B. L'ANALYSE DE LA COMMISSION DES LOIS

Si les orientations préconisées par l'Assemblée nationale paraissent positives, il convient également de mieux responsabiliser l'armateur.

1. L'approbation de l'augmentation du montant des sanctions pour parvenir à une réelle dissuasion

a) Les exemples étrangers

Certaines législations étrangères ont été avancées pour montrer qu'il importe de durcir l'arsenal des sanctions pour prévenir les déballastages.

Ainsi, à Singapour, l'amende maximale est de 1 million de dollars.

Par ailleurs, les États-Unis ont adopté, à la suite du naufrage en Alaska en 1989 de l'Exxon Valdez, l'Oil Pollution Act de 1990 qui durcit considérablement les sanctions financières à l'encontre des rejets (tant accidentels que volontaires) d'hydrocarbures.

Plusieurs affaires ont montré la sévérité de ce dispositif.

Ainsi, la compagnie de navigation grecque Anax International a dû verser 2,5 millions de dollars pour violation du Clean water Act , 1,2 million de dollars destinés à couvrir les coûts d'enquête et de dépollution et 5,5 millions de dollars pour la restauration des ressources naturelles.

Des peines d'interdiction de navigation dans les eaux américaines on également été prononcées à l'encontre du capitaine du navire ainsi que du responsable des machines.

De même, la société Royal Caribbean Cruises, qui avait fait de fausses déclarations concernant le déversement illégal d'hydrocarbures, a finalement payé 27 millions de dollars après avoir négocié dans le cadre d'une accusation portant sur 21 infractions.

Les efforts consentis en matière de responsabilité civile ont permis de réduire de 50% entre 1994 et 1997 la pollution par hydrocarbures, qui est passée à 1,5 gallon déversé par million de gallons transportés.

b) La détermination du seuil de dissuasion des amendes

Il convient de prendre en compte, en plus du coût d'utilisation des installations, le coût que représente l'immobilisation d'un navire dans un port en termes de pertes d'exploitation .

La grande majorité des infractions n'étant jamais poursuivie du fait de problèmes d'identification, la sanction, pour être dissuasive, doit donc intégrer le pourcentage de poursuites (moins de 10% des infractions constatées), ainsi que le montant des amendes effectivement prononcées (de l'ordre du tiers du montant maximal prévu par la loi) .

Votre commission des Lois vous propose donc de quadrupler le montant des amendes par rapport à la législation existante (l'Assemblée nationale s'étant pour sa part prononcée pour un triplement). En revanche, les peines d'emprisonnement ne seraient pas renforcées par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, l'emprisonnement ne paraissant pas approprié pour ce type d'affaires.

Ces dispositions font l'objet des articles 1 à 4 de la proposition de loi.

2. La pertinence d'une spécialisation des juridictions

La proposition de loi vise à établir une compétence exclusive de certaines juridictions en matière de déballastage. En effet, l'éclatement des juridictions, conjugué à la relative faiblesse du nombre de poursuites, nuit à l'unité de la jurisprudence et ne permet pas de développer de réels pôles de compétences ni de sensibiliser les magistrats.

Cette orientation doit être soutenue, mais la rédaction du texte adopté par l'Assemblée nationale est juridiquement incorrecte (contradiction entre les différentes dispositions) et lacunaire (le cas des navires français en haute mer n'étant pas précisé).

Votre commission vous propose une nouvelle rédaction de l'article 5 prévoyant une compétence exclusive de jugement du tribunal de grande instance de Paris ainsi que de certains tribunaux dont la liste serait fixée par décret, combinée à une compétence concurrente des ministères publics .

3. La nécessité de mieux responsabiliser l'armateur

La responsabilité de l'armateur est prévue, tant dans la convention MARPOL que dans la loi du 5 juillet 1983.

L'article L. 218-20 du code de l'environnement prévoit ainsi que le propriétaire ou l'exploitant du navire qui a donné l'ordre de commettre l'infraction est puni des peines prévues pour le capitaine. Cependant, une telle rédaction apparaît trop restrictive. Se pose en effet un problème de preuve.

Dans les faits, la responsabilité de l'armateur est dorénavant systématiquement recherchée. S'agissant de la dernière affaire devant le tribunal correctionnel de Paris, le procureur a requis 400.000 francs contre l'armateur originaire de Hong-Kong, aucune peine n'étant retenue contre le capitaine du Fareast Victory .

De plus, en vertu de l'article L. 218-24 du code de l'environnement, le tribunal peut, compte tenu des circonstances de fait et notamment des conditions de travail de l'intéressé, décider que le paiement des amendes prononcées à l'encontre du capitaine ou du responsable à bord est, en totalité ou en partie, à la charge de l'exploitant ou du propriétaire, si celui-ci a été cité à l'audience.

Ceci permet donc de distinguer clairement les responsabilités de l'armateur et du capitaine, qui se trouve souvent en état de dépendance vis à vis du propriétaire ou de l'exploitant du navire.

En augmentant le montant des amendes aux articles 1 à 4 de la proposition de loi, c'est en pratique l'armateur qui est visé.

Il est proposé de renforcer cette responsabilité de l'armateur en élargissant les hypothèses dans lesquelles il peut être condamné.

Cette proposition fait l'objet d'un article additionnel après l'article 5.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée .

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