DEUXIEME PARTIE :

LES COMPTES D'AFFECTATION SPECIALE, VECTEURS PRIVILEGIES DE LA BUDGETISATION DES OPERATIONS PATRIMONIALES DE L'ETAT

Les comptes d'affectation spéciale offrent une mécanique budgétaire qui est particulièrement propice à la récapitulation des opérations d'ordre patrimoniale de l'Etat. Il faut s'en féliciter car la budgétisation de ces opérations est une exigence au regard du principe d'universalité budgétaire.

En ce sens, au « compte d'affectation des produits de privatisation » n° 902-24, viendrait s'ajouter en 2001 un nouveau compte d'affectation spéciale d'utilisation du produit des « redevances-UMTS » (compte n° 902-33).

CHAPITRE PREMIER :

LE COMPTE N°902-24 D'AFFECTATION DES PRODUITS DE CESSIONS DE TITRES, PARTS ET DROITS DE SOCIETES :
UNE SITUATION PRÉOCCUPANTE

Le compte n°902-24 occupe une place particulière dans le panorama des comptes d'affectation spéciale par l'importance de ses opérations.

Evolution des recettes et dépenses des comptes d'affectation spéciale
et du compte n° 902-24

(en millions de francs)

1996

1997

1998

1999

Recettes CAS (hors 902-24)

22.953,3

30.059,7

33.582,9

33.431,1

Recettes 902-24

13.184,2

59.308,3

53.819,6

31.265,3

Dépenses CAS (hors 902-24)

21.935,6

26.348,2

30.124,2

29.088,3

Dépenses 902-24

12.232,9

60.957,9

53.348,3

32.313,2

Source : Cour des comptes. Rapport sur l'exécution des lois de finances en 1999

Du fait du niveau élevé de ses recettes et de ses dépenses, ce compte représente, traditionnellement, une proportion importante des opérations des CAS.

Part du compte n° 902-24 dans les comptes d'affectation spéciale

(en %)

1996

1997

1998

1999

Recettes 902-24 / aux CAS

37

66

62

48

Dépenses 902-24 / CAS

36

70

64

53

Source : Cour des comptes. Rapport sur l'exécution des lois de finances en 1999

A ces données quantitatives, il faut ajouter des considérations plus qualitatives qui mettent en évidence les enjeux très importants qui s'attachent à l'existence du compte.

Celui-ci est alimenté par le produit des opérations financières réalisées par l'Etat, qui se traduisent par une réduction de son actif. Il est dans ces conditions heureux que, grâce au compte n°902-24, soit réalisée une affectation budgétaire de ces recettes à des dépenses, elles-mêmes, de nature financière, visant à accroître l'actif ou à réduire le passif de l'Etat.

Le compte n° 902-24 a ainsi la très grande utilité d'isoler les recettes résultant des aliénations d'actifs des recettes du budget général et d'en affecter le produit à des opérations qui sont, elles-mêmes, d'ordre patrimonial. En résumé, grâce au mécanisme d'affectation, la diminution des actifs publics est utilisée à la réduction de la dette publique ou à des augmentations d'actifs publics, qui -v. infra -, bien souvent, ne se distinguent pas, en pratique, de la couverture de passifs.

Le rôle ainsi dévolu au compte n° 902-24 devrait conduire, en toute logique, à supprimer la faculté, aujourd'hui ouverte, de verser tout ou partie de ses recettes au budget général. En effet, c'est précisément pour éviter une utilisation des produits de cessions du patrimoine de l'Etat à des fins autres que patrimoniales que le compte n° 902-24 existe. Il faut d'ailleurs observer que, les règles de la comptabilité européenne posant le principe selon lequel dans le calcul du déficit public d'un Etat membre, les produits venant de l'aliénation d'actifs publics ne doivent pas être pris en compte au titre des recettes publiques, le compte n° 902-24 peut être considéré comme la concrétisation de ce principe par la nomenclature budgétaire.

Cette même volonté de « sanctuariser » les produits résultant de l'aliénation d'actifs de l'Etat qui semble se trouver à l'origine de la proposition de créer le compte n° 902-33.

I. UN COMPTE QUI A ENREGISTRÉ UNE FORTE AUGMENTATION DE SES OPÉRATIONS AVANT LA DÉCRUE AMORCÉE L'AN DERNIER

Variation des recettes et des dépenses du compte n° 902-24

(en millions de francs)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000 (1)

2001 (1)

Recettes

13.751,3

21.525,6

21.440,2

50.308,3

53.548,3

31.265

16.945

26.500

Dépenses

13.883,2

24.702,5

18.922,6

60.957,9

53.819,6

32.313

16.945

26.500

(1) Prévisions

Après une forte augmentation des opérations du compte jusqu'en 1998, une décrue s'est amorcée depuis.

A. LES RECETTES

1. Vue d'ensemble

Les recettes s'articulent en trois lignes avec spécifications :

- Ligne 1 : produit des ventes par l'Etat de titres, de parts et de droits des sociétés, le reversement par l'Entreprise de recherches et d'activités pétrolières (ERAP), sous toutes ses formes, du produit de cession de titres de la société Elf Aquitaine, le versement par la société de gestion de participations aéronautiques (SOGEPA) du dividende au titre de l'exercice 1998 issu de la cession à l'Etat des titres de la société Dassault-Aviation détenus par la SOGEPA ;

Spécification 9224-11 - souscriptions ordinaires : cette spécification correspond au paiement immédiat.

Spécification 9224 - 12 - souscriptions bénéficiant d'un règlement différé : cette spécification correspond au paiement par les salariés lorsque des titres leur sont réservés, en 3 tranches échelonnées dans le temps : la première tranche à 30 %, la deuxième à 30 % et la troisième à 40 %.

- Ligne 2 : reversement d'avances d'actionnaires ou de dotations en capital et produits de réduction du capital ou de liquidation (spécification 9224-21) ;

- Ligne 3 : versements du budget général ou d'un budget annexe.

Spécification 9224-31 : cette ligne retrace le montant des recettes venant d'un chapitre budgétaire comme le 54-90 du budget des charges communes.

Pour la période allant de 1996 à 1999, les recettes se sont élevées à 165,8 milliards de francs dont :

- 144,1 milliards de francs de cessions de titres (87 % du total) ;

Répartition annuelle des cessions

(en francs)

1996

1997

1998

1999

Total

AGF

9.272.973.342

210.884.979

810.310.060

1.828.213

10.295.996.594

Total CFP

3.097.000.000

829.193.730

3.926.193.730

Renault

2.292.565.741

37.153

2.292.602.894

Pechiney

817.676.544

86.366.501

2.368.177.077

12.053

3.272.232.175

France Telecom

42.856.548.043

36.887.400.670

2.440.213.475

82.184.162.187

Elf

10.092.139.381

129.592.701

29.686.536

10.251.418.619

CNP

7.157.610.402

17.245.479

7.174.855.880

Thomson

149.255.923

3.743.038.941

3.892.294.864

GAN-SGGP

23.827.636

23.827.636

Aerospatiale

10.156.715.377

10.156.715.377

Air France

3.781.128.775

3.781.128.775

Autres

2.241.976.390

565.832.065

2.762.613.017

1.278.539.045

6.848.960.518

Total

17.722.192.017

53.811.770.970

51.118.018.368

21.448.407.894

144.100.389.250

Source : Cour des comptes. Rapport sur l'exécution des lois de finances en 1999

- 12,3 milliards de francs de reversements d'avances ou de dotations en capital (7,4 % du total) ;

- 9,5 milliards de francs de ressources en provenance du budget général (5,6 % du total).

La concentration des recettes du compte autour des opérations de cessions de titres doit être observée d'autant que dix opérations sont à l'origine de 95,1 % des produits encaissés à ce titre.

Les dix plus importantes opérations de cessions 1996 à 1999

(en francs et %)

1996 à 1999

France Telecom

82.184.162.187

57 %

AGF

10.295.996.594

7,1 %

Elf

10.251.418.619

7,1 %

Aerospatiale

10.156.715.377

7 %

CNP

7.174.855.880

5 %

Total CFP

3.926.193.730

2,7 %

Air France

3.781.128.775

2,6 %

Thomson

3.743.038.941

2,6 %

Pechiney

3.272.232.175

2,3 %

Renault

2.292.602.894

1,6 %

Total

137.078.345.173

95,1 %

Source : Cour des comptes. Rapport sur l'exécution des lois de finances en 1999

On relèvera l'importance toute particulière des opérations de cessions des titres France-Telecom qui, à elles seules, ont financé près de la moitié des interventions réalisées en faveur du secteur public au cours de la période.

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