EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi d'une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 28 mars 2000, relative à l'adoption internationale.
Ce texte a été adopté à l'unanimité, avec l'abstention du groupe communiste, sur la proposition et le rapport de M. Jean-François Matteï.
Le principal objet de la proposition de loi est de poser une règle de conflit de lois.
L'adoption internationale met en présence, par définition, des adoptants et des adoptés de nationalités différentes, régis chacun par leurs propres lois, parfois contradictoires. Il convient de déterminer la loi applicable aux conditions comme aux effets de l'adoption prononcée en France 1 ( * ) . Il faut aussi définir l'effet en France d'une décision prononcée à l'étranger.
La question est très délicate. L'adoption internationale est au confluent de relations inter-étatiques et de relations privées et le droit, dans sa rigueur, doit embrasser de manière réductrice des rapports humains chargés d'affectivité.
En l'absence de dispositions législatives, les règles de conflit de lois sont actuellement définies par la jurisprudence.
Mais devant les hésitations actuelles des juridictions, il est difficile d'avoir des certitudes sur le droit applicable, hors du cadre établi par certaines conventions internationales, telle la convention de La Haye du 29 mars 1993.
Les juridictions n'apportent en effet pas actuellement une réponse unifiée à certaines questions essentielles, concernant notamment la possibilité ou non d'adopter un enfant dont le statut personnel prohibe cette institution ou les conditions dans lesquelles une adoption prononcée à l'étranger peut produire en France les effets de l'adoption plénière que notre droit distingue de l'adoption simple.
L'intervention du législateur doit permettre de donner aux enfants et à leur famille la sécurité juridique à laquelle ils aspirent et faire en sorte, pour reprendre une expression de M. Jean-François Mattëi, que ces " enfants d'ailleurs " ne deviennent pas des enfants de nulle part.
Cette intervention est d'autant plus nécessaire que l'adoption internationale est devenue un phénomène de grande ampleur et que les trois quarts des adoptions sont encore réalisées en dehors de la convention de La Haye.
I. L'ADOPTION INTERNATIONALE EST DEVENUE UN PHÉNOMÈNE DE GRANDE AMPLEUR
Marginale il y a 30 ans, l'adoption internationale a été stimulée par la diminution du nombre d'enfants adoptables en France et facilitée par le développement des échanges internationaux. Elle représente maintenant près de trois quarts des adoptions de mineurs dans notre pays.
Depuis 5 ans, plus de 3 000 enfants nés à l'étranger sont adoptés chaque année par des Français, alors qu'il y en avait moins de 1000 en 1980. Selon la mission pour l'adoption internationale, qui centralise les informations au ministère des affaires étrangères, 3592 visas d'entrée liés à des procédures d'adoption ont été délivrés en 1999, la décision du gouvernement français de suspendre provisoirement les procédures d'adoption entre la France et le Vietnam à compter du mois d'avril 1999 n'ayant eu qu'une faible répercussion sur le nombre total de visas délivrés. A titre de comparaison, 1056 pupilles de l'État français avaient été placés en 1999 en vue d'une adoption.
Source : Ministère des Affaires étrangères - Mission pour l'adoption internationale
On assiste à une diversification des pays d'origine des enfants. De moins de 10 en 1979, leur nombre dépasse les 60 depuis 1993. Les premiers pays d'origine ont été, en 1999, le Vietnam -malgré la suspension des adoptions au 30 avril-, la Colombie et la Roumanie. 26 pays ont donné lieu à l'établissement d'au moins 20 visas.
Les adoptions réalisées dans le cadre de la convention de La Haye ont représenté un quart des adoptions réalisées en 1999, soit plus de 900, les deux tiers des enfants adoptés dans ce cadre provenant de Colombie et de Roumanie. Parmi les principaux pays d'origine des enfants, 7 seulement sont parties à la convention de La Haye.
Visas accordés en 1999
Principaux pays
d'origine
Vietnam |
731 |
Cambodge |
129 |
Pologne* |
54 |
||
Colombie* |
303 |
Russie |
116 |
Ukraine |
51 |
||
Roumanie* |
302 |
Corée |
89 |
Burkina-Faso* |
34 |
||
Madagascar |
218 |
Thaïlande |
86 |
Chili* |
30 |
||
Bulgarie |
188 |
Djibouti |
72 |
Côte d'ivoire |
27 |
||
Guatemala |
186 |
Lettonie |
72 |
Cap-vert |
25 |
||
Haïti |
151 |
Mali |
70 |
Mexique* |
23 |
||
Brésil* |
143 |
Inde |
58 |
Congo |
20 |
||
Ethiopie |
142 |
Chine |
57 |
......... |
......... |
||
Total visas : 3.592 (dont 928 dans le cadre de la convention de La Haye) |
* Pays parties à la Convention de La Haye
Source : Ministère des affaires étrangères, Mission pour l'adoption internationale
La répartition géographique de ces pays couvre la totalité des continents : en 1999, 20% des enfants provenaient d'Afrique, 25% d'Amérique, 23% d'Europe et 33% d'Asie. La part majoritaire du continent asiatique s'explique par le développement des adoptions au Vietnam à partir de 1987. Elle est cependant en constante décroissance depuis 1979 où elle représentait plus de 80 % des adoptions. La part du continent africain a considérablement augmenté, passant de 3,5% en 1979 à 20% en 1999. L'Europe a connu une hausse encore plus sensible passant de 1% en 1979 à 23% en 1999, avec une augmentation croissante des visas délivrés au profit des pays de l'Est. Inversement, le nombre d'adoptions réalisées dans les pays d'Amérique du sud décroît depuis 10 ans.
Ces chiffres placent la France au rang de deuxième pays d'accueil au monde, après les Etats-Unis. Ils ne la placent cependant qu'au neuvième rang si on les rapporte à la population . Le total des adoptions internationales effectuées dans le monde était évalué à environ 33 000 en 1998.
Pays d'accueil pour l'adoption internationale
(1998)
(Taux d'adoption pour 100 000 habitants)
Pays |
Adoptions
|
Taux
|
Norvège |
643 |
14,6 |
Luxembourg |
60 |
14,2 |
Danemark |
624 |
11,8 |
Suède |
928 |
10,5 |
Nouvelle-Zélande |
389 |
10,2 |
Suisse |
686 |
9,4 |
Canada |
2 222 |
7,3 |
- dont Québec |
698 |
9,5 |
- reste du Canada |
1 524 |
6,6 |
Islande |
18 |
6,5 |
France |
3 777 |
6,4 |
Belgique |
600 1 |
5,9 1 |
USA |
15 774 2 |
5,8 |
Pays Bas |
825 |
5,3 |
Italie |
2 233 |
3,9 |
Espagne |
1 500 1 |
3,8 1 |
Israël |
214 3 |
3,6 |
Finlande |
181 |
3,5 |
Chypre |
25 |
3,2 |
Grèce |
236 4 |
2,2 |
Australie |
244 5 |
1,3 |
Allemagne |
922 |
1,1 |
Irlande |
27 |
0,7 |
Royaume Uni |
258 |
0,4 |
Total 1 |
33 000 1 |
1 Estimations ; 2 Année fiscale 1997/98 ; 3 Année 1999 ; 4 Année 1995 ; 5 Année fiscale 1998/99
Source : UNICEF
Plus du quart des enfants obtiennent un visa pour la France avant l'âge de six mois et plus des deux tiers avant l'âge de trois ans.
Les adoptions par démarche individuelle représentent près des deux tiers des adoptions. 1258 adoptions sur 3592 ont été réalisées en 1999 par l'intermédiaire d'organismes habilités pour servir d'intermédiaire. Dans le cadre de la convention de La Haye, l'intervention de ces organismes est d'ailleurs obligatoire.
* 1 Les juridictions françaises peuvent avoir à connaître de l'adoption d'un enfant étranger par des Français ou par des étrangers résidant en France. Elles peuvent également avoir à prononcer l'adoption d'un enfant français par des étrangers résidant ou non en France.