C. LES PROBLÈMES LAISSÉS PENDANTS

Votre rapporteur spécial se voit contraint de renouveler cette année plusieurs remarques déjà formulées l'année dernière.

1. La question du personnel

La première remarque a trait aux mises à disposition. Le ministère de l'emploi et de la solidarité dispose encore de 630 mises à disposition.

Les mises à disposition

LFI 2000

PLF 2001

Evolution

Administration centrale

?

317

?

Hôpitaux

134

152

+ 18

Caisses

75

69

+ 6

Autres

?

96

?

Services déconcentrés

?

313

?

Hôpitaux

69

75

+ 6

Caisses

97

95

- 2

Autres

?

143

?

Total

?

630

?

La réglementation des mises à disposition est pourtant stricte. Celle des personnels des hôpitaux est régie par le statut général de la fonction publique hospitalière (art. 48 et 49 de la loi n° 86-33 du 09 janvier 1986) et le décret n° 2000-231 du 13 mars 2000. Le champ en est limité aux agents occupant des grades et emplois de direction dans les établissements publics de santé. Pour les personnels des caisses cette situation administrative n'est pas prévue spécifiquement : les conventions collectives applicables, d'une part aux cadres et employés, d'autre part aux agents de direction ne la mentionnent pas ; par contre la possibilité de " détachement " est prévue mais, selon le ministère 18 ( * ) , " ce terme largement entendu couvre des " mises à disposition " de fait " . Votre rapporteur spécial ne peut que rester coi devant un tel écart entre les faits et le droit.

Les observations faites depuis des années sur les pratiques et les modalités, de mise à disposition de personnels d'organismes extérieurs, ont conduit le ministère à instaurer un conventionnement systématique depuis avril 1999, et à mettre en oeuvre un dispositif pluriannuel de régularisation réglementaire, budgétaire et financier en définissant  : la création sur 5 ans des supports budgétaires nécessaires, pour les personnels, en commençant par les catégories C et B (20 emplois sont prévus à ce titre au budget 2001) et le remboursement aux organismes (le financement sur 3 ans des personnels de catégorie A, l'isolement sur un chapitre spécifique (chapitre 37-12) du financement des remboursements des personnels en situation de mise à disposition).

Votre rapporteur spécial ne peut bien sûr que se réjouir de voir amorcé le mouvement, appelé de ses voeux, de résorption de cette pratique qui revient à faire dépendre la direction des hôpitaux du personnel des hôpitaux, la direction de la sécurité sociale de celui des caisses de sécurité sociale, et l'encadrement du ministère de la santé et de la solidarité du budget de l'assurance maladie.

Cependant, il doit déplorer le maintien à un niveau élevé de personnels encore mis à disposition dans des conditions déontologiques, financières, voire réglementaires, douteuses. Il espère vivement que le mouvement entamé s'amplifiera l'année prochaine.

Effectifs des personnels mis à disposition des services du ministère (secteur solidarité) au 31 décembre 1999 par catégorie et origine

Hospitaliers

Caisses

Autres

Total général

A

B

C

Total

A

B

C

Total

A

B

C

Total

A

B

C

Total

BDC

3

4

1

1

1

1

5

1

6

Cab. Guigou

1

2

1

1

2

Cab. Perry

1

1

1

1

Cab. santé

7

5

13

2

2

9

5

1

15

Cab. ville

2

2

7

7

7

2

9

CEM

1

1

1

2

2

CILPI

1

1

DAEI

2

2

2

1

3

4

1

5

DAGPB

3

2

6

11

1

3

1

5

4

4

8

5

7

20

DAS/DIRMI

2

1

3

1

1

2

4

8

3

5

16

11

5

7

23

DGS

9

2

2

13

1

1

5

1

6

15

3

2

20

DH

56

13

25

94

1

3

3

59

13

25

95

DPM

1

1

1

2

2

DREES

2

2

2

3

5

4

3

7

DSS

2

2

2

1

3

28

12

17

57

DF

1

1

2

1

3

6

6

DREES

1

1

1

1

2

1

1

1

3

DIFH

1

1

2

2

1

3

DAR

8

3

14

25

8

3

14

25

HCMSS

1

1

1

HFO

1

1

1

1

GAS

1

1

2

2

2

1

3

MAN

1

1

1

1

SeCF

1

1

2

2

4

3

2

5

SICOM

1

1

1

1

Total services centraux

86

29

35

152

29

19

21

69

59

11

26

96

176

69

52

317

Total services déconcentrés

0

12

83

95

38

14

23

75

36

35

72

143

74

61

178

313

La deuxième remarque porte sur les autres emplois. Dans son rapport particulier sur la fonction publique d'Etat (décembre 1999), la Cour des comptes s'est penchée sur les services déconcentrés du ministère de la solidarité. Elle dénonce ainsi 19 ( * ) : " l'enquête de la Cour fait apparaître des carences dans la gestion des emplois budgétaire, une connaissance imprécise des effectifs réels, et de nombreuses infractions aux règles de gestion des personnels. " Sur le premier point, elle note 20 ( * ) " l'existence d'écarts entre le nombre et la qualification des emplois votés en loi de finances et le nombre et la qualification des agents qui les occupent. D'autres discordances existent au niveau déconcentré entre les emplois attribués aux services déconcentrés et les effectifs rémunérés. " A ce titre, elle dénonce notamment le gel d'emplois par souci de régulation budgétaire ou la rémunération par les services déconcentrés d'agents n'y exerçant pas 21 ( * ) . Ses observations sont aussi dures s'agissant des personnels relevant du ministère de la solidarité mis à disposition d'autres structures parfois en contradiction avec les dispositions réglementaires (centrales syndicales).

S'agissant encore des emplois, il peut paraître, enfin, toujours étonnant qu'au moment même où se développent, avec des moyens importants, des structures autonomes qui assument plusieurs fonctions essentielles du ministère, le budget de la santé et de la solidarité bénéficie de 216 emplois supplémentaires et 105 millions de francs de moyens de fonctionnement supplémentaires (après 100 créations d'emplois et 150 millions de francs de moyens de fonctionnement supplémentaires en 2000).

2. La globalisation des crédits

La pratique de la globalisation des crédits présente, pour les gestionnaires, un intérêt évident par des gains d'efficacité, plus de souplesse et de lisibilité. De ce point de vue, il s'agit véritablement d'un outil budgétaire d'avenir. Mais elle devrait s'accompagner d'indicateurs fiables mettant la représentation nationale en mesure d'évaluer précisément et facilement l'évolution des crédits. Le changement complet de la nomenclature du chapitre 34-98 " moyens de fonctionnement " rend ainsi impossible toute comparaison avec l'année écoulée, ce qui n'est pas satisfaisant.

Votre rapporteur spécial salue les efforts de rationalisation et de transparence de l'administration 22 ( * ) et son souci de se préparer aux réformes à venir de la procédure budgétaire. Il reste cependant étonné de voir que la dimension qualitative est absente des documents publiés, que la notion d'objectifs n'existe pas et que la représentation nationale ne dispose pas de répartition indicative précise de certains chapitres budgétaires globalisés conséquents.

De même, il a pu noter ici ou là des imprécisions, des " impasses ", des contradictions avec d'autres ministères qui ne devraient plus avoir leur place dans un projet de loi de finances.

3. Les dettes

Le budget de la santé et de la solidarité possède toujours des dettes importantes vis-à-vis de nombreux organismes. Même si elles tendent à se résorber, elles demeurent à un niveau trop élevé, mettant en cause la parole de l'Etat, faisant porter des charges de trésorerie indues à d'autres collectivités ou menaçant l'équilibre économique de certains acteurs privés.

C'est le cas des frais de justice. Il reste par exemple 73 millions de francs à payer au titre du contentieux des cotisations dues par l'Etat aux URSSAF, qui correspondent aux cotisations d'assurance maladie des bénéficiaires de l'AAH pour 1984 et 1985. De même, l'Etat doit plus de 150 millions de francs pour le contentieux de la sectorisation psychiatrique, correspondant à des sommes dues d'une part aux établissements de santé, pour des dépenses exposées par ces derniers, antérieurement au 31 décembre 1985, au titre de la sectorisation psychiatrique et, d'autre part, aux départements, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n 83-663 du 22 juillet 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, au titre des actions de dépistage et de prophylaxie des maladies mentales.

Les dettes au titre du RMI, de l'API et de l'AAH s'élevaient en 2000 à 1,2 milliard de francs, répartis à parts égales. Elles devraient être apurées par le second collectif budgétaire et le décret de virement de novembre. Il n'en reste pas moins que les caisses d'allocations familiales auront trop longtemps porté cette trésorerie pour le compte de l'Etat.

Au titre de l'aide sociale, l'Etat doit environ 800 millions de francs aux départements. Au titre de l'IVG, il doit près de 80 millions de francs à l'assurance maladie. Au titre du chapitre 66-11, les dettes dues au manque de crédits de paiement seraient de l'ordre de 150 millions de francs, qui pèsent sur les hôpitaux ayant fait une avance et sur les entrepreneurs ayant réalisé les travaux. Sur l'aide sociale, les dettes seraient d'environ 70 millions de francs. L'Etat doit également chaque année de l'argent à la Suisse au titre de la convention. Il est en situation débitrice au titre de la tutelle (environ 70 millions de francs). Enfin, les établissements de santé des territoires d'outre-mer, surtout à Mayotte, ont des dettes conséquentes vis-à-vis de petits fournisseurs locaux (votre rapporteur spécial pourrait citer cet exemple mignon du pompiste acceptant de se faire payer son essence par troc), ou d'autres administrations contre l'aéronavale et les établissements d'accueil pour les évacuations sanitaires.

Ces sommes sont donc d'une importance variable mais représentent à la fois un véritable boulet que traîne ce budget et le reflet d'une situation scandaleuse où l'Etat ne paie pas ses dettes. Il conviendrait de résorber rapidement ce fâcheux passif du ministère de la santé et de la solidarité, au besoin par une mesure ad hoc .

4. Les absences de ce budget

Par ailleurs, persistent quelques dépenses oubliées qui ne manqueront pas de se rappeler au bon souvenir des gestionnaires du ministère. Outre celles mentionnées ici ou là (annonces sur la CMU, moyens des services, frais de justice, etc), votre rapporteur spécial s'interroge sur l'absence dans le projet de loi de finances pour 2001 des 500 millions de francs promis par l'Etat pour la dotation 2001 du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante créé par l'article 42 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Comme l'an passé, l'Etat prend des engagements sans les inscrire financièrement, au risque soit de revenir sur sa parole, soit de fausser la sincérité de la loi de finances initiale.

Enfin, les dépenses d'investissement demeurent les sacrifiées des budgets successifs puisqu'elles ne représentent plus que 422,65 millions de francs contre 762 millions de francs en 2000.

* 18 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 19 Page 240.

* 20 Page 241.

* 21 Notamment : " près du tiers des mises à disposition est irrégulier. En 1996, 101 agents des services déconcentrés des affaires sociales appartenant majoritairement à la catégorie A (inspecteurs, médecins pharmaciens, ingénieurs d'études du génie sanitaire) étaient en fait employés à l'administration centrale. La procédure normale serait le transfert des emplois budgétaires correspondants sur le chapitre et l'article budgétaire appropriés de l'administration. " (page 250).

* 22 Notamment l'amélioration des documents budgétaires, " bleu " et " vert ", accompagnés d'indications quantitatives rompant avec la présentation absconse habituelle.

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