2. Les recettes depuis 1999
En 1999, une érosion des recettes du compte est intervenue que viendraient confirmer les années 2000 et 2001.
a) 1999
Les produits encaissés en 1999 (31,3 milliards de francs) ont toutefois excédé les prévisions de la loi de finances initiale qui les estimait à 17,5 milliards de francs.
Aux 21,4 milliards de recettes liées aux souscriptions de titres, se sont ajoutés 9 milliards de reversements d'avances.
Les principales opérations de cessions ont concerné :
* Air France : 3.781,1 millions de francs
* Aérospatiale : 10.157 millions de francs
* Thomson CSF : 3.743 millions de francs
* Les paiements différés relatifs aux opérations France Telecom : 2.433,3 milliards de francs.
Il est à noter que les produits de plusieurs opérations de cessions n'ont pas été inscrits au compte en contravention avec les principes budgétaires . Il en est ainsi, en particulier, de l'opération de privatisation du Crédit Lyonnais. Le Gouvernement justifie cette option par un argument, formel rappelant que le plan de redressement du Crédit Lyonnais prévoyait l'attribution des recettes de privatisation de cet établissement à l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR) par lequel transite le financement de l'opération de défaisance du Lyonnais. Cet argument ne présente pas de réelle solidité. Cette exigence pouvait être satisfaite par l'inscription de la recette au compte n° 902-24 suivie d'une ouverture des crédits correspondants au bénéfice de l'EPFR. Une telle méthode comptable aurait été infiniment plus respectueuse du principe d'universalité budgétaire. La méthode choisie par le gouvernement a eu pour effet de dissimuler 33,5 milliards d'opérations qui aurait dû être budgétées.
Votre rapporteur spécial entend en outre s'élever contre la présentation fallacieuse selon laquelle la privatisation du Crédit Lyonnais aurait permis d'alléger la charge imposée aux contribuables pour sauver cet établissement mis en péril par une gestion désastreuse. Il faut d'ailleurs relever que, sans ces errements, la cession du Crédit Lyonnais aurait sans doute dégagé un volume de recettes très supérieur à ce qu'il a été. Mais, en tout état de cause, il est constant que l'affectation des 33,5 milliards de francs produits par cette privatisation à l'EPFR apporte, par elle même, le démonstration du caractère totalement erroné de cette présentation.
Le montant exceptionnel des reversements d'avances portés en recettes du compte (9 milliards) vient de la régularisation d'une opération que votre rapporteur spécial avait dénoncée. Il s'agissait des conditions dans lesquelles avaient été traitées les opérations de cession du groupe GAN.
L'ensemble de ces opérations a engendré 34,4 milliards de recettes qui ont été encaissées par la société centrale du GAN (GAN SC). Celle-ci a dépensé 8,8 milliards de francs afin d'acquitter la quote-part de la vente du CIC revenant aux filiales de GAN SC, qui détenaient 13 % des parts, de rembourser les prêts (3,4 milliards) et de régler les frais de privatisation (408 millions de francs).
Les produits versés à GAN SC sont venus de :
- la cession de la Compagnie financière du CIC et de l'Union européenne au Crédit Mutuel pour 13,9 milliards ;
- la cession de GAN SA à Groupama pour 19,7 milliards ;
- et de la cession de GAN International pour 477 millions de francs.
La Cour des comptes, a pu, à juste titre, considérer que ces recettes auraient dû être inscrites sur le CAS. Elle appuyait son jugement sur les considérations suivante. A partir du mois d'octobre 1998, l'Etat est devenu l'actionnaire unique de GAN SC, devenu depuis le 6 octobre de la même année, la Société de Gestion de Garanties et de Participations (SGGP). Cette entité ne saurait être considérée comme se substituant entièrement à GAN SC puisque son objet est tout différent. Appelée à gérer les appels en garantie accordés aux cessionnaires lors des différentes cessions, elle n'a pas d'activité bancaire ou d'assurances. Dès lors, le cantonnement des recettes de la privatisation de l'ensemble du groupe GAN dans la SGCP ne se justifierait pas. Les dites recettes auraient dû remonter sur le compte dès la disparition de GAN SC.
Les observations de la Cour ont paru totalement fondées à votre rapporteur qui avait relevé que le groupe GAN n'appartenait plus au secteur public et ne se survivait pas dans la SGGP. L'esprit même de l'article 71 de la loi de finances pour 1997 qui donne au compte n°902-24 la vocation de retracer l'ensemble des opérations de cessions commandait d'y inscrire le produit des cessions du groupe GAN dès lors qu'aucune entité ne pouvait sérieusement plus les accueillir en tant que tête de groupe.
L'affectation du produit des différentes cessions à GAN SC pouvait sans doute se justifier dans la période intérimaire où cette société a persisté dans son être, bien qu'elle puisse sembler largement artificielle compte tenu de la nature des opérations sous revue qui visaient, de fait, à sortir le GAN du secteur public.
Le maintien, sans autre forme de procès, des recettes issues de ces cessions dans la SGGP, ne se justifiait donc pas. Cette dernière structure jouait en fait le rôle d'une structure intermédiaire de défaisance à la légitimité d'ailleurs contestable.
En effet, si l'on avait souhaité instituer une telle structure, il eût été préférable de procéder plus clairement et d'adopter une formule semblable à celle choisie dans le cadre du plan de sauvetage du Crédit Lyonnais par exemple. Il eût fallu inscrire le produit des cessions en recettes du compte à charge pour lui d'abonder la SGGP à mesure de ses besoins.
L'excèdent des ressources de la SGGP, a été versé en recettes du CAS en 1999 (9 milliards de francs). Compte tenu de la nature des recettes du CAS qui sont précisément définies, cette affectation confirme le bien-fondé des observations de votre rapporteur spécial puisqu'elle n'était réalisable qu'à condition d'admettre que ces produits ne constituaient pas des recettes propres à la SGGP.
Il reste à élucider une question importante.
La Cour a en effet observé que le niveau des garanties supportées par l'Etat a excédé le montant autorisé par l'article 40 de la loi de finances rectificative pour 1997 qui avait été plafonné en principal à 10,9 milliards. Elle a indiqué que les garanties données en sus ont atteint près de 5 milliards de francs alors qu'aucune autorisation parlementaire n'était intervenue en de sens.
Ces observations ne sont que la suite logique du choix critiquable de confier de plus en plus souvent à des structures « para-étatiques » la gestion de deniers publics sans contrôle parlementaire. La multiplication des entités contrôlées de fait par l'Etat mais juridiquement distinctes de lui s'accompagne d'une série de débudgétisations qui, pour être commodes pour l'exécutif, entraînent une dilution des pouvoirs du Parlement contraire à l'esprit de nos institutions.
Ponctuellement, il conviendrait qu'un bilan complet des garanties appelées soit réalisé. Plus généralement,, il faut saisir l'occasion de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 pour proscrire toutes les débudgétisations.
b) Les recettes du compte en 2000 et 2001
Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, les recettes du compte pour 2000 et 2001 sont estimées à 37,3 milliards de francs.
Elles atteindraient ainsi un niveau sensiblement inférieur aux prévisions de recettes des lois de finances initiales (43,4 milliards de francs). En outre, leur régression entamée en 1999 se poursuivrait.
Les recettes perçues en 2000 devraient s'élever à 16.945 millions de francs. Au mois de septembre, les recettes réellement encaissées depuis le début de l'année s'élevaient à 8,8 milliards de francs dont 7,2 milliards au titre de la constitution d'European Defense and Space Company (EADS).
En l'état, votre rapporteur spécial est dans l'incapacité de préciser le profil exact des recettes que le compte devrait encaisser au cours du restant de l'année 2000.
Il ne peut que présenter les prévisions suivantes, qui portent sur 2000 et 2001.
Prévisions de recettes du compte n°902-24 pour 2000-2001
(en millions de francs)
MF |
|
Soldes opérations salariés |
2.400 |
Aérospatiale-Matra + EADS |
9.200 |
Secteur financier (Hervet, CNP) |
1.600 |
TMM |
5.000 |
Crédits budgétaires (charges communes) |
2.800 |
Divers (participations minoritaires, remontées défaisances...) |
16.300 |
Total 2000-2001 |
37.300 |
Etant observé que la décrue des cessions de titres publics serait confirmée, votre rapporteur spécial, qui veut souligner les incertitudes entourant ces prévisions, voit dans ce phénomène le jeu de deux facteurs. D'une part, il est certes la conséquence de l'étiolement des actifs cessibles mais, d'autre part, il correspond aussi à une volonté politique de « geler » le périmètre du secteur public.
Il note l'importance de la rubrique « divers » (16,3 milliards) des prévisions de recettes pour 2000 et 2001, au sein de laquelle la cession de la participation de l'Etat dans la société « Dassault-Systems » pourrait représenter 10 milliards de francs. Il s'interroge sur la capacité des structures de défaisance, en particulier de l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR) à contribuer à l'alimentation du compte alors que le bilan des relations entre l'EPFR et le Consortium de réalisation (CdR) pourrait s'alourdir.
En conclusion, votre rapporteur spécial est amené à se demander si les prémices sur lesquelles est fondée la baisse des recettes du compte seront confirmées par les événements, sachant que les besoins de financement du secteur public restent considérables.