de favoriser une plus forte participation du corps électoral lors des consultations locales n'était contraire à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle. Il a enfin noté que les modalités de la réforme revêtaient un caractère exceptionnel et transitoire, de telle sorte qu'elles n'étaient contraires ni au droit de suffrage ni au principe de libre administration des collectivités territoriales.

En 1994, le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux et a considéré, dans sa décision n°93-331 DC du 13 janvier 1994 , que cette réforme, justifiée par le législateur par la volonté de favoriser la continuité de l'administration du département, n'était pas contraire à la Constitution.

2. La décision de 1994 relative au renouvellement des conseillers municipaux

En 1994, le Conseil constitutionnel a été conduit à se prononcer sur la loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux, qui reportait de mars à juin 1995 l'organisation des élections municipales.

Dans sa décision n° 94-341 DC du 6 juillet 1994 , le Conseil a déclaré la loi conforme à la Constitution en formulant les observations suivantes :

" Considérant que le législateur peut librement modifier les règles concernant le régime électoral des assemblées locales dans le respect des dispositions et principes de valeur constitutionnelle ;

" Considérant que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si les objectifs que s'est assigné le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à ces objectifs ;

" Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ;

" Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi que le législateur a justifié la prorogation du mandat des conseillers municipaux par la nécessité d'éviter des difficultés de mise en oeuvre de l'organisation de l'élection présidentielle prévue en 1995 (...) que le choix opéré par le législateur n'est pas manifestement inapproprié aux objectifs qu'il s'est fixés ; que ce choix ne crée, dans son principe ni dans ses modalités matérielles d'organisation de confusion dans l'esprit des électeurs avec d'autres consultations électorales ; que dans cette mesure l'article 1 er de la loi n'apparaît contraire ni au droit de suffrage garanti par l'article 3 de la Constitution, ni au principe de libre administration des collectivités locales, ni au principe d'égalité ".

M. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, ayant estimé devant l'Assemblée nationale que la situation présente était comparable à celle de 1995, il convient de rappeler que le législateur avait décidé de reporter en juin les élections municipales car, si ces élections avaient eu lieu en mars, les maires n'auraient eu qu'une journée pour décider éventuellement de présenter un candidat à l'élection présidentielle comme la loi les y autorise .

3. La décision de 1996 relative au renouvellement des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie française

En 1996 enfin, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi organique reportant de mars à mai 1996 le renouvellement des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie française. Dans sa décision n° 96-372 du 6 février 1996 , il a déclaré la loi organique conforme à la Constitution en estimant que la prorogation n'était pas manifestement inappropriée aux objectifs que se fixait le législateur, à savoir la volonté d'éviter la concomitance du renouvellement des membres de l'Assemblée territoriale et de l'examen par le Parlement d'une réforme du statut du territoire concerné.

*

Ainsi, le report d'élections locales a jusqu'à présent été admis par le Conseil constitutionnel. Celui-ci a cependant vérifié que le choix du législateur n'était pas manifestement inapproprié aux objectifs poursuivis . Il a également été attentif à ce que les dispositifs proposés revêtent un caractère exceptionnel et transitoire .

Il a enfin admis que le législateur pouvait déroger à l'égalité pour des motifs d'intérêt général à condition que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.

Les motifs d'intérêt général accueillis favorablement par le Conseil constitutionnel dans les trois cas précédemment cités étaient les suivants :

- la volonté d'éviter des difficultés matérielles d'organisation des élections présidentielles ;

- la volonté d'assurer la continuité de l'administration d'une collectivité ;

- la volonté de favoriser une participation accrue des citoyens aux consultations électorales ;

- la volonté d'éviter que l'élection d'une assemblée territoriale se déroule au moment même de l'examen par le Parlement d'un texte modifiant le statut du territoire concerné et notamment les pouvoirs de l'Assemblée territoriale.

B. L'ABSENCE DE TOUTE DIFFICULTÉ PRATIQUE

Aucun motif comparable à ceux admis dans le passé par le Conseil constitutionnel ne paraît justifier la proposition de loi organique soumise au Sénat, même si le Gouvernement a tenté à l'Assemblée nationale de s'appuyer sur des recommandations du Conseil constitutionnel qu'il n'avait jusqu'alors pas prises en compte pour justifier la modification de l'ordre des échéances électorales.

1. Les observations du Conseil constitutionnel

Le 23 juillet 2000, le Conseil constitutionnel a formulé des observations dans la perspective de l'élection présidentielle. Ces observations concernaient les mesures d'organisation des opérations électorales, la présentation des candidats, le déroulement de la campagne électorale et les comptes de campagne.

La première des observations du Conseil constitutionnel concernait cependant la date des scrutins prévus en 2002 :

" Pour des raisons de principe autant que pour des motifs pratiques, il importe que les citoyens habilités à présenter les candidats en application de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 puissent le faire après avoir pris connaissance des résultats de l'élection à l'Assemblée nationale. Le deuxième tour de cette élection devrait donc avoir eu lieu lorsque s'ouvrira la période de recueil des présentations par le Conseil constitutionnel ".

Pour mieux comprendre la recommandation du Conseil constitutionnel, quelques règles méritent d'être rappelées :

- l'article 7 de la Constitution prévoit que l'élection du nouveau Président de la République a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du Président en exercice ;

- l'article L.O. 122 du code électoral prévoit que, sauf le cas de dissolution, les élections législatives ont lieu dans les soixante jours qui précèdent l'expiration des pouvoirs e l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, l'article 3 de la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel prévoit que quinze jours au moins avant le premier tour du scrutin ouvert pour l'élection du Président de la République, le Gouvernement assure la publication de la liste des candidats.

Le même article précise que cette liste est établie par le Conseil constitutionnel au vu des présentations qui lui sont adressées, dix-huit jours au moins avant le premier tour de scrutin, par au moins cinq cents citoyens membres du Parlement, des conseils régionaux, de l'Assemblée de Corse, des conseils généraux, du Conseil de Paris, des assemblées territoriales des territoires d'outre-mer, maires ou membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

Compte tenu de l'ensemble de ces règles, en 2002, les élections législatives pourraient être organisées entre le 3 février et le 31 mars. L'élection présidentielle pourrait être organisée les 14 et 28 avril ou les 21 avril et 5 mai.

Si le premier tour de l'élection présidentielle est organisé le 14 avril, les présentations des candidats devront être adressées au Conseil constitutionnel au plus tard le 26 mars à minuit. Si le premier tour est organisé le 21 avril, les présentations devront être adressées au plus tard le 2 avril à minuit.

2. Une recommandation aisée à mettre en oeuvre

Devant l'Assemblée nationale, M. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, a estimé que cette exigence justifiait le report des élections législatives après les élections présidentielles :

"  (...) l'élection présidentielle, en application de l'article 7 de la Constitution, ne peut être organisée en 2002 que les 14 et 28 avril, ou bien les 21 avril et 5 mai.

" Si pour répondre à la préoccupation exprimée par le Conseil constitutionnel , la date la plus tardive était choisie, les présentations des candidats au Conseil constitutionnel pour les élus habilités seraient fixées, en application des textes en vigueur, au 2 avril à minuit. Cette conséquence ne constitue pas en soi une difficulté insurmontable mais le législateur se doit d'avoir une vue à long terme, dans la perspective de la perpétuation d'un tel calendrier électoral. Il droit prendre en compte le fait que cette difficulté technique, mineure en 2002 (...) ne fera que s'aggraver ensuite parce que la date de passation des pouvoirs entre le nouveau Président de la République et le Président sortant s'est toujours faite avant la date d'expiration des pouvoirs de ce dernier, ce qui entraîne une avancée dans le temps de la date de l'élection présidentielle (...).

" Cet effet mécanique qui conduit à ce qu'en 2002, l'élection présidentielle ait lieu quatorze jours plus tôt que dans l'année 1974 ne permettra pas, à terme, de respecter les exigences de clarté des " parrainages " affichés par le Conseil constitutionnel, à moins de réduire de plus en plus le temps laissé aux élus pour effectuer les présentations des candidats, ce qui finirait par causer une difficulté insurmontable " 20 ( * ) .

Observons tout d'abord qu'il est singulier que pareil argument soit avancé à l'occasion de la discussion de la présente proposition de loi organique.

Pour tenir compte des observations du Conseil constitutionnel formulées en juillet dernier, le Gouvernement a déposé un projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République actuellement en cours de discussion. Le Gouvernement n'a pas cru utile ou nécessaire, dans ce texte pourtant spécifiquement destiné à mettre en oeuvre les recommandations du Conseil, de formuler une proposition quelconque à propos des dates des scrutins. Il a même demandé le retrait d'un amendement tendant à modifier l'ordre des consultations électorales lors de l'examen de ce projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale.

Il est surtout difficile de percevoir où se situe la difficulté évoquée par le ministre de l'Intérieur. Une difficulté dans l'organisation des parrainages des candidats à l'élection présidentielle ne pourrait surgir que si le Gouvernement, compétent pour fixer les dates des élections, retenait parmi les dates possibles la plus tardive pour l'organisation des élections législatives et la plus précoce pour l'organisation de l'élection présidentielle.

En se fondant sur cette hypothèse, M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi organique, a estimé que le calendrier prévu soulèverait des difficultés pratiques :

"(...) si, à l'issue des élections à l'Assemblée nationale, l'un des candidats, pressenti ou officiellement en lice, tirait les conclusions de ce scrutin en décidant de ne pas se présenter au bénéfice d'une autre personnalité, le recueil des signatures nécessaires à cette nouvelle candidature ne serait plus possible. On peut présager de la confusion qui naîtrait d'une telle situation. Si, par exemple, le premier tour des présidentielles se déroulait le 14 avril, les cinq cents signatures devraient être recueillies avant le 27 mars alors que le second tour des législatives pourrait avoir eu lieu le 31 mars. De plus, on voit mal comment le Conseil constitutionnel pourrait alors exercer les contrôles adéquats " 21 ( * ) .

Assurément, l'hypothèse envisagée par le rapporteur de l'Assemblée nationale (élections législatives les 24 et 31 mars - élection présidentielle les 14 et 21 avril) soulèverait des difficultés sérieuses pour l'organisation des parrainages des candidats à l'élection présidentielle et ne permettrait pas de répondre au souhait du Conseil constitutionnel.

Toutefois, il n'est pas absolument certain que le Gouvernement choisira le dimanche de Pâques pour organiser le second tour des élections législatives, alors qu'il lui est loisible d'organiser ces élections entre le 3 février et le 31 mars !...

Les élections présidentielles ne peuvent, pour leur part, en vertu de la Constitution, être organisées que les 14 et 21 ou les 21 avril et 5 mai. Le choix de la date la plus tardive serait conforme aux solutions retenues lors des précédentes élections.

Dans cette hypothèse, il n'existe aucune difficulté pour faire en sorte que les citoyens habilités à présenter un candidat à l'élection présidentielle puissent le faire après avoir pris connaissance du résultat des élections législatives.

Les formulaires de présentation des candidats devront en effet être adressés au plus tard à minuit le dix-neuvième jour précédent le premier tour de l'élection, soit le 2 avril dans l'hypothèse d'un premier tour le 21.

Si le Gouvernement choisissait d'organiser les élections législatives en février, comme il peut le faire, le délai entre les deux consultations serait très étendu et permettrait d'organiser sans difficulté les parrainages.

Toutefois, le Gouvernement pourrait ne pas souhaiter organiser les élections législatives en février, dans la mesure où les nouvelles listes électorales sont arrêtées le dernier jour de février de chaque année.

Si le Gouvernement choisit d'organiser les élections législatives en mars, il peut aisément le faire en permettant aux citoyens susceptibles de présenter des candidats à l'élection présidentielle de procéder à cette présentation après avoir pris connaissance du résultat des élections législatives . Si le second tour des élections législatives est organisé le 10 mars, 23 jours sépareront ce second tour de la date limite d'envoi des formulaires de présentation. Dans l'hypothèse d'un second tour des élections législatives le 17 mars, 16 jours sépareront encore ce second tour de la date limite d'envoi des formulaires de présentation.

Rappelons que le législateur n'a décidé, en 1994, de reporter les élections municipales de mars 1995, que parce que les 36.000 maires de France n'auraient eu, dans l'hypothèse d'un maintien à la date prévue de ces élections, qu'une unique journée pour décider de parrainer un candidat à l'élection présidentielle.

La sage recommandation du Conseil constitutionnel peut donc être mise en oeuvre sans bouleverser l'ordre d'organisation des consultations électorales.

M. le ministre de l'Intérieur a fait valoir que, si les difficultés ne se posaient pas dès 2002, elles interviendraient nécessairement plus tard, dans la mesure où la passation des pouvoirs est en général organisée avant la date d'expiration du mandat du Président de la République, de sorte que les élections présidentielles sont organisées de plus en plus tôt.

A ce sujet, deux remarques peuvent être formulées. D'une part, ce scénario qui, en toute hypothèse, ne soulèvera des difficultés que dans de très nombreuses années, suppose qu'à l'avenir tous les présidents de la République achèvent leur mandat, de telle sorte que le moment de l'élection présidentielle ne soit jamais modifié. D'autre part, dans certaines hypothèses, ce phénomène d'avancée dans le temps de la date de l'élection présidentielle ne se produit pas. Ainsi, en 1988, M. François Mitterrand s'est succédé à lui-même de telle sorte que son nouveau mandat a commencé le jour de l'expiration du précédent. A l'avenir, rien n'oblige à devancer l'appel si cela présente un quelconque inconvénient.

Il n'existe en conséquence aucune difficulté pratique, aucun motif d'intérêt général susceptible de justifier une modification de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale et donc une prorogation de la durée du mandat des députés. Il ne s'agit pas en l'espèce de savoir si le Gouvernement peut régler une difficulté pratique par d'autres moyens que la modification du calendrier électoral, mais de constater qu'il n'existe en fait pas de difficulté pratique.

C. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION : PRÉVOIR UN DÉLAI MINIMUM ENTRE ÉLECTIONS LÉGISLATIVES ET ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

En conséquence, votre commission considère la modification proposée de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale n'est ni nécessaire ni utile. Elle n'est en effet justifiée par aucun motif pratique et pourrait soulever à l'avenir des difficultés dans le fonctionnement des pouvoirs publics qui n'ont pas été mesurées jusqu'à présent.

Afin de veiller à ce que la recommandation du Conseil constitutionnel relative à l'organisation des parrainages puisse être pleinement prise en considération, elle propose simplement, par un amendement , de préciser dans le code électoral, que, lorsque des élections législatives sont organisées avant une élection présidentielle, le second tour des élections législatives ne peut être organisé moins de trente jours avant le premier tour des élections présidentielles.

Cette disposition ne s'appliquerait pas dans les situations exceptionnelles que sont la vacance de la présidence de la République ou l'empêchement constaté par le Conseil constitutionnel.

Ce dispositif permettra ainsi aux citoyens habilités à présenter un candidat à l'élection présidentielle de le faire en ayant pris connaissance du résultat des élections législatives.

Votre commission vous propose en conséquence la suppression de l'article 2 de la proposition de loi organique, devenu sans objet.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter la proposition de loi organique.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. L.O. 121 du code électoral)
Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale

Cet article tend à modifier l'article L.O. 121 du code électoral pour reporter du premier mardi d'avril au troisième mardi de juin de la cinquième année suivant son élection la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Il s'agit donc d'une modification importante des règles relatives à l'élection des députés et au fonctionnement de l'Assemblée nationale. Cette modification, insérée dans le code électoral, a en effet vocation à être pérenne .

Or, la lecture des exposés des motifs des propositions de loi organique déposées à l'Assemblée nationale et des débats de cette dernière montrent que la modification proposée, loin d'être inscrite dans le cadre d'une réflexion à long terme sur le fonctionnement des pouvoirs publics, a pour seul objectif de modifier l'ordre des consultations électorales prévues en 2002 , afin que l'élection présidentielle précède les élections législatives, contrairement à l'ordre actuellement prévu.

La méthode choisie est pour le moins étonnante. Faudra-t-il modifier la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale à chaque fois qu'une dissolution ou le départ d'un Président de la République aura pour conséquence un calendrier électoral qui ne conviendra pas au Gouvernement en place ?

Depuis les débuts de la Ve République, seuls des mandats locaux ont été prorogés. A chaque fois, la prorogation était justifiée par un motif d'intérêt général. En l'espèce, rien ne justifie la modification proposée.

Par ailleurs, à supposer que le calendrier électoral soulève certaines difficultés, la solution proposée dans la proposition de loi organique est loin d'être techniquement acceptable, comme l'a montré M. Didier Maus, professeur associé à l'Université de Paris I, au cours de son audition par votre commission des lois.

La date proposée par le Gouvernement pour l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale aura en effet pour conséquence que la campagne électorale précédant les élections législatives débutera, compte tenu des règles fixées par le code électoral, avant que le nouveau Président de la République ait pris ses fonctions.

Pour éviter cette difficulté, M. Didier Maus a proposé quatre pistes de réflexion :

- le report à fin septembre de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale , le Président élu en mai pouvant choisir de dissoudre l'Assemblée nationale avant cette date ;

- la modification du code électoral afin de raccourcir la durée de la campagne des élections législatives pour que cette campagne ne commence qu'après l'installation du Président de la République ;

- la fixation au 30 juin de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ; cette modification devrait s'accompagner d'une révision constitutionnelle pour prévoir la tenue de droit d'une session du Parlement, afin que l'Assemblée nationale constitue ses organes ;

- enfin, la fixation au 15 avril de la date d'expiration des pouvoirs du Président de la République , afin d'éviter que la date de cette élection soit modifiée de manière définitive lorsqu'un Président de la République n'achève pas son mandat.

Aucune de ces hypothèses n'a été sérieusement étudiée lors de la discussion de la proposition de loi organique par l'Assemblée nationale, ce qui démontre s'il en était besoin que le texte en discussion n'a pour objet que d'inverser les dates des consultations électorales sans que cette décision s'accompagne de la recherche de la meilleure solution possible pour le fonctionnement de nos institutions.

En tout état de cause, comme l'a précédemment montré votre rapporteur, le texte proposé n'est justifié par aucun motif d'intérêt général. En effet, si le Conseil constitutionnel a souhaité que les citoyens susceptibles de présenter un candidat à l'élection présidentielle puissent le faire après avoir pris connaissance des résultats des élections législatives, cette recommandation peut aisément être mise en oeuvre sans modifier d'une quelconque manière le code électoral. Il suffit en effet que le Gouvernement prévoit un délai suffisant entre les élections législatives et les élections présidentielles.

Afin de faciliter la mise en oeuvre par le Gouvernement de la recommandation du Conseil constitutionnel, votre commission vous propose, par un amendement , d'écarter toute modification de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, mais de prévoir que lorsque des élections législatives sont organisées avant une élection présidentielle, le second tour des élections législatives ne peut précéder de moins de trente jours le premier tour de l'élection présidentielle. Cette disposition ne s'appliquerait naturellement pas dans les situations exceptionnelles que sont la vacance de la Présidence de la République ou l'empêchement du Président constaté par le Conseil constitutionnel.

Votre commission propose d'insérer cette disposition dans l'article L.O. 122 du code électoral, qui prévoit que les élections législatives ont lieu dans les soixante jours précédant l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .

Article 2
Application de la modification proposée à l'Assemblée élue en 1997

Cet article prévoit l'application de la modification de l'article L.O. 121 du code électoral inscrite dans l'article premier à l'Assemblée élue en juin 1997.

Votre commission ayant décidé d'écarter toute modification de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, cet article est devenu sans objet.

Votre commission vous propose la suppression de l'article 2.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des lois vous propose d'adopter la proposition de loi organique.

ANNEXE

LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
DU MARDI 9 JANVIER 2000

_______

AUDITION DE M. RENÉ RÉMOND,
MEMBRE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE,
PRÉSIDENT DE LA FONDATION NATIONALE
DES SCIENCES POLITIQUES

_______

M. Pierre Fauchon, président, a souligné la grande portée des dispositions proposées et regretté le peu de temps imparti au Sénat pour se prononcer.

Il a rappelé que le texte en discussion tendait à reporter du premier mardi d'avril au troisième mardi de juin la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale et que cette modification conduirait, en 2002, à l'organisation des élections présidentielles avant les élections législatives.

La commission a tout d'abord entendu M. René Rémond, membre de l'Académie française, président de la Fondation nationale des sciences politiques. Celui-ci s'est félicité de l'étendue de la consultation organisée par le Sénat, en rappelant avoir regretté le manque de débat lors de l'examen du texte limitant la durée du mandat présidentiel.

Rappelant qu'il intervenait en tant qu'historien et observateur de la vie politique, M. René Rémond a souhaité inscrire sa réflexion dans le long terme. Il a souligné l'importance de ce texte dont l'objet, le rapport au temps en politique, élément essentiel contribuant à caractériser l'Etat de droit, avait déjà été examiné quelques mois auparavant s'agissant de la durée du mandat présidentiel.

Sur l'opportunité d'une telle réforme à un peu plus d'un an des échéances électorales, M. René Rémond a reconnu qu'elle pouvait susciter des soupçons de manipulation. Cependant, il a rappelé que ce postulat d'intangibilité des règles électorales peu avant une échéance électorale était récent et que des précédents contraires, s'agissant de délais beaucoup plus courts, existaient. Il a cité les réformes des modes de scrutin intervenues en 1927 ainsi qu'en 1951 avec l'adoption de la loi sur les apparentements.

S'agissant du délai d'un an avant les échéances électorales, M. René Rémond a par ailleurs considéré qu'il était amplement suffisant, mais qu'il devait conduire le Sénat à ne pas différer l'examen du texte, une " course de lenteur " pouvant être interprétée comme de l'obstruction.

Il a ensuite jugé opportun le choix du mois de juin comme date d'élection, les facteurs d'abstention (ponts, départs en vacances...) lui apparaissant moindres que pour d'autres périodes.

Il a souligné que qualifier la modification du calendrier électoral d'" inversion " ou de " rétablissement " était révélateur d'un certain jugement de valeur.

M. René Rémond a ensuite mis en lumière l'impossibilité d'un quelconque pronostic concernant les effets d'une telle réforme sur le résultat du scrutin et a dès lors souhaité que les supputations diverses n'occultent pas l'objet de la proposition de loi.

Il a alors abordé ce qui lui est apparu essentiel, à savoir les conséquences d'une telle réforme sur l'évolution des rapports entre fonctions présidentielle et législative.

M. René Rémond a considéré que les précédents d'antériorité d'élections législatives par rapport aux élections présidentielles sous la Ve République, auxquels il est souvent fait référence, ne pouvaient être retenus. Il a indiqué qu'en 1958 il s'agissait de mettre en place les institutions, les élections présidentielles de 1969 et 1974 ayant résulté d'événements inopinés, démission du Président de la République Charles de Gaulle d'une part, et décès subit du Président de la République Georges Pompidou d'autre part. Soulignant que les dates d'élection étaient ainsi le fruit du hasard, il a salué la présente proposition de loi organique qui permettrait justement de remédier à cet état de fait.

M. René Rémond a ensuite rappelé que depuis quatre ans, divers événements avaient entraîné une évolution non intentionnelle de l'équilibre des institutions. Rappelant la " dissolution de convenance " de l'Assemblée nationale intervenue en avril 1997, il a souligné qu'elle avait eu pour conséquence de rendre l'exercice du droit de dissolution plus précaire pour le Président de la République, tandis que l'" échec " du référendum relatif au quinquennat, dû pour une grande partie à l'absence de débat public, avait affaibli la fonction présidentielle, déjà mise à mal par la cohabitation.

Il a précisé que le calendrier actuel accentuait encore l'affaiblissement de la fonction présidentielle et qu'il importait, pour la renforcer, d'élire le Président de la République avant l'Assemblée nationale, ainsi qu'il en avait été décidé en 1958, ceci ayant été largement avalisé par la suite par les citoyens.

M. René Rémond a par ailleurs indiqué que l'adoption du quinquennat avait eu pour effet d'augmenter les risques de cohabitation.

En conclusion, il a souhaité que le débat porte sur l'essentiel et, parlant résolument de " rétablissement " du calendrier électoral, s'est déclaré en faveur de cette réforme, d'après lui plus conforme à l'esprit des institutions.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud ayant observé qu'il résultait de l'intervention de M. René Rémond que l'enjeu de ce texte était d'arbitrer entre un régime présidentiel et un régime parlementaire, M. René Rémond a en effet concédé qu'il ne pouvait être possible d'ignorer cet enjeu, du fait de l'évolution des quatre dernières années.

M. Christian Bonnet, rappelant l'emploi par M. René Rémond du terme de " dissolution de convenance ", s'est interrogé sur les éléments permettant d'y faire référence, rappelant que les dissolutions intervenues en 1981 et 1988 avaient eu pour objectif de rechercher une majorité de fait et qu'il avait été précédemment reproché au Président de la République d'alors, M. Valéry Giscard d'Estaing, de ne pas avoir provoqué de dissolution et d'avoir, par conséquence, dû " gouverner au 49-3 ".

M. René Rémond a alors rappelé que le droit de dissolution ne devait s'exercer que dans des circonstances exceptionnelles, crise de société telle celle de mai 1968 ou dysharmonie profonde entre les pouvoirs entraînant des risques de blocage comme en 1981 et en 1988. Il a alors estimé qu'au contraire, la dissolution intervenue en avril 1997, alors même que le Gouvernement disposait d'une majorité écrasante à l'Assemblée nationale, s'apparentait à une anticipation d'échéances électorales dans le droit fil de la coutume britannique, mais que contrairement à cette pratique britannique, le Président de la République restait en fonctions même en cas d'échec, et qu'il s'agissait donc à ses yeux d'un abus du droit de dissolution.

Après que M. Jean-Jacques Hyest eut convergé avec lui sur l'idée que l'adoption du quinquennat risquait d'entraîner une recrudescence des situations de cohabitation, M. René Rémond a expliqué que rien ne garantissait en effet que des pouvoirs élus au même moment et pour la même échéance coïncideraient forcément, les élections législatives s'apparentant à 577 élections locales et à autant de situations personnelles.

Il a ensuite souligné qu'une cohabitation longue de cinq ans était désormais possible et qu'elle apparaissait comme une figure permanente de la vie politique française.

M. Henri de Richemont a alors déclaré que la présente proposition de loi s'apparentait à une réforme de convenance puisque le Premier Ministre et le Gouvernement qui s'étaient prononcés contre une telle réforme il y a quelques mois avaient récemment opéré un revirement.

M. René Rémond s'est alors étonné que les partisans d'une fonction présidentielle forte ne se réjouissent pas d'un tel revirement et, rappelant une nouvelle fois que nul ne pouvait raisonnablement prédire les effets d'une telle réforme, il a appelé à un débat portant sur le fond du texte.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a alors observé que la fixation d'une date permanente pour les élections était illusoire, car il faudrait interdire au Président de la République de dissoudre, de démissionner et de mourir.

M. René Rémond, après l'avoir admis, a indiqué que cela résultait du manque de globalisation des réformes concernant la vie politique, ainsi que l'avait montré l'adoption d'un " quinquennat sec ".

AUDITION DE M. GUY CARCASSONNE,
PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DE PARIS X

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Après avoir rappelé qu'il avait de longue date souligné que la dissolution intervenue en 1997 aurait pour conséquence une inversion du calendrier électoral en 2002, M. Guy Carcassonne a affirmé que, de son point de vue, le rétablissement de ce calendrier était à la fois constitutionnellement possible et institutionnellement indispensable.

Il a indiqué qu'à plusieurs reprises des mandats électifs avaient pu être prorogés avec l'assentiment du Conseil constitutionnel, celui-ci exerçant un contrôle sur les objectifs justifiant une telle opération. Il a toutefois observé que le mandat des députés n'avait jamais été modifié sous la Ve République.

Après avoir rappelé que le Conseil constitutionnel avait eu l'occasion d'énoncer les difficultés pratiques tenant aux dates prévisibles des prochaines échéances présidentielle et législative, sans pour autant les présenter comme dirimantes, M. Guy Carcassonne a souligné que, s'agissant d'une loi organique, le contrôle de constitutionnalité s'exercerait nécessairement. Il a pour sa part estimé que cette loi n'était pas contraire à la Constitution.

Tout en reconnaissant que le rétablissement envisagé du calendrier électoral pour 2002 ne pouvait constituer une garantie de pérennité de l'ordre ultérieur des échéances électorales, il a estimé cette opération indispensable, le calendrier actuel constituant selon lui une incongruité politique au regard du fonctionnement institutionnel de la Ve République caractérisé par le fait majoritaire. Il a observé que ce fait majoritaire et la bipolarisation de la vie politique résultaient davantage de l'élection du Président de la République au suffrage universel que du mode de scrutin, la majorité présidentielle servant de référence à l'agencement des forces politiques pour l'élection des députés et de fondement à une véritable solidarité de gouvernement.

Il a observé que l'élection présidentielle intervenue en 1958 après les législatives ne pouvait être citée comme contre exemple dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une élection au suffrage universel et où l'autorité du Président élu, le Général de Gaulle, était incontestée.

Se référant aux périodes ayant succédé aux élections présidentielles de 1974 et 1995 au cours desquelles, le Président de la République n'ayant pas sollicité le renouvellement de l'Assemblée nationale par le biais de la dissolution, les gouvernements de M. Raymond Barre et M. Alain Juppé s'étaient heurtés à la dislocation de leur majorité, M. Guy Carcassonne a estimé que le seul moyen d'assurer la solidité du pacte majoritaire était de faire suivre l'élection présidentielle par les élections législatives.

M. Guy Carcassonne a conclu son propos en estimant que le calendrier électoral n'était pas de nature à infléchir la nature du régime vers un modèle de type plutôt présidentiel ou de type plutôt parlementaire et était également sans effet sur l'importance du rôle joué par le Parlement dans le schéma institutionnel. Il a observé que les périodes ayant suivi les élections législatives de 1973 et 1993, lesquelles avaient précédé l'élection présidentielle, ne s'étaient pas caractérisées par une revalorisation du rôle du Parlement.

En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, qui rappelait que les scores obtenus par les candidats au second tour de l'élection présidentielle étaient souvent très serrés, M. Guy Carcassonne, citant en exemple la majorité absolue qui s'était dégagée des urnes en 1981, a indiqué que lors des scrutins législatifs succédant à une élection présidentielle, le second vote venait confirmer le premier. Il a précisé que la majorité relative obtenue en 1988 avait également favorisé un fonctionnement gouvernemental plus solidaire qu'après les élections législatives de 1973 et 1993, suivies des élections présidentielles.

M. Henri de Richemont s'étant interrogé sur le point de savoir si, en définitive, l'inversion du calendrier électoral avait pour seul but d'éviter les dissensions au sein de la majorité gouvernementale après deux ou trois ans d'exercice du pouvoir, M. Guy Carcassonne a estimé que pareil objectif suffisait à justifier la mesure.

En réponse à M. Christian Bonnet, M. Guy Carcassonne a estimé que faire précéder les élections législatives du scrutin présidentiel permettait aux électeurs de proportionner la majorité parlementaire à la majorité présidentielle.

M. Guy Allouche a estimé que le rétablissement du calendrier électoral ne constituait pas une garantie absolue de concordance des majorités parlementaire et présidentielle. Il s'est interrogé sur le point de savoir si le Président de la République devait démissionner lorsque des élections législatives consécutives à une dissolution dégageaient une majorité parlementaire différente de la majorité présidentielle. Évoquant la doctrine Capitant, M. Guy Carcassonne a estimé que le Président de la République, désavoué, devait s'effacer. Il a cependant observé que, bien que la survenance de majorités différentes à l'occasion d'élections rapprochées fût peu vraisemblable, le droit de dissolution paraîtrait difficile à mettre en oeuvre en pareille circonstance.

AUDITION DE M. LOUIS FAVOREU,
PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ D'AIX-MARSEILLE III,
CO-DIRECTEUR DE LA REVUE FRANÇAISE
DE DROIT CONSTITUTIONNEL

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M. Louis Favoreu a souligné en préalable que le titre du texte transmis au Sénat présentait une certaine neutralité en visant l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale et non le rétablissement ou l'inversion du calendrier électoral.

Constatant que, dans les pays étrangers, les réformes constitutionnelles touchant aux institutions se révélaient rares, il a regretté le penchant français pour les réformes institutionnelles. Il a en effet jugé préférable de toucher le moins possible aux institutions, estimant que les conséquences de telles réformes étaient difficiles à prévoir.

Il a indiqué qu'il considérait depuis longtemps que le droit devait encadrer la vie politique et que la réforme des institutions ne devait pas être utilisée pour réaliser des " coups politiques ".

M. Louis Favoreu a salué à cet égard le rôle essentiel joué par le Conseil constitutionnel dans l'encadrement juridique de la vie politique, estimant qu'au-delà de la protection des droits et libertés fondamentales, le rôle du Conseil constitutionnel était de clarifier les données du débat politique et de faire en sorte que les décisions soient prises en toute connaissance de cause, comme l'ont montré récemment les décisions relatives à la contribution sociale généralisée et à l'écotaxe.

Il a rappelé que le Conseil constitutionnel serait saisi obligatoirement de la présente loi organique et pourrait être sensible à certaines observations effectuées au cours des débats parlementaires.

Il a mis en doute l'existence soudaine d'une conception gaullienne des institutions, imposant une inversion du calendrier, et dénié, en toute hypothèse, toute valeur normative à une telle conception.

M. Louis Favoreu a souligné que l'édifice conçu pourrait être ruiné par une dissolution, la Constitution prévoyant en pareil cas la tenue d'élections entre vingt et quarante jours après celle-ci. Il a observé que le Gouvernement n'avait pas pris la responsabilité de déposer un projet de loi, évitant ainsi l'examen du texte par le Conseil d'Etat et son adoption en conseil des ministres, sous la présidence du Président de la République.

Il a déclaré qu'il allait essentiellement s'attacher à montrer que la réforme entreprise allait à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Evoquant les quatre décisions du Conseil constitutionnel sur des reports de dates d'élections, intervenues en 1990, en 1994 pour deux d'entre elles, et en 1996, il a souligné qu'elles concernaient la prorogation du mandat des membres d'assemblées locales, à savoir les conseils municipaux et les conseils généraux pour les trois premières et une assemblée territoriale d'outre-mer pour la dernière, mais que les enseignements que l'on pouvait en tirer s'appliquaient a fortiori à la prorogation du mandat de l'Assemblée nationale.

M. Louis Favoreu a observé que le Conseil constitutionnel avait à chaque fois validé la démarche tout en la subordonnant au respect de conditions strictes, à savoir le caractère exceptionnel et transitoire de la prorogation et l'existence d'une réelle justification. Il a noté que les motifs retenus par le Conseil avaient été par exemple : de favoriser la participation des électeurs, d'assurer la continuité de l'administration départementale, d'éviter la concomitance des élections avec une réforme sur le statut des élus, de permettre aux électeurs d'être mieux informés des conséquences de leur choix.

Observant que cette jurisprudence était évidemment transposable au cas d'une élection nationale, il a indiqué que le Conseil constitutionnel serait donc amené à exercer un véritable contrôle des motifs de la modification proposée alors qu'en doctrine, il avait été relevé que le début d'un tel contrôle avait été observé justement à propos des décisions précitées de 1990 et 1994.

M. Louis Favoreu a ensuite récusé l'idée selon laquelle le Conseil constitutionnel aurait donné, par avance, une justification à l'inversion du calendrier dans ses recommandations du 23 juillet 2000, et il a estimé que la seule préoccupation exprimée par le Conseil constitutionnel -à savoir le respect de la date-limite de présentation des candidats- pouvait être parfaitement satisfaite par une fixation de la date des élections législatives aux 3 et 10 mars et par une clôture des présentations pour l'élection présidentielle au 2 avril à minuit, pour une élection présidentielle fixée aux 21 avril et 5 mai. Il a remarqué que le 19 décembre 2000, à l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur l'avait reconnu explicitement.

Soulignant qu'il n'y avait donc pas de justification technique et, en conséquence, pas de motif à l'inversion des élections, il a fait valoir que la seule motivation était d'ordre politique et qu'elle était plutôt floue, le contenu de " l'esprit des institutions " variant selon les interlocuteurs. Il en a conclu qu'il flottait un parfum de " détournement de pouvoir ".

M. Louis Favoreu a rappelé que certains avaient estimé que la proposition pouvait apparaître soit comme un coup de semonce en réponse à l'intervention du Président de la République lors de la crise de la vache folle, soit comme un instrument ayant pour objectif réel de favoriser l'élection de certains. Il a toutefois souligné que les résultats de l'inversion du calendrier étaient difficilement prévisibles selon les spécialistes.

Il a fait ressortir qu'un projet de loi, tels les quatre projets de loi précédents, aurait comporté un exposé des motifs clair permettant au Conseil constitutionnel d'exercer un contrôle, ce qui n'était pas le cas de la proposition de loi organique dont les motifs avancés restaient diffus, que ce soit le respect d'une logique institutionnelle de la Ve République ou la mise en cohérence avec la réforme du quinquennat.

Considérant qu'on ne pouvait pas modifier une loi organique sans justification précise ne reposant pas uniquement sur des supputations politiques, M. Louis Favoreu, sans préjuger d'une éventuelle annulation, a estimé que le Conseil constitutionnel pourrait être conduit à émettre de sérieuses réserves sur le texte après avoir exercé un contrôle des motifs comme il l'avait fait s'agissant de l'écotaxe.

En conclusion, M. Louis Favoreu a considéré que, dans un Etat de droit, les choix politiques devaient reposer sur des bases juridiques claires, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence.

En réponse à M. Guy Allouche, qui avait regretté qu'il ne se soit pas prononcé sur la question des conflits entre les majorités présidentielle et législative et avait considéré qu'il semblait difficile de prêter aux personnalités de droite ayant soutenu la proposition l'intention de favoriser l'élection de M. Lionel Jospin, M. Louis Favoreu a estimé que la question de la légitimité présidentielle ou législative ne relevait pas du droit et que le soutien de diverses personnalités ne suffisait pas à donner une motivation constitutionnelle au texte.

A M. Christian Bonnet qui l'interrogeait sur l'esprit des institutions, M. Louis Favoreu a indiqué que cette notion n'avait pas pour lui de caractère juridique et que le Conseil constitutionnel s'y référait très rarement.

A M. Jean-Jacques Hyest qui s'était demandé si le texte ne tendait pas à transformer l'interprétation de la Constitution par l'intermédiaire d'une modification de la loi organique, M. Louis Favoreu a répondu que ce fait ne serait pas susceptible d'être sanctionné par le Conseil constitutionnel. Il a répété que les conséquences de la loi n'étaient pas prévisibles et qu'elle était sans motivation juridique.

AUDITION DE M. DIDIER MAUS,
PROFESSEUR ASSOCIÉ À L'UNIVERSITÉ DE PARIS I,
CO-DIRECTEUR DE LA REVUE FRANÇAISE
DE DROIT CONSTITUTIONNEL

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Estimant qu'en une telle matière on ne pouvait que se répéter ou se contredire, M. Didier Maus a rappelé une de ses opinions exprimées quinze mois auparavant, le 25 octobre 1999 : " si on veut que l'élection présidentielle demeure l'acte essentiel de la vie politique, il faut qu'elle ait lieu en premier ". Il a indiqué n'avoir pas changé de position sur ce point.

Il a cependant regretté que les problèmes liés au calendrier électoral n'aient pu être réglés deux ans avant les élections de 2002, le télescopage des calendriers n'ayant pas été évoqué plus en amont, notamment au moment des débats parlementaires relatifs au quinquennat, réforme à laquelle il était par ailleurs défavorable. Il a ajouté qu'une modification du calendrier électoral s'avérait de toute façon indispensable, indépendamment des débats sur la durée du mandat présidentiel.

M. Didier Maus a signalé qu'aucun précédent significatif depuis quarante ne pouvait servir d'exemple, qu'il s'agisse des élections de 1969, 1974, 1981 ou 1988. Il a estimé que, contrairement au cas présent où le télescopage des calendriers était annoncé depuis la dissolution de 1997, aucun des enchaînements précédents n'avait été prévu ou annoncé par avance.

Il a évoqué plusieurs aspects de la modification proposée. S'interrogeant sur l'existence d'un argument constitutionnel en faveur d'un tel changement, il a fait valoir qu'une logique, une cohérence, une stratégie constitutionnelle pouvaient le justifier. Affirmant son attachement personnel à une interprétation parlementaire du régime, il a estimé que, dès lors que le Président de la République était l'élément pilote de la vie politique, il fallait assurer sa prééminence et faire en sorte que le fait majoritaire soit mis en oeuvre, le quinquennat ayant de surcroît renforcé cette prépondérance présidentielle. Il a donc jugé indispensable d'éviter une incohérence constitutionnelle, et donc nécessaire de permettre que la majorité parlementaire soit un fidèle soutien du Président de la République.

M. Didier Maus a ensuite pointé la difficulté de dénomination de cette opération. Il a relevé plusieurs expressions employées pour qualifier cette modification de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, évoquant tour à tour l'inversion, le rétablissement, la modification, la remise en cause et l'aménagement. Il a constaté que chaque mot était une arme, que l'inversion révélait une connotation péjorative, tandis que le rétablissement relevait d'un vocabulaire erroné puisqu'il ne s'agissait pas de revenir à une situation ex-ante, mais d'appréhender une situation à venir. Il a marqué sa préférence pour le terme aménagement, estimant qu'il reflétait une plus grande neutralité dans le choix du vocabulaire.

Evoquant la constitutionnalité d'un tel aménagement, M. Didier Maus a jugé qu'il existait peu de risque pour qu'un aménagement limité prévu par la loi organique soit censuré par le Conseil constitutionnel. Il a expliqué que les jurisprudences de 1990 et 1994, concernant les élections locales, pouvaient être transposées aux élections législatives. Il a ajouté que la prolongation envisagée n'aurait pas pour effet de proroger la durée du mandat des députés actuels au-delà de cinq ans.

Signalant qu'il était indispensable de réexaminer l'ensemble du calendrier électoral, il a rappelé qu'aux débuts de la Ve République, le premier trimestre était réservé aux campagnes électorales, cette situation ayant été notablement modifiée par la session unique. Il a fait part de son souhait de voir adopter pour 2002 des dispositions dérogatoires et a jugé indispensable de reposer ensuite la question de l'ensemble des opérations électorales de manière générale.

M. Didier Maus a fait valoir que le calendrier pour 2002, issu du texte adopté par l'Assemblée nationale n'était pas rationnel. Il a observé que le premier tour de l'élection présidentielle aurait lieu le 21 avril et le deuxième tour le 5 mai, le mandat du Président de la République Jacques Chirac expirant le vendredi 17 mai.

Considérant que l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale serait, selon la proposition de loi, fixée au mardi 18 juin, il a estimé qu'il serait impossible d'organiser le second tour des élections législatives le 16 juin tout en indiquant que le ministre de l'intérieur avait tenu des propos inverses. A cet égard, il a rappelé que le délai le plus court entre des élections législatives et la réunion de l'Assemblée avait été de quatre jours en 1993.

M. Didier Maus a estimé que les élections législatives ne pourraient avoir lieu que les 2 et 9 juin. Il a souligné que l'ouverture du dépôt des candidatures serait en conséquence fixée le 6 mai, lendemain de l'élection présidentielle, et que la campagne législative débuterait le 13 mai avant la prise de fonctions du nouveau président. Il en a déduit que ce délai serait beaucoup trop court pour que le président de la République puisse façonner une majorité et faire en sorte que les différents camps se positionnent face à lui. Il a rappelé que cette logique avait prévalu en 1981 et 1988, le président prenant l'initiative de dissoudre l'Assemblée nationale.

M. Didier Maus s'est déclaré favorable à une autre modification du calendrier et a proposé que les élections législatives soient organisées les 16 et 23 juin, comme en 1988. Néanmoins, il a mis en lumière que l'assemblée nouvellement élue aurait à surmonter une difficulté, dans la mesure où elle ne pourrait se réunir qu'à l'extrême fin de la session ordinaire et qu'il serait nécessaire de convoquer une session extraordinaire pour constituer ses organes.

Il a proposé plusieurs pistes de réflexion sur la modification du calendrier. Il a signalé l'opportunité de reporter l'organisation des élections législatives à la fin du mois de septembre, afin de permettre au Président de la République nouvellement élu de préparer les élections législatives comme en cas de dissolution.

Il a également évoqué la possibilité de modifier en profondeur le code électoral, et de faire en sorte que les élections législatives se déroulent les 9 et 16 juin, ce choix s'accompagnant d'une réduction de la durée de la campagne électorale de trois semaines à quinze jours. Il a estimé que cette solution permettrait de faire débuter la campagne après l'installation du président de la République.

M. Didier Maus a également émis l'idée de fixer au 30 juin la fin des pouvoirs de l'Assemblée nationale et de réviser la Constitution, afin de permettre la tenue d'une session extraordinaire de droit les années d'élections législatives.

Il a enfin mentionné la possibilité de fixer au 15 avril la fin du mandat du Président de la République, pour permettre au nouveau Président de disposer de deux mois et demi pour organiser la campagne législative, ajoutant qu'une révision de la Constitution serait nécessaire.

En conclusion, il a estimé que la modification de calendrier électoral était souhaitable, constitutionnellement possible, politiquement logique, mais techniquement difficile. Il a insisté sur la nécessité d'attendre que le président occupe ses fonctions pour entamer les opérations d'organisation des élections législatives.

Répondant à M. Daniel Hoeffel, qui l'interrogeait sur son appréciation à l'égard de la session unique établie depuis 1995, M. Didier Maus a souligné qu'en période électorale, la situation n'avait guère évolué, compte tenu des interruptions prévues de la session unique. Il a relevé que la session unique avait eu le mérite de permettre au Parlement de siéger moins d'heures de séance publique qu'auparavant, ajoutant qu'il n'était pas nécessaire que le Parlement siège à marche forcée pour que la loi soit bien faite.

M. Robert Badinter, après avoir réaffirmé son opinion exprimée avec constance selon laquelle il ne pouvait y avoir de révision constitutionnelle relative au quinquennat sans modification du calendrier, a questionné M. Didier Maus sur les difficultés posées dans le cas où le calendrier serait laissé en l'état.

Ce dernier a répondu que la majeure difficulté résidait dans le parrainage des candidats à l'élection présidentielle par les députés. Il a indiqué que, même si on avançait les élections législatives au mois de février, ce problème ne serait pas réglé, le mandat des députés actuels devant expirer le 2 avril.

M. Lucien Lanier a fait remarquer à M. Didier Maus que le calendrier ne pouvait être figé par un texte et que les événements pouvaient le modifier. Il a estimé que la cohabitation pouvait finalement triompher de cette inversion du calendrier, la majorité présidentielle ne correspondant pas forcément à la majorité parlementaire. Il lui a demandé s'il pensait que placer l'élection présidentielle avant les élections législatives pouvait suffire à forcer la main du peuple pour éviter la cohabitation.

M. Didier Maus a répondu qu'il n'avait aucune idée de la traduction politique d'un maintien ou d'un changement du calendrier. Jugeant que le peuple était souverain, il a rappelé des propos de Lamartine tenus en 1848 : " Si le peuple se trompe, tant pis pour le peuple ".

Il a ajouté qu'il était nécessaire de songer à la remise en ordre globale du calendrier. Il a fait remarquer que, depuis 1958, le calendrier électoral s'était enrichi de trois nouvelles consultations : l'élection présidentielle, les élections européennes et les élections régionales.

Répondant à M. Pierre Fauchon, président, qui l'interrogeait sur la possibilité d'organiser les deux élections aux mêmes dates, M. Didier Maus a estimé que cet aménagement était techniquement possible et éviterait aux Français deux déplacements dans les bureaux de vote. Il a cependant évoqué l'impopularité d'une telle mesure auprès des députés, qui n'apparaîtraient plus que comme des représentants locaux d'un candidat à l'élection présidentielle. Il a exprimé la crainte que les élections législatives soient occultées et a fait remarquer que cette modification n'irait pas dans le sens d'une plus grande autonomie de l'Assemblée nationale.

M. Robert Bret ayant demandé à M. Didier Maus de lui fournir plus de précisions s'agissant de sa proposition de fixer au 15 avril la fin du mandat du Président de la République, ce dernier a ajouté que cette idée nécessitait un approfondissement intellectuel et ne pourrait intervenir que dans un climat politique différent.

AUDITION DE M. PIERRE PACTET,
PROFESSEUR ÉMÉRITE DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS XI

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M. Pierre Pactet a estimé que la réforme du calendrier électoral, sans bouleverser le régime de la Ve République, appelait néanmoins de sérieuses réserves tenant à la cohérence institutionnelle.

Regrettant que la révision constitutionnelle relative au quinquennat n'ait pas fait l'objet d'un débat approfondi portant notamment sur ses incidences sur le régime, il a affirmé que celle-ci constituait l'une des plus grandes révisions de la Ve République depuis une quarantaine d'années, comparable à celle de 1962 relative à l'élection au suffrage universel direct du président de la République et à celle de 1974 ouvrant la saisine du Conseil constitutionnel à l'opposition parlementaire.

M. Pierre Pactet a rappelé que la révision constitutionnelle relative au quinquennat, décidée afin de rendre la cohabitation moins fréquente, ne pouvait avoir cet effet, dans la mesure où le droit de dissolution était maintenu et où le décès du président provoquait une nouvelle élection présidentielle, du fait de l'absence d'un vice-président de la République. Ajoutant que les électeurs, dans un souci d'éviter une trop grande concentration des pouvoirs, pouvaient très bien émettre des votes différents lors des élections législatives et présidentielle, il s'est demandé si la motivation du quinquennat ne résidait pas dans une conception nostalgique des périodes de convergence observées au début de la Ve République.

Citant l'exemple des Etats-Unis, M. Pierre Pactet a démenti l'argument selon lequel le régime présidentiel serait moins propice à la cohabitation que celui de la Ve République.

Concernant la logique des institutions de la Ve République, il a noté que le régime, à l'origine conçu en réaction contre le régime des partis, avait beaucoup évolué et était redevenu un régime de partis, semblable en cela aux autres démocraties occidentales. Il a ajouté que le président de la République ne demeurait la clé de voûte du régime que dans l'hypothèse où il était soutenu par la majorité parlementaire, celle-ci constituant le véritable moteur du régime depuis la cohabitation.

Soulignant la complexité et l'ambiguïté de la répartition des pouvoirs, M. Pierre Pactet a estimé que le régime avait bien fonctionné, amenant la stabilité des institutions et de l'exercice des pouvoirs et permettant l'alternance. Se prononçant contre un changement de régime, il a regretté que le quinquennat, premier pas vers un régime présidentiel, puisse être suivi d'un second pas plus accentué, celui de l'inversion du calendrier électoral. Il a rappelé que le régime présidentiel, qui ne fonctionnait que dans un seul pays, les Etats-Unis, y était conforté par deux siècles de traditions, mais manquait totalement de souplesse et n'empêchait pas la cohabitation.

Estimant souhaitable d'éviter les périodes de cohabitation conflictuelles entre le président de la République et le Premier ministre, M. Pierre Pactet a indiqué que le septennat, assorti de l'interdiction de la réélection immédiate du président de la République, aurait été préférable au quinquennat.

Il a de plus regretté le " pointillisme constitutionnel " consistant à réviser la Constitution par réformes successives, au détriment d'une vision d'ensemble des institutions, aboutissant à insérer des dispositions contradictoires dans le texte constitutionnel.

En conclusion, il a noté qu'il n'était pas cohérent de modifier le calendrier électoral sans agir sur le droit de dissolution ni tenir compte du décès éventuel du président de la République. Il s'est ensuite prononcé contre l'inversion du calendrier électoral, jugeant choquant de chercher à influencer le résultat des urnes en agissant sur la date des élections.

* 1 Le journal du dimanche, 31 décembre 2000.

* 2 LCI, 10 janvier 2000.

* 3 Cf, en annexe, le compte-rendu de ces auditions.

* 4 JO Débats AN, 2 ème séance du 10 octobre 2000, p. 6617.

* 5 Enquête BVA des 1 er et 2 décembre 2000 pour Paris-Match.

* 6 Cf annexe.

* 7 JO Débats AN, 1 ère séance du 19 décembre 2000, p. 10442.

* 8 Rapport AN n°2791, p. 8.

* 9 JO Débats AN, 1 ère séance du 19 décembre 2000, P. 10438.

* 10 JO Débats AN, 2 ème séance du 19 décembre 2000, p. 10457.

* 11 " Un coup de dés jamais quand bien même lancé dans des circonstances éternelles du fond d'un naufrage... " (Stéphane Mallarmé).

* 12 Trois Républiques pour une France, tome 2, 1988, p. 417.

* 13 Id, p. 431.

* 14 " (...) parce que la France est ce qu'elle est, il ne faut pas que le Président soit élu simultanément avec les députés, ce qui mêlerait sa désignation à la lutte directe des partis, altérerait le caractère et abrégerait la durée de sa fonction de chef de l'Etat " ; conférence de presse du général de Gaulle du 31 janvier 1964.

* 15 Cf annexe.

* 16 JO Débats AN, 1 ère séance du 19 décembre 2000, p. 10440.

* 17 JO Débats AN, 1 ère séance du 19 décembre 2000, p. 10441.

* 18 M. Guy Carcassonne, favorable à la modification de l'ordre des consultations électorales, s'est prononcé pour une modification de la date de l'élection présidentielle : " Dans chaque année d'élection présidentielle, non seulement est sacrifiée une période (avril-juin) propice à l'activité législative, mais encore l'élaboration de la loi de finances de l'exercice suivant est gravement perturbée. Ceci se traduit notamment dans le nombre et l'importance des lois de finances rectificatives qui suivent ces échéances pour redresser les graves imperfections de budgets pré parés dans de très mauvaises conditions " ; RDP, n°4, 2000, p. 968.

* 19 Cf annexe.

* 20 JO Débats AN, 2 ème séance du 19 décembre 2000, pp. 10460-10461.

* 21 Rapport n°2791, p. 10.

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