B. CERTAINES PRATIQUES NOURRISSENT TOUTEFOIS LES INTERROGATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Certaines pratiques suscitent des interrogations.
(1) La répartition des dotations entre comptes spéciaux du Trésor et budget général
Les choix portant répartition de certaines interventions entre les crédits du budget général et les comptes spéciaux du Trésor sont parfois contestables.
La Cour des comptes se fait régulièrement l'écho d'interrogations de ce type. Ainsi, pouvait-elle écrire dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1999.
« la nature des dépenses de certains comptes ne permet pas de constater un partage clair entre les financements pris en charge par un compte spécial du Trésor et ceux relevant du budget général. Ces pratiques, déjà relevées dans le passé, rendent opaques les interventions de l'Etat et montrent que la frontière entre budget général et comptes spéciaux du Trésor n'est pas suffisamment respectée. »
Votre rapporteur spécial souhaiterait que l'on puisse aller au-delà et que des réponses soient apportées à cette question.
Pour sa part, il avance plusieurs pistes pour expliquer ces confusions. La première explication pourrait venir d'une simple préoccupation d'affichage, que la création d'un compte spécial du Trésor permet souvent de satisfaire d'autant mieux qu'elle s'accompagne souvent de l'instauration de « comités de gestion » donnant l'illusion de la cogestion des crédits.
Une seconde explication réside évidemment dans la volonté des « ministères dépensiers » de disposer de ressources autonomes pour financer leurs interventions afin de se mettre à l'abri des arbitrages de la direction du budget. Dans ce jeu d'influences entre ministères, il n'est pourtant pas certain que les « ministères dépensiers » soient réellement « gagnants ». Une disposition de la loi de finances pour 2001, son article 18, reconduisant le prélèvement sur les agences de bassin créé l'an dernier et son attribution au « Fonds national de solidarité pour l'eau » (FNSE), illustre ce doute. Sans ici évoquer les problèmes de fond posés par ce prélèvement, il n'est pas certain que cette affectation, qui se substitue aux versements de fonds de concours par les agences de l'eau au budget du ministère de l'environnement, offre à celui-ci les mêmes possibilités. Les règles d'exécution de la dépense dans le cadre des comptes d'affectation spéciale sont nettement plus contraignantes, on l'a vu, que celles du budget général.
En conséquence, à la fin du troisième trimestre de 2000, aucune dépense n'avait été ordonnancée au titre des investissements du FNSE (alors que 292 millions de francs étaient prévus).
En tout état de cause, la confusion entre les crédits de certains comptes spéciaux du Trésor et ceux du budget général appelle des critiques car elle conduit trop souvent à minorer les moyens consacrés à des interventions dont l'instauration de ces comptes avait précisément pour but d'affirmer la priorité. Elle appelle également une présentation consolidée des crédits, quels que soient leurs supports, consacrés à une même mission publique.
(2) L'utilisation des comptes spéciaux du Trésor à des fins de pilotage budgétaire
Le régime des comptes spéciaux du Trésor, qui devra être aménagé sur ce point, comporte, on l'a mentionné, des souplesses telles que les comptes spéciaux du Trésor sont un vecteur privilégié des arbitrages relatifs à l'exécution du budget de l'Etat.
Citons le même rapport de la Cour des comptes que celui précédemment mentionné.
« Pour cette catégorie de comptes - les comptes d'affectation spéciale - la Cour observe que :
- des recettes disponibles n'ont pas été comptabilisées sur l'exercice ;
- des dépenses prévues pour l'année 2000 ont été anticipées et payées sur l'exercice 1999 ;
- les différents modes d'imputation des dépenses liées aux cessions de titres ne permettent pas de dégager une vision claire du coût de ces cessions ; »
« Dans cette catégorie de comptes -les comptes de prêts- la Cour observe que des dépenses ont été anticipées et que des recettes, qui auraient dû être perçues en 1999, le seront sur l'exercice suivant. »
De fait, les « arbitrages » réalisés par le gouvernement en 1999 ont porté sur un volume considérable de crédits (11,4 milliards de francs).
Récapitulatif des recettes reportées et
des dépenses anticipées
sur les comptes spéciaux du
Trésor
(en millions de francs)
Recettes reportées |
Dépenses anticipées |
|
Compte n° 902-10 |
||
6 e tirage pour anticiper les paiements de l'exercice 2000 |
1.250 |
|
Compte n° 902-26 |
||
- Subvention à RFF avant établissement et signature de convention |
649 |
|
Compte n° 902-24 |
||
- Trésorerie disponible EPRD |
450 |
- |
- RFF |
5.000 |
|
- EPFR |
1.500 |
|
- CGMF |
35 |
|
- CDF |
1.250 |
|
Sous-total |
450 |
7.785 |
Compte n° 903-07 |
||
- Remboursement AFD - Capital des prêts aux Etats étrangers |
132,8 |
|
- Reconstitution de provision de l'AFD |
250 |
|
Sous-total |
132,8 |
250 |
Compte n° 903-17 |
||
- Remboursements capital de prêts |
728,5 |
|
- Refinancement - accord du 4.01.2000 ordonnancé sur exercice 1999 |
183,5 |
|
Sous-total |
728,5 |
183,5 |
Compte n° 904-05 |
||
Versements anticipés à la DCN |
(1.000) |
|
Total |
1.311,3 |
10.117,5 |
* Il s'agit d'un versement à partir du budget général sur le compte n° 904-05 qui ne modifie pas le solde global d'exécution du budget de l'Etat. le montant n'est pas pris en compte dans le total de la colonne.
Source : Cour des comptes. Rapport sur l'exécution des lois de finances en 1999