C. LES CRITIQUES DE LA BANQUE DE FRANCE
En juin 2000, lors de la transmission au Président du Sénat du rapport de la Banque de France portant sur la politique monétaire et ses perspectives, son gouverneur, M. Jean-Claude Trichet avait estimé que " si une politique monétaire saine est une condition nécessaire du succès économique, elle n'est pas une condition suffisante pour garantir à elle seule croissance et création d'emplois ".
Il précisait ainsi qu'il fallait " une politique budgétaire saine visant à la maîtrise de la dépense publique et à la réduction durable du déficit " et faisait deux observations : " Rappelons que le Conseil de la politique monétaire recommande, au titre d'une indispensable première étape, le passage aussi rapide que possible de nos dépenses publiques au-dessous du seuil de 50 % du PIB (52,4 % en 1999). Rappelons également que le Pacte de stabilité et de croissance recommande, dans la période présente, que les finances publiques soient " proches de l'équilibre ou en excédent ". Ce n'est pas encore le cas en France. Ce sera probablement le cas dans au moins quatre pays membres de la zone euro et, au total, dans au moins sept pays membres de l'Union européenne, à la fin de l'année 2000 ".
L'orientation des finances publiques jugée
pro-cyclique
La Banque de France (1) s'est livrée à une analyse approfondie de la politique des finances publiques suivie par la France, notamment dans le cadre du programme pluriannuel de finances publiques 2000-2003. Ses conclusions sont pour le moins critiques : elle estime que " la consolidation budgétaire marque le pas " et déplore " son insuffisante orientation contracyclique dans les périodes de forte croissance, ce qui nuit à la solidité de long terme de la situation budgétaire ". " Sur les vingt dernières années, il ressort de l'analyse des composantes du PIB qui sont déterminées par les finances publiques (consommation et investissement des administrations publiques) que l'orientation des finances publiques en France présente un caractère asymétrique : elle est plutôt contracyclique dans les périodes de croissance faible et parfois pro-cyclique dans les périodes où l'activité progresse à un rythme élevé. Un tel schéma, s'il devait être durablement maintenu, nuirait à l'équilibre de long terme des finances publiques, puisque les périodes de forte croissance ne seraient pas mises à profit pour restaurer de manière structurelle les comptes publics. Cette configuration des finances publiques pèserait également sur la capacité de la politique budgétaire à atténuer l'impact des retournements conjoncturels sur le niveau d'activité et d'emploi. Or, le bon fonctionnement du Pacte de stabilité et de croissance implique une orientation clairement contracyclique des politiques budgétaires nationales, dans la mesure où il leur revient d'accommoder les éventuels chocs asymétriques, tout en respectant l'objectif d'équilibre de la situation budgétaire sur l'ensemble du cycle. Pourtant, la politique budgétaire française semble actuellement pouvoir être davantage qualifiée de pro-cyclique, avec une réduction substantielle de la pression fiscale intervenant dans un contexte de hausse déjà conséquente du revenu des ménages. Dans la plupart des cas, ce relâchement devrait prendre la forme d'une réduction substantielle de la pression fiscale, qui ne sera pas compensée par une baisse structurelle des dépenses publiques, mais proviendrait d'une utilisation du surcroît de recettes engendré par une croissance souvent plus forte que prévue. Dans le cas de la France, cette orientation apparaîtrait clairement dès cette année, puisque les ressources nées de l'amélioration des recettes fiscales sont essentiellement affectées à des réductions d'impôt, qui vont intervenir, alors même que le revenu des ménages, sous l'effet de l'amélioration marquée de la situation de l'emploi, progresse déjà spontanément de manière substantielle. Il s'agit donc là d'une orientation clairement pro-cyclique des finances publiques ". (1) In Bulletin de la Banque de France n° 80 - août 2000, pages 65 à 81. |