2. Une conjoncture incertaine
a) Des indicateurs conjoncturels contrastés
Les
dernières statistiques conjoncturelles fournissent des indications
contrastées sur l'orientation de l'activité économique.
D'un côté, la consommation des ménages, qui avait fortement
ralenti en août et en septembre, s'est redressée en octobre. De
même, les indicateurs de confiance des ménages, qui avaient
baissé après la hausse des prix de l'énergie, ont connu un
léger regain en septembre et en octobre selon l'INSEE.
De l'autre côté, selon la Banque de France, les demandes de
crédit décélèrent. En outre, la demande de certains
biens durables, comme l'automobile, pourrait approcher d'un point de
retournement. Les intentions d'investissement des entreprises sont
freinées, et les créations d'emplois ralentissent. Enfin, la
conjoncture semble se dégrader en Allemagne.
Au total, l'économie française semble à la croisée
des chemins : si la plupart des prévisionnistes escomptent un
rebond de l'activité après le mini-choc pétrolier de l'an
2000, certains économistes s'inquiètent d'un risque de
retournement de la conjoncture. Par exemple, les experts du centre
d'observation économique (COE) de la CCIP de Paris ont indiqué au
début du mois de décembre que l'évolution de leur
indicateur avancé de la conjoncture suggérait une forte
probabilité de retournement conjoncturel au cours des prochains mois.
b) Une conjoncture délicate
A bien
des égards, la situation conjoncturelle de l'économie
française se rapproche d'ailleurs dangereusement du
«
cocktail stagflationniste
» atteint en 1989-1990,
comme le relevait votre rapporteur général lors de l'examen du
projet de loi de finances pour 2001.
Des tensions sur les capacités de production sont apparues
. Le
taux d'utilisation des capacités de production - 88,2 % en octobre
2000 selon l'INSEE - dépasse désormais le taux record
atteint en 1990 ; le niveau des stocks est au plus bas depuis 1989 ;
41 % des entreprises ne peuvent produire davantage, soit une proportion
supérieure au pic atteint en 1989 (37 %) ; les délais
de livraison s'allongent.
De nombreux secteurs d'activité connaissent des difficultés
de
recrutement
. Selon l'INSEE, en octobre 2000, 53 % des
entreprises du secteur manufacturier éprouvaient des difficultés
pour embaucher les salariés dont elles ont besoin (contre 31 % un
an plus tôt), soit un niveau identique à celui atteint à la
fin de 1990, au moment où le taux de chômage butait sur la barre
des 9 %.
La politique budgétaire
est procyclique. Elle est
caractérisée par des mesures privilégiant la demande au
détriment de l'offre, par la dérive de la masse salariale
publique et par la hausse du déficit structurel (à hauteur de
0,7 point de PIB entre 1988 et 1990, et de 0,2 point de PIB entre 1999 et
2001 selon l'OCDE).
Les conditions monétaires
et
financières sont, pour l'heure, relativement accommodantes et le niveau
des prix des actifs (l'immobilier dans les années 1980, la bourse
aujourd'hui) est élevé.
Une certaine
accélération des salaires horaires, de l'inflation
et de
l'inflation sous-jacente ainsi que le développement des revendications
catégorielles dans le secteur public peuvent être observés.
Enfin, les incertitudes sur les perspectives de croissance mondiale et la
hausse des prix du
pétrole
se renforcent.
Rappelons que ce «
cocktail
» s'était traduit
dès la fin de 1990 par de fortes tensions inflationnistes et par un
coût d'arrêt brutal au dynamisme de l'activité, puis,
après deux années de croissance ralentie (1,1 % en 1991 et
1,3 % en 1992), par la pire récession de l'après-guerre en
1993, cependant que le taux de chômage réaugmentait de trois
points. Rappelons aussi que ce retournement n'avait pas été
anticipé par le gouvernement d'alors.
Aujourd'hui, les mêmes phénomènes, conjugués avec la
dépréciation de l'euro, risquent d'entraîner les
mêmes effets, avec les 35 heures pour catalyseur.